Notions de relativité générale et cosmologie - IPN Orsay

Transcription

Notions de relativité générale et cosmologie - IPN Orsay
Université Paris Sud
Notions de
relativité générale et cosmologie
Elias KHAN
Institut Universitaire de France
Institut de Physique Nucléaire - Orsay
IN2P3 - CNRS
Avant-Propos
L’objectif de ce cours est d’aborder des notions de base en relativité générale. En effet la
principale difficulté dans ce domaine ne réside en fait pas dans le formalisme mais plutôt dans la
hiérarchie et la présentation des idées, les domaines de validité des approximations etc., parfois
masqués par un lourd formalisme.
Le présent (et bref) cours vise donc à introduire les notions sur le principe de relativité générale, la métrique d’espace-temps, l’équation d’Einstein et ses solutions pour les trous noirs et la
cosmologie. Il est complémentaire d’un cours de relativité générale, souvent volumineux ou trop
succint, qui rend difficile l’appréhension concrète des idées essentielles.
Une approche complémentaire plus détaillée pourra se trouver dans le récent ouvrage "Relativité générale" de A. Barrau et J. Grain. Je remercie enfin Jean-Paul Ebran pour sa relecture efficace
et ses commentaires toujours utiles.
ii
Index
1 Le principe de relativité générale
1.1 La rotation : un mouvement absolu ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1.2 Enoncé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1.3 Le principe d’équivalence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2
2
3
3
2 Métrique et déformation de l’espace-temps
6
3 L’équation d’Einstein
3.1 Le tenseur énergie-impulsion . . . .
3.2 L’équation Newtonienne de Poisson
3.3 Passage à la relativité générale . . .
3.4 L’équation d’Einstein . . . . . . . .
3.5 La constante cosmologique . . . . .
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8
8
8
9
10
11
4 Solutions de l’équation d’Einstein
4.1 Symétrie sphérique, loin de la source et trous noirs . . . . . . . . . . . . . . . .
4.2 Symétrie sphérique, source homogène et cosmologie . . . . . . . . . . . . . . .
12
12
13
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1
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Chapitre 1
Le principe de relativité générale
Le principe de relativité générale est fondé sur le fait qu’aucun référentiel ne devrait être privilégié pour décrire les lois de la nature. C’est l’ultime extension du principe de relativité restreinte
qui ne concerne lui, que les référentiels en translation uniforme les uns par rapport aux autres.
Nous allons illustrer le principe de relativité générale sur l’exemple de la rotation et montrer que
cela entraîne une déformation de l’espace-temps.
1.1 La rotation : un mouvement absolu ?
Soit le référentiel R’, animé par rapport à R, d’un mouvement de rotation uniforme de vitesse
angulaire ω constante. Par exemple si R est l’Univers, R’ représente la Terre, ou bien R peut
être le sol et R’ un manège. On étudie un objet situé à la position ~r du centre de rotation, dans
le référentiel R. La figure 1.1 montre les quantités pertinentes du référentiel tournant R’ dans le
référentiel R.
Dans R, le principe fondamental de la dynamique (PFD) s’écrit
X−
→
→
F = m−
a
F IG . 1.1 – Référentiel tournant R’
2
(1.1)
1.2. Enoncé
3
Dans R’ il faut rajouter les forces générées par le mouvement de rotation de R’. Le PFD est
donc modifié (les lois physiques ne sont donc pas à priori les mêmes), et s’écrit
X−
→
→ − mωv −
−
→
F + mrω 2 −
u
u→
(1.2)
r
⊥ =ma
Le premier terme ajouté correspond à la pseudoforce centrifuge alors que le deuxième correspond
−
→
à la pseudoforce de Coriolis (−
u→
⊥ est vecteur unitaire correspondant au produit vectoriel de ω par
−
→
v ).
Ainsi, sur un manège en rotation, on ressent des forces supplémentaires, comme la force centrifuge. Sur Terre aussi, nous devrions ressentir cette force centrifuge, en raison de sa rotation.
