L`égLise cAthoLique en Afrique
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L`égLise cAthoLique en Afrique
La Lettre du N°16 sommaire Afrique Cameroun Le néo-pentecôtisme à Douala égypte Le Collège de la Ste Famille au Caire amériques Brésil L’éveil d’un géant Pérou Travail auprès des paysans à Piura Asie Afghanistan Cinq jésuites à Herat Chine Anniversaire Ricci Philippines Tragédies provoquées par les typhons Madagascar Le Système de Riziculture Intensive Nouvelles de F. Noiret L’église catholique en Afrique Q u e lq u e s ch if fr e s Source : OPM – Prière et partage – oct. 2009 S J I ervice Trimestriel ésuite nternational janvier – mars 2010 Éditorial Le 2ème Synode des évêques sur l’Afrique s’est tenu à Rome du 4 au 25 octobre sur le thème : l’Église en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix. Dresser un bilan de cette rencontre serait prématuré. Contentons-nous de relever quelques accents significatifs du message final de l’Assemblée. • À retenir d’abord une approche réaliste de la situation du continent. Tout en reconnaissant les progrès intervenus ici et là, les participants ont dénoncé les multiples violences subies par les populations suite aux dérives de pouvoirs autoritaires et corrompus. Conscients du lien entre émancipation économique et bonne gouvernance, ils ont stigmatisé la conduite des dirigeants qui, avec leurs complices étrangers, pillent les ressources de leurs pays et contribuent à l’appauvrissement de leurs peuples. • D’où la volonté des Pères du Synode de susciter un engagement plus marqué du corps ecclésial afin de réduire les injustices et les maux à la source de tant de souffrances et de conflits en Afrique. La principale mesure suggérée porte sur un effort de formation soutenu à tous les niveaux des structures ecclésiales en se référant de manière privilégiée à la Doctrine sociale de l’Église. Sont également souhaités, entre autres propositions, un renforcement des Commissions Justice et Paix et un accompagnement adapté aux acteurs économiques et politiques. •À souligner enfin la conviction éthique qui sous-tend le discours des membres du Synode. Selon eux, l’Église, en tant que porteuse de valeurs de réconciliation, de justice et de paix, est en mesure d’influencer les comportements économiques et socio-politiques, donc de participer pour le bien des populations à la construction de l’Afrique et de son avenir, y compris dans ses différentes instances nationales, régionales, continentales. Reste maintenant à traduire ces intentions dans les faits. Leur mise en œuvre sera la pierre de touche de l’efficacité de la parole synodale, donc in fine de sa crédibilité. En ce début d’année, recevez mes meilleurs vœux pour vous-même et votre famille. Avec un remerciement tout particulier à nos donateurs qui, malgré les difficultés financières de l’exercice 2009, ont tenu à maintenir leur aide en faveur des plus démunis. Louis de Vaucelles, sj C Population du continent Près d’un milliard d’habitants C Catholiques Environ 153 millions C Structure de l’église 495 diocèses C Clergé 648 évêques dont 18 cardinaux 32 370 prêtres (dont 50 % d’autochtones) 374 diacres 23 580 grands séminaristes C Religieuses 58 781 sœurs C Catéchistes 384 379 catéchistes CAMEROUN L’effervescence du Pentecôtisme et du Néopentecôtisme A vant l’année 1990 le courant pentecôtiste n’était représenté à Douala que par six modestes communautés, dont le Plein Évangile (Full Gospel) était la principale. À partir de cette date, ce fut l’avalanche. En 2000, le Cardinal Tumi me demanda de faire une évaluation de la situation dans son diocèse qui englobait cette ville de plus de 2 millions d’habitants dont la moitié était chrétienne. J’ai alors dénombré plus de soixante-dix appellations différentes se reconnaissant pentecôtistes. Que s’était-il passé ? Deux explications peuvent être données à cette brusque occupation de la ville : une loi autorisant en 1990 toute religion au Cameroun, avec une acceptation minimale à obtenir de la préfecture. Jusque-là seules les Églises catholiques et protestantes historiques étaient en place et depuis un bon siècle. Il semble que la diplomatie américaine n’a pas été étrangère à cette décision car ces mouvements sont, pour la plupart, issus des USA, via le Nigeria voisin. De plus, une grève générale causée par le refus du gouvernement d’ouvrir une ‘Conférence nationale’, comme cela se faisait dans d’autres pays, avait immobilisé la vie économique de la ville et appauvri la population. Ces deux facteurs concordants poussèrent une