professions libérales de Champagne

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professions libérales de Champagne
CONSEIL ECONOMIQUE ET
SOCIAL REGIONAL
LES PROFESSIONS LIBERALES
EN CHAMPAGNE-ARDENNE
Avis adopté lors de la
Séance Plénière du 28 mars 2003
Rapporteur :
Jean-François BILLY
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Connaître les caractéristiques socio-économiques des professions libérales en région
constitue sans aucun doute un enjeu d’importance pour les responsables des politiques
régionales de développement économique, d’emploi et d’aménagement du territoire.
Malgré leur importance numérique, force est de reconnaître que, jusqu’à présent, les
professionnels exerçant sous forme libérale étaient très largement méconnus, faute
d’identification suffisante.
On devinait pourtant, mais cela restait du domaine de l’intuition, que ces activités
contribuaient au maintien et à la création d’emplois ainsi qu’à l’aménagement du territoire en
permettant à la population régionale et aux entreprises d’accéder rapidement à un certain
nombre de services. Le rôle de ces activités devait par conséquent être analysé plus finement
pour en mesurer plus précisément l’importance économique et sociale.
Le C.E.S.R. a mandaté la Direction Régionale de l’INSEE pour réaliser, avec l’appui
de l’Union des professions libérales de Champagne-Ardenne, en juin 2000, une étude qui
s’est efforcée de décrire et d’analyser l’offre des professions libérales en Champagne-Ardenne
au travers d’un état des lieux de ce secteur d’activité permettant de mesurer son poids
économique et social dans la région, notamment en terme d’emploi, ainsi que l’évolution de la
« réalité libérale » depuis quelques années.
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SYNTHESE DE L’ETUDE
Faute de définition macro-économique officielle du secteur libéral, ont été retenues
pour conduire cette étude les entreprises dotées de la personnalité physique ou morale, qui
exercent à titre principal une activité dans les domaines :
•
de la santé,
•
du juridique,
•
du technique et du cadre de vie (à l’exclusion des sociétés commerciales).
Au 1er janvier 2000, la Champagne-Ardenne comptait 10 038 établissements
principaux et annexes (en progression de 1,5 % par an), créés pour moins de 4 % sous forme
de société. Gérés par 9 613 entrepreneurs du libéral, ils se répartissaient ainsi :
•
57,70 % pour le secteur santé
•
7,10 % pour le secteur juridique
•
35,20 % pour le secteur technique et cadre de vie.
Ils représentaient 17 % des établissements marchands champardennais.
16 216 emplois étaient recensés au 1er janvier 1998. Dans la majorité des cas,
l’exercice d’une activité libérale correspondait au seul emploi du professionnel. Au cours de
cette même année, moins d’un établissement sur trois avait rémunéré un poste de travail
salarié. Lorsqu’ils existaient, ces postes étaient souvent intermittents ou à temps partiel. En
moyenne, 10 postes équivalaient à seulement à 5,4 postes à temps complet sur l’année ; soit
0,3 point de moins que dans l’ensemble des activités marchandes.
Une entreprise sur trois était dirigée par une femme, soit un taux de féminisation
supérieur à celui des entrepreneurs toutes activités confondues. Très présentes dans le
domaine de la santé (40 %), les femmes chefs d’entreprise l’étaient moins ailleurs.
Néanmoins, leur nombre a augmenté en sept ans de 3 %, en particulier dans le domaine
juridique, le moins féminisé en 1993.
Obéissant à une logique de marchés, l’implantation des professionnels du libéral
s’articule autour :
•
de celle de la population, pour les métiers de la santé et du cadre de vie,
•
et de celle du tissu économique, pour les métiers juridiques et techniques.
En ce sens, ils sont de véritables acteurs du développement d’une région, notamment en
favorisant l’accès rapide de la population à de nombreux services.
Début 2000, la Champagne-Ardenne comptait 74,8 établissements du libéral pour
10 000 habitants, implantés de façon non homogène sur l’ensemble du territoire : 28 % des
libéraux exerçaient leur activité dans l’espace rural où résidait 36 % de la population.
Les densités de libéraux pour 10 000 habitants sont très inégales selon les milieux
géographiques. Au sein des espaces à dominante urbaine, les libéraux sont plus nombreux à
s’installer dans les villes-centres : la densité libérale des villes est près de deux fois supérieure
à celle de leur banlieue et deux fois et demi supérieure à celle des couronnes périurbaines.
