Structuration fiscale du LBO

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Structuration fiscale du LBO
Dossier Aspects Juridiques et Fiscaux des LBO
Michel Turon,
Avocat Associé,
Matthieu Chapin,
Avocat,
UGGC & Associés
Structuration fiscale du LBO
Elle doit, en réduisant le plus possible les
frottements fiscaux, permettre à due concurrence
de dégager une capacité de trésorerie qui
pourra favoriser le remboursement de la dette
d’acquisition.
Rappelons simplement que le régime de
l’intégration
implique,
outre
le
respect
d’obligations de forme, (i) que le holding de
reprise possède 95% au moins du capital de la
ou des cibles, (ii) que l’ensemble des sociétés
membres clôturent leur exercice social à la
même date et (iii) qu’elles soient soumises à l’IS
dans les conditions de droit commun.
Pour cela, plusieurs outils bien connus, en règle
générale, sont à la disposition des acteurs d’un
LBO. Mais plusieurs contraintes doivent être
également maîtrisées, ou du moins anticipées.
Toutefois, l’application du régime de
l’intégration
fiscale
ne
permet
pas
automatiquement l’imputation immédiate
des frais supportés par le holding.
I. Les outils
Lorsqu’une société se crée pour acquérir au
moins 95% du capital d’une société qui n’est pas
mère de groupe, la société nouvellement créée
doit clore un exercice avant de se constituer tête
d’un groupe fiscal dont serait membre la société
acquise (5).
La fiscalité est une composante importante pour
l’effet de levier des opérations de LBO.
Le régime mère-fille. - Grâce à l’option
du holding de reprise pour l’application de
ce régime, celui-ci pourra appréhender les
bénéfices de la fille en exonération d’impôt sur
les sociétés, sous réserve de la réintégration
dans ses résultats imposables au taux de droit
commun d’une quote-part de frais et charges
égale à (i) 5% du montant total des dividendes
ou (ii) au montant réel si ce dernier est inférieur
(1).
Le frottement fiscal lié à la réintégration de la
quote-part de frais et charges pourra même être
neutralisé en cas d’application du régime de
l’intégration fiscale mais uniquement pour les
dividendes versés à compter du second exercice
d’intégration (2). Dans la mesure du possible,
il conviendra alors de négocier pour le premier
exercice d’intégration une échéance réduite afin
de minimiser le dividende à distribuer pour son
remboursement.
1) Art. 216 du CGI.
2) Art. 223 B, 2 al. du CGI ;
Inst. 4 H-4-07, n° 43 et s. du 19
mars 2007.
ème
3) Art. 145 du CGI et Inst. 4 H3-07 du 19 mars 2007.
Ce régime peut s’appliquer dès la première
année de détention dès lors que la participation
du holding dans la cible atteint seulement 5%
(3). Les titres de la cible devront cependant
être conservés par le holding de reprise pendant
deux ans (sans engagement depuis le 1 er janvier
2006) (4).
6) Inst. 19 juillet 2005, n° 31, 4
H-2-05.
L’intégration fiscale. – L’application de ce
régime va notamment permettre de compenser
l’ensemble des charges exposées à l’occasion de
l’opération par le holding (telles que les frais de
conseils, les commissions et les frais financiers
ainsi que la quote-part de frais et charges) sur
les bénéfices de la cible, optimisant ainsi les
capacités de distribution de cette dernière et,
par conséquent, les capacités de remboursement
du holding.
7) Art. 209-VII du CGI. Si la
cession des titres intervient après
l’expiration du délai de cinq ans,
les frais d’acquisition viendront
majorer l’assiette de la quotepart de frais et charges de 5 %
soumise à l’impôt sur les sociétés
au taux de droit commun.
A défaut d’intégration, ces charges viendraient
constituer un déficit fiscal propre de la holding
sans faculté en pratique d’imputation faute de
bénéfice imposable. L’activation de la société
holding, en tant que prestataire de services de
son groupe, permettrait simplement d’atténuer
cette conséquence (en dehors de l’impact en
matière de TVA).
4) Art. 145-1, c- du CGI et Inst. 4
H-3-07 du 19 mars 2007.
5) Inst. 4 H-2-05, n° 9, 19 juillet
2005.
JOURNAL DES SOCIÉTÉS
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Dans ce cas, les intérêts dus et les frais
d’acquisition exposés avant le début de
l’intégration et dont le montant peut être
significatif vont constituer des déficits propres
du holding qui ne peuvent pas être imputés sur
les bénéfices de la cible.
