Structuration fiscale du LBO
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Structuration fiscale du LBO
Dossier Aspects Juridiques et Fiscaux des LBO Michel Turon, Avocat Associé, Matthieu Chapin, Avocat, UGGC & Associés Structuration fiscale du LBO Elle doit, en réduisant le plus possible les frottements fiscaux, permettre à due concurrence de dégager une capacité de trésorerie qui pourra favoriser le remboursement de la dette d’acquisition. Rappelons simplement que le régime de l’intégration implique, outre le respect d’obligations de forme, (i) que le holding de reprise possède 95% au moins du capital de la ou des cibles, (ii) que l’ensemble des sociétés membres clôturent leur exercice social à la même date et (iii) qu’elles soient soumises à l’IS dans les conditions de droit commun. Pour cela, plusieurs outils bien connus, en règle générale, sont à la disposition des acteurs d’un LBO. Mais plusieurs contraintes doivent être également maîtrisées, ou du moins anticipées. Toutefois, l’application du régime de l’intégration fiscale ne permet pas automatiquement l’imputation immédiate des frais supportés par le holding. I. Les outils Lorsqu’une société se crée pour acquérir au moins 95% du capital d’une société qui n’est pas mère de groupe, la société nouvellement créée doit clore un exercice avant de se constituer tête d’un groupe fiscal dont serait membre la société acquise (5). La fiscalité est une composante importante pour l’effet de levier des opérations de LBO. Le régime mère-fille. - Grâce à l’option du holding de reprise pour l’application de ce régime, celui-ci pourra appréhender les bénéfices de la fille en exonération d’impôt sur les sociétés, sous réserve de la réintégration dans ses résultats imposables au taux de droit commun d’une quote-part de frais et charges égale à (i) 5% du montant total des dividendes ou (ii) au montant réel si ce dernier est inférieur (1). Le frottement fiscal lié à la réintégration de la quote-part de frais et charges pourra même être neutralisé en cas d’application du régime de l’intégration fiscale mais uniquement pour les dividendes versés à compter du second exercice d’intégration (2). Dans la mesure du possible, il conviendra alors de négocier pour le premier exercice d’intégration une échéance réduite afin de minimiser le dividende à distribuer pour son remboursement. 1) Art. 216 du CGI. 2) Art. 223 B, 2 al. du CGI ; Inst. 4 H-4-07, n° 43 et s. du 19 mars 2007. ème 3) Art. 145 du CGI et Inst. 4 H3-07 du 19 mars 2007. Ce régime peut s’appliquer dès la première année de détention dès lors que la participation du holding dans la cible atteint seulement 5% (3). Les titres de la cible devront cependant être conservés par le holding de reprise pendant deux ans (sans engagement depuis le 1 er janvier 2006) (4). 6) Inst. 19 juillet 2005, n° 31, 4 H-2-05. L’intégration fiscale. – L’application de ce régime va notamment permettre de compenser l’ensemble des charges exposées à l’occasion de l’opération par le holding (telles que les frais de conseils, les commissions et les frais financiers ainsi que la quote-part de frais et charges) sur les bénéfices de la cible, optimisant ainsi les capacités de distribution de cette dernière et, par conséquent, les capacités de remboursement du holding. 7) Art. 209-VII du CGI. Si la cession des titres intervient après l’expiration du délai de cinq ans, les frais d’acquisition viendront majorer l’assiette de la quotepart de frais et charges de 5 % soumise à l’impôt sur les sociétés au taux de droit commun. A défaut d’intégration, ces charges viendraient constituer un déficit fiscal propre de la holding sans faculté en pratique d’imputation faute de bénéfice imposable. L’activation de la société holding, en tant que prestataire de services de son groupe, permettrait simplement d’atténuer cette conséquence (en dehors de l’impact en matière de TVA). 4) Art. 145-1, c- du CGI et Inst. 4 H-3-07 du 19 mars 2007. 