Le droit d`alerte du CE en matière économique

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Le droit d`alerte du CE en matière économique
Le droit d’alerte du CE en matière économique
Quand un CE a connaissance de certaines informations le laissant penser que la situation
économique de l’entreprise va mal ou risque de se dégrader, il peut mettre en œuvre un droit d’alerte
dont la première phase sera une demande d’explications adressée à l’employeur.
« Lorsque le CE a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la
situation économique de l'entreprise, il peut demander à l'employeur de lui fournir des
explications.
Cette demande est inscrite de droit à l'ordre du jour de la prochaine séance du CE ». Art. L 232378, alinéa 1 et 2
L’inscription de droit suppose néanmoins que la majorité des membres titulaires du CE fasse cette
demande. Dans un CE composé de 6 titulaires, il faut donc que la demande soit portée par au moins
4 d’entre eux.
1) Un comité d’établissement ne peut exercer le droit d’alerte
L'exercice du droit d'alerte étant subordonné à l'existence de faits de nature à affecter de manière
préoccupante la situation économique de l'entreprise, les comités d'établissements ne sont pas
er
investis de cette prérogative. Par ex : Cass. soc. 1 mars 2005, n° 03-20429 (P)
Dans une entreprise divisée en établissements distincts seul le comité central d’entreprise (CCE) peut
exercer le droit d’alerte.
2) Des faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique
Le code ne fournit aucune liste, ni même d’exemples, ce qui laisse au CE une latitude assez
importante. Toutefois, l’employeur estimant que le droit d’alerte est injustifié peut saisir le juge.
Parmi les événements qui ont pu être retenus pour l’exercice du droit d’alerte, citons :
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La réorganisation de l'entreprise, et plus précisément de l’activité ingénierie au niveau
mondial suite à l’acquisition d’une nouvelle société par le groupe. Cass. soc. 18 janvier 2011
n° 10-30126 (P)
Un projet de restructuration qui, par son ampleur et ses modalités, est à même d'affecter à
court ou moyen terme les perspectives et résultats d'une branche et suscite des légitimes
interrogations sur le devenir et les performances des structures envisagées. CA Versailles 2
e
octobre 1997, 1 ch. A., Sté Cegelec c/ CCE de la Sté Cegelec
L’ouverture du capital d'une entreprise publique au profit d'actionnaires privés dans des
conditions, de surcroît, totalement indéterminées quant à l'identité des futurs investisseurs et
à la nature du projet industriel. Cass. soc. 29 septembre 2009 n° 08-15035 (P)
La fermeture d'un laboratoire de prothèses dentaires qui entraînait des suppressions
d'emploi et remettait en cause les objectifs et missions traditionnels de la caisse régionale
d'assurance maladie d'Ile-de-France. Cass. soc. 19 janvier 2002 n° 00-14776 (P)
3) Le recours à l’expert-comptable
Les alinéas 3 et 4 de l’article L 2323-78 énoncent que « si le CE n'a pu obtenir de réponse suffisante
de l'employeur ou si celle-ci confirme le caractère préoccupant de la situation, il établit un rapport.
Dans les entreprises employant au moins mille salariés, ce rapport est établi par la commission
économique prévue par l'article L. 2325-23.
Ce rapport, au titre du droit d'alerte économique, est transmis à l'employeur et au commissaire aux
comptes ».
L’intérêt essentiel du droit d’alerte réside en la possibilité de se faire assister d’un expert-comptable
pour établir le rapport.
Le coût de l’expertise est supporté par l’entreprise dans la limite d’une fois par exercice comptable.
Art. L 2323-79
Mais le CE conserve la faculté de préciser la mission de l'expert et de la compléter lorsque des faits
en relation avec ceux ayant motivé l'exercice du droit sont portés à sa connaissance pendant le cours
de la mission. Cass. soc. 28 octobre 1996 n° 95-10274 (P)
« La mission de l'expert comptable s'étend aux faits de nature à confirmer la situation économique
préoccupante de l'entreprise qui sont la suite nécessaire de ceux qui ont motivé l'exercice du droit
d'alerte ». Cass. soc. 29 septembre 2009 n° 08-15035 (P)
Dans cette affaire, le projet de fusion des groupes Snecma et Sagem, annoncé alors que l'expert
désigné par le CCE était en cours d'exécution de sa mission, était la suite directe de l'ouverture de
capital décidée dans le cadre de la privatisation du groupe Snecma et qui avait justifié l'exercice du
droit d'alerte.
4) L’inconvénient majeur du droit d’alerte : la confidentialité des informations
« Les informations concernant l'entreprise communiquées en application de la présente sous-section
ont par nature un caractère confidentiel. Toute personne pouvant y accéder est tenue à leur égard à
une obligation de discrétion ». Art. L 2323-82
Les élus ne pourront par conséquent transmettre ces informations aux salariés ou à toute autre
personne qui ne serait pas tenue à une obligation de confidentialité.