Outil d`analyse fonctionnelle
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Outil d’analyse fonctionnelle David Renard 20 octobre 2016 ÉCOLE POLYTECHNIQUE – David Renard Outil d’analyse fonctionnelle 20 octobre 2016 1/1 Cours 1 : Théorème de Lax-Milgram-Formulation variationnelle ÉCOLE POLYTECHNIQUE – David Renard Outil d’analyse fonctionnelle 20 octobre 2016 2/1 1 Les documents (poly actualisé, feuille d’exercices, etc) sont disponibles à l’adresse suivante : http ://www.cmls.polytechnique.fr/perso/renard/Shanghai2016.html 2 N’hésitez pas à me contacter pour toute question ou problème, : [email protected] David Renard Outil d’analyse fonctionnelle 20 octobre 2016 3/1 Objectifs du cours (i) Introduire des méthodes d’étude d’équations aux dérivées partielles et les appliquer sur des exemples assez simples provenant de problèmes physiques, des sciences de l’ingénieur, de l’économie, etc. (ii) S’initier à quelques jolies théories mathématiques abstraites , dans le domaine de l’analyse fonctionnelle (théorie de Lax-Milgram, théorie spectrale des opérateurs auto-adjoints compacts, etc). David Renard Outil d’analyse fonctionnelle 20 octobre 2016 4/1 Le livre Nous allons suivre pour ce cours une partie du livre ”Analyse numérique et optimisation” de Grégoire Allaire. Voici les parties du livre que nous allons aborder : Chapitre I, sections I1, I2, I3, I5.1 Chapitre III, en entier Chapitre IV, sections IV1, IV2, IV3, IV4 Chapitre V, sections V1, V2 Chapitre VII, sections VII1, VII2, VII3.1, VII3 Chapitre VIII, sections VIII1, VIII2, VIII3, VIII4, VIII5, VIII6 David Renard Outil d’analyse fonctionnelle 20 octobre 2016 5/1 Théorème de Lax-Milgram Nous décrivons une théorie abstraite qui nous permettra d’obtenir l’existence et l’unicité de solutions d’EDP dans certains espaces de Hilbert que nous introduirons la prochaine fois. On note V un espace de Hilbert réel de produit scalaire h, i et de norme k k. Soient a et L telles que : 1 L(·) est une forme linéaire continue sur V , c’est-à-dire que v 7→ L(v ) est linéaire de V dans R et il existe C > 0 tel que |L(v )| ≤ C kv k pour tout v ∈ V ; 2 3 a(·, ·) est une forme bilinéaire sur V , c’est-à-dire que w 7→ a(w , v ) est une forme linéaire de V dans R pour tout v ∈ V , et v 7→ a(w , v ) est une forme linéaire de V dans R pour tout w ∈V; a(·, ·) est continue, c’est-à-dire qu’il existe M > 0 tel que |a(w , v )| ≤ Mkw k kv k pour tout w , v ∈ V ; 4 (1) a(·, ·) est coercive, c’est-à-dire qu’il existe ν > 0 tel que a(v , v ) ≥ νkv k2 pour tout v ∈ V . David Renard Outil d’analyse fonctionnelle (2) 20 octobre 2016 6/1 Théorème de Lax-Milgram Nous considérons (formulation variationnelle) un problème du type : trouver u ∈ V tel que a(u, v ) = L(v ) pour toute fonction v ∈ V . (3) Comme nous le verrons, toutes les hypothèses ci-dessus sont nécessaires pour pouvoir résoudre (??). En particulier, la coercivité de a(·, ·) est essentielle. David Renard Outil d’analyse fonctionnelle 20 octobre 2016 7/1 Théorème de Lax-Milgram Théorème (Lax-Milgram) Soit V un espace de Hilbert réel, L(·) une forme linéaire continue sur V , a(·, ·) une forme bilinéaire continue coercive sur V . Alors la formulation variationnelle (??) admet une unique solution. De plus cette solution dépend continûment de la forme linéaire L. Remarques : Si l’espace de Hilbert V est de dimension finie (ce qui n’est jamais le cas pour les applications que nous visons), la démonstration