5) Inst. 4 H-2-05, n° 9, 19 juillet 2005. JOURNAL DES SOCIÉTÉS 32 Dans ce cas, les intérêts dus et les frais d’acquisition exposés avant le début de l’intégration et dont le montant peut être significatif vont constituer des déficits propres du holding qui ne peuvent pas être imputés sur les bénéfices de la cible. Afin de réduire ces conséquences, il peut être envisagé de diminuer la durée de la période pré-intégration grâce à un changement de la date de clôture de l’exercice de chaque société ou de réaliser l’acquisition des titres de la société cible le jour de l’ouverture de l’exercice d’acquisition (6). Mais ces solutions ne permettent pas d’imputer les charges engagées avant l’ouverture de l’exercice d’intégration. Par ailleurs, elles soulèvent des difficultés qui tiennent notamment au changement de date de clôture du groupe cible. Notons que depuis le 1 er janvier 2007, les frais d’acquisition, qui sont obligatoirement incorporés au prix de revient des titres, peuvent être amortis de manière linéaire sur cinq ans (7). Les frais concernés sont les droits de mutation, les honoraires, les commissions et frais d’actes liés à l’acquisition. Concrètement, dans le cadre d’un LBO, cette disposition permet en pratique au holding d’acquisition d’imputer les 4/5 èmes des frais concernés sur le résultat d’ensemble du groupe formé avec la cible. Ainsi, seule l’imputation des frais exposés par le holding sur les résultats de la société cible au cours de l’exercice de reprise de cette cible ne sera pas possible. Ces frais constitueront des déficits propres du holding non imputables dans le cadre de l’intégration fiscale qui débutera à compter de l’ouverture de l’exercice suivant celui au cours duquel a eu lieu la reprise. Quant aux frais d’émission d’emprunt (qui s’entendent des frais de publicité pour les N°51 Février 2008 Dossier Aspects Juridiques et Fiscaux des LBO emprunts nécessitant un appel public à l’épargne, des frais d’impression des titres et des diverses commissions dues aux intermédiaires financiers (8)), ils peuvent sur option de la société être répartis sur la durée de l’emprunt (9). mère intégrante. Toutefois, dans un cas de figure comme celui-ci, il est recommandé de solliciter un accord dérogatoire auprès de l’administration. 8) D. adm. 4 C-2342, n° 2, 30 octobre 1997. II. Les contraintes 10) Avis CU CNC, n° 2006-A du 7 juin 2006. Dans un avis du comité d’urgence du 7 juin 2006 (10), le CNC a précisé que les frais bancaires facturés à l’occasion de la mise en place d’un emprunt peuvent être assimilés à des frais d’émission d’emprunt à la double condition que : A. Une limite générale : la limite de déductibilité des intérêts versés aux entreprises liées (13) ces frais couvrent exclusivement la rémunération de l’établissement de crédit dans le cadre de la mise en place d’un financement ; - le taux effectif de l’emprunt après inclusion de ces frais reste un taux de marché. Possibilité d’imputation immédiate des frais supportés par le holding en cas d’acquisition d’une société elle-même tête de groupe. Lorsque le capital d’une société tête de groupe intégré vient à être détenu, directement ou indirectement, à au moins 95% par une autre société répondant aux conditions pour être elle-même une tête de groupe et que ce seuil est toujours dépassé à la clôture de l’exercice concerné, le groupe cible est considéré comme sortant. Cette sortie n’a toutefois lieu qu’au dernier jour de l’exercice (11). Ce mécanisme permet notamment au groupe cible de pouvoir neutraliser la quote-part de frais et charges afférentes aux dividendes encaissés au cours de l’exercice du LBO, ce qui est recherché notamment en fin de LBO primaire avant la mise en place du LBO secondaire. Par ailleurs, les sociétés du groupe sortant peuvent être intégrées dès l’exercice suivant avec la société acheteuse dans un groupe à former ou dans un groupe intégré dont la société acheteuse fait déjà partie. Dans ce cas, la durée du premier exercice des sociétés du nouveau groupe peut être inférieure ou supérieure à douze mois afin de permettre l’harmonisation des exercices des différentes sociétés. C’est une intégration fiscale « décalée » en ce sens notamment que le premier exercice d’intégration du nouveau groupe comprendra les résultats du groupe acquis au titre de l’exercice qui suit le LBO (N+1) ainsi que ceux dégagés par le holding de reprise au cours de l’exercice d’acquisition du groupe cible (ouvert en N) qui se terminera à la clôture de N+1, comme le groupe cible (12). Ainsi, les résultats du holding de reprise relatifs à l’exercice de sa