Afin de réduire ces conséquences, il peut être
envisagé de diminuer la durée de la période
pré-intégration grâce à un changement de la
date de clôture de l’exercice de chaque société
ou de réaliser l’acquisition des titres de la
société cible le jour de l’ouverture de l’exercice
d’acquisition (6). Mais ces solutions ne
permettent pas d’imputer les charges engagées
avant l’ouverture de l’exercice d’intégration.
Par ailleurs, elles soulèvent des difficultés qui
tiennent notamment au changement de date de
clôture du groupe cible.
Notons que depuis le 1 er janvier 2007, les
frais d’acquisition, qui sont obligatoirement
incorporés au prix de revient des titres, peuvent
être amortis de manière linéaire sur cinq ans (7).
Les frais concernés sont les droits de mutation,
les honoraires, les commissions et frais d’actes
liés à l’acquisition.
Concrètement, dans le cadre d’un LBO, cette
disposition permet en pratique au holding
d’acquisition d’imputer les 4/5 èmes des frais
concernés sur le résultat d’ensemble du groupe
formé avec la cible. Ainsi, seule l’imputation des
frais exposés par le holding sur les résultats de
la société cible au cours de l’exercice de reprise
de cette cible ne sera pas possible. Ces frais
constitueront des déficits propres du holding
non imputables dans le cadre de l’intégration
fiscale qui débutera à compter de l’ouverture de
l’exercice suivant celui au cours duquel a eu lieu
la reprise.
Quant aux frais d’émission d’emprunt (qui
s’entendent des frais de publicité pour les
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emprunts nécessitant un appel public à
l’épargne, des frais d’impression des titres et des
diverses commissions dues aux intermédiaires
financiers (8)), ils peuvent sur option de la
société être répartis sur la durée de l’emprunt
(9).
mère intégrante. Toutefois, dans un cas de
figure comme celui-ci, il est recommandé de
solliciter un accord dérogatoire auprès de
l’administration.
8) D. adm. 4 C-2342, n° 2, 30
octobre 1997.
II. Les contraintes
10) Avis CU CNC, n° 2006-A du
7 juin 2006.
Dans un avis du comité d’urgence du 7 juin 2006
(10), le CNC a précisé que les frais bancaires
facturés à l’occasion de la mise en place d’un
emprunt peuvent être assimilés à des frais
d’émission d’emprunt à la double condition
que :
A. Une limite générale : la limite de
déductibilité des intérêts versés aux
entreprises liées (13)
ces
frais
couvrent
exclusivement
la
rémunération de l’établissement de crédit dans
le cadre de la mise en place d’un financement ;
- le taux effectif de l’emprunt après inclusion de
ces frais reste un taux de marché.
Possibilité d’imputation immédiate des
frais supportés par le holding en cas
d’acquisition d’une société elle-même tête
de groupe.
Lorsque le capital d’une société tête de groupe
intégré vient à être détenu, directement ou
indirectement, à au moins 95% par une autre
société répondant aux conditions pour être
elle-même une tête de groupe et que ce seuil
est toujours dépassé à la clôture de l’exercice
concerné, le groupe cible est considéré comme
sortant. Cette sortie n’a toutefois lieu qu’au
dernier jour de l’exercice (11). Ce mécanisme
permet notamment au groupe cible de pouvoir
neutraliser la quote-part de frais et charges
afférentes aux dividendes encaissés au cours
de l’exercice du LBO, ce qui est recherché
notamment en fin de LBO primaire avant la
mise en place du LBO secondaire.
Par ailleurs, les sociétés du groupe sortant
peuvent être intégrées dès l’exercice suivant avec
la société acheteuse dans un groupe à former ou
dans un groupe intégré dont la société acheteuse
fait déjà partie. Dans ce cas, la durée du premier
exercice des sociétés du nouveau groupe peut
être inférieure ou supérieure à douze mois afin
de permettre l’harmonisation des exercices
des différentes sociétés. C’est une intégration
fiscale « décalée » en ce sens notamment que
le premier exercice d’intégration du nouveau
groupe comprendra les résultats du groupe
acquis au titre de l’exercice qui suit le LBO
(N+1) ainsi que ceux dégagés par le holding de
reprise au cours de l’exercice d’acquisition du
groupe cible (ouvert en N) qui se terminera à la
clôture de N+1, comme le groupe cible (12).