est beaucoup plus simple. En dimension finie toutes les applications linéaires sont continues et l’injectivité d’un opérateur est équivalent à son inversibilité. Si V = RN , il s’agit de résoudre un problème du type hAu, v i = hf , v i pour tout v ∈ RN . C’est un simple système linéaire Au = f . David Renard Outil d’analyse fonctionnelle 20 octobre 2016 8/1 Théorème de Lax-Milgram Si la forme bilinéaire a est symétrique, la quantité J(v ) suivante s’interprète comme une énergie, 1 (v ∈ V ). (4) J(v ) = a(v , v ) − L(v ), 2 Proposition On se place sous les hypothèses du Théorème de Lax-Milgram avec de plus a symétrique. Soit u ∈ V l’unique élément tel que (∗) a(u, v ) = L(v ), (∀v ∈ V ). Alors u est aussi l’unique point de minimum de l’énergie, c’est-à-dire que J(u) = minv ∈V J(v ). Réciproquement, si u ∈ V est un point de minimum de l’énergie J(v ), alors u est la solution unique de (*). David Renard Outil d’analyse fonctionnelle 20 octobre 2016 9/1 Formule de Green Ω est un ouvert de l’espace RN (borné ou non), dont le bord (ou la frontière) est noté ∂Ω. Nous supposons aussi que Ω est un ouvert régulier de classe C 1 . Un ouvert régulier est un ouvert dont le bord est une hypersurface (une sous-variété de dimension N − 1) régulière, et que cet ouvert est localement situé d’un seul coté de sa frontière. On définit alors la normale extérieure au bord ∂Ω comme étant le vecteur unité n = (ni )1≤i≤N normal en tout point à l’espace tangent de Ω et pointant vers l’extérieur de Ω. Dans Ω ⊂ RN on note dx la mesure volumique, ou mesure de Lebesgue de dimension N. Sur ∂Ω, on note ds la mesure surfacique, ou mesure de Lebesgue de dimension N − 1 sur la sous-variété ∂Ω. David Renard Outil d’analyse fonctionnelle 20 octobre 2016 10 / 1 Formule de Green Théorème (Formule de Green) Soit Ω un ouvert régulier de classe C 1 . Soit w une fonction de C 1 (Ω) à support borné dans le fermé Ω. Alors elle vérifie la formule de Green Z Z ∂w (x) dx = w (x)ni (x) ds, (5) Ω ∂xi ∂Ω où ni est la i-ème composante de la normale extérieure unité de Ω. Remarque : Si une fonction régulière w a son support borné dans le fermé Ω alors elle s’annule à l’infini si le fermé n’est pas borné. On dit aussi que la fonction w a un support compact dans Ω (attention : cela n’implique pas que w s’annule sur le bord ∂Ω). David Renard Outil d’analyse fonctionnelle 20 octobre 2016 11 / 1 La formule de Green En particulier, l’hypothèse à propos du support borné de la fonction w dans Ω est inutile si l’ouvert Ω est borné. Si Ω n’est pas borné, cette hypothèse assure que les intégrales dans (??) sont finies. Nous avons fait appel à un certain nombres de notions de calcul différentiel que nous ne développons pas (sous-variétés, espaces tangents, hypersurfaces, vecteur unitaire normal, mesure sur une sous-variété, etc). En fait, pour ce cours, il n’y a pas besoin de connaı̂tre les définitions rigoureuses de ces objets. Une idée intuitive de ceux-ci sera suffisante. David Renard Outil d’analyse fonctionnelle 20 octobre 2016 12 / 1 La formule de Green Corollaire (Formule d’intégration par parties) Soit Ω un ouvert régulier de classe C 1 . Soit u et v deux fonctions de C 1 (Ω) à support borné dans le fermé Ω. Alors elles vérifient la formule d’intégration par parties Z Z Z ∂v ∂u u(x) (x) dx = − v (x) (x) dx + u(x)v (x)ni (x) ds. (6) ∂xi ∂xi Ω Ω ∂Ω Prendre w=uv dans le théorème. David Renard Outil d’analyse fonctionnelle 20 octobre 2016 