constitution, exercice au cours duquel par définition les frais d’acquisition de la cible ont été exposés, pourront être compris dans les résultats d’ensemble du nouveau groupe dès le premier exercice d’intégration. Lesdits frais pourront donc être intégralement imputés sur les bénéfices de la cible dans le cadre de l’intégration. Notons que cette intégration fiscale décalée ne peut pas strictement s’appliquer lorsque le holding prend le contrôle d’une société qui n’est pas mère intégrante quand bien même cette société contrôle à moins de 95% une N°51 Février 2008 La déduction des intérêts versés à des entreprises liées fait l’objet de règles spécifiques. Tout d’abord, le taux maximum des intérêts déductibles versés entre entreprises liées correspondant au taux maximum des intérêts déductibles servis aux associés (14) ou au taux du marché s’il est supérieur (15). Ensuite, une limite spécifique de déductibilité est susceptible de s’appliquer en cas de souscapitalisation. Ce dispositif conduit à différer, sous certaines conditions, sur les exercices ultérieurs à celui de leur versement la déduction des intérêts considérés comme excédentaires dans les résultats de cette société. Il est applicable à compter du 1 er janvier 2007 et concerne notamment les relations entre sociétés sœurs. En revanche, ce dispositif ne s’applique ni aux avances consenties par les associés personnes physiques, ni aux intérêts versés par la ou les sociétés chargées au sein d’un groupe de la gestion centralisée de la trésorerie du groupe dès lors que ces intérêts sont versés dans le cadre de cette convention de gestion de trésorerie (les intérêts versés à la centrale sont en revanche concernés par le dispositif de lutte contre la sous-capitalisation). Ces exceptions n’ont guère vocation à se rencontrer dans le cadre d’un LBO. La situation de sous-capitalisation est caractérisée lorsque les trois limites suivantes sont cumulativement atteintes au cours d’un même exercice : - Les sommes mises à disposition représentent un montant moyen supérieur à une fois et demie le montant des capitaux propres (16), apprécié au choix de l’entreprise à l’ouverture ou à la clôture de l’exercice ; - Le montant moyen des intérêts versés excède 25% du résultat courant avant impôts préalablement majoré desdits intérêts, des amortissements pris en compte pour la détermination de ce même résultat et de la quote-part de loyers de crédit-bail prise en compte pour la détermination du prix de cession du bien à l’issue du contrat. Il s’agit de la limite dite de « couverture des intérêts » ; - Le montant des intérêts servis à des entreprises liées excède celui reçu par ces mêmes entreprises. Ce ratio exclut du dispositif de lutte contre la sous-capitalisation les entreprises ayant un rôle pivot dans le circuit de financement, c’est-à-dire servant d’intermédiaire entre des entreprises liées prêteuses et des entreprises liées emprunteuses (17). 33 9) Art. 39, 1-1° quater du CGI. 11) Art. 223-L-6, d du CGI. 12) Art 209-I al. 2 du CGI. 13) Les entreprises liées directement ou indirectement sont définies par référence à l’article 39-12 du CGI selon lequel des liens de dépendances sont réputés exister entre deux entreprises : - lorsque l’une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l’autre ou exerce en fait le pouvoir de décision ; - lorsqu’elles sont placées l’une et l’autre, directement ou indirectement, en droit ou en fait, sous le contrôle d’une même entreprise tierce. 14) Rappelons que les intérêts versés aux prêteurs associés (en particulier les personnes physiques) ne sont déductibles (art. 39-1, 3° du CGI) que (i) si le capital de la société emprunteuse a été entièrement libéré et (ii) uniquement à hauteur d’un taux maximum égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour les prêts à taux variable aux entreprises, d’une durée initiale supérieure à deux ans (taux de 5,41% pour les exercices clos le 31 décembre 2007). 15) Art. 212 - I du CGI. 16) Les capitaux propres doivent être entendus au sens de la définition comptable donnée par l’article 434-1 du PCG (Inst. 4 H-8-07, n° 54 du 31 décembre 2007). 