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Ce secteur trouve sa place dans l’économie régionale. En 1997, à elles seules les
entreprises individuelles du libéral ont généré un chiffre d’affaires de 885 millions d’euros.
La Champagne-Ardenne a contribué aux résultats nationaux à hauteur de 1,9 % du
chiffre d’affaires du libéral, situant la Région au 19ème rang métropolitain, derrière la
Bourgogne et la Picardie, régions comparables, qui présentent des résultats plus satisfaisants :
soit respectivement 2,6 % et 2,8%. Cette faiblesse se constate pour les trois catégories de
professionnels libéraux, mais elle est encore plus marquée pour les activités juridique,
technique et cadre de vie :
Juridique
Technique et
Cadre de vie
Champagne-Ardenne
1,4
1,4
Bourgogne
2,1
2,0
Picardie
2,4
2,3
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ETAT DES DIFFICULTES RENCONTREES PAR LES PROFESSIONNELS
LIBERAUX
Le groupe de travail « Professions libérales » a auditionné des professionnels libéraux
dans les domaines du technique, du juridique et de la santé.
-
D’une part, des problématiques communes ont été soulevées :
un phénomène de concentration urbaine
des difficultés de recrutement de personnel, principalement pour un poste en milieu rural
des problèmes de transmission/reprise des cabinets et d’installation du repreneur en milieu
rural
une nécessaire requalification des collaborateurs des professionnels libéraux face à
l’évolution des métiers (aujourd’hui maîtrise de l’informatique, accueil de la clientèle en
sus des tâches primaires)
D’autre part, des spécificités sectorielles se sont dégagées : on note
-
-
-
-
-
dans le technique :
des revendications en direction des pouvoirs publics nationaux (égalité de traitement
devant certains impôts ou charges sociales entre professions libérales et intervenants à
titre accessoire du secteur public pour lutter contre la concurrence déloyale, durcissement
de réglementation sur les seuils de construction nécessitant le recours à un architecte,
assouplissement de la réglementation sur les 35 heures)
un frein à l’embauche ou à la pérennisation des contrats de travail en relation avec le
manque de visibilité des carnets de commandes
une préférence donnée à des cabinets « parisiens » émanant de certaines activités
économiques privées (ex : Maison de champagne). Même si les architectes
champardennais travaillent sur des réalisations extra-régionales, peu d’entre eux installent
des antennes en Ile-de-France.
dans le juridique :
la promotion collective des notaires est autorisée, leur publicité à titre individuelle est,
elle, proscrite, ce qui ne facilite pas le développement des diverses prestations possibles
pour les avocats, la concurrence de « proximité » de grands cabinets parisiens aujourd’hui
présents sur des affaires modestes.
dans le domaine de la santé :
une féminisation croissante des métiers (développement du travail à temps partiel, volonté
de travailler en urbain et absence de garde)
un manque de projection du numerus clausus sur le long terme : la part de postes proposés
à l’internat détermine la répartition entre généralistes et spécialistes, en fonction des
besoins hospitaliers. Cette pratique conduit à une pénurie de généralistes et un excès de
certains spécialistes
un chiffre d’honoraires en stagnation depuis dix ans, mais qui est un chiffre de recette et
non de bénéfice qui, rapporté au temps de travail demeure faible compte tenu de
l’augmentation des charges. D’où un souhait d’accéder à une qualité de vie supérieure.
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En présence de cette situation, il est apparu au Conseil Economique et Social Régional que
des suggestions pouvaient être faites aux pouvoirs publics et des propositions au Conseil
Régional.
I - SUGGESTIONS AUX POUVOIRS PUBLICS
A) ANCRAGE DU FAIT REGIONAL
A examiner les conditions d’exercice de ces professions, dont de nombreuses sont
réglementées, il apparaît que l’existence même d’une région ne se traduit pas dans la vie de
ces professions.
C’est ainsi que des ordres indépendants peuvent n’avoir aucune coordination au plan de la
région. Il en est ainsi pour la profession d’avocat qui est constituée de cinq barreaux :
-
le Barreau des Ardennes
le Barreau de l’Aube
le Barreau de la Haute-Marne
qui sont des barreaux départementaux,
et deux barreaux dans la Marne, celui de Reims qui ne recouvre que l’arrondissement de
Reims, et celui de Châlons-en-Champagne qui recouvre le territoire d’Epernay, Sézanne,
Vitry-le-François, Sainte Menehould et Châlons-en-Champagne.