13 / 1 La formule de Green Corollaire Soit Ω un ouvert régulier de classe C 1 . Soit u une fonction de C 2 (Ω) et v une fonction de C 1 (Ω), toutes deux à support borné dans le fermé Ω. Alors elles vérifient la formule d’intégration par parties Z Z Z ∂u ∆u(x)v (x) dx = − ∇u(x) · ∇v (x) dx + (x)v (x) ds, (7) Ω Ω ∂Ω ∂n ∂u ∂u où ∇u = est le vecteur gradient de u, et = ∇u · n. ∂xi 1≤i≤N ∂n David Renard Outil d’analyse fonctionnelle 20 octobre 2016 14 / 1 Formulation classique L’exemple type d’équation aux dérivées partielles de type elliptique sera le Laplacien pour lequel nous étudierons le problème aux limites suivant : −∆u = f dans Ω (8) u=0 sur ∂Ω. où nous imposons des conditions aux limites de Dirichlet. Dans (??), Ω est un ouvert de l’espace RN , ∂Ω est son bord (ou frontière), f est un second membre (une donnée du problème), et u est l’inconnue. La formulation “classique” de (??) est de supposer suffisamment de régularité pour la solution u afin que les équations de (??) aient un sens en tout point de Ω ou de ∂Ω. Une solution classique (on parle aussi de solution forte) de (??) est une solution u ∈ C 2 (Ω) ∩ C (Ω). David Renard Outil d’analyse fonctionnelle 20 octobre 2016 15 / 1 Formulation classique Sous la seule hypothèse f ∈ C (Ω), il n’existe en général pas de solution de classe C 2 pour (??) si la dimension d’espace est plus grande que deux (N ≥ 2). Il existe bien une solution, mais elle n’est pas toujours de classe C 2 (elle est un peu moins régulière sauf si la donnée f est plus régulière que C (Ω)). Dans la suite, pour étudier (??), nous remplacerons sa formulation classique par une formulation, dite variationnelle, beaucoup plus avantageuse. David Renard Outil d’analyse fonctionnelle 20 octobre 2016 16 / 1 Formulation variationnelle Nous rappelons le système (??) −∆u = f u=0 dans Ω sur ∂Ω. Pour simplifier, nous supposons que l’ouvert Ω est borné et régulier, et que le second membre f de (??) est continu sur Ω. Proposition Soit u une fonction de C 2 (Ω). Soit X := φ ∈ C 1 (Ω) tel que φ = 0 sur ∂Ω . Alors u est une solution du problème aux limites (??) si et seulement si u appartient à X et vérifie l’égalité Z Z f (x)v (x) dx pour toute fonction v ∈ X . (9) ∇u(x) · ∇v (x) dx = Ω David Renard Ω Outil d’analyse fonctionnelle 20 octobre 2016 17 / 1 Formulation variationnelle L’égalité (??) est appelée la formulation variationnelle du problème aux limites (??). Remarques : Un intérêt immédiat de la formulation variationnelle (??) est qu’elle a un sens si la solution u est seulement une fonction de C 1 (Ω), contrairement à la formulation “classique” (??) qui requiert que u appartienne à C 2 (Ω). Il est plus simple de résoudre (??) que (??) puisqu’on est moins exigeant sur la régularité de la solution. Dans la formulation variationnelle (??), la fonction v est appelée fonction test. La formulation variationnelle est aussi parfois appelée formulation faible du problème aux limites (??). En mécanique, la formulation variationnelle est connue sous le nom de “principe des travaux virtuels”. En physique, on parle aussi d’équation de bilan ou de formule de réciprocité. Lorsqu’on prend v = u dans (??), on obtient une égalité d’énergie, qui exprime généralement l’égalité entre une énergie stockée dans le domaine Ω (le terme de gauche de (??)) et une énergie potentielle associée à f (le terme de droite de (??)). David Renard Outil d’analyse fonctionnelle 20 octobre 2016 18 / 1 