17) Inst. 4 H-8-07, n° 54 du 31 décembre 2007. Ce mécanisme bénéficie ainsi principalement aux entreprises qui ne peuvent prétendre à la qualité de centrale de trésorerie ainsi qu’aux centrales de trésorerie pour les sommes mises à leur disposition par des entreprises non parties à l’accord de trésorerie. JOURNAL DES SOCIÉTÉS Dossier Aspects Juridiques et Fiscaux des LBO 18) Art. L 233-16-II du Code de commerce. 19) Cette référence expresse à l’article L. 233-3 du Code de commerce apporte une sécurité juridique qui faisait défaut jusqu’à l’adoption de la loi de finances pour 2005 dont est issu le nouvel article 223 B du CGI, puisque l’ancien texte de ce dernier Code ne faisait référence à aucune définition légale de la notion de contrôle. 20) Sauf cas où la société rachetée est absorbée avant son intégration. Lorsque ces trois limites sont simultanément dépassées, les intérêts excédant la plus élevée des trois limites qui viennent d’être décrites ne sont pas immédiatement déductibles. Ils doivent être réintégrés au titre de l’exercice de leur versement. Cette réintégration ne s’applique cependant pas lorsque (i) la fraction des intérêts excédentaires est inférieure à 150 000 euros et lorsque (ii) la société sous-capitalisée apporte la preuve que son ratio d’endettement est inférieur au ratio d’endettement du groupe (au sens de la législation relative à l’établissement de comptes consolidés (18)) auquel elle appartient. Les intérêts dont la déduction a été différée au titre d’un exercice peuvent être déduits du résultat imposable : - Au titre de l’exercice suivant, dans la limite de la différence entre 25% du résultat courant avant impôts retraité (ratio de couverture d’intérêts) et le montant des intérêts déductibles dus à des entreprises liées ; - Puis, au titre des exercices suivants, sous la même limite calculée au titre de l’exercice concerné après déduction d’une décote de 5%. En pratique, l’application de ces règles à une opération de LBO suscite les commentaires suivants : - Les intérêts rémunérant la dette la plus importante sont, par essence, dus à une entreprise non liée qui est la banque assurant la dette senior. Ils constituent pleinement des charges déductibles fiscalement (sous réserve de l’application de l’« amendement Charasse ») ; - Parmi les trois critères cumulatifs dits de sous capitalisation, celui selon lequel les sommes mises à disposition représentent un montant moyen supérieur à une fois et demie le montant des capitaux propres est en pratique celui sur lequel les acteurs des LBO doivent particulièrement s’intéresser. On observera que le choix offert de prendre le montant des capitaux propres à l’ouverture ou à la clôture de l’exercice considéré offre une réelle souplesse. Par ailleurs, le mode de comptabilisation des frais d’acquisition (inscription à l’actif notamment) ne vient plus détériorer le ratio comme cela aurait pu être le cas auparavant. Mais l’article L. 233-3 du Code de commerce prévoit que le contrôle peut également être exercé conjointement par deux ou plusieurs personnes lorsque celles-ci, en agissant de concert, déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale de la société concernée. Il ressort concrètement de cette définition que, dans le cadre d’un LBO, l’existence d’une situation de contrôle doit être appréciée au niveau du holding de reprise et non au niveau de la cible. Lorsque la situation de contrôle du holding de reprise est avérée, le montant de la réintégration qui doit être effectuée dans le résultat d’ensemble au titre d’un exercice donné (et qui s’effectue pendant une période qui débute en principe au titre de l’exercice d’acquisition des titres et expire à la fin du huitième exercice qui Charges financières déduites du résultat d’ensemble Prix d’acquisition des titres x Montant moyen des dettes du groupe Ce régime ne s’applique pas aux cessions réalisées entre sociétés du même groupe. suit l’achat), est calculé de la manière suivante : Cette réintégration ne peut toutefois intervenir qu’à compter de l’exercice d’entrée de la société cessionnaire (si celle-ci n’est pas encore membre du groupe lors de l’achat) ou de la société rachetée (20) (si celle-ci n’entre pas dans le groupe immédiatement après le rachat) et elle s’interrompt au cours des exercices durant lesquels la société rachetée n’est plus membre du groupe (sauf lorsque sa sortie du périmètre d’intégration résulte de son