Exemple de copie d`un candidat de la session 2012 Afin d`éclairer et

Transcription

Exemple de copie d`un candidat de la session 2012 Afin d`éclairer et
Banque Agro-Veto - Session 2012
Rapport sur les concours A - filière BCPST
Exemple de copie d’un candidat de la session 2012
Afin d’éclairer et de compléter le rapport sur la session 2012 de l’épreuve de composition française,
nous proposons ci-dessous, recopiée telle quelle une copie qui a obtenu la note 12.
Le but que nous nous proposons en publiant ainsi une copie n’est en aucun cas de proposer un modèle
à suivre ou un idéal dont il faudrait se rapprocher, mais plutôt de mettre en avant un exemple parmi
d’autres de devoir honnête, ni excellent ni mauvais, afin d’encourager les candidats dans leur
préparation, et de leur montrer, en un mot, que le travail paye.
Cette copie comporte bien entendu des défauts et des qualités que nous choisissons de ne pas énumérer,
mais son intérêt principal en tant qu’exemple est qu’elle témoigne d’une bonne connaissance des
œuvres, et qu’elle s’attache avec sérieux à cerner le sujet, c'est-à-dire qu’elle réunit les deux conditions
qui donnent à un candidat les moyens de réussir son épreuve de français.
Dans son roman Les Liaisons dangereuses, Laclos déchaîne les passions de ses personnages qui,
dans leur quête d’amour, finissent par s’anéantir aux prix de grandes injustices. La passion de l’amour est
alors un danger puisque source d’injustices. Proudhon rejoint cette thèse en expliquant que « amour, c’est
égoïsme » et que la justice n’existe que par l’unique « passion d’indifférence » puisque « la justice est
l’indifférence ». Cette capacité est mise en valeur avec le mot « zèle » qui suggère une certaine audace et
une particularité propre de la justice à se démarquer ainsi. Elle suscite alors « passion », ce qui sousentend force et démesure. Mais Proudhon semble être contradictoire car il associe «passion » avec
« indifférence » qui suggère une certaine neutralité et une retenue. De plus, l’amour dont il parle est
« égoïste » ce qui nous fait penser alors à un amour de soi-même et non envers autrui.
La passion généralement associée à l’amour est ici liée à ce qui semblerait donc être son contraire
pour décrire la justice. Proudhon marque ainsi la difficulté de définir et cerner ce qu’est vraiment la
justice, et propose une condition unique d’indifférence qui suggère une égalité pour éviter l’égoïsme des
autres passions. Cette indifférence est forte et s’impose puisque passionnée. Mais jusqu’où cette
indifférence peut-elle être source de justice ? car qui dit passion, dit démesure et l’homme passionné peut
alors vite s’écarter de toute justice. Se pose alors le problème de la limite de cette passion d’indifférence et
des mesures dans lesquelles elle permet la justice. Ainsi, les Choéphores et les Euménides d’ Eschyle, Les
Pensées et Les trois discours sur la condition des grands de Pascal et Les Raisins de la colère de Steinbeck
permettent de montrer la nécessité de cette indifférence à travers des lois, mais que cette indifférence est
aussi source d’injustices.
Enfin, ces œuvres montrent que la justice n’est effective que par une alliance entre plusieurs
nécessités.
La justice décrite par Proudhon encourage l’indifférence afin d’assurer une certaine égalité entre
les hommes et une protection contre l’égoïsme. La vie en communauté semble alors être privilégiée, et
l’idée d’indifférence suggère une cohésion neutre par des lois égales pour tous. Cette société se rapproche
de celle de Pascal qui prône l’intérêt commun avant les égoïsmes personnels. Les lois instituées par le
droit positif doivent être respectées et maintenues à tout prix pour maintenir la société stable. C’est en ce
sens que l’indifférence intervient : peu importe la vérité, la justice passe par ces lois et le peuple doit s’y
soumettre.
Pascal l’affirme dans sa pensée suivante : « il est dangereux de dire au peuple que les lois ne sont
pas justes, car il obéit qu’à cause qu’il les croit justes (…) Il lui faut dire en même temps qu’il y faut obéir
parce qu’elles sont lois, tout comme il faut obéir aux supérieurs, non pas parce qu’ils sont justes, mais
parce qu’ils sont supérieurs. « Ainsi, les sentiments tels que l’amour n’interviennent pas, seule
l’obéissance aux lois, qui représentent la justice, est nécessaire pour préserver la société de « la guerre
civile » qui est « le plus grand des maux ».