Cependant son intensité est trop faible pour être ressentie quotidiennement, mais il est possible de
la mesurer avec une expérience dédiée. Calculons l’intensité de la force centrifuge due à la rotation
de la Terre. Le rapport de cette force au poids subi par un objet de masse m est
Fcent
mrω 2
rω 2
6, 4.106 .(2π)2
=
=
=
= 0, 3%
P oids
mg
g
10.(24.3600)2
(1.3)
où l’on a pris pour le rayon de la Terre r=6400 km. Ainsi si la Terre s’arrêtait de tourner, notre
poids augmenterait de 0,3 %, ce qui représente 150 g pour une masse de 50 kg.
La première preuve expérimentale de la rotation de la Terre n’eut lieu qu’au XIXeme siècle
(avec le pendule de Foucault), en utilisant une autre pseudoforce (Coriolis). Son effet peut devenir
plus important que celui de la force centrifuge. D’après son expression dans l’équation (1.2), cette
force agit perpendiculairement à la direction de déplacement de l’objet. Ainsi, le plan d’oscillation
d’un pendule tourne en raison de la force de Coriolis. Ce pendule doit être suffisamment long pour
que la vitesse de la masse située au bout du pendule soit assez grande pour que la force de Coriolis
ait un effet.
1.2 Enoncé
Enoncé du principe de relativité générale : "Tous les référentiels sont équivalents pour la description des lois de la nature"
Ce principe est loin d’être intuitif puisque non seulement les trajectoires, mais aussi les forces
subies, peuvent dépendre du référentiel : comparer les équations (1.1) et (1.2). Comment rendre
les lois physiques semblables entre deux référentiels animés d’un mouvement de rotation l’un
par rapport à l’autre ? Il est nécessaire pour cela de constater l’équivalence entre une pseudoforce
(force générée par un mouvement accéléré, que l’on doit rajouter dans le PFD), et la force de
gravitation.
1.3 Le principe d’équivalence
En effet la constante de proportionnalité m introduite entre force et accélération à l’équation
(1.1), se retrouve également dans la force de gravitation, en tant que "charge". Ceci indique que
gravitation et pseudoforce (impliquant par construction le produit masse par pseudoaccélération)
sont deux facettes d’un même phénomène.
4
Chapitre 1. Le principe de relativité générale
Considérons un objet qui tombe. Le PFD s’ecrit
→
→
→
→
m−
g = m−
a =⇒ −
g =−
a
(1.4)
L’accélération, donc le temps de chute, ne dépend pas de la masse de l’objet. Cela est dû au fait
que la masse m intervient dans les deux membres de l’équation. On peut donc toujours transformer
le poids en une pseudoforce, et vice versa. Par exemple, la force centrifuge genérée lors d’une
rotation peut être exactement simulée par une force de gravitation engendrée par une masse M
située à l’extérieur de la trajectoire circulaire, à une distance d=1 m, comme sur la figure 1.2.
F IG . 1.2 – Simulation d’une force centrifuge par la force de gravitation engendrée par une masse M
Calculons la valeur que devrait avoir M pour simuler la force centrifuge présente sur Terre en
raison de sa rotation. Considérons un objet de masse m. On a :
Fcent = mrω 2 =
mM G
rd2 ω 2
6, 4.106 .12 .(2π)2
=⇒
M
=
=
≃ 5.108 kg
d2
G
6, 67.10−11 .(24.3600)2
(1.5)
La force centrifuge serait donc simulée par une masse de 500 000 t située à 1 m de distance de la
Terre.
D’après l’exemple ci-dessus, on voit que le principe d’équivalence entre gravitation et pseudoforce ne marche que localement : la masse M ne peut simuler la force centrifuge sur l’ensemble
du mouvement de rotation, mais seulement en un point du mouvement. Cette localité implique un
comportement a priori différent selon les régions spatiales. Il va donc être nécessaire de déformer
l’espace : un changement de direction dans un mouvement peut être considéré comme provenant
i) d’une accélération subie, ce qui implique une pseudoforce, ou ii) d’une déformation de l’espace,
courbé dans le sens de la trajectoire ; c’est un mouvement libre dans un espace déformé.