absorption par une autre société du groupe, quel que soit le régime sous lequel cette fusion intragroupe a été placée). Cette réintégration s’interrompt également en cas de modification du contrôle de la société détenant les titres de la société acquise. L’article 223 B se réfère expressément à la notion de contrôle définie par l’article L. 233-3 du Code de commerce (19) dont il ressort qu’une société est considérée comme en contrôlant une autre : Il sera fait observer que cette situation peut se rencontrer plus fréquemment dans les LBO secondaires que primaires. Par ailleurs, l’expérience montre que dans un certain nombre de cas, le choix consistant entre le contrôle par B. L’amendement « Charasse » Ce dispositif, prévu à l’article 223 B, 7 ème al. du CGI, vise à empêcher que le résultat d’ensemble d’un groupe d’intégration ne soit affecté par la déduction de charges financières liées à l’acquisition d’une société appelée à devenir membre du groupe si cette acquisition est effectuée auprès d’un actionnaire extérieur qui contrôle le groupe de manière directe ou indirecte ou auprès d’une société que cet actionnaire contrôle directement ou indirectement. JOURNAL DES SOCIÉTÉS Lorsqu’elle détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société. Elle est présumée exercer ce contrôle lorsqu’elle dispose directement ou indirectement d’une fraction des droits de vote supérieure à 40% et qu’aucun autre associé ou actionnaire ne détient directement ou indirectement une fraction supérieure à la sienne ; - Lorsqu’elle dispose seule de la majorité des droits de vote dans cette société en vertu d’un accord conclu avec d’autres associés ou actionnaires et qui n’est pas contraire à l’intérêt de la société ; - Lorsqu’elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de cette société ; - Lorsqu’elle est associée ou actionnaire de cette société et dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance de cette société. 34 N°51 Février 2008 Dossier Aspects Juridiques et Fiscaux des LBO le ou les managers cédants (par opposition au fonds d’investissement minoritaire), et donc l’application de la limitation de déduction aux charges financières, ou la non application de l’amendement Charasse et la perte du contrôle militent pour la première branche de l’alternative, de la limitation, compte tenu des effets du coût réel de la limitation des intérêts déductibles. Ceci tient principalement aux modalités de détermination des termes de cette formule mentionnée ci-dessus. En effet, le prix d’acquisition des titres pris en compte pour le calcul du montant de la réintégration peut être réduit du montant des fonds apportés par les investisseurs au holding de reprise lors d’une augmentation de capital réalisée simultanément à l’achat des titres de la cible (21). Pour cela, les fonds doivent avoir été apportés au holding par une personne autre qu’une société membre du groupe ou, s’ils sont apportés par une société du groupe, ils ne doivent pas provenir de crédits consentis par une personne non membre de ce groupe (22). Par ailleurs, les apports de titres en nature à la société holding ne sont pas pris en compte. Enfin, pour le calcul du montant moyen des dettes du groupe, il est fait masse de l’ensemble des dettes d’exploitation du groupe, des emprunts et dettes assimilées ainsi que des dettes rattachées à des participations qui figurent au passif du bilan de chacune des sociétés (23). De fait, le montant des réintégrations à effectuer peut être limité lorsque l’endettement global comprend aussi des dettes du groupe qui ne génèrent pas de charges financières. C. Une solution alternative mais risquée : la fusion du holding de reprise et de la cible Lorsque la création d’un groupe fiscalement intégré n’est pas possible entre le holding de reprise et la cible (prise de participation inférieure à 95%) ou afin d’éviter l’application des règles limitant la déductibilité des intérêts, une solution pour compenser les résultats de ces deux sociétés consiste à opérer leur fusion. Cette solution a recueilli jusqu’à présent l’accord des juges. Ainsi, la Cour administrative d’appel de Lyon a considéré que la création d’une société holding par deux associés afin de contrôler puis d’absorber une autre société, qu’ils entendaient