Perception par les médecins internistes de la fréquence et de la

Transcription

Perception par les médecins internistes de la fréquence et de la
La Revue de médecine interne 30 (2009) 113–118
Article original
Perception par les médecins internistes de la fréquence et de la gêne induite
par les effets indésirables d’une corticothérapie systémique prolongée
Internal medicine physicians’ perception of frequency and impact of
corticosteroid-induced adverse events
L. Fardet a,b,∗ , T. Blanchon b , A. Perdoncini-Roux a , A. Kettaneh a , K. Tiev a ,
C. Turbelin b , Y. Dorleans b , J. Cabane a , T. Hanslik b,c
a
Service de médecine interne, hôpital Saint-Antoine, AP–HP, 184, rue du Faubourgh-Saint-Antoine, 75012 Paris, France
b Inserm, UMR S 707, université Pierre-et-Marie-Curie Paris-VI, 75012 Paris, France
c Service de médecine interne, hôpital Ambroise-Paré, AP–HP, France
Disponible sur Internet le 25 septembre 2008
Résumé
Introduction. – Les internistes sont fréquemment prescripteurs de corticothérapies systémiques prolongées, mais on ne sait pas si la perception
qu’ils ont de la fréquence et de la gêne induite par les effets indésirables de ces traitements est correcte.
Méthodes. – L’enquête a été menée à l’aide d’un questionnaire électronique composé de questions à choix simple ou à choix multiples et adressé
par courriel aux 813 médecins internistes, membres de la Société nationale française de médecine interne, disposant d’une adresse électronique.
Dans ce questionnaire, il était demandé aux praticiens d’estimer la fréquence et la gêne induite par les effets indésirables d’une corticothérapie
systémique prolongée (c’est-à-dire, prescrite durant au moins trois mois). À titre indicatif, les résultats obtenus étaient comparés aux données
fournies par des patients traités au long cours par corticoïdes, vus en consultation d’un service de médecine interne et qui rapportaient leur vécu
du traitement en termes de fréquence des effets indésirables et de gêne induite.
Résultats. – Quarante et un pour cent des internistes ont répondu au questionnaire. Il s’agissait essentiellement d’hommes (71 %) travaillant
en centre hospitalo-universitaire (53 %). Chez les 115 patients dont les réponses étaient analysables, la durée moyenne de corticothérapie était de
44 ± 38 mois, prescrite à la posologie moyenne de 15 ± 14 mg par jour, le plus souvent pour un lupus (33 %) ou une maladie de Horton (15 %). La
lipodystrophie, les troubles trophiques cutanés, les troubles neuropsychiatriques et l’insomnie étaient rapportés par plus de la moitié des patients. La
fréquence estimée par les praticiens des manifestations neuropsychiatriques, des troubles cutanés et de la lipodystrophie était nettement inférieure
à la fréquence rapportée par les patients. Si les modifications morphologiques (prise de poids et lipodystrophie) étaient citées par les praticiens
comme les effets indésirables les plus gênants, en accord avec l’avis des patients, les médecins sous-estimaient la gêne induite par les troubles
neuropsychiatriques et l’insomnie.
Conclusion. – La fréquence et la gêne induite par les troubles neuropsychiatriques cortico-induits semblent sous-estimées par les médecins
internistes.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Introduction. – Whereas internal medicine physicians frequently prescribe systemic corticosteroids, it is unknown if they assess adequately the
frequency and the discomfort caused by corticosteroid-induced adverse events.
Methods. – Using an e-mail questionnaire sent to the 813 internal medicine physicians, members of the French National Society of Internal
Medicine, we assessed their perception of the frequency and the discomfort induced by the adverse events of long-term (that is, over or at three
months) corticosteroid therapy. At the same time, 121 corticosteroid-treated patients, consulting in a department of internal medicine completed
an anonymous questionnaire about the frequency and the discomfort caused by the adverse events of their therapy.
Results. – Three hundred and thirty-six out of 813 internal medicine physicians answered to the questionnaire (response rate: 41%) and 115 of
the 121 questionnaires distributed to patients were exploitable. The physicians were predominantly male (71%) working mainly in tertiary centers
(53%). The mean length of corticosteroids therapy for patients was 44 ± 38 months and the mean daily dosage was 15 ± 14 mg. Lipodystrophy,
∗
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (L. Fardet).