Ainsi tous les référentiels sont équivalents pour décrire les lois de la nature : il n’y a que des
mouvements libres dans un espace plat (en l’absence d’accélération ou de gravitation) ou déformé
(en présence de gravitation, ou de pseudoforce). Le principe du raisonnement se schématise de la
façon suivante :
1.3. Le principe d’équivalence
gravitation
⇐⇒
P cpeEquiv.
5
accélération ⇐⇒
déformation
→
−
v 6=
Détaillons la relation entre accélération et déformation. Dans l’exemple d’un disque en rotation, les vitesses tangentielles s’accroissent avec la distance à l’axe de rotation (Figure 1.3), les
contractions des longueurs sont donc plus importantes loin de l’axe de rotation. Cette variation des
longueurs en fonction de la position implique la déformation de l’espace. Il est donc nécessaire de
se placer dans un espace déformé. Par ailleurs, comme il y a équivalence entre inertie et gravitation, on en déduit que les longueurs se contractent et le temps se dilate d’autant plus que la force
de gravitation est importante, c’est à dire que la masse générant cette force est proche (comme sur
la figure 1.2). La présence d’une masse déforme donc l’espace.
F IG . 1.3 – Evolution des vitesses tangentielles dans un référentiel en rotation
Regardons maintenant comment formaliser ces concepts et aborder les notions pratiques de
relativité générale.
Chapitre 2
Métrique et déformation de
l’espace-temps
La déformation de l’espace-temps va être en pratique décrite par une quantité appelée métrique.
Commençons par le principe de relativité restreinte, qui stipule que les lois physiques doivent
être invariantes sous une transformation de Lorentz (i.e. les lois physiques sont les mêmes dans
deux référentiels en translation l’un par rapport à l’autre). Ceci implique que les 4 coordonnées
d’espace-temps sont liées entre elles, et on considère l’indice µ=0,1,2,
ˆ
ou 3 correspondant respectivement aux coordonnées t, x, y, z.
Prenons l’exemple de l’équation d’Euler-Lagrange. Quel est le mécanisme qui la rend invariante de Lorentz ? Si φ est un champ de matière (la fonction d’onde en première approximation),
l’équation d’Euler-Lagrange s’écrit :
∂µ
∂L
∂(∂µ φ)
−
∂L
=0
∂φ
(2.1)
où ∂µ signifie
~
∂µ =(∂
ˆ t ; ∇)
(2.2)
Dans une transformée de Lorentz, des signes opposés apparaissent entre les composantes spatiales
et temporelle. Cela se traduit par la dérivée avec l’indice en haut :
~
∂ µ =(∂
ˆ t ; −∇)
(2.3)
où l’on notera le signe négatif pour les composantes spatiales. Par ailleurs la répétition des indices
µ dans l’équation (2.1) est une notation abrégée signifiant la somme sur ces indices. Ainsi :
∂µ ∂ µ =
ˆ
3
X
∂µ ∂ µ
(2.4)
µ=0
= ∂t − ∆=
ˆ
6
(2.5)
7
La matrice faisant monter ou descendre les indices est donc la matrice 4x4 de métrique d’espacetemps :


1 0
0
0


 0 −1 0
0 
µν


(2.6)
g =

0
0
−1
0


0 0
0 −1
C’est la métrique dite de Minkowski, qui découle du principe de relativité restreinte (transformation de Lorentz). On a bien :
∂µ gµν = ∂ ν
(2.7)
Ce type de formalisme dit tensoriel, hérité des équations (2.2) et (2.3), permet de préserver l’invariance de Lorentz. La métrique de Minkowski (2.6) correspond à un espace géometriquement plat
où le principe de relativité restreinte (invariance de Lorentz) est vérifié.
Si l’on considère un intervalle d’espace-temps ds2 , celui-ci s’écrit
ds2 = gµν dxµ dxν
(2.8)
Dans le cas d’un espace Minkowskien (sans effet de relativité générale) la matrice gµν est donc
diagonale (Eq. (2.6)) : l’équation (2.8) devient :
ds2 = dt2 − dx2 − dy 2 − dz 2
(2.9)
On note qu’on a omis un facteur c2 devant dt2 , que l’on peut retrouver avec les équations aux
dimensions.