Non seulement il n’existe pas de structure régionale, mais ces Barreaux ne relèvent même pas
tous de la même Cour d’Appel, puisque la Haute-Marne relève de la Cour d’Appel de Dijon.
La mise en commun de moyens au plan régional permettrait sans doute aux organisations
concernées de faire des économies d’échelle. Des expérimentations pourraient utilement être
faites.
L’échelon régional paraît être, par ailleurs, l’espace le plus adapté pour instaurer une justice
ordinale conforme aux règles européennes.
Il est à constater par ailleurs que des ordres régionaux existent mais qu’ils ne coïncident pas
nécessairement avec la région comme c’est le cas pour les experts comptables ou les
géomètres experts.
Il paraît nécessaire de faire un « toilettage » des institutions pour les mettre en conformité
avec la dimension régionale qui est désormais une collectivité à part entière, ce que le
Parlement vient de consacrer. Or, il semble que à aucun moment les diverses autorités de
tutelle des différentes professions n’aient songé à traduire dans les faits l’existence des
régions. Il paraît difficile d’imaginer que l’Etat se déconcentre sans qu’il y ait coïncidence
entre la tutelle et sa sphère de décision.
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B) RECONNAISSANCE DE L’ENTREPRISE LIBERALE
a) Principe
L’essentiel de la législation relative aux entreprises ignore le professionnel libéral dans sa
dimension d’entrepreneur.
Or, quelle que soit l’importance de l’activité ou du nombre de salariés, l’exercice d’une telle
activité professionnelle indépendante constitue bien une entreprise. Il y a dès lors une
discrimination contraire à l’égalité devant les charges publiques à ne pas traiter ces entreprises
comme toutes les autres.
b) Patrimoine d’affectation
De nombreux professionnels libéraux n’exercent pas sous forme sociale. Dès lors, leurs biens
privés et ceux destinés à leurs activités sont confondus. Il faudrait donc que soit reconnu,
comme pour tous les travailleurs indépendants exerçant à titre individuel, l’existence d’un
« patrimoine d’affectation » dédié à l’exercice de la profession.
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II – PROPOSITIONS POUR ADAPTER LA POLITIQUE REGIONALE
A) EN MATIERE D’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE
Regrouper dans un même lieu l’ensemble des services et créer des « Maisons de services »
Les professionnels libéraux fournissent des conseils et des services de proximité.
Cependant, installés majoritairement dans les centres des aires urbaines, l’accès à leurs
services est rendu d’autant plus difficile à l’ensemble de la population.
Le déficit de professions de services en Champagne-Ardenne, le vieillissement de la
population et la désertification des campagnes en font des acteurs clés pouvant permettre à la
population de se fixer en milieu rural.
Ainsi, le CESR propose la création de Maisons qui accueilleraient, outre les
professionnels libéraux de santé (médecin, infirmier, kinésithérapeute, dentiste…) l’ensemble
des professions libérales (avocat, notaire, architecte…).
Véritables lieux d’accueil, d’information, de conseil, ces Maisons permettraient, à
chacun, de bénéficier en un même lieu, d’un ensemble de services.
Les professionnels libéraux y assureraient des permanences tout en conservant la
qualité de leur cadre de vie en milieu urbain (travail du conjoint, scolarité des enfants,
animation culturelle…).
Améliorer les conditions d’exercice
Pour développer l’attractivité des zones rurales et des zones sensibles pour les
professionnels libéraux et pour le confort des populations, il est essentiel d’améliorer les
conditions d’exercice.
-
Ainsi, concernant les professionnels libéraux « santé », il conviendrait :
de sensibiliser les populations à mesurer le degré d’urgence de leurs appels et de
généraliser les appels par le 15
de favoriser l’activité entre médecins de jour et de nuit, pour palier les durées de travail
trop longues
de mettre en place des permanences de soins, au sein des Maisons de services au public,
qui prendraient le relais pour que les services médicaux soient toujours et mieux assurés
(jours fériés, nuit, week-end, insécurité dans les quartiers difficiles).
La création de ces Maisons faciliterait une meilleure prise en compte des besoins de santé des
populations rurales et urbaines et préserverait une qualité de vie aux professionnels libéraux
« santé ».
La Maison régionale des professions libérales et des services : relier les différentes
professions libérales et créer des passerelles afin de développer les services au bénéfice de la
population et faire preuve d’efficacité en créant des synergies.
