DISCOURS DU 1ER MAI 2015 - DINANT Jean

Transcription

DISCOURS DU 1ER MAI 2015 - DINANT Jean
DISCOURS DU 1ER MAI 2015 - DINANT
Jean-Marc Delizée
Député fédéral et Bourgmestre de Viroinval
Chers amis,
Chers camarades,
Il y a six mois, le Gouvernement fédéral MR/N-VA naissait sous les quolibets dans et hors le
Parlement.
Pourquoi un tel chahut ?
Pas parce que trois-quarts de la majorité parlementaire est flamande (76,5 % - 65 sur 85). Pas
parce que moins d’un électeur francophone sur 4 a voté pour un parti de cette majorité asymétrique.
Non, sur le plan purement arithmétique, il n’y a rien à redire : le Gouvernement MICHEL
dispose d’une majorité à la Chambre des Représentants (85 sièges sur 150). C’est « l’alliance
des droites » que l’on dénonçait avant les élections.
Non, si le Gouvernement MICHEL s’est mis en place sous les quolibets, c’est en raison du comportement « border line » de deux de ses nouveaux Ministres nationalistes flamands.
Lors du week-end qui a précédé l’investiture du Gouvernement MICHEL, Monsieur JAMBON a
déclaré que ceux qui ont collaboré avec les nazis avaient leurs raisons. Entendons, ils avaient
de « bonnes » raisons…
Le même week-end, le Secrétaire d’Etat N-VA FRANCKEN fêtait joyeusement l’anniversaire
d’un collaborateur notoire, un ancien du front de l’est, Bob MAES,…
Cela faisait mauvais genre tout cela, et cela montrait qu’au sein de la N-VA, la ligne de démarcation entre la voie démocratique et les sympathies pour l’extrême droite est assez floue ; elle
est en réalité flexible et perméable.
La N-VA ayant siphonné l’électorat du Vlams Belang, le parti nationaliste flamand doit donner
des gages à cette frange de la Flandre nostalgique et révisionniste.
En France, le FN fait face à cette même fracture stratégique, à ce profond malaise quant au
péché originel.
Collaboration, Pétainisme, antisémitisme, racisme : autour de ces questions, voyez les tribulations des trois générations de la famille LE PEN !
Ce qui divise les LE PEN, père et fille, ce n’est pas question de valeurs ou de divergences de
fond ; ce qui les divise tourne autour de la stratégie du silence. « En parler, jamais ; y penser,
toujours ! ».
Père et fille LE PEN se sont entendus, semble-t-il. Ils se seraient vus en face à face et ont conclu
un accord « entre trois yeux » : le vieux la met en sourdine… Si possible…
C’est ce qui s’est passé, d’une certaine manière en Belgique. Sur un ton condescendant,
FRANCKEN a promis d’être prudent ; JAMBON n’a rien promis du tout et n’a exprimé ni
excuses, ni regrets.
Et, de temps en temps, le Maître d’Anvers qui est, en réalité, le véritable dirigeant de la coalition
fédérale ne se prive pas de distiller des messages qui plaisent à un certain électorat xénophobe.
Ainsi, après une stigmatisation des Roms, puis des Berbères, le Président de la N-VA a déclaré
que : « Le racisme est une notion relative ».
A quelques jours du 70ème anniversaire de la Libération, avouons que tout cela est bien inquiétant…
La coalition MR / N-VA a trois particularités : Un, elle est très majoritairement flamande ; deux,
son parti dominant a pour but suprême la disparition de la Belgique ; et trois, en comparaison
avec MARTENS-GOL, le curseur de cette majorité est beaucoup plus à droite encore…
Pour preuve, voilà Kris PEETERS, ancien Ministre-Président de Flandre, ancien leader du patronat flamand et de la FEB, qui fait figure « d’homme de gauche du Gouvernement »… c’est tout
dire !