Le but ultime de la justice pour Pascal, n’est donc pas de savoir ce qu’elle est mais à quoi elle sert,
c’est-à-dire maintenir la paix qui « est le souverain bien ». Cette obéissance aveugle mais passionnée se
1/3
Banque Agro-Veto - Session 2012
Rapport sur les concours A - filière BCPST
retrouve chez Eschyle qui présente l’homme comme le bras armé d’une justice divine : « Il est celui qui
songe à dissimuler son combat « … » celle qui a vraiment touché son bras dans la bataille est vraiment la
fille de Zeus. Justice, ainsi la nomment les mortels ». Par cette réplique, Eschyle montre que l’homme luimême est indifférent puisque dirigé par la justice. Mais c’est sa passion envers les dieux, et donc envers la
justice qui lui permet d’être juste. Oreste représente ainsi le mortel soumis au destin et aux dieux, qui n’a
pas d’autre choix que de leur obéir : « Mon Loxias ne me trahira point, lui dont le puissant oracle
m’ordonnait d’aborder ce péril à grands cris, lui qui glaçait mon foie brûlant sous la tourmente si je ne
traitais pas les meurtriers tout comme ils ont traité mon père ». Les termes « à grands cris » ou « brûlant »
et « tourmente » représentent la passion que Proudhon décrit, et cette passion est indifférente dans le sens
ici d’une absence de choix face aux dieux.
Il apparaît donc chez Pascal et chez Eschyle une obéissance aveugle et dévouée envers la loi ou
les dieux. Ce respect revient également dans le roman de Steinbeck à travers la famille Joad qui demande
à chaque endroit où elle se trouve s’ils ont le droit ci ou cela. C’est en cela que les œuvres se rapprochent
de « la passion d’indifférence » de Proudhon.
Mais le respect des lois ou des dieux de manière indifférente conduit parfois à ne pas voir ou se
soucier de leur intégrité et de leur justice même. L’exemple des lois anti-juives le montre parfaitement.
Comme le dit Pascal, « la justice est sujette à dispute » et donc il est impossible pour lui de rester
finalement indifférent. Cette nature à « disputer » vient non seulement du fait que la justice est une notion
difficile à définir, mais aussi du fait que les hommes sont des êtres de passions au pluriel, et pas seulement
d’indifférence. Proudhon parle de « tout autre passion » et dit qu’elles sont « égoïstes » mais ne soulève
pas le problème de leur gestion : l’homme passionné est démesure et il ne peut pas si facilement occulter
ces « autre(s) passion(s) » et donc être « juste ». Pascal démontre cette nature humaine incontrôlée en
disant : « S’il se vante, je l’abaisse, s’il s’abaisse je le vante et le contredis jusqu’à ce qu’il comprenne
qu’il est un monstre incompréhensible ».
Ainsi l’homme de Pascal ne peut pas faire preuve de justice selon la thèse de Proudhon, ce que
Pascal explique par le fait que l’homme est perdu entre l’infiniment grand et l’infiniment petit (« l’homme
est un milieu entre rien et tout »), mais ces infinis « se touchent et se rejoignent en Dieu, et Dieu
seulement » : Pour lui, la véritable justice passe donc par la foi et en l’amour de Dieu. La passion de
l’amour de Dieu est donc nécessaire pour que l’homme soit juste selon Pascal puisque « jamais personne
sans la foi n’est arrivé à ce point ou tous visent continuellement ».
Chez Steinbeck, c’est l’amour de la nature et le rapport intime de ses personnages qui sont la
source de la justice. Le roman débute d’ailleurs avec une description de la terre rouge et la nature est
omniprésente. L’injustice commence à se manifester avec l’apparition des tracteurs d’acier : « il était assis
sur un siège de fer, les pieds sur des pédales de fer ». Leur arrivée marque l’expulsion des okies de leurs
terres et l’indifférence du traître qui conduit le tracteur envers ses compagnons est perçue comme une
profonde injustice. D’ailleurs, cette injustice est symbolisée par « un monstre » : « les banques et les
compagnies (…) ne sont pas des créatures qui mangent de la viande et respirent de l’air. Elles mangent le
profit et respirent les intérêts de l’argent ». L’injustice est donc marquée par une déshumanisation
complète, éloignée de la nature, ce qui s’oppose alors à une justice humaine basée sur l’amour de la nature
et non sur l’indifférence de Proudhon.