0248-8663/$ – see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.revmed.2008.08.004
114
L. Fardet et al. / La Revue de médecine interne 30 (2009) 113–118
trophic skin disorders, neuropsychiatric disorders and insomnia were frequent and reported by more than half of patients. The frequency of
neuropsychiatric and skin disorders and of lipodystrophy estimated by practitioners was markedly lower than the frequency reported by patients.
If morphological changes (weight-gain and lipodystrophy) were cited by practitioners as the most discomforting adverse event, in agreement with
patients’ opinion, physicians underestimated the discomfort caused by neuropsychiatric disorders and insomnia.
Conclusion. – Frequency and discomfort caused by corticosteroid-induced neuropsychiatric disorders are underestimated by internal medicine
physicians.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Effets indésirables ; Corticoïdes ; Corticothérapie
Keywords: Adverse events; Corticosteroids
Les corticoïdes sont largement utilisés par les médecins,
qu’ils soient spécialistes d’organes ou généralistes. On estime
que 0,2 à 0,5 % de la population générale reçoit une corticothérapie systémique prolongée, c’est-à-dire, prescrite pour au moins
trois mois [1,2]. Dans le cadre de ces corticothérapies systémiques prolongées, l’effet positif du traitement, incontestable,
est obtenu au prix d’effets indésirables cliniques et biologiques.
Ceux-ci sont fréquents et peuvent grever le pronostic vital ou
fonctionnel des patients [3–5]. Ces effets indésirables sont bien
connus des patients [6] qui jugent les corticoïdes plus dangereux
que les antivitamine K ou les AINS [7]. Malgré cela, la littérature médicale traitant spécifiquement des effets indésirables de
la corticothérapie systémique est étonnamment pauvre. Ainsi, la
fréquence et les facteurs de risque de la plupart de ces effets indésirables n’ont que rarement été étudiés. Par ailleurs, on ne sait
pas si la prise en compte par les praticiens de la gêne induite par
ces effets indésirables est suffisante et adaptée à ce que ressentent
les patients.
Dans ce contexte, nous avons réalisé une enquête auprès des
médecins internistes membres de la Société nationale française
de médecine interne (SNFMI) sur la perception qu’ils ont de la
fréquence et de la gêne induite par les effets indésirables d’une
corticothérapie systémique prolongée. Par ailleurs, à titre indicatif et afin de mettre en balance la perception des praticiens et le
ressenti des patients, nous avons interrogé des patients traités au
long cours par corticoïdes sur leur vécu des effets indésirables
du traitement.
vus en consultation au cours du mois écoulé, nombre de corticothérapies systémiques prolongées débutées au cours du mois
écoulé, motif(s) de prescriptions. La troisième partie concernait
l’estimation de l’incidence des effets indésirables de ces corticothérapies prolongées et leur impact en terme de gêne pour les
patients. Les questionnaires remplis et soumis étaient analysés
par le logiciel phpESP au sein de l’unité UMR-S 707.
1.2. Questionnaire remplis par les patients
Entre le 15 avril et le 15 octobre 2007, nous avons remis un
questionnaire aux patients vus en consultation dans le service
de médecine interne de l’hôpital Saint-Antoine et qui recevaient
une corticothérapie prolongée. Ce questionnaire était rempli de
façon anonyme et les patients étaient informés que leur praticien
n’aurait pas accès aux réponses de façon nominative. Des questions sur la maladie traitée, la posologie actuelle de corticoïde,
la durée de traitement, ainsi que la posologie maximale reçue
étaient posées en début de questionnaire. Dans la deuxième partie du questionnaire, il était demandé au patient de cocher, sur
une liste préétablie, les différents effets indésirables qu’il pensait avoir été induit par le traitement. Enfin, il était demandé au
patient de renseigner l’effet indésirable qu’il considérait comme
le plus gênant dans la vie quotidienne.
1.3. Analyse statistique
1. Méthodes
Les données sont présentées dans ce travail sous forme de
leur moyenne ± écart-type.
