On disait que les dimanches travaillaient Le rien en nous Tout ce

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On disait que les dimanches travaillaient Le rien en nous Tout ce
On disait que les dimanches travaillaient Le rien en nous Tout ce blanc souillé par le restant des jours La gifle répétée du temps sur papier sensible Ne t’ouvre pas la poitrine On disait que les abeilles étaient sœurs De l’ennui Elles qui recrachaient les fleurs Sur la tête des absents On disait qu’on vivrait jusqu’après de très hauts remparts Jusqu’à l’arborescence des pierres sur la montagne Notre jeunesse en vie sous son aile de soie On disait le désir est plus grand que toutes les images Plus grand que les flambeaux noirs Plus grand que le dragon On avait l’âge des croyants On disait s’il fallait mourir On voulait que ce soit dans la neige pas seulement Pas seulement pour y rester congelés Embaumés pour les générations futures Pas seulement pour s’y sentir momies au frais des caprices climatiques Pas seulement y sentir nos os craquer comme biscottes contre rochers Mais pour peindre notre sang coquelicot sur la plénitude des montagnes Pour redessiner le paysage aux arêtes chocolat sucre glace Pour laisser notre empreinte Que le glacier nous avale Comme on gobe les chouquettes au café Que la montagne entière nous recycle et nous digère Et que nous soyons fouettés fouettés au monde Comme la crème des alpages Et que la peinture soit belle On disait repentance Merveille encore Soupir encore Et puis soulèvement des organes On disait chantier permanent des cœurs au monde Fouettés Avalés Gobés Glacés On disait attente attente encore folle d’oubli fou d’attendre encore Quelque chose Autre chose Un dimanche Qui travaillait en nous L’être ensemble au nom d’être ensemble Et même si seul à plusieurs Ensemble malgré tout Dans l’attente attente encore folle d’oubli fou d’être ensemble Encore Arêches, 6 décembre 2015 Tu seras ouvert plus que de raison Pour l’exemple Tu orneras ton cou d’une parure de joie Tu seras fier d’avoir porté aux nues des apatrides Des laissés pour compte Ombres dans le dédale des frontières Marcheurs incalculables Fuyant l’œil fixe du drone sous le nuage Et les serpentins de fumée Un jour, il n’y aura plus la guerre Nulle part L’éclat des rires couvrira les éclats de bombes C’est ce que m’a dit ma fille l’autre jour Tandis que je lavais ses pieds avec un savon neuf Je veux la croire Jusqu’au souterrains les plus profonds de la foi Dans les marécages noirs d’espérance Il n’y aura plus Il n’y aura plus qu’un nous de lin froissé sous le soleil Un nous d’été Un nous d’espace Sans suivre les contours de la peur, tu ouvriras ta porte à des inconnus Tu poursuivras l’œuvre de chair En nommant famille Le roi des pauvres Le prince des fragiles L’étranger qui peine, celui qui te défie Tu nommeras ton siècle courageux Monture noble dont aucune gloire n’étanchera la soif Tu ouvriras la cage thoracique de tous les dieux du monde Tu hanteras les labyrinthes de l’amour Un jour oui tu feras ça En attendant tu es là et tu crois que c’est une saloperie de rêve éveillé pas très net Celui avec ton corps prisonnier d’une force celui avec ton corps prisonnier Celui avec des cris coincés dans la gorge Tu veux te réveiller tu luttes tu sais que tu es vivant et pourtant Ça ne bouge pas Tu es comme si deux chevaux s’étaient écrasés sur tes jambes ivres de vitesse ivres de vodka tu es comme si le yeti s’était endormi sur ton ventre tu es lourd tu veux rire et tu veux crier mais ton sommeil te rend muet Tu crois que c’est une saloperie de rêve et pourtant tu marches dans la rue Tes pas te portent encore alors que tu es immobile Et tu parles à des inconnus qui n’ont plus de bouches et tu répètes toujours les mêmes mots comme les hurluberlus du métro et tu crois que tu es devenu un autre mais non c’est bien toi qui danses maintenant sur la place tout seul et bientôt un autre passant qui se met à danser avec toi et bientôt encore alors c’est la pluie avec des arabesques de pas Tu feras virer les liens à l’obsession Ce qui te lie à toi-­‐même Ce qui te lie aux autres Ce qui te lie sans peur aux autres sans peur Guirlande humaine Et assoiffée d’elle-­‐même Sous la tige de rosier L’odeur du sommeil s’évanouira Les remèdes pousseront sans épine On entendra le plus beau cri du monde On couvrira d’un châle les espoirs de clarté soluble Dans le sang Je vous aime Tu diras A ta fille Je vous aime Afin qu’elle entende qu’elle contient le monde entier La Bâthie, 9 décembre 2015 Passe à travers tes jours Les bras désespérément noués Donne jusqu’à l’épouvante du don Répands-­‐toi comme la lumière fragile Au plus bas de l’hiver Il passera le temps du mauvais temps Des autels flapis Aux divinités de plâtre Il passera le temps du mauvais temps Creuse le vent Par amour Forme un ange de bourrasque Remercie les chiens qui pissent sur tes grolles Pour te prouver que tu es vivant Et prêt à gueuler fort N’aie pas peur d’aboyer contre la peur au ventre mou Que ta volonté soit faite Pour être volonté Plus grande Sois coriace dans l’action Qui consiste à porter aux nues Ton prochain Ne meurs que pour renaître à un autre moi Un moi d’utopie natale Peins la joie du monde à soulever tes langes de vieil enfant Au couteau sur la toile grave ta magie noire et bleue De roi nouveau Dis l’amour, déclare-­‐le, ne le laisse pas se confondre avec les silences entendus Prends comme peccadilles les coups de la mort dans ton flanc Le bec de l’aigle à ta lèvre Sois céleste au nom des terriens Sois céleste Sois céleste aussi parce qu’ Il n’y a plus beaucoup d’autres choix maintenant que la Terre est devenue presque inhabitable Tu ne crois pas ? Essaie je ne sais pas trouve une géométrie qui te convienne dans l’agencement des astres Glisses-­‐y ta maison Fabrique un parallélépipède confortable relie les étoiles, dessine ton foyer, la table de nuit, le poêle et la grande porte vitrée, vue sur voir lactée Sois céleste franchement qu’est-­‐ce que t’as à perdre Ça veut pas dire partir, décamper, prendre la fuite, ça veut pas dire enfiler ton casque d’astronaute et nous planter là non Ça veut dire s’il te plaît Invente autre chose Démerde-­‐toi mais trouve La dimension cachée Celle qu’on pense merveilleuse ou morte Disparue depuis la nuit des autres L’Atlantide des êtres Le monde parallèle quantique où vivraient d’autres humains, d’autres bêtes ensemble et sans complications Des loups mariés à des grand-­‐mères, des fillettes hébergeant des familles de mygales, Des ornithorynques amoureux de Rossini des ginko biloba qui parleraient espagnol S’il te plaît J’ai terriblement terriblement besoin Que tu inventes Que tu nous réinventes Pralognan-­‐la-­‐Vanoise, 12 décembre 2015