On a beaucoup reparlé récemment de MARTENS-GOL. Dans les débats récents au Parlement,
certains élus de la N-VA ont salué « le bon temps de MARTENS-GOL », le bon temps de cette
austérité pure et dure, le bon temps de la régression sociale, le bon temps des sauts d’index.
Tiens, oui, c’est vrai, j’y pense, pendant 25 ans de participation socialiste au Gouvernement
fédéral, il n’y avait plus eu, chez nous, de saut d’index ; le dernier remontant à cette triste époque
MARTENS-GOL (1986) !
Maintenant, c’est fait, c’est voté. Sans concertation sociale, sans analyse d’impact, dans
l’urgence, à la hussarde, en réduisant les droits du Parlement, la majorité a voté « comme un
seul homme » et a brisé notre mécanisme d’adaptation automatique des salaires, retraites et
allocations à l’évolution du coût de la vie.
Comme l’a indiqué Laurette ONKELINX à la Chambre : « Le PS n’est plus là, la digue a cédé… ».
Au sujet du saut d’index, avant de parler du fond, quelques points factuels.
Tout d’abord, je voudrais évoquer, les « promesses de Pinocchio ».
Vous le savez, trois des quatre partis de la coalition fédérale avaient pris des engagements au
cours de la campagne pour les élections législatives de 2014, dont celui de pas procéder à un
saut d’index en cas de participation au gouvernement fédéral.
Vous vous souvenez qu’au MR, en particulier, les élus-candidats ont multiplié les déclarations
dans ce sens lors de multiples débats, interviews, publications électorales, questionnaires de
médias, forums sur internet, etc.
On a revu, on a réentendu les déclarations télévisuelles des ténors libéraux MICHEL,
REYNDERS, CHASTEL qui s’engageaient sur base des affirmations suivantes :
« En aucun cas, avec le MR, on ne touchera à l’index » ;
« Le MR ne participera pas à un gouvernement qui supprimerait le caractère automatique de
l’indexation » ;
« Avec le MR au Gouvernement, il n’y aura pas de saut d’index »
Je le répète : promesses de Pinocchio ! Puissent les citoyens – électeurs avoir bonne mémoire…
Ensuite, l’embarras des Députés MR pour « justifier » le vote favorable de leur groupe sur le
saut d’index. Le Parti a fait appel à ses troisièmes gâchettes. CLARINVAL fut très bref. Pour dire
deux choses, un peu gêné :
« le saut d’index est une nécessité économique » ;
« et, il est compensé socialement ».
Deux petits points, c’est tout !
Si, en 2014, face aux électeurs, le MR pensait que le saut d’index était une « nécessité économique », ils devaient, en toute transparence, le faire savoir aux électeurs ; or, ils ont fait tout le
contraire !
Puis, il y a la mascarade du « saut d’index intelligent », qui serait « entièrement compensé ».
Nous avons démontré que c’est une grossière contre-vérité. Nous n’avons d’ailleurs pas reçu
de réponse à cette question simple : « si tout est entièrement compensé, alors pourquoi le
faire ? »
La vérité, la voilà : le saut d’index coûtera plus de 2 milliards d’euros aux travailleurs, retraités
et allocataires et aura un impact financier jusqu’à la fin de leur vie.
Je prends deux exemples concrets : le saut d’index du MR va faire perdre près de 400 € par an
à un travailleur avec un salaire moyen de 3.100 € brut par mois, tandis qu’un pensionné qui,
après une carrière complète, a une pension de 1.500 €, perdra 511 € par an.
Enfin, petite anecdote : les applaudissements en séance plénière de la Chambre après le vote
qui approuvait le saut d’index.
Enthousiasme sur les bancs N-VA, pas un clignement de cils sur les bancs du Cd&V et embarras
évident, incrédulité sur les bancs MR. Ils ne savaient visiblement pas ce qu’ils devaient faire : applaudir leur « succès » lors du vote ou applaudir le reniement de leurs promesses électorales ?
J’en viens maintenant au fond… Il faut dire et redire que cette mesure est injuste et inefficace.