1.1. Questionnaire adressé aux médecins
2. Résultats
Un questionnaire électronique a été soumis aux 813 membres
de la SNFMI qui disposaient d’une adresse de messagerie électronique valide. L’enquête a été menée au mois de septembre
2007, une relance a été effectuée 15 jours plus tard. Le questionnaire a été réalisé avec le logiciel phpESP hébergé par l’unité
707 de l’Inserm. Les différents items étaient posés sous forme
de questions à choix simple ou à choix multiples. La première
partie du questionnaire concernait l’identification des praticiens
ainsi que leur activité en terme de nombres de patients pris en
charge et vus récemment en consultation. La deuxième partie concernait la prescription de corticothérapies systémiques
prolongées : nombre de patients adultes recevant une corticothérapie systémique prolongée (plus de ou égal à trois mois)
Parmi les 813 médecins internistes sollicités, 336 ont
complété et retourné le questionnaire, soit un taux de réponse
de 41,3 %. Les principales caractéristiques démographiques des
praticiens participant sont rapportées dans le Tableau 1. Ces
praticiens étaient principalement des hommes et exerçaient principalement en CHU en tant que praticiens hospitaliers.
Durant les six mois d’étude, 121 questionnaires ont été remplis par les patients parmi lesquels 115 étaient exploitables.
Les caractéristiques de ces 115 patients sont résumées dans le
Tableau 2. Les troubles neuropsychiatriques (anxiété, irritabilité,
hyperactivité, dépression), l’insomnie, les troubles trophiques
cutanés et la lipodystrophie étaient les effets indésirables les
plus fréquemment rapportés par les patients (Tableau 2).
L. Fardet et al. / La Revue de médecine interne 30 (2009) 113–118
Tableau 1
Caractéristiques des 336 internistes ayant participé à l’enquête (%)
Hommes
70,7
115
Tableau 2
Caractéristiques des 115 patients et fréquence rapportée des différents effets
indésirables
Femmes (%)
81,7
Âge moyen (ans)
51 ± 18
Corticoïde reçu (%)
Prednisone
Prednisolone
94,8
5,2
52,9
36,9
4,9
5,3
Durée moyenne de la corticothérapie (mois)
Posologie actuelle moyenne du corticoïde (mg/j)
Posologie maximale reçue du corticoïde (mg/j)
44 ± 38
15 ± 14
54 ± 43
Fonction
CCA
Attaché(e)/vacataire
PH
PHU/MCU–PH
PU–PH
9,6
3,1
63,0
5,1
19,2
Nombre total de patients hospitalisés en charge
Moins de 10
10 à 20
20 à 30
Plus de 30
Pathologie sous-jacente (%)
Lupus systémique
Maladie de Horton
Myosite inflammatoire
Sclérodermie
Polyarthrite rhumatoïde
Périartérite noueuse
Autre
33,0
14,8
10,4
8,7
8,7
5,2
19,2
7,6
41,8
33,9
16,7
Fréquence rapportée des effets indésirables (%)
Hypertension artérielle
Œdème des membres inférieurs
Ostéonécrose aseptique
Épigastralgies
Diabète
Hyperphagie
Tremblements
Myopathie/crampes
Modification du cycle menstruel
Troubles trophiques cutanés
Insomnie
Troubles neuropsychiatriques
Prise de poids > 3 kg
Lipodystrophie
13
13
2
14
6
44
24
39
29
59
59
61
33
53
Durée d’exercice
Moins de 10 ans
10 à 20 ans
Plus de 20 ans
26,1
36,1
37,8
Lieu principal d’exercice
CHU
CHG
Clinique
Cabinet libéral
Nombre total de patients vus en consultation par semaine
Moins de 10
15,9
10 à 20
41,2
20 à 30
26,0
Plus de 30
16,9
Patients vus au cours du dernier mois et recevant une corticothérapie
systémique prolongée
0à2
14,5
3à5
26,9
6 à 10
23,0
Plus de 10
35,6
Nombre de patients vus au cours du dernier mois et débutant une
corticothérapie systémique prolongée
0à2
46,3
3à5
38,2
6 à 10
14,2
Plus de 10
1,3
Principal motif d’initiation de la corticothérapie
Vascularite
Connectivite
Pathologie rhumatismale inflammatoire
Pathologie cancéreuse
Pathologie respiratoire
Sarcoïdose
Pathologie digestive inflammatoire
Pathologie rhumatismale non inflammatoire
Autre
42,9
24,4
10,7
10,4
3,0
2,9
1,3
0,3
4,1
La Fig. 1 décrit la fréquence estimée par les praticiens des
différents effets indésirables cortico-induits. La fréquence estimée par les praticiens des manifestations neuropsychiatriques,
des tremblements, des manifestations musculaires, des troubles
cutanés et de la lipodystrophie était nettement inférieure à la
fréquence rapportée par les patients.