Formulation variationnelle Remarque : On peut réécrire la formulation variationnelle (??) sous la forme : trouver u ∈ X tel que a(u, v ) = L(v ) pour toute fonction v ∈ X , avec Z ∇u(x) · ∇v (x) dx a(u, v ) = Ω et Z L(v ) = f (x)v (x) dx, Ω où a(·, ·) est une forme bilinéaire sur X et L(·) est une forme linéaire sur X . David Renard Outil d’analyse fonctionnelle 20 octobre 2016 19 / 1 Formulation variationnelle L’idée principale de l’approche variationnelle est de montrer l’existence et l’unicité de la solution de la formulation variationnelle (??) grâce à la théorie de Lax-Milgram, ce qui entraı̂nera le même résultat pour l’équation (??) à cause de la Proposition. Néanmoins cette théorie ne fonctionne que si l’espace dans lequel on cherche la solution et dans lequel on prend les fonctions tests (dans les notations précédentes, l’espace X ) est un espace de Hilbert, ce qui n’est pas le cas pour X = {v ∈ C 1 (Ω), v = 0 sur ∂Ω} muni du produit scalaire “naturel” pour ce problème. La principale difficulté dans l’application de l’approche variationnelle sera donc qu’il faudra utiliser un autre espace que X , à savoir l’espace de Sobolev H01 (Ω) qui est bien un espace de Hilbert. David Renard Outil d’analyse fonctionnelle 20 octobre 2016 20 / 1 Application au Laplacien Essayons d’appliquer le Théorème de Lax-Milgram à la formulation variationnelle (??) du Laplacien avec conditions aux limites de Dirichlet. Celle-ci s’écrit bien sous la forme a(u, v ) = L(v ) pour toute fonction v ∈ X , avec Z ∇u(x) · ∇v (x) dx a(u, v ) = Ω et Z L(v ) = f (x)v (x) dx, Ω L’espace V (noté précédemment X ) est V = v ∈ C 1 (Ω), v = 0 sur ∂Ω . David Renard Outil d’analyse fonctionnelle (10) 20 octobre 2016 21 / 1 Application au Laplacien Comme produit scalaire sur V nous choisissons Z hw , v i = ∇w (x) · ∇v (x) dx, (11) Ω qui a pour norme associée Z kv k = 2 |∇v (x)| dx 1/2 . Ω On vérifie aisément que (??) définit un produit scalaire sur V . La motivation du choix de (??) comme produit scalaire est bien sûr le fait que la forme bilinéaire a(·, ·) est automatiquement coercive pour (??). David Renard Outil d’analyse fonctionnelle 20 octobre 2016 22 / 1 Application au Laplacien On vérifie par ailleurs aisément que a est continue. Pour montrer que L est continue, il faut faire appel à l’inégalité de Poincaré. On a alors Z Z 1/2 Z 1/2 2 2 f (x)v (x) dx ≤ |f (x)| dx |v (x)| dx ≤ C kv k, Ω Ω Ω où C est une constante qui dépend de f mais pas de v . Lemme (Inégalité de Poincaré) Soit Ω un ouvert de RN borné dans au moins une direction de l’espace. Il existe une constante C > 0 telle que, pour toute fonction v ∈ C 1 (Ω) qui s’annule sur le bord ∂Ω, Z Z 2 |v (x)| dx ≤ C |∇v (x)|2 dx. Ω David Renard Ω Outil d’analyse fonctionnelle 20 octobre 2016 23 / 1 Application au Laplacien Toutes les hypothèses du Théorème de Lax-Milgram semblent vérifiées, et pourtant il en manque une qui empêche son application : l’espace V n’est pas un espace de Hilbert car il n’est pas complet pour la norme induite par (??) ! L’obstruction ne vient pas tant du choix du produit scalaire que de l’exigence de régularité C 1 des fonctions de l’espace V . Une façon immédiate, quoique peu explicite, de résoudre la difficulté est de remplacer V par V , sa complétion pour le produit scalaire (??). A quoi peut bien ressembler l’espace V ? : nous verrons que V est l’espace de Sobolev H01 (Ω). David Renard Outil d’analyse fonctionnelle 20 octobre 2016 24 / 1