Je m’explique :
Le saut d’index du Gouvernement MR / N-VA créera de la déflation. Ce n’est pas moi qui le dit,
ce sont les études tant de la Banque Nationale que du Bureau du Plan qui le montrent ; cela
augmentera la dette publique à moyen terme.
Le saut d’index va également réduire les moyens de la sécurité sociale (moindre rentrées de
cotisations sociales) avec les conséquences et les risques que l’on peut imaginer sur un plus
long terme.
Le saut d’index est source d’appauvrissement de la population : il va diminuer le pouvoir d’achat
des ménages et concrétiser la célèbre formule: « travailler plus pour gagner moins ». (L’ancien
slogan de SARKOSY mais inversé…)
Le saut d’index ne créera pas l’emploi annoncé : cumulé à d’autres mesures, il va au contraire
rétrécir la consommation des ménages et miner la confiance des investisseurs.
Le saut d’index est inutile pour résorber l’écart salarial avec nos trois pays voisins : avec les
mesures du passé et les politiques salariales de nos voisins, cet écart salarial se résorbe tout
seul…
Par contre, on assistera à un « écart salarial inversé » : les travailleurs belges – dont le haut taux
de productivité est reconnu par tous – gagneront moins que leurs homologues néerlandais,
français et allemands !
Merci Monsieur MICHEL !
Cela dit, derrière ces éléments de fond, il y a un combat symbolique.
Lors de la dernière campagne électorale, la N-VA, le parti nationaliste flamand, prétendait
incarner « la force du changement » (« de kracht van de verandering »).
Ce parti, le mâle dominant du Gouvernement, entend donc démontrer qu’il y a rupture avec
le passé. Il y a rupture, certes, avec la ligne que le Parti socialiste a toujours défendue ; celle
dirigée vers le bien-être de la population et la défense de son pouvoir d’achat.
On voit bien que l’on est ici face à un clivage idéologique : le saut d’index est un enjeu emblématique pour la droite.
Les socialistes étant relégués dans l’opposition, la droite «décomplexée » ressort les vieilles
recettes du passé et impose cette mesure symbolique, choquante, qui constitue à la fois, un
impôt déguisé sur les travailleurs et un cadeau au patronat.
Au Parlement, pendant six mois, on a attendu les projets et les textes du gouvernement. Et,
récemment, la machine s’est emballée et nous avons vécu « la semaine de la régression
sociale ».
La majorité gouvernementale a approuvé ses projets l’un après l’autre : saut d’index,
modération salariale, allongement de la carrière dans la fonction publique, suppression du bonus pension ou encore augmentation des droits de greffe ; ce qui équivaut à instaurer une véritable taxe à l’accès à la justice.
Imaginez qu’ils ont décidé de multiplier par 3, 4 ou 5 les montants à payer pour faire entendre
ses droits devant les cours et tribunaux !
La machine infernale est en marche et je dois vous le dire avec honnêteté : le menu à venir est
indigeste !
Le MR a autant menti sur l’âge légal de la pension que sur le saut d’index !
Après les pensions publiques, ce sont les pensions privées qui seront prochainement à l’honneur pour un relèvement de l’âge légal à 67 ans, le durcissement de la pension anticipée et de
la pension de survie.
D’autres textes suivront : le deuxième pilier qui serait généralisé (à voir comment ?), l’harmonisation des pensions des trois secteurs – harmonisation vers le bas pour les salariés et les
fonctionnaires, s’entend, etc…
Dans le domaine du chômage, le Gouvernement MR / NV-A va poursuivre et amplifier la politique de stigmatisation des travailleurs sans emploi.
Demain, comme aux temps des visites domiciliaires chez les chômeurs, le combat va se focaliser sur leur projet d’intrusion dans la vie privée des demandeurs d’emplois par l’examen de
leurs factures d’eau, de gaz ou d’électricité, …
Demain, notre combat se poursuivra contre leur volonté de mettre fin aux allocations de garan-
tie de revenus (AGR) ; c’est-à-dire les allocations perçues par les travailleurs (le plus souvent
des travailleuses) à temps partiels.