jeunesse désillusionnée à se tourner vers le nouvel arrivant. De Douala, ces nouvelles communautés gagnèrent tout le pays. Mais déjà apparaît en 2009 une évolution de ces communautés. Elles se disaient dans les débuts destinées à reproduire les premières communautés chrétiennes d’après la Pentecôte et tenaient à garder un esprit de solidarité, de prière et de pauvreté, sans aucune volonté politique. Aujourd’hui, sous l’influence de prédicateurs inspirés des campagnes télévisées des USA, la tendance est d’annoncer un christianisme de la prospérité et de la réussite temporelle que la prière est censée obtenir de Dieu. Ce nouveau courant est appelé le ‘néo-pentecôtisme’. Il a aussi une visée politique et commence à atteindre les couches gouvernementales. C’est un phénomène religieux qui n’est pas propre au Cameroun et qui a aujourd’hui une portée mondiale. l Éric de Rosny sj, Yaoundé la lettre – janvier-mars 2010 – 2 ÉGY P TE Le Collège jésuite du Caire L e Collège de la Sainte Famille a été fondé en 1879 par les jésuites et rassemble aujourd’hui plus de 1700 élèves. Il s’agit d’un collège catholique qui comprend 60 % de musulmans et 40 % de chrétiens en majorité coptes-orthodoxes. Cette institution jésuite a pour principal but la formation pédagogique, sociale, humaine et spirituelle de jeunes issus d’une moyenne bourgeoisie. Étant donné qu’il s’agit d’un milieu influent, nous pensons agir ainsi sur des démultiplicateurs et les élites du pays. L’enjeu d’une telle œuvre est d’une grande portée. Comme l’écrivait récemment le père Henri Boulad, recteur académique du collège, « l’envahissement du religieux en Égypte est en train de dresser les uns contre les autres chrétiens et musulmans et de creuser entre eux un fossé de plus en plus profond. Au nom de Dieu et du livre sacré, chacun condamne l’autre, l’anathématise et le voue au feu éternel. Autrefois, modèle de tolérance et de convivialité, notre pays est devenu un vivier de fanatisme, d’exclusivisme […] Comme d’autres institutions, notre collège essaye de demeurer, envers et contre tous, un îlot d’ouverture et de fraternité ; il tente par là de résister de toutes ses forces à la folie meurtrière qui s’est emparée de notre société. Tant que nous sommes, chrétiens ou musulmans, il nous faut résister à toute forme de fanatisme et de diabolisation de l’autre. En cultivant nos valeurs communes, en développant notre humanité plus profonde que tous les clivages, nous découvrirons le vrai visage de Dieu […] Alors, la religion, au lieu d’être le lieu de tous les conflits, de tous les soupçons, de tous les rejets, deviendra pour chacun de nous un chemin de paix, de fraternité, de réconciliation. » l Au Centre de Recherche et de Promotion du Monde Rural BRéSIL N otre travail avec les petits agriculteurs (moins de deux hectares) devient difficile, les deux cultures traditionnelles du riz et du coton périclitent, le coton n’est quasi plus produit car il est concurrencé par le Traité du Libre Commerce avec les États-Unis où il est largement subventionné ; quant au riz, comme tout le monde se rabat sur cette production, il y a sur-production et le prix de vente couvre à peine les coûts de production, sans compter que l’eau très salée brûle considérablement la terre. Nous tentons une expérience avec une vingtaine de petits producteurs de bananes, en soignant la maladie qui atteint les fruits et en organisant la vente sur le marché de Lima ; profitant de l’ombre des bananiers qui produisent tous les deux mois en continuité pendant 5 ans, nous essayons de faire du cacao dont la bonne qualité se vend bien à l’exportation après un traitement de séchage et d’oxydation. l L’éveil du Brésil R io de Janeiro a été choisie pour la Coupe du monde de foot en 2014 et pour les Jeux Olympiques en 2016. Double choix qui fut accueilli dans une grande joie. Le foot est inscrit dans l’identité profonde du pays. Le pays rêve de gagner la Coupe chez lui. Accueillir les JO est aussi motif d’orgueil : c’est être reconnu comme faisant partie des « grands ». Le pays va se mobiliser pour consolider son image externe de grande puissance émergente. Mais, ces deux évènements sportifs permettront-ils, audelà de la fête, un regard plus critique sur la réalité sociale du pays, marqué par une profonde inégalité ? Le Brésil s’éveille, mais 70 % de sa population (200 millions) continue de vivre dans la pauvreté et la misère. On attendait du président Lula, d’origine ouvrière, de profondes réformes pour changer la distribution de la richesse et du pouvoir. Hélas, il