La passion de l’amour et du caractère sensible de l’homme se retrouve chez Eschyle : l’amour
fraternel en Oreste et Electre, l’amour maternel entre Clytemnestre et Iphigénie, et l’amour d’Oreste et
Electre pour leur père.
Ces passions permettent à la justice de se créer à travers la loi du talion : « Le mot de haine qu’il
soit payé d’un mot de haine, voilà ce que proclame la justice qui réclame ce qu’on lui doit ». La haine est
une passion puissante très loin de l’indifférence, et ici c’est elle qui est la source de la justice vengeresse
des Érinyes et d’Apollon.
Tous ces aspects de caractère sensible et passionné des hommes sont donc ici à l’encontre de la thèse de
Proudhon.
2/3
Banque Agro-Veto - Session 2012
Rapport sur les concours A - filière BCPST
Toutefois, l’homme dans sa passion fait preuve « d’hubris » et de démesure, ce qui conduit alors à des
injustices. Il a donc besoin d’être cadré malgré tout.
« Où va donc cesser et enfin s’endormir la furie de la ruine ? » Eschyle montre que l’homme engendre
dans sa passion non indifférente une vengeance interminable et un cycle infernal. La passion seule ne peut
donc pas être source de justice. Steinbeck montre quant à lui que l’indifférence, même passionnée ne peut
pas non plus être source de justice. En effet, la police et la prison qui sont les figures du droit institué sont
présentées dans ce roman comme des causes principales d’injustices : les shérifs sont qualifiés de « gras »
et « sanguins » qui ne font que « frétiller leur gros cul », la prison est inutile d’après Tom : « quand une
bande de types vous prennent et vous coffrent pour quatre ans ça devrait avoir un sens. Un homme c’est
censé penser ». L’injustice se manifeste donc dans l’indifférence du droit.
Il faut alors trouver une association entre le droit positif et le droit naturel, allier la passion de
l’indifférence à celle de l’amour sans être égoïste. Eschyle propose alors la fondation de l’Aréopage
constitué à la fois d’hommes passionnés et des dieux pour les guider. Il ne s’agit plus ici de leur obéir
aveuglément mais de les écouter et de délibérer avec eux. Apollon et les Érinyes sont des avocats et
Athéna la juge, et les hommes représentent le jury qui délibère. Tout est donc cadré et codifié pour éviter
la démesure mais laisse place à un jugement sensible : « comptez avec soin les suffrages tombés et gardezvous de toute justice en les triant ».
Cette idée d’une communauté qui opère ensemble est à la base du roman de Steinbeck. Le camp de
Weedpatch montre que la police et les dirigeants sont choisis par les habitants eux-mêmes, selon une vraie
démocratie. Les lois deviennent évidentes dans les camps nomades : « chaque soir un monde se créait, un
monde complet (…) et les règles devenaient des lois sans que les familles soient averties ». Les sociétés de
okies sont donc régies par des lois égales pour tous, donc indifférentes selon les cas particuliers, mais ces
lois sont basées sur les sentiments et l’amour entre les gens. Cet amour est d’ailleurs symbolisé par
l’image de la famille qui reste unie : les Joad et les Wainright enlèvent le rideau qui les sépare pour ne
former plus qu’une seule famille.
Chez Pascal, ce maintien d’une société égale et juste se fait par l’imagination qui « dispose de
tout : elle fait la beauté, la justice et le bonheur qui est le tout du monde ». C’est grâce à son caractère
sensible qu’elle permet à la force de solidifier la justice. Ainsi : « L’opinion est comme la reine du monde
et la force en est le tyran ».
En conclusion, Proudhon a raison de dire que « la justice est l’indifférence » car cela impose une
certaine rigueur et égalité face aux lois qui représentent cette justice. Mais cette « passion d’indifférence »
ne doit pas être aveugle et dénuée de « toute autre passion » : elle a besoin non seulement d’être cadrée,
tout comme chaque passion, mais doit faire appel à la sensibilité des hommes car sinon elle devient elle
aussi « égoïste ». « L’homme juste est passionné certes, mais passionné par la paix et son altruisme qui
passent par l’amour, qui n’est pas «égoïste » dans ce cas ». La justice ne peut donc être résumée par un
seul mot, elle est le résultat de plusieurs biens et associations entre les hommes, les dieux et leurs lois.
3/3