Ainsi, les résultats du holding de reprise relatifs
à l’exercice de sa constitution, exercice au cours
duquel par définition les frais d’acquisition de
la cible ont été exposés, pourront être compris
dans les résultats d’ensemble du nouveau
groupe dès le premier exercice d’intégration.
Lesdits frais pourront donc être intégralement
imputés sur les bénéfices de la cible dans le
cadre de l’intégration.
Notons que cette intégration fiscale décalée
ne peut pas strictement s’appliquer lorsque
le holding prend le contrôle d’une société qui
n’est pas mère intégrante quand bien même
cette société contrôle à moins de 95% une
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La déduction des intérêts versés à des entreprises
liées fait l’objet de règles spécifiques.
Tout d’abord, le taux maximum des intérêts
déductibles versés entre entreprises liées
correspondant au taux maximum des intérêts
déductibles servis aux associés (14) ou au taux
du marché s’il est supérieur (15).
Ensuite, une limite spécifique de déductibilité
est susceptible de s’appliquer en cas de souscapitalisation.
Ce dispositif conduit à différer, sous certaines
conditions, sur les exercices ultérieurs à celui
de leur versement la déduction des intérêts
considérés comme excédentaires dans les
résultats de cette société. Il est applicable
à compter du 1 er janvier 2007 et concerne
notamment les relations entre sociétés sœurs.
En revanche, ce dispositif ne s’applique ni aux
avances consenties par les associés personnes
physiques, ni aux intérêts versés par la ou les
sociétés chargées au sein d’un groupe de la
gestion centralisée de la trésorerie du groupe
dès lors que ces intérêts sont versés dans
le cadre de cette convention de gestion de
trésorerie (les intérêts versés à la centrale sont
en revanche concernés par le dispositif de lutte
contre la sous-capitalisation). Ces exceptions
n’ont guère vocation à se rencontrer dans le
cadre d’un LBO.
La
situation
de
sous-capitalisation
est
caractérisée lorsque les trois limites suivantes
sont cumulativement atteintes au cours d’un
même exercice :
- Les sommes mises à disposition représentent
un montant moyen supérieur à une fois et demie
le montant des capitaux propres (16), apprécié
au choix de l’entreprise à l’ouverture ou à la
clôture de l’exercice ;
- Le montant moyen des intérêts versés
excède 25% du résultat courant avant impôts
préalablement majoré desdits intérêts, des
amortissements pris en compte pour la
détermination de ce même résultat et de la
quote-part de loyers de crédit-bail prise en
compte pour la détermination du prix de cession
du bien à l’issue du contrat. Il s’agit de la limite
dite de « couverture des intérêts » ;
- Le montant des intérêts servis à des
entreprises liées excède celui reçu par
ces mêmes entreprises. Ce ratio exclut du
dispositif de lutte contre la sous-capitalisation
les entreprises ayant un rôle pivot dans le
circuit de financement, c’est-à-dire servant
d’intermédiaire entre des entreprises liées
prêteuses et des entreprises liées emprunteuses
(17).
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9) Art. 39, 1-1° quater du CGI.
11) Art. 223-L-6, d du CGI.
12) Art 209-I al. 2 du CGI.
13) Les entreprises liées
directement ou indirectement
sont définies par référence à
l’article 39-12 du CGI selon
lequel des liens de dépendances
sont réputés exister entre deux
entreprises :
- lorsque l’une détient
directement ou par personne
interposée la majorité du capital
social de l’autre ou exerce en fait
le pouvoir de décision ;
- lorsqu’elles sont placées
l’une et l’autre, directement ou
indirectement, en droit ou en
fait, sous le contrôle d’une même
entreprise tierce.
14) Rappelons que les intérêts
versés aux prêteurs associés
(en particulier les personnes
physiques) ne sont déductibles
(art. 39-1, 3° du CGI) que
(i) si le capital de la société
emprunteuse a été entièrement
libéré et (ii) uniquement à
hauteur d’un taux maximum
égal à la moyenne annuelle des
taux effectifs moyens pratiqués
par les établissements de crédit
pour les prêts à taux variable aux
entreprises, d’une durée initiale
supérieure à deux ans (taux de
5,41% pour les exercices clos le
31 décembre 2007).
15) Art. 212 - I du CGI.
16) Les capitaux propres doivent
être entendus au sens de la
définition comptable donnée par
l’article 434-1 du PCG (Inst. 4
H-8-07, n° 54 du 31 décembre
2007).