fallut déchanter. Jusqu’à présent les pauvres n’ont reçu que des miettes du beau gâteau, qui reste entre les mains des grands possédants. Comme si le président avait oublié les perspectives élaborées par son parti, le parti des travailleurs. Lula pouvait s’appuyer sur la force des mouvements sociaux, bien organisés au Brésil. Il a préféré faire des alliances les plus surprenantes, et parfois scandaleuses, pour conquérir le pouvoir et s’y maintenir. Ceux qui pendant des années ont combattu pour préparer une société nouvelle sont bien déçus. Que sont devenues les réformes agraire, politique, des impôts, de l’éducation et de la santé (et bien d’autres) pour changer en profondeur la société ? Oubliées, abandonnées ! Peut-être faudrait-il organiser des olympiques du social pour que la fête ne nous fasse pas oublier la dignité et les droits des pauvres. l Bernard Lestienne sj, Conseiller de la Conférence épiscopale brésilienne et membre du centre culturel jésuite de Brasilia Pierre Corset sj, Piura AFGHANISTAN Cinq jésuites en Afghanistan L es premiers séjours des jésuites en Afghanistan remontent au 16e siècle. Le Père Montserrat en 1581 et le Frère Bento de Goes en 1582 étaient accueillis avec bienveillance par l’empereur Akbar à Agra. Deux rencontres sans suite jusqu’en 2002, lorsque des membres du Jesuit Refugee Service sont allés à Kaboul pour enquêter sur les possibilités d’une action humanitaire. En 2003, la Conférence jésuite de l’Asie méridionale chargeait trois jésuites d’aller vérifier la situation pour une présence éventuelle de la Compagnie. Le 28 avril 2009, le Provincial de l’Asie méridionale a envoyé deux jésuites pour sonder encore le terrain. Aidés par le Directeur du JRS/Asie, ils ont contacté le délégué du Vatican et le Préfet Apostolique de l’Afghanistan qui s’est montré très intéressé. Après une longue consultation avec différentes agences représentées làbas, les jésuites ont choisi la Province de Herat alors que la guerre se développe malheureusement dans le secteur Nord Est de Kaboul, terrain montagneux favorable aux talibans, et au Sud, autour de Kandahar. Dans la région d’Herat où l’ethnie tadjick est majoritaire, la langue, proche du persan, sera étudiée par les Jésuites, tous Indiens. Ils ont fondé en 2005 la lettre – janvier-mars 2010 – 3 l’Herat Technical High School avec 67 étudiants qui sont aujourd’hui 300 dont un tiers de filles. Un père est attaché à l’hôpital provincial et il enseigne à l’école d’infirmières. Depuis juillet 2006, ils sont cinq à Herat, en liaison avec la capitale Kaboul et les ONG humanitaires. Présents dans l’enseignement de l’anglais, ils ouvrent leurs élèves aux cultures de l’Asie centrale et de ses religions anciennes en sachant qu’ils participent au développement du pays, dans une spiritualité de service fraternel. D’autres pères de l’Assistance d’Asie pourront venir renforcer leur équipe. l Jacques Gabin sj PHILIPPINES L’ agence officielle, Nouvelle Chine, vient de publier le 23 novembre à l’occasion du 400ème anniversaire de la mort de Matteo Ricci, un article sur le célèbre jésuite, intitulé Un monde d’intégration de la civilisation européenne et chinoise. Ce grand sage est présenté comme « le pionnier de la recherche d’une base commune de dialogue interreligieux et de l’échange socio-culturel. Avec son extraordinaire talent (..), il a indiqué une voie alternative de l’intégration entre la science et la culture pour tous ». L’année Ricci en France, au cours de l’année 2010. Le 30 janvier au Centre Sèvres – Facultés jésuites de Paris, à 14 h 30, inauguration de l’année Ricci. Une exposition soulignera les apports de Ricci à la Chine et montrera comment il fit découvrir le monde chinois à l’Europe. Un documentaire sur la vie de ce pionnier sera projeté dans l’auditorium et la version numérique du Grand Dictionnaire Ricci de la langue chinoise sera présenté pour la première fois en France. Enfin seront annoncées, à cette occasion, les manifestations organisées tout au long de l’année 2010 sur le thème de l’échange des savoirs entre la Chine et l’Europe. Des colloques sont prévus à Paris (UNESCO), Lyon, Toulouse. Par ailleurs une exposition sur l’œuvre scientifique de Ricci circulera dans des lycées et grandes écoles. Pour des renseignements supplémentaires : [email protected] l M A D A G A SC A R Le Système de Riziculture Intensive La Lettre du Service Jésuite I nternational Trimestriel Rédacteur : Louis de Vaucelles sj Service Jésuite International 42, rue de Grenelle 75343 Paris Cedex 07 Tél. : 01 44 39 46 20/29 