Parmi les 115 patients interrogés, 81 identifiaient l’effet indésirable qui les avait le plus gêné ou qui les gênait le plus dans leur
vie quotidienne. Il s’agissait le plus souvent de la lipodystrophie,
suivie par la prise de poids, les troubles neuropsychiatriques,
l’insomnie et les tremblements (Tableau 3). La gêne induite par
les troubles neuropsychiatriques et l’insomnie semblait largement sous-estimée par les praticiens. En revanche, ces derniers
Tableau 3
Effet indésirable de la corticothérapie considéré comme le plus gênant : perception des praticiens et vécu des patients
Perception des praticiens
(n = 330) (%)
Prise de poids ≥ 3 kg
Lipodystrophie
Troubles trophiques cutanés
Myopathie/crampes
Diabète
Troubles neuropsychiatriques
Insomnie
Ostéonécrose aseptique
Œdèmes des membres
inférieurs
Épigastralgie
HTA
Hyperphagie
Tremblements
Modification du cycle
menstruel
Total
Vécu des patients
(n = 81) (%)
45
29
8
5
5
5
1
1
1
18
25
5
8
4
16
9
3
0
0
0
0
0
0
4
1
0
6
0
100
100
116
L. Fardet et al. / La Revue de médecine interne 30 (2009) 113–118
Fig. 1. Fréquence des différents effets indésirables estimée par les médecins (la flèche correspond à la fréquence rapportée par les patients et décrite dans le Tableau 2).
estimaient la lipodystrophie et la prise de poids comme les deux
effets indésirables les plus gênants, en accord avec les patients.
3. Discussion
Cette étude réalisée grâce au concours de 336 médecins internistes français membres de la SNFMI nous a permis de montrer
que si la fréquence estimée par les praticiens de l’hypertension
artérielle, des oedèmes des membres inférieurs, des épigastralgies et de l’ostéonécrose aseptique était en accord avec celle
rapportée par les patients, la fréquence de l’atteinte musculaire, des tremblements, des modifications morphologiques et
surtout des troubles neuropsychiatriques et de l’insomnie était
sous-estimée par les médecins. Par ailleurs, les manifestations
neuropsychiatriques étaient citées comme « effet indésirable le
plus gênant » par 16 % des patients mais par seulement 5 % des
praticiens.
La fréquence de la plupart des effets indésirables attribués à
une corticothérapie systémique prolongée a rarement été évaluée
de façon systématique. Dans un précédent travail, nous avons
L. Fardet et al. / La Revue de médecine interne 30 (2009) 113–118
évalué prospectivement cette fréquence après trois mois d’une
corticothérapie systémique prescrite initialement à fortes doses
(≥ 0,5 mg/kg) [8]. Au moins un effet indésirable était observé
chez 57 des 80 patients inclus dans cette étude (71 %). Parmi
ces 57 patients, 53 se disaient gênés ou très gênés dans leur vie
quotidienne par ces effets indésirables. Des troubles neuropsychiatriques étaient rapportés par 52 % des patients et étaient cités
comme le deuxième effet indésirable le plus gênant dans la vie
quotidienne, derrière les modifications morphologiques (lipodystrophie et prise de poids) [8]. Nous constatons donc que les
résultats obtenus grâce à l’étude actuelle, transversale, sont relativement comparables à ceux obtenus lors de l’étude prospective
précédente.
Notre travail montre une discordance importante entre
l’opinion des médecins et le vécu des patients concernant les
troubles neuropsychiatriques et l’insomnie. Puisque, concernant
la fréquence de ces effets indésirables, les données obtenues
auprès des 115 patients qui ont répondu à notre questionnaire
sont relativement superposables à celles disponibles dans la littérature [9–13], nous pensons que ces troubles de l’humeur doivent
être mieux pris en compte par les praticiens afin d’améliorer
la prise en charge des patients recevant une corticothérapie systémique prolongée. S’il n’existe, à notre connaissance,
aucune mesure adjuvante permettant de prévenir l’apparition de
ces manifestations neuropsychiatriques, les patients doivent au
moins pouvoir bénéficier d’une information détaillée concernant ces effets indésirables. Par ailleurs, les patients doivent être
régulièrement évalués au cours du traitement afin de pouvoir
éventuellement bénéficier d’une prise en charge adaptée.