Comme gµν régit la métrique, la relation (2.7) peut se généraliser à tout quadrivecteur Aµ :
gµν Aµ = Aν
(2.10)
La relativité générale consiste à exprimer l’effet de la masse/énergie sur la métrique d’espacetemps. gµν est alors modifié et c’est justement l’équation d’Einstein (chapitre 3) qui permet d’en
calculer son expression à partir de l’énergie-impulsion de l’objet déformant l’espace-temps. En
effet nous avons vu à la section 1.3 que le principe de relativité générale implique une déformation de l’espace-temps. gµν n’est alors plus diagonal mais il conserve quelques propriétés comme
(2.10) et aussi :
gµσ gσν = δµν
(2.11)
où δµν est le symbole de Kronecker.
Le passage de la relativité restreinte à la relativité générale se comprend en passant du gµν diagonal de l’équation (2.6) au gµν non-diagonal déterminé par la masse/énergie déformant l’espacetemps. Ceci est relié au principe d’équivalence décrit au chapitre 1. En effet ce principe implique
la prise en compte de la déformation de l’espace-temps (section 1.3). En pratique cela se fait en insérant la métrique non-diagonale gµν , ce qui va aussi modifier la manière de dériver des quantités
par rapport au coordonnées d’espace-temps, comme on le verra à l’équation (3.14).
Chapitre 3
L’équation d’Einstein
Cherchons donc comment relier la masse/énergie à la déformation de l’espace-temps gµν .
C’est l’équation d’Einstein qui fait ce lien. Nous allons l’induire à partir d’une généralisation de
l’approche Newtonienne de la gravitation (sections 3.2 et 3.3). Auparavant, voyons brièvement
comment modéliser la source gravitationnelle qui va déformer l’espace-temps : il s’agit du tenseur
énergie-impulsion.
3.1 Le tenseur énergie-impulsion
La présence d’une masse se traduit par la présence d’une énergie, formalisée par le tenseur
énergie-impulsion Tµν . Son expression dépend de la masse ou énergie considérée et va être la
source de la gravitation. Ainsi pour une masse de densité ρ, on a la densité d’énergie correspondante :
T00 = ρc2
(3.1)
Dans le cas d’un champ électromagnétique de tenseur Fµν =∂
ˆ µ Aν − ∂ν Aµ , on a
1
T µν = Fσµ F νσ + gµν Fσλ F σλ
(3.2)
4
Et ainsi de suite. Regardons maintenant comment induire l’équation d’Einstein à partir d’une
généralisation de la gravitation Newtonienne.
3.2 L’équation Newtonienne de Poisson
Le potentiel gravitationnel Newtonien V généré par une distribution de masse M de densité
ρ(r) vérifie l’équation de Poisson :
∆V = 4πGρ(r)
(3.3)
où G est la constante usuelle de gravitation : G=6.67 10−11 m3 .kg−1 .s−2 .
On retrouve bien la force Newtonienne de gravitation entre M et une autre masse m à partir de
(3.3) avec
8
3.3. Passage à la relativité générale
~
F~ = −m∇V.
9
(3.4)
Le potentiel de gravitation V(r)=-GM/r est relié à la partie temporelle de la métrique d’espacetemps g00 . En effet l’accélération se traduit comme le gradient du potentiel (on utilise le principe
d’équivalence impliquant l’égalité de la masse inerte m dans (1.1) et de la masse de gravitation
dans (3.4)) :
~
~a = −∇V
(3.5)
Or on montre que l’accélération est reliée à la partie temporelle de la métrique :
d2 ~x
1~
2
= − ∇g
(3.6)
00 c
2
dt
2
Cela peut se comprendre avec l’expression du ds2 (Eqs. (2.8) et (2.9)) où l’on voit que le terme
en g00 c2 multiplie le terme en dt2 . L’équation (3.6) montre qu’une accélération non nulle se traduit
par une métrique non constante, qui s’écarte de l’espace-temps plat de la métrique Minkowskienne
(2.6) (cf la discussion à la fin du chapitre 2).
