Analyse du début du film

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Analyse du début du film
Analyse du début du film
Ouverture du film
Le film s’ouvre sur un rideau rouge.
Ainsi, on joue avec l’horizon d’attente du spectateur qui croit d’abord à un film en
couleurs. Mais surtout, l’objectif est de montrer que le film lui-même est un spectacle. On se
retrouve projeté au temps des premiers films muets, où le cinéma, diffusé dans de grandes
salles, était un spectacle.
La première diffusion de Blancanieves, en Espagne, s’est déroulée avec l’orchestre
qui jouait en direct la musique composée par Alfonso Vilallonga. D’ailleurs, on entend les
instruments s’accorder ; on entend aussi quelques toux de spectateurs. Il y a une mise en
abyme du cinéma : nous spectateurs regardons un film que d’autres spectateurs regardent.
La couleur est tout de suite remplacée par du noir et blanc, marquant l’époque
supposée du film.
Sur le générique, la distribution du film défile en gros caractères, avec pour toile de
fond des vêtements de torero richement brodés : en filigrane le thème de la corrida se
dessine.
Un des thèmes musicaux du film apparaît : celui du lien entre Blancanieves et son
père. Le spectateur est plongé dans une douce nostalgie.
Le film s’ouvre sur des images de Séville, prises en plans fixes. On a presque
l’impression de photos (mais en regardant attentivement on voit de l’eau couler). On a
l’impression d’une ville morte et on se demande pourquoi. Le carton qui suit mime le
questionnement du spectateur ; une complicité se crée avec lui
Ensuite, une plongée montre des gens qui marchent. Tous vont dans la même
direction. Les pas s’affolent, les gens sont pressés. Cela montre l’importance de l’événement
à suivre, cela le met en valeur. (A noter : les arènes ont été créées numériquement)
Un plan sur une affiche de spectacle de corrida répond au questionnement du
spectateur : mais où vont tous ces gens ? Avec cette affiche, le spectateur comprend que le
film va jouer sur les clichés de l’Espagne. On reprend les thèmes traditionnels de l’Espagne,
parce qu’on est dans un conte, qui joue aussi sur la tradition.
On découvre aussi un des protagonistes : Antonio. Son importance soulignée : c’est le
seul torero, son nom est écrit en gros. On comprend combien Antonio est important avant
de voir son visage, ce qui le met encore en valeur en créant une attente du spectateur. Le
plan suivant sur le ticket d’entrée souligne encore la suprématie du personnage, puisqu’il se
produit dans une arène nommée la « Colossal »
Dans les plans suivants, la tauromachie est vue comme quelque chose qui fait rêver.
On insiste sur les gestes qui préparent le torero à entrer dans l’arène. Ces gestes minutieux
sont importants : ils vont être reproduits plus tard par Blancanieves.
A partir de 8 minutes : la chute d’Antonio
On note un jeu sur les plongées / contre-plongées, qui rappelle les premiers films
muets : les mouvements de caméra sont un peu grossiers, mais ils sont très significatifs.
De même, le malheur à venir est annoncé par des symboles faciles à comprendre
(puisque le film est muet, il faut que tout soit évident à comprendre) : le chapeau qu’Antonio
lance à Carmen tombe à l’envers, annonçant la chute d’Antonio ; la plongée sur Antonio
mime certes la vision de Carmen, mais elle rend Antonio plus vulnérable. Les gros plans sur
les visages soulignent la tension du moment, tension accrue par une musique dramatique. Le
malheur annoncé aussi par le photographe (c’est lui qui va provoquer la chute d’antonio en
l’éblouissant avec son flash). Il a été chassé au début de la séquence, comme signe de gêne
ou de malheur. Ceci nous amène à réfléchir dès le début du film sur le sens de l’image et de
la représentation. La mise en lumière déclenche le malheur à venir.
Au moment de la chute d’Antonio, la musique s’accélère. Les mouvements de caméra
s’accélèrent aussi. Ces mouvements étaient impossibles à réaliser au temps du muet parce
que les caméras étaient trop lourdes à manipuler : Pablo Berger bouleverse les codes du
cinéma muet.
Antonio et Carmen à l’hôpital
A 10’04, l’image de Carmen et d’Encarna se confondent. Par-là, on indique au
spectateur qu’une femme va prendre la femme de l’autre. On peut d’ailleurs faire attention
à la symbolique de leurs deux noms. Les deux ont une connotation religieuse ; Encarna vient
d’ « incarnation » : c’est elle qui va réincarner Carmen une fois qu’elle est décédée. De plus,
dans les sonorités, un prénom est presque l’inverse de l’autre, tout comme les deux femmes
vont s’opposer.
La mise en parallèle des deux femmes permet de souligner leurs similitudes et leurs
différences : Carmen est richement vêtue, doublement auréolée d’une lumière et d’une
coiffe qui la font apparaître comme une reine ou une sainte. Son somptueux vêtement noir
souligne sa majesté, mais rappelle aussi qu’elle va mourir. Encarna, elle, est vêtue d’un blanc
virginal mais trompeur. Elle aussi porte une « couronne » sur la tête, comme si elle voulait
égaler Carmen, mais sa coiffe est simple, et révèle qu’elle sera une reine de pacotille. Le
spectateur comprend tout de suite le côté méchant du personnage, grâce au jeu de regards
expressif de Maribel Verdù, la comédienne ; on retrouve les codes du cinéma muet, où le
regard doit tout exprimer. De plus, Encarna tient le masque qui doit sauver Antonio comme
un instrument destiné à l’étouffer : on note le double jeu du personnage, qui apparaît
d’autant plus menaçant qu’il est filmé en contre-plongée. Enfin la méchanceté du
personnage est accentuée par la musique : le thème musical lié à Encarna est joué avec une
scie musicale.
L’accouchement de Carmen est d’abord filmé comme la séquence montrant Antonio
allant à l’hôpital. Le lien des deux amoureux est renforcé, jusque dans la mort. Il y a un
montage alterné : le ventre d’Antonio est creux, celui de Carmen est plein, on recoud
Antonio pour lui redonner vie, on ouvre Carmen qui va mourir.
L’image de la mort est annoncée de plusieurs manières. D’abord par le sang qui coule
abondamment. Ensuite par le médaillon qui tombe (on retrouve ce médaillon tout au long
du film, comme porte-bonheur, mais aussi comme annonçant un malheur à venir). De plus,
la grand-mère est toute vêtue de noir, et ce noir tranche avec la blancheur de l’hôpital ; il est
accentué par le noir qui entoure les fenêtres. En outre, la naissance de Blancanieves
ressemble à une mort : son berceau ressemble à un cercueil. il est en effet recouvert d’un
tissu noir ; de plus, il ressemble au cercueil de verre de Blanche-Neige, cercueil dans lequel
Blancanieves va mourir. Enfin, Blancanieves est rejetée par son père : pour lui, elle est
morte.