Cette Maison régionale des professions libérales et des services aurait pour mission :
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-
d’orienter le public par un premier conseil et l’accompagner dans sa démarche
de sensibiliser la population et d’organiser des campagnes de communication, de
dépistage et de prévention
de dispenser de la formation pour les professionnels libéraux et leurs salariés
de créer des bourses pour gérer les remplacements, la reprise des cabinets
d’accompagner les professionnels libéraux dans les démarches qualité
d’accueillir et d’appuyer les jeunes professionnels libéraux dès la sortie de leur cursus
universitaire
de diffuser de l’information (par exemple sur le statut du professionnel libéral, obligations
et environnement de l’exercice libéral…)
d’organiser des rencontres thématiques.
Ceci tout en sachant que ces opérations ne peuvent se réaliser qu’en partenariat
(politique, technique et financier) entre les professionnels libéraux, les collectivités, l’Etat…
La Région pourrait être le porteur de ces projets :
-
Avant de généraliser les Maisons de services, une expérimentation pourrait être menée
par la création de deux maisons.
Un rapprochement avec les Pays paraît pertinent.
-
La Maison régionale des professions libérales et des services serait quant à elle un
vecteur d’unité et d’identité régionale au bénéfice de la population champardennaise par
une amélioration de la qualité des services rendus.
B) EN MATIERE D’EMPLOI ET DE FORMATION
-
En raison de difficultés prégnantes :
manque de moyens financiers pour procéder à des embauches à temps plein
difficultés administratives liées aux embauches et au maintien d’emploi (fluctuation des
chiffres d’affaires)
cadre déontologique
environ 65 % des entreprises libérales de Champagne-Ardenne n’emploient pas de
salarié.
Or des besoins en secrétariat, logistique, comptabilité… existent. Ces tâches
aujourd’hui assurées par les professionnels libéraux (heures de travail non productives)
pourraient l’être par l’intermédiaire :
-
Des groupements d’employeurs. Cette réponse pragmatique par la mise en place de
groupements d’employeurs favoriserait la création d’emplois et assouplirait les modalités
de recrutement et de gestion du personnel. Ils répondraient aux besoins des entreprises
libérales : variation de la charge de travail, aménagement et réduction du temps de travail,
besoin de compétences spécialisées... Ils permettraient une externalisation des tâches
jusque là le plus souvent assurées par les professionnels libéraux.
Le Conseil Régional pourrait aider à la mise en place de ces groupements
d’employeurs en s’appuyant sur les territoires. Une étude qui vient d’être financée par la
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Région et la Direction Départementale du Travail, de l’Emploi et de la Formation
Professionnelle de la Marne voit la faisabilité positive de ce projet qui ne demande qu’à être
soutenu.
-
De « logisticiens libéraux ». Une réflexion a été menée au sein de l’UNAPL régionale sur
ce métier de logisticien libéral et a débouché sur un référentiel de formation. Une
formation spécifique sur ce « nouveau métier » est nécessaire.
Le Conseil Régional pourrait inscrire cette action de formation dans son programme
régional.
C) EN MATIERE DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE
-
-
Le professionnel libéral peut bénéficier des dispositifs :
« Envol ». Il vise à encourager et à faciliter la création ou la reprise d’un cabinet par un
demandeur d’emploi, inscrit à l’ANPE, résidant en Champagne-Ardenne, quelque soit son
âge.
« Prime à l’emploi ». Elle vise à favoriser la création dans un établissement du secteur
marchand champardennais de contrats de travail durables, par l’octroi d’une aide
régionale sur 3 ans pour l’embauche d’une personne sortant d’un contrat emploi jeune.
Aucune autre aide régionale ne soutient l’embauche par le professionnel libéral d’un
emploi salarié.
Les dispositifs d’aide à l’embauche de la Région ne touchent pas l’ensemble des
entreprises et demanderaient à être « toilettés » et complétés en particulier pour les T.P.E.
(très petites entreprises) sans omettre les professions libérales.
De plus, pour inciter les professionnels libéraux à entreprendre une certification de
leur cabinet, le fonds régional d’aide au conseil, ouvert aux PME appartenant au secteur
productif ou de services à l’industrie, pourrait être élargi aux professionnels libéraux.
Il leur permettrait de développer les démarches qualité et de certification sur le suivi
et la gestion de leurs conseils et services.
Avis adopté à la majorité
Abstention : 3 (UNSA, CODERPA)
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