Des deux équations (3.5) et (3.6) précédentes, on déduit
~a =
1
∆g00 c2
(3.7)
2
En combinant avec (3.3), on obtient l’équation qui relie la métrique à la densité de masse :
∆V =
∆g00 =
8πGρ(r)
c2
(3.8)
∆g00 =
8πGT00
c4
(3.9)
qui peut se ré-écrire avec (3.1) :
3.3 Passage à la relativité générale
L’équation d’Einstein qui relie la métrique à la densité de masse est la généralisation de (3.8).
Nous avons vu à la fin du chapitre 2 que le principe d’équivalence implique l’insertion de la
métrique gµν , etc. Pour commencer, on rend (3.9) invariante de Lorentz en utilisant le formalisme
tensoriel décrit au chapitre 2 :
8πGTµν
(3.10)
c4
où Tµν est le tenseur énergie-impulsion (section 3.1) et Gµν est un tenseur composé de manière
la plus générale à partir des dérivées seconde de gµν (cf l’équation (3.9)), et peut-être de gµν luimême (notons que Gµν n’a rien à voir avec la constante Newtonienne G de gravitation intervenant
dans le terme de droite de (3.8)-(3.10)). Quelle est cette combinaison linéaire de gµν et de dérivées
de gµν ? En considérant les contraintes qu’il faut que Gµν soit symétrique et de divergence nulle
comme Tµν , la combinaison qui vérifie ces conditions est la non-triviale suivante :
Gµν =
10
Chapitre 3. L’équation d’Einstein
1
Gµν = Rµν − Rσσ gµν − Λgµν
2
(3.11)
Rµν =∂
ˆ α Γαµν − ∂ν Γαµα + Γλµν Γαλα − Γλµα Γαλν
(3.12)
avec le tenseur de Ricci
et le symbole de Christtofel
1
Γµαβ =
ˆ gµν (∂β gνα + ∂α gνβ − ∂ν gαβ )
(3.13)
2
On a bien dans (3.11) une combinaison linéaire jusqu’à la dérivée seconde de la métrique
gµν . Dans (3.11), Λ est une constante. Pour des raisons historiques elle est appelée constante
cosmologique.
La métrique gµν s’insère aussi dans la dérivée des quantités, comme mentionné à la fin du
chapitre 2. Ainsi la dérivée d’un vecteur Aµ par rapport à une coordonnée d’espace-temps xν
s’écrit de manière plus générale avec l’adjonction d’un terme dépendant de la métrique :
∂ν Aµ → ∂ν Aµ + Γµνα Aα
(3.14)
où Γµνα est nul pour une métrique Minkowskienne (espace-temps plat, Eq. (2.6) dans (3.13)) :
on retrouve bien la dérivée usuelle en l’absence de masse/énergie.
3.4 L’équation d’Einstein
Elle relie donc la métrique contenue dans Rµν à la distribution de masse contenue dans Tµν ,
et s’écrit avec (3.10) et (3.11) :
1
8πGTµν
Rµν − Rgµν − Λgµν =
2
c4
(3.15)
avec R=R
ˆ σσ .
Connaissant le tenseur énergie-impulsion Tµν du système, on peut en déduire son impact sur
la métrique gµν via Rµν . Pour cela il peut être commode d’inverser l’équation d’Einstein (3.15).
En contractant (3.15) par gµν on obtient
8πGTµµ
− 4Λ
(3.16)
c4
En injectant (3.16) dans (3.15) on en déduit l’expression du tenseur de Ricci en fonction du
tenseur énergie-impulsion :
8πG
1
σ
Rµν = 4
Tµν − gµν Tσ − Λgµν
(3.17)
c
2
R=−
Cela permet de déduire plus directement l’effet de Tµν sur la déformation Rµν de l’espace-temps,
bien que des termes en gµν subsistent dans le terme de droite de l’équation (3.17).
3.5. La constante cosmologique
11
3.5 La constante cosmologique
La valeur du coefficient Λ du terme en Λgµν dans l’équation d’Einstein (3.15) ne peut être
déterminée par la théorie. En effet, la dérivation de l’équation d’Einstein se fait par une imposition
de contraintes (cf Eq. (3.11)) qui sont compatibles avec un terme en Λgµν quel que soit Λ.