17) Inst. 4 H-8-07, n° 54 du 31
décembre 2007. Ce mécanisme
bénéficie ainsi principalement
aux entreprises qui ne peuvent
prétendre à la qualité de centrale
de trésorerie ainsi qu’aux
centrales de trésorerie pour les
sommes mises à leur disposition
par des entreprises non parties à
l’accord de trésorerie.
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18) Art. L 233-16-II du Code de
commerce.
19) Cette référence expresse à
l’article L. 233-3 du Code de
commerce apporte une sécurité
juridique qui faisait défaut
jusqu’à l’adoption de la loi de
finances pour 2005 dont est issu
le nouvel article 223 B du CGI,
puisque l’ancien texte de ce
dernier Code ne faisait référence
à aucune définition légale de la
notion de contrôle.
20) Sauf cas où la société
rachetée est absorbée avant son
intégration.
Lorsque ces trois limites sont simultanément
dépassées, les intérêts excédant la plus élevée
des trois limites qui viennent d’être décrites ne
sont pas immédiatement déductibles. Ils doivent
être réintégrés au titre de l’exercice de leur
versement.
Cette réintégration ne s’applique cependant pas
lorsque (i) la fraction des intérêts excédentaires
est inférieure à 150 000 euros et lorsque (ii)
la société sous-capitalisée apporte la preuve
que son ratio d’endettement est inférieur au
ratio d’endettement du groupe (au sens de la
législation relative à l’établissement de comptes
consolidés (18)) auquel elle appartient.
Les intérêts dont la déduction a été différée
au titre d’un exercice peuvent être déduits du
résultat imposable :
- Au titre de l’exercice suivant, dans la limite de
la différence entre 25% du résultat courant avant
impôts retraité (ratio de couverture d’intérêts)
et le montant des intérêts déductibles dus à des
entreprises liées ;
- Puis, au titre des exercices suivants, sous
la même limite calculée au titre de l’exercice
concerné après déduction d’une décote de 5%.
En pratique, l’application de ces règles à une
opération de LBO suscite les commentaires
suivants :
- Les intérêts rémunérant la dette la plus
importante sont, par essence, dus à une
entreprise non liée qui est la banque assurant
la dette senior. Ils constituent pleinement des
charges déductibles fiscalement (sous réserve de
l’application de l’« amendement Charasse ») ;
- Parmi les trois critères cumulatifs dits de
sous capitalisation, celui selon lequel les
sommes mises à disposition représentent un
montant moyen supérieur à une fois et demie
le montant des capitaux propres est en pratique
celui sur lequel les acteurs des LBO doivent
particulièrement s’intéresser. On observera
que le choix offert de prendre le montant des
capitaux propres à l’ouverture ou à la clôture de
l’exercice considéré offre une réelle souplesse.
Par ailleurs, le mode de comptabilisation
des frais d’acquisition (inscription à l’actif
notamment) ne vient plus détériorer le ratio
comme cela aurait pu être le cas auparavant.
Mais l’article L. 233-3 du Code de commerce
prévoit que le contrôle peut également être
exercé conjointement par deux ou plusieurs
personnes lorsque celles-ci, en agissant de
concert, déterminent en fait les décisions prises
en assemblée générale de la société concernée.
Il ressort concrètement de cette définition
que, dans le cadre d’un LBO, l’existence d’une
situation de contrôle doit être appréciée au
niveau du holding de reprise et non au niveau
de la cible.
Lorsque la situation de contrôle du holding de
reprise est avérée, le montant de la réintégration
qui doit être effectuée dans le résultat
d’ensemble au titre d’un exercice donné (et qui
s’effectue pendant une période qui débute en
principe au titre de l’exercice d’acquisition des
titres et expire à la fin du huitième exercice qui
Charges financières déduites du résultat d’ensemble
Prix d’acquisition des titres
x
Montant moyen des dettes du groupe
Ce régime ne s’applique pas aux cessions
réalisées entre sociétés du même groupe.
suit l’achat), est calculé de la manière suivante :
Cette réintégration ne peut toutefois intervenir
qu’à compter de l’exercice d’entrée de la société
cessionnaire (si celle-ci n’est pas encore membre
du groupe lors de l’achat) ou de la société
rachetée (20) (si celle-ci n’entre pas dans le
groupe immédiatement après le rachat) et elle
s’interrompt au cours des exercices durant
lesquels la société rachetée n’est plus membre
du groupe (sauf lorsque sa sortie du périmètre
d’intégration résulte de son absorption par
une autre société du groupe, quel que soit le
régime sous lequel cette fusion intragroupe a
été placée). Cette réintégration s’interrompt
également en cas de modification du contrôle
de la société détenant les titres de la société
acquise.