Notre travail présente plusieurs limites. Premièrement,
concernant les praticiens il est possible que les 477 médecins
internistes qui n’ont pas répondu à notre questionnaire aient des
pratiques médicales très différentes des 336 qui l’ont fait. On
peut ainsi penser que ces praticiens n’ont pas souhaité répondre
au questionnaire car ils ne prescrivaient pas de corticothérapie
prolongée. Nous avons mené une enquête brève auprès des nonrépondeurs mais seules dix réponses ont été obtenues, ce qui
est largement insuffisant pour tirer des conclusions pertinentes.
Puisqu’il est probable que l’impression des praticiens concernant les effets indésirables d’une corticothérapie dépend de leur
expérience, nos résultats pourraient avoir été biaisés par un taux
de non-réponse élevé. Cependant, il faut noter que l’étendue des
niveaux d’expérience des médecins ayant répondu à ce questionnaire est large tant en terme de durée d’exercice que de
nombre de patients suivis recevant une corticothérapie systémique prolongée. En ce sens, nous pensons que nos résultats
reflètent la perception (ou l’opinion) générale des internistes
français. Deuxièmement, il faut souligner que le questionnaire
soumis aux patients n’a permis de colliger que des informations
déclaratives. A aucun moment, la présence ou l’absence des
effets indésirables n’a été confirmée par un médecin. Puisque
l’on sait que les effets indésirables des corticothérapies systémiques sont bien connus des patients, qu’ils soient ou non
traités par corticoïdes [6], la fréquence de certains effets indésirables a ainsi pu être surestimée. Il est par exemple envisageable
que, pour des effets indésirables bien connus des patients tels
que la prise de poids ou la lipodystrophie [6], la fréquence
117
rapportée soit supérieure à la fréquence réelle. Cependant, les
résultats que nous obtenons ici en interrogeant les patients à
l’aide d’un questionnaire sont peu différents de ceux que nous
avons obtenus à l’aide d’un examen médical systématique réalisé après trois mois de traitement [8]. Troisièmement, seuls
les patients d’un centre ont été interrogés et ces patients ne
sont peut-être pas représentatifs de tous les patients traités par
corticoïdes en termes d’âge, d’ethnie ou de pathologie. Cependant, on observe qu’en ce qui concerne les diagnostics portés
par les médecins (diabète, hypertension artérielle. . .), les fréquences estimées par les praticiens français et celles rapportées
par les patients du centre concordent. On peut donc penser que
la majorité des patients recevant une corticothérapie systémique
prolongée en France sont peu différents des patients inclus dans
cette étude.
Quoiqu’il en soit et malgré ces limites méthodologiques,
cette étude a montré que la fréquence et la gêne induite par
certains des principaux effets indésirables d’une corticothérapie
systémique semblaient sous-estimées par les praticiens. Puisque
l’on sait que la crainte des effets indésirables est la raison la
plus fréquemment citée par les patients qui se disent réticents
à recevoir une corticothérapie [6] et que la présence d’effets
indésirables altère l’observance thérapeutique au cours de la
plupart des thérapies prolongées (traitement anti-hypertenseur,
traitement antirétroviral, traitement psychotrope. . .) [14–23],
il est possible que la gêne induite par les effets indésirables
du traitement altère la compliance à la corticothérapie. La
sous-estimation de cette gêne par les praticiens fait qu’ils
n’appréhendent peut-être pas de manière adéquate les raisons de
l’inobservance.
Références
[1] van Staa TP, Leufkens HG, Abenhaim L, Begaud B, Zhang B, Cooper
C. Use of oral corticosteroids in the United Kingdom. QJM 2000;93:
105–11.
[2] Walsh LJ, Wong CA, Pringle M, Tattersfield AE. Use of oral corticosteroids
in the community and the prevention of secondary osteoporosis: a cross
sectional study. BMJ 1996;313:344–6.
[3] Fardet L, Kassar A, Cabane J, Flahault A. Corticosteroid-induced
adverse events in adults: frequency, screening and prevention. Drug Saf
2007;30:861–81.
[4] Covar RA, Leung DY, McCormick D, Steelman J, Zeitler P, Spahn JD. Risk
factors associated with glucocorticoid-induced adverse effects in children
with severe asthma. J Allergy Clin Immunol 2000;106:651–9.