Fax : 01 44 39 46 28 Email : [email protected] Conception et réalisation : SER La Lettre est envoyée pendant un an à tout donateur annuel de l’OMCFAA OMCFAA : L’Œuvre des Missions Catholiques Françaises d’Asie et d’Afrique est une fondation reconnue d’utilité publique, habilitée à recevoir des dons et legs. Siège social : 42, rue de Grenelle 75343 Paris Cedex 07 Site : omcfaa.org Chèque bancaire à : O.M.C.F.A.A. (sans numéro). Un reçu pour déduction d’impôts sera envoyé. L e Frère Michel HUBERT nous a fait parvenir quelques nouvelles au sujet de son inlassable activité au service du Système de Riziculture Intensive mis au point par le Père de Laulanié sj. Le SRI est le nom donné aux techniques de culture du riz qui permettent déjà de multiplier par quatre la production d’une rizière par rapport aux méthodes traditionnelles. Dans ces documents, le Frère Michel propose des adaptations selon la nature du terrain et demeure très pris par la vulgarisation à l’usage des paysans. « Vous suivez sans doute, ajoute-t-il, nos problèmes politiques qui appauvrissent l’île entière. Nos formateurs SRI n’ont pu être payés depuis 2 mois. Rien non plus n’a pu être dégagé pour le suivi des opérations, notamment celle concernant le compostage villageois destiné à valoriser les roseaux-bambous très ligneux qui poussent à foison sur les marais ». Le Frère Michel espère venir en France fin 2009 ou début 2010. l P.S. : Sur le SRI, un DVD est disponible au Service Jésuite International, 42, rue de Grenelle – 75343 Paris cedex 07. Prix : 10 euros. Tragédies provoquées par les typhons Courrier de Jean-François Thomas sj, qui travaille à la Fondation TNK à Manille. L e pays a été durement touché par les typhons ces derniers mois. Le premier d’entre eux s’est abattu le 26 septembre. La capitale du pays est une mégapole de 15 à 18 millions d’habitants, sans aucun plan d’urbanisme où des quartiers d’affaires très modernes côtoient des quartiers luxueux tandis qu’une multitude de bidonvilles poussent partout, sur les terrains inoccupés. La catastrophe de fin septembre à Manille laisse sans voix. Entre 2 et 3 millions de personnes ont tout perdu. Dans bien des endroits, l’eau a atteint jusqu’à 10 mètres de hauteur et un torrent de boue a déferlé sur la ville. Les secours gouvernementaux et municipaux ont été inexistants. Un mois et demi après la tragédie certaines villes du sud de l’agglomération sont toujours inondées. Quelque temps plus tard, un super typhon s’est abattu sur le Nord, occasionnant des dégâts considérables. Plusieurs centaines de personnes ont péri, 70 villages ont été engloutis. La reconstruction sera encore plus longue qu’à Manille, car l’indifférence est générale quand des provinces éloignées sont touchées. Comme toujours, la population philippine, la plus modeste, a fait preuve de courage et de solidarité, sachant qu’il ne fallait pas compter sur l’aide de ceux qui ont le pouvoir et l’argent. À la Fondation, nous avons été relativement épargnés. En revanche, beaucoup d’employés ont tout perdu. Nous avons réparé les dégâts et aidé ceux qui en avaient besoin. l Lettre de François Noiret J e travaille au calme dans un pays qui ne l’est pas et s’embourbe. J’enseigne l’anthropologie au grand séminaire en essayant de conscientiser les séminaristes sur les enjeux pour l’avenir de leur pays ; je lis, et je travaille deux jours par semaine le dossier de notre martyr et espérons futur béatifié Lucien Botovasoa. Madagascar n’est pas heureuse en ce moment : tout bloque au niveau du pouvoir, et les interventions internationales (Union Africaine, ONU, France et USA…) n’arrangent sans doute rien. On retient son souffle. Les Églises n’ont plus rien à dire depuis que le Conseil Œcuménique a volé en éclat. L’Église catholique elle, se ressaisit : notre archevêque, qui est aussi le président de la Conférence Épiscopale et qui revenait du Synode africain à Rome, a remarquablement parlé à la messe du Christ-Roi à Fianarantsoa, en présence des autorités. Il a parlé pour tout le monde : hommes, femmes, jeunes, politiques, du Royaume du Christ et des « royaumes » politiques des hommes ; il s’est situé vraiment au-dessus de la mêlée, nettement et courageusement, remettant chacun face à ses responsabilités, en donnant du courage et de l’espérance. Est-ce que cela sera suffisant pour changer nos responsables ? Les gens sont vraiment désabusés. À la fête du Christ Roi ici, on sentait la soif et l’attente de ces milliers de petites gens qui priaient avec une ferveur inhabituelle. Priez aussi pour nous. l