Ces élèves handicapés intégrés grâce aux aides auxiliaires

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Ces élèves handicapés intégrés grâce aux aides auxiliaires
jeu, 15. oct. 2015
Ces élèves handicapés intégrés grâce aux aides auxiliaires
L’avant-projet de la nouvelle Loi cantonale sur la pédagogie spécialisée est actuellement en
consultation. Celle-ci permet désormais à des auxiliaires de vie scolaire de faciliter
l’intégration des élèves en situation de handicap en école ordinaire. Exemple dans une
classe enfantine à La Tour-de-Trême.
PAR FRANCOIS PHARISA
La sonnerie retentit. Ni une ni deux, les doublettes se forment. La file indienne de gosses se
fait rectiligne et silencieuse pour pénétrer dans le bâtiment de l’école primaire de La Tourde-Trême, dont la silhouette noire peine à émerger de la brume. Au dernier rang, un binôme
se démarque. Anissa, 5 ans – «bientôt 6», précise-t-elle – atteinte d’une diplégie spastique
(une forme d’infirmité motrice et cérébrale), soutenue par son déambulateur, et Mélanie
Butty, 27 ans, auxiliaire de vie scolaire (voir encadré). Elles sont assorties. Un pull et des
chaussures rose clair Hello Kitty pour la première, des cheveux d’un rose vif coiffés en
chignon pour la seconde.
Grâce à son accompa-gnante, Anissa fréquente une classe enfantine ordinaire. «Comme les
autres enfants», glisse-t-elle timidement, tirant sur les manches de son pull, pendant qu’elle
se fait aider pour enfiler ses chaussons.
Aujourd’hui, 533 élèves en situation de handicap suivent leur scolarité obligatoire en école
«normale» dans le canton. Conformément à la nouvelle Loi sur la pédagogie spécialisée,
dont l’avant-projet est en consultation jusqu’à la fin du mois, les solutions d’intégration sont
privilégiées par rapport à une scolarisation en institution spécialisée.
Un exercice d’équilibriste
Tous sont déjà assis sur les trois bancs en bois qui entourent l’enseignante. Ils attendent leur
copine. Car ce mardi, Anissa est responsable de classe. Et c’est tout un programme: «1.
J’écris la date du jour; 2. Je compte les élèves; 3. Je contrôle les rangements; 4. Je suis chef
de rang; 5. Je joue de la musique.» Bref, aujourd’hui, elle mène le bal.
Les élèves, mal réveillés, entament une chanson consacrée à l’automne. C’est l’histoire d’un
marron qui tombe sur un champignon. «Jouons plutôt au loto», enchaîne Sylvie Vial,
l’enseignante, bien décidée à secouer l’assemblée. Mélanie Butty attrape la main d’Anissa et
l’aide à gagner son pupitre, au moyen de deux cannes quadripodes.
«Je l’assiste pour tous les gestes qu’elle ne parvient pas à accomplir seule. Comme ôter sa
veste, mettre ses souliers, se déplacer sans son déambulateur, manipuler du matériel ou aller
aux toilettes.» Stagiaire auprès du Service d’intégration, géré par le Centre d’enseignement
spécialisé et de logopédie de la Glâne à Romont, elle décrit le métier d’auxiliaire de vie
comme une «balance en perpétuel mouvement». Etre présente, sans l’être trop à la fois. Ne
pas perturber le bon déroulement des activités mises en place par l’enseignante, tout en
permettant à l’élève en situation de handicap de ne pas décrocher.
Un exercice d’équilibriste qui ne dérange pas le reste de la classe. «La maîtresse nous a
expliqué qu’Anissa ne pouvait pas marcher toute seule», dit Emmanuel, 5 ans lui aussi.
«Elle a besoin de son croco», ajoute Jade. Le croco, c’est le sobriquet qu’ils ont donné au
déambulateur d’Anissa. Sans que personne ne sache vraiment pourquoi.
Plus difficile en primaire
De retour de la pause de midi, les écoliers se lancent dans un jeu de construction. Carine
Piller, enseignante spécialisée, prend le relais de Mélanie Butty. A raison de trois fois
cinquante minutes par semaine, elle vient épauler Anissa pour les apprentissages cognitifs.
«Pour les autres élèves, je suis comme une seconde enseignante.» Mais cette perception
change, d’après elle, à partir de la 4e HarmoS. Elle devient alors l’enseignante d’un élève
bien précis. «Certains le ressentent comme une forme d’injustice. Notamment lors des
évaluations.»
Le comportement et le regard des autres enfants sur l’élève handicapé évoluent également
avec l’âge. Pas toujours dans le bon sens, concède Carine Piller qui, contrairement au credo
de la nouvelle Loi sur la pédagogie spécialisée, ne prêche pas l’intégration systématique.
«Les décisions doivent être prises au cas par cas, en fonction des besoins spécifiques des
élèves. Tous ne progresseront pas mieux et ne seront pas plus heureux en école ordinaire.
Les parents doivent avoir conscience de cela.»
Audrey, la maman d’Anissa, le reconnaît, elle préfère voir sa fille dans un établissement
ordinaire plutôt que dans une école spécialisée. «Mais j’ai toujours dit que le jour l’école
régulière ne conviendrait plus aux besoins d’Anissa, une autre solution devrait être
trouvée.» Comme pour le cours de gymnastique, qu’Anissa ne suit qu’une fois par mois,
accompagnée d’un physiothérapeute.
Vient un moment de détente. Chacun se saisit d’une pince à linge de couleur, qu’il accroche
à son pull. Celle-ci indique l’atelier choisi. Les coins jeux de société et cuisine ont la cote.
Discrètement, Inès s’approche des enseignantes et les avertit qu’Anissa a perdu son
chausson. Jade et Eric s’époumonent à demander à leurs camarades s’ils veulent une pizza.
Fait de bouts de carton, il y en a aux quatre fromages, aux poivrons ou au jambon.
Rechaussée, Anissa se raccroche à son croco et s’en va sonner la fin de la rigolade. Elle se
saisit d’une baguette et tapote sur un instrument au nom imprononçable pour les enfants,
«un xstylophone». Le rangement du matériel s’effectue en groupe, non sans mal, et il est
déjà temps de remettre son triangle orange.

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