[5] Gabriel SE, Sunku J, Salvarani C, O’Fallon WM, Hunder GG. Adverse
outcomes of antiinflammatory therapy among patients with polymyalgia
rheumatica. Arthritis Rheum 1997;40:1873–8.
[6] Morrison E, Crosbie D, Capell HA. Attitude of rheumatoid arthritis
patients to treatment with oral corticosteroids. Rheumatology (Oxford)
2003;42:1247–50.
[7] Cullen G, Kelly E, Murray FE. Patients’ knowledge of adverse reactions
to current medications. Br J Clin Pharmacol 2006;62:232–6.
[8] Fardet L, Flahault A, Kettaneh A, Tiev KP, Généreau T, Tolédano C, et al.
Corticosteroid-induced clinical adverse events: frequency, risk factors and
patient’s opinion. Br J Dermatol 2007;157:142–8.
[9] Boston Collaborative Drug Study. Acute adverse reactions to prednisone
in relation to dosage. Clin Pharmacol Ther 1972;13:694–8.
[10] Bolanos SH, Khan DA, Hanczyc M, Bauer MS, Dhanani N, Brown ES.
Assessment of mood states in patients receiving long-term corticosteroid
therapy and in controls with patient-rated and clinician-rated scales. Ann
Allergy Asthma Immunol 2004;92:500–5.
118
L. Fardet et al. / La Revue de médecine interne 30 (2009) 113–118
[11] Brown ES, Khan DA, Nejtek VA. The psychiatric side effects of corticosteroids. Ann Allergy Asthma Immunol 1999;83(6 Pt 1):495–503.
[12] Klein JF. Adverse psychiatric effects of systemic glucocorticoid therapy.
Am Fam Physician 1992;46:1469–74.
[13] Kayani S, Shannon DC. Adverse behavioral effects of treatment for acute
exacerbation of asthma in children: a comparison of two doses of oral
steroids. Chest 2002;122:624–8.
[14] Lambert M, Conus P, Eide P, Mass R, Karow A, Moritz S, et al.
Impact of present and past antipsychotic side effects on attitude toward
typical antipsychotic treatment and adherence. Eur Psychiatry 2004;19:
415–22.
[15] George J, Munro K, McCaig DJ, Stewart DC. Prescription medications:
beliefs, experiences, behavior, and adherence of sheltered housing residents. Ann Pharmacother 2006;40:2123–9.
[16] Sodergard B, Halvarsson M, Tully MP, Mindouri S, Nordstrom ML, Lindback S, et al. Adherence to treatment in Swedish HIV-infected patients. J
Clin Pharm Ther 2006;31:605–16.
[17] Barr RG, Somers SC, Speizer FE, Camargo Jr CA, National Asthma Education and Prevention Program (NAEPP). Patient factors and medication
guideline adherence among older women with asthma. Arch Intern Med
2002;12-26(162):1761–8.
[18] Shea S, Misra D, Ehrlich MH, Field L, Francis CK. Correlates of nonadherence to hypertension treatment in an inner-city minority population. Am
J Public Health 1992;82:1607–12.
[19] Lowry KP, Dudley TK, Oddone EZ, Bosworth HB. Intentional and unintentional nonadherence to antihypertensive medication. Ann Pharmacother
2005;39(7-8):1198–203.
[20] Nelson MR, Reid CM, Ryan P, Willson K, Yelland L. Self-reported
adherence with medication and cardiovascular disease outcomes in the
Second Australian National Blood Pressure Study (ANBP2). Med J Aust
2006;185:487–9.
[21] Heath KV, Singer J, O’Shaughnessy MV, Montaner JS, Hogg RS. Intentional nonadherence due to adverse symptoms associated with antiretroviral
therapy. J Acquir Immune Defic Syndr 2002;31:211–7.
[22] Turbi C, Herrero-Beaumont G, Acebes JC, Torrijos A, Grana J, Miguelez
R, et al. Compliance and satisfaction with raloxifene versus alendronate
for the treatment of postmenopausal osteoporosis in clinical practice: an
open-label, prospective, nonrandomized, observational study. Clin Ther
2004;26:245–56.
[23] Sullivan PS, Campsmith ML, Nakamura GV, Begley EB, Schulden J, Nakashima AK. Patient and regimen characteristics associated with self-reported
nonadherence to antiretroviral therapy. PLoS ONE 2007;2:e552.