L’article 223 B se réfère expressément à la
notion de contrôle définie par l’article L. 233-3
du Code de commerce (19) dont il ressort qu’une
société est considérée comme en contrôlant une
autre :
Il sera fait observer que cette situation peut
se rencontrer plus fréquemment dans les
LBO secondaires que primaires. Par ailleurs,
l’expérience montre que dans un certain nombre
de cas, le choix consistant entre le contrôle par
B. L’amendement « Charasse »
Ce dispositif, prévu à l’article 223 B, 7 ème
al. du CGI, vise à empêcher que le résultat
d’ensemble d’un groupe d’intégration ne soit
affecté par la déduction de charges financières
liées à l’acquisition d’une société appelée à
devenir membre du groupe si cette acquisition
est effectuée auprès d’un actionnaire extérieur
qui contrôle le groupe de manière directe
ou indirecte ou auprès d’une société que
cet actionnaire contrôle directement ou
indirectement.
JOURNAL DES SOCIÉTÉS
Lorsqu’elle
détient
directement
ou
indirectement une fraction du capital lui
conférant la majorité des droits de vote dans
les assemblées générales de cette société. Elle
est présumée exercer ce contrôle lorsqu’elle
dispose directement ou indirectement d’une
fraction des droits de vote supérieure à 40% et
qu’aucun autre associé ou actionnaire ne détient
directement ou indirectement une fraction
supérieure à la sienne ;
- Lorsqu’elle dispose seule de la majorité
des droits de vote dans cette société en vertu
d’un accord conclu avec d’autres associés ou
actionnaires et qui n’est pas contraire à l’intérêt
de la société ;
- Lorsqu’elle détermine en fait, par les droits
de vote dont elle dispose, les décisions dans les
assemblées générales de cette société ;
- Lorsqu’elle est associée ou actionnaire de cette
société et dispose du pouvoir de nommer ou de
révoquer la majorité des membres des organes
d’administration, de direction ou de surveillance
de cette société.
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N°51 Février 2008
Dossier Aspects Juridiques et Fiscaux des LBO
le ou les managers cédants (par opposition au
fonds d’investissement minoritaire), et donc
l’application de la limitation de déduction
aux charges financières, ou la non application
de l’amendement Charasse et la perte du
contrôle militent pour la première branche de
l’alternative, de la limitation, compte tenu des
effets du coût réel de la limitation des intérêts
déductibles. Ceci tient principalement aux
modalités de détermination des termes de cette
formule mentionnée ci-dessus.
En effet, le prix d’acquisition des titres pris
en compte pour le calcul du montant de la
réintégration peut être réduit du montant des
fonds apportés par les investisseurs au holding
de reprise lors d’une augmentation de capital
réalisée simultanément à l’achat des titres de
la cible (21). Pour cela, les fonds doivent avoir
été apportés au holding par une personne autre
qu’une société membre du groupe ou, s’ils
sont apportés par une société du groupe, ils ne
doivent pas provenir de crédits consentis par
une personne non membre de ce groupe (22).
Par ailleurs, les apports de titres en nature à la
société holding ne sont pas pris en compte.
Enfin, pour le calcul du montant moyen
des dettes du groupe, il est fait masse de
l’ensemble des dettes d’exploitation du groupe,
des emprunts et dettes assimilées ainsi que
des dettes rattachées à des participations qui
figurent au passif du bilan de chacune des
sociétés (23).
De fait, le montant des réintégrations à effectuer
peut être limité lorsque l’endettement global
comprend aussi des dettes du groupe qui ne
génèrent pas de charges financières.
C. Une solution alternative mais
risquée : la fusion du holding de
reprise et de la cible
Lorsque la création d’un groupe fiscalement
intégré n’est pas possible entre le holding
de reprise et la cible (prise de participation
inférieure à 95%) ou afin d’éviter l’application
des règles limitant la déductibilité des intérêts,
une solution pour compenser les résultats de ces
deux sociétés consiste à opérer leur fusion.
Cette solution a recueilli jusqu’à présent l’accord
des juges.
Ainsi, la Cour administrative d’appel de Lyon
a considéré que la création d’une société
holding par deux associés afin de contrôler puis
d’absorber une autre société, qu’ils entendaient
gérer après l’avoir acquise par le biais
d’emprunts, ne constituait pas un abus de droit
ni un acte anormal de gestion (24).