gérer après l’avoir acquise par le biais d’emprunts, ne constituait pas un abus de droit ni un acte anormal de gestion (24). Très récemment, le Tribunal administratif de Paris a jugé qu’un LBO suivi de l’absorption rapide (dans les deux ans) d’une société cible par un holding de reprise n’avait pas un but exclusivement fiscal (contourner les dispositions de l’amendement Charasse), dès lors que l’opération avait eu pour conséquence la modification de la répartition du capital social (l’ancien dirigeant ayant à cette occasion perdu la majorité) et avait permis aux actionnaires N°51 Février 2008 d’extérioriser des plus-values latentes et de dégager des liquidités en conservant collectivement le contrôle de la société (25). Le Tribunal de Paris a ainsi, comme la Cour d’appel de Lyon, retenu les aspects juridiques et financiers des opérations de fusions dans le cadre d’un LBO pour les soustraire à l’application de la procédure de l’abus de droit. De son côté, l’administration fiscale avait jusqu’à présent clairement indiqué qu’elle se réservait la possibilité de remettre en cause les opérations dites de « fusions rapides » sur le fondement de l’abus de droit ou de l’acte anormal de gestion. Ainsi, par une instruction du 3 août 2000, elle alerte explicitement sur le cas des opérations ayant pour but (exclusif) d’imputer fiscalement les frais d’acquisition sur les bénéfices de la société acquise (c’est l’abus de droit) ou pour effet de constituer pour la société acquise puis fusionnée une opération déséquilibrée, sans contrepartie suffisante pour elle (c’est l’acte anormal de gestion) (26). Parmi les indices cumulatifs ou alternatifs à prendre en compte selon l’administration pour caractériser un abus de droit ou un acte anormal de gestion, figurent notamment : - Le délai séparant l’acquisition de la fusion ; - Le niveau de capitalisation du holding de reprise ; - L’importance des dettes d’acquisition subsistant au moment de la fusion par rapport au financement initial ; - L’exercice ou non par la société acquérante avant la fusion d’une activité autre que la détention des titres de la société acquise. 21) Les fonds doivent être versés dans les trois mois qui précèdent ou qui suivent l’achat (D. adm. 4 H-6623, n° 110). 22) Tout accroissement de l’endettement externe du groupe dans les six mois qui précèdent ou suivent l’achat des titres est présumé financer cette acquisition (D. adm. 4 H-6623, n° 107, 12 juillet 1997). 23) D. adm. 4 H-6623, n° 114, 12 juillet 1997. Lorsque le montant moyen des dettes est inférieur au prix d’achat des titres, la réintégration est limitée au montant des charges financières du groupe. 24) CAA Lyon, 26 mai 1992, n° 90-102 et n° 90-110, Régie Immobilière de Villeurbanne. 25) TA Paris, 15 mars 2006, n° 9912123/1, Société Défi France. 26) Inst. 4 I-2-00, n° 17, du 3 août 2000. 27) Décision de rescrit du 23 octobre 2007 (n°2007/49). L’administration fiscale considérait notamment à l’occasion de cette instruction que la circonstance que les deux entités aient formé ou auraient pu former un groupe fiscal intégré est sans incidence sur l’appréciation de ces critères. Or, sur ce dernier point, l’administration a très justement atténué sa position à l’occasion d’un rescrit relatif au cas des LBO secondaires (27). Elle a considéré, dans ce cas particulier, que la déductibilité des frais financiers engagés par la société holding de rachat ne doit pas être remis en cause sur le fondement de l’instruction du 3 août 2000 dès lors que les conditions suivantes sont cumulativement réunies : - La fusion du holding de reprise et du holding tête du groupe repris, n’entraîne pas de rupture dans l’application du régime fiscal des groupes de sociétés prévu à l’article 223 A du CGI, de sorte que l’opération de fusion n’a pas pour objet de compenser fiscalement des résultats en dehors du cadre légal du régime de groupe ; - Le capital du holding absorbé, ne comprend aucun intérêt minoritaire susceptible d’être lésé par l’opération de fusion (dès lors que le holding de reprise détient la totalité du capital de la société absorbée) ; - L’opération de fusion ne concerne que des structures de financement et n’entraîne par conséquent aucun appauvrissement des sociétés opérationnelles. 35 JOURNAL DES SOCIÉTÉS