La caméra de bord au secours des automobilistes?

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La caméra de bord au secours des automobilistes?
La Libre Belgique, 30/08/2014, page/bladzijde 30
Economie Assurances
AP est la première compagnie
d’assurances à proposer une
caméra de bord à ses clients.
l
La compagnie du groupe Belfius
jette un pavé dans la mare alors
que le secteur et la justice sont
très partagés sur le sujet.
l
La Cour de cassation mettra
peut-être tout le monde d’accord.
l
La caméra de bord au
secours des automobilistes?
Dashcam, la nouvelle arme de
l’assureur AP qui suscite la controverse
L
es AP assurances sera d’ici
quelques jours la première
compagnie belge à offrir une
caméra de bord à ses clients,
qui pourront le cas échéant
joindre les images filmées par la dashcam à leur déclaration de sinistre.
“Le client restera bien entendu libre
d’utiliser ou non la dashcam. Il restera
également libre de nous transmettre ou
non les images filmées”, explique Dominique Gossé, Executive Manager.
Les AP y voient plusieurs avantages.
D’une part, permettre à ses clients qui
souhaitent se doter d’une telle caméra
d’apporter un élément supplémentaire pour déterminer la responsabilité dans un sinistre en cas de discussion. En cas de délit de fuite, la caméra
aura filmé la plaque du véhicule adverse. Enfin, la compagnie pense aussi
à son taux de sinistres. “Comme la caméra filme aussi dans les faits le comportement de notre client, il sera sans doute
plus prudent au volant”, estime Steven
Vanpoucke, Manager Sinistres. Rien
n’obligera toutefois le client à transmettre des images qui ne lui sont pas
vraiment favorables…
Cette initiative, née du constat du
succès fulgurant des caméras de bord,
risque toutefois de ne pas faire l’unanimité dans le secteur de l’assurance.
“Il n’y a pas pour l’instant de convention entre les compagnies d’assurance
pour l’utilisation de telles images dans le
cadre du règlement d’un sinistre”, reconnaît Dominique Gossé. Bref,
l’autre compagnie ne sera pas obligée
de prendre en compte les images
transmises par les AP.
“Il n’y a pas de dispositif homologué
dont l’usage serait reconnu par tous”, remarque Valentine Vaquette, porte-parole chez Axa.
Pas de cadre légal
Surtout, il n’y a pas, à ce stade, de
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base légale pour l’utilisation de telles
images dans le cadre d’un sinistre.
Si le litige est porté devant la justice,
le juge en fera ce qu’il veut. “En matière
de responsabilité civile, le juge apprécie
souverainement la qualité des preuves
qui lui sont soumises. Il devrait cependant écarter les preuves obtenues illégalement, ce qui serait le cas d’images prises sans respect de la loi sur la vie privée”, rappelle à ce propos Olivier
Halflants, directeur Assurances non-vie chez
Federale.
“Plusieurs juges ont exprimé leurs doutes concernant la possibilité
d’utiliser de telles images. Ils attendent que la
Cour de Cassation s’exprime sur le sujet”, note
pour sa part Ivo De
Bondt, directeur à la
Baloise.
L’obligation du respect de la vie privée
sera soulignée auprès
des clients d’AP. “Nous
les informerons des limites légales et de la bonne
utilisation des images”,
souligne Dominique
Gossé. Pour faire simple, les images seront à
utiliser dans le cadre
d’un sinistre – elles seront transmises à la compagnie – et
non pour être mises sur Facebook ou
Youtube.
Les AP n’en espèrent pas moins faire
bouger les choses au niveau sectoriel,
même si le nombre de règlements de
sinistres ayant jusqu’à présent intégré
des images filmées avec un dashcam
est très limité, que ce soit aux APaucun cas jusqu’à présent – ou chez la
concurrence.
Quoi qu’il en soit, “le constat euro-
péen d’accident demeure le principal élément légal permettant de définir les responsabilités lors d’un accident automobile”, souligne Benoît Rigo, attaché de
presse chez Ethias. Bien souvent, le
constat, seul suffit. “80 % des accidents
se règlent sur base du seul document de
constat”, note Laurence Gijs, porte-parole chez AG Insurance.
Le constat est souverain
Le constat est et reste
souverain. “Si les deux
conducteurs
impliqués
dans un sinistre sont d’accord sur les circonstances,
les images ne pourront
pas remettre en cause cet
accord même si elles prouvent que les choses se sont
passées différemment”,
explique Steven Vanpoucke.
Ce sont justement les
autres cas qui pourraient
être résolus plus facilement avec des images.
Les concurrents des AP
n’en sont pas moins prudents face à ce phénomène dashcam, en raison notamment du flou
juridique.
Nul n’envisage pour
l’instant de prendre le
pas des AP. “C’est un sujet
délicat qui mérite une attention particulière au niveau juridique”, relève Hans
Vranken, CEO de Touring Assurances.
“Si les images en tant que telles n’ont
pas de valeur, elles peuvent cependant illustrer ou renforcer d’autres preuves,
comme un témoignage, l’impact matériel,…”, remarque Ilse De Muyer, porteparole chez KBC. “C’est en tout cas un
plus par rapport à la situation actuelle”,
tranche Dominique Gossé.
P.D.-D.
AP veut
permettre
à ses clients
désireux de se
doter d’une
telle caméra
d’apporter
un élément
supplémentaire
pour
déterminer la
responsabilité
dans un sinistre
en cas de
discussion.
La Libre Belgique - samedi 30 et dimanche 31 août 2014
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Épinglé
Réservé aux bons clients et aux
bons conducteurs. Avec cette
initiative, AP assurances va
incontestablement jeter un pavé
dans la mare dans le secteur de
l’assurance.
Membre du groupe Belfius, elle
sera toutefois la seule compagnie
du groupe à proposer cette
dashcam : ni Corona, ni Belfius
Insurance ne lui emboîteront le
pas.
Explication : chaque entité a sa
propre politique marketing.
En terme de marketing, justement,
AP assurance a prévu un stock de
4500 caméras de bord à distribuer
à ses clients, présents et à venir.
C’est que la générosité de
l’assureur a été savamment
soupesée.
Les nouveaux clients en rc auto
seront bien entendu la première
cible de la campagne, histoire de
faire progresser le portefeuille en
accueillant de bons risques
potentiels.
Le nouveau venu devra être un bon
conducteur : pas d’accident en tort
au cours des cinq dernières années.
Avec cette disposition, AP ne
fournira pas de caméra aux jeunes
conducteurs, nombreux à acheter
de telles caméras dans le
commerce, mais plutôt pour filmer
leurs exploits. AP veut au contraire
promouvoir la conduite
responsable.
De plus, ce nouveau client en rc
auto devra posséder ou souscrire à
deux autres produits d’AP
assurances. Ce n’est pas rien. “C’est
une caméra de bord que l’on offre, et
pas un porte-clé”, justifie Isabelle
Scournaux, Campagne manager.
Toujours est-il que le nouveau
client ne devra pas venir les mains
vides.
Pour les clients existants, des
actions locales seront mises en
place pour récompenser les bons
conducteurs.
P.D.-D.