Très récemment, le Tribunal administratif de
Paris a jugé qu’un LBO suivi de l’absorption
rapide (dans les deux ans) d’une société
cible par un holding de reprise n’avait pas
un but exclusivement fiscal (contourner les
dispositions de l’amendement Charasse), dès
lors que l’opération avait eu pour conséquence
la modification de la répartition du capital social
(l’ancien dirigeant ayant à cette occasion perdu
la majorité) et avait permis aux actionnaires
N°51 Février 2008
d’extérioriser des plus-values latentes et
de dégager des liquidités en conservant
collectivement le contrôle de la société (25).
Le Tribunal de Paris a ainsi, comme la Cour
d’appel de Lyon, retenu les aspects juridiques
et financiers des opérations de fusions dans
le cadre d’un LBO pour les soustraire à
l’application de la procédure de l’abus de droit.
De son côté, l’administration fiscale avait jusqu’à
présent clairement indiqué qu’elle se réservait la
possibilité de remettre en cause les opérations
dites de « fusions rapides » sur le fondement de
l’abus de droit ou de l’acte anormal de gestion.
Ainsi, par une instruction du 3 août 2000, elle
alerte explicitement sur le cas des opérations
ayant pour but (exclusif) d’imputer fiscalement
les frais d’acquisition sur les bénéfices de la
société acquise (c’est l’abus de droit) ou pour
effet de constituer pour la société acquise puis
fusionnée une opération déséquilibrée, sans
contrepartie suffisante pour elle (c’est l’acte
anormal de gestion) (26).
Parmi les indices cumulatifs ou alternatifs à
prendre en compte selon l’administration pour
caractériser un abus de droit ou un acte anormal
de gestion, figurent notamment :
- Le délai séparant l’acquisition de la fusion ;
- Le niveau de capitalisation du holding de
reprise ;
- L’importance des dettes d’acquisition
subsistant au moment de la fusion par rapport
au financement initial ;
- L’exercice ou non par la société acquérante
avant la fusion d’une activité autre que la
détention des titres de la société acquise.
21) Les fonds doivent être versés
dans les trois mois qui précèdent
ou qui suivent l’achat (D. adm. 4
H-6623, n° 110).
22) Tout accroissement de
l’endettement externe du groupe
dans les six mois qui précèdent
ou suivent l’achat des titres
est présumé financer cette
acquisition (D. adm. 4 H-6623,
n° 107, 12 juillet 1997).
23) D. adm. 4 H-6623, n° 114, 12
juillet 1997. Lorsque le montant
moyen des dettes est inférieur
au prix d’achat des titres, la
réintégration est limitée au
montant des charges financières
du groupe.
24) CAA Lyon, 26 mai 1992,
n° 90-102 et n° 90-110, Régie
Immobilière de Villeurbanne.
25) TA Paris, 15 mars 2006, n°
9912123/1, Société Défi France.
26) Inst. 4 I-2-00, n° 17, du 3
août 2000.
27) Décision de rescrit du 23
octobre 2007 (n°2007/49).
L’administration fiscale considérait notamment
à l’occasion de cette instruction que la
circonstance que les deux entités aient formé ou
auraient pu former un groupe fiscal intégré est
sans incidence sur l’appréciation de ces critères.
Or, sur ce dernier point, l’administration a très
justement atténué sa position à l’occasion d’un
rescrit relatif au cas des LBO secondaires (27).
Elle a considéré, dans ce cas particulier, que la
déductibilité des frais financiers engagés par la
société holding de rachat ne doit pas être remis
en cause sur le fondement de l’instruction du 3
août 2000 dès lors que les conditions suivantes
sont cumulativement réunies :
- La fusion du holding de reprise et du holding
tête du groupe repris, n’entraîne pas de rupture
dans l’application du régime fiscal des groupes
de sociétés prévu à l’article 223 A du CGI, de
sorte que l’opération de fusion n’a pas pour
objet de compenser fiscalement des résultats en
dehors du cadre légal du régime de groupe ;
- Le capital du holding absorbé, ne comprend
aucun intérêt minoritaire susceptible d’être
lésé par l’opération de fusion (dès lors que le
holding de reprise détient la totalité du capital
de la société absorbée) ;
- L’opération de fusion ne concerne que des
structures de financement et n’entraîne par
conséquent aucun appauvrissement des sociétés
opérationnelles.
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JOURNAL DES SOCIÉTÉS