Demain, la fonction publique fédérale sera remise en cause dans ses fondements : manque
d’effectifs pour assurer les missions au service du public, manque d’effectifs pour la juste
perception de l’impôt et la lutte efficace contre la fraude fiscale, mise en cause du statut, introduction de l’intérim dans les services publics, déstructurations de la politique de rémunération,
…
Demain, le 6ème contrat de gestion de bpost en cours de négociation risque de remettre en
cause, notamment, la règle d’un bureau postal par commune. Et comme par hasard, ce sont les
communes rurales principalement situées en Wallonie qui seront visées…
Demain, les mutualités et les organisations syndicales seront davantage encore dans le collimateur de la coalition des droites…
L’an dernier, à une encablure des élections, j’ai entendu dire qu’il était bon de multiplier les
« feux de gauche »…
Sans doute, dans un premier temps, ces multiples feux de gauche ont-ils constitué un épais
brouillard dans lequel les travailleurs – citoyens – électeurs peinaient à s’orienter…
Aujourd’hui, je ne sais pas si les multiples « feux de gauche » disséminés permettront de stopper la machine infernale qui est en marche.
L’heure est, à mon avis, aux regroupements des forces de gauche, au combat social et, je
l’espère, à une stratégie renforcée et concertée de l’Action Commune Socialiste.
Chers amis, Chers camarades,
Aujourd’hui, c’est la fête du travail ; c’est la fête des travailleurs.
Celle-ci est célébrée un peu partout dans le monde car cette journée symbolise les combats
menés par les travailleurs pour conquérir des droits sociaux, économiques, politiques et culturels.
C’est une histoire qui a démarré en 1886 aux Etats-Unis quand des travailleurs ont payé de leur
vie leur participation à une manifestation revendicative…
En Belgique, chez nous en Wallonie, depuis 25 ans déjà, les libéraux organisent un « Premier
Mai bleu », un « Premier Mai alternatif », un « Premier Mai Réformateur-Conservateur », une
promenade apéritive ponctuée par des messages formatés des ténors du MR.
Bien entendu, dans un pays libre, chacun fait ce qu’il veut et dit ce qu’il veut ; le Premier Mai
n’appartient à personne.
En réalité, le Premier Mai bleu relève de la stratégie politique ; c’est un coup de com’, pour être
sous le feu des projecteurs en même temps que les rouges…
Mais, entre nous, au-delà de la provocation médiatique, quelle usurpation des combats sociaux
de nos ainés !
Il y a quelques temps, le MR a exalté « Walter, le libraire » ;
il s’est présenté comme le parti qui défend « ceux qui se lèvent tôt »… Mais qui sont-ils ces
travailleurs qui se lèvent tôt ?
Les facteurs ? Les cheminots ? Les ouvriers d’usines ? Les infirmières ? Les enseignants ? Les
militaires ? Les travailleurs à pause – notez, que, dans les cycles de pauses, les travailleurs qui
ne se lèvent pas tôt sont parfois ceux qui se couchent tard…
Vit-on vraiment dans un monde où tout peut être dit, sans que les gens ne comprennent la
signification et la portée des mots et des messages ? Je ne le pense pas.
Le Premier Mai est depuis toujours, un rendez-vous qui donne du sens à l’Histoire.
Le Premier Mai est depuis toujours une caisse de résonances des combats sociaux, des valeurs
d’égalité et de solidarité.
Le Premier Mai est un moment d’expression de la résistance des travailleurs aux forces obscures de l’argent ; il est une invitation à la résistance face à la puissance du capitalisme, des
multinationales et à la mondialisation de l’économie.
De tout cela, il ne sera évidemment pas question à Jodoigne.
Le Premier Mai ne pourra jamais se résumer à une parade de nantis qui veulent préserver leurs
avantages et accroître les inégalités.
Le Premier Mai, c’est notre histoire et c’est aussi notre avenir.
Bonne fête du travail à toutes et tous !