En mettant ce terme du coté droit de l’équation d’Einstein (3.15), on obtient :
i
1
8πG h
(Λ)
Rµν − Rgµν = 4 Tµν + Tµν
2
c
(3.18)
(Λ)
où Tµν =ρ
ˆ Λ gµν est un terme équivalent à un tenseur énergie-impulsion, avec
ρΛ =
ˆ
Λc4
8πG
(3.19)
qui correspond à la densité d’énergie générée par la constante cosmologique.
(Λ)
Le terme en Tµν = ρΛ gµν dans l’équation (3.18) est répulsif (si Λ est positif) et correspond
à une pression négative (on voit par exemple sur l’Eq. (2.6) que gµν <0 pour µ ou ν=1,2,3) : il va
dans le sens d’une expansion de la matière.
Pour mieux interpréter cet effet, revenons à la limite Newtonienne. Dans cette limite, les équations (3.7) et (3.12) permettent d’obtenir R00 c2 = ∆V. Par ailleurs, l’équation d’Einstein (3.17)
donne, à la limite Newtonienne :
R00
8πG
= 4
c
1
T00 − T00
2
−Λ
(3.20)
Avec (3.1) et (3.19), on en déduit donc (à comparer avec (3.3))
ρΛ ∆V = 4πG ρ(r) − 2 2
c
(3.21)
où ρΛ correspond à cette répulsion d’origine géométrique qui atténue les effets gravitationnels. On l’appelle aussi énergie sombre/noire et est donc équivalente à la constante cosmologique.
L’équation d’Einstein (par exemple (3.18)) montre que la constante cosmologique génère une déformation de l’espace-temps en l’absence de masse/énergie (Tµν =0). Par ailleurs, dans un système
gravitationnel, on a en général (ρΛ /c2 )«ρ : l’effet de l’énergie noire sera non-négligeable uniquement dans les systèmes de très basse densité, comme l’Univers considéré dans son ensemble
(section 4.2).
Chapitre 4
Solutions de l’équation d’Einstein
Résolvons l’équation d’Einstein pour deux cas simples, praticables analytiquement, et utiles
qui permettent d’aborder des notions sur les trous noirs, la cosmologie et l’énergie noire.
4.1 Symétrie sphérique, loin de la source et trous noirs
On considère une masse M ponctuelle et on veut connaître la déformation de l’espace-temps
(la métrique) engendrée par cette masse, loin d’elle. On se situe donc dans le vide et le système est
à symétrie sphérique ; le tenseur énergie-impulsion est nul (Tµν =0, section 3.1) sauf à l’origine,
où se situe la masse M. Dans le cas d’un système loin d’une source ponctuelle, la métrique va peu
s’écarter de celle de Minkowski (2.6). gµν restera donc diagonal.
En coordonnees sphériques (t,r,θ,φ) (bien plus commode pour ce cas au lieu de (t,x,y,z)) seuls
les termes en dt2 et dr2 seront modifiés par rapport à ceux de Minkowski. On aura donc a priori
une métrique (2.8) de la forme
ds2 = A(r)dt2 − B(r)dr 2 − r 2 (dθ 2 + Sin2 θdφ2 )
(4.1)
où A(r)=B(r)=1 dans le cas d’une métrique de Minkowski.
La résolution de l’équation d’Einstein (3.15) ou (3.17) dans le vide (loin de la masse, le tenseur
énergie-impulsion est localement nul) donne l’expression de A(r) et B(r), après un calcul (dont on
pourra trouver la démonstration dans la quasi-totalité des ouvrages sur la relativité générale) :
ds2 = (1 − α)dt2 − (1 − α)−1 dr 2 − r 2 (dθ 2 + Sin2 θdφ2 )
(4.2)
avec
α=
ˆ
2GM
c2 r
(4.3)
où G est la constante usuelle de gravitation Newtonienne et r la distance à la source de masse M.
(4.2) est la métrique dite de Schwarzchild.
3 remarques :
12
4.2. Symétrie sphérique, source homogène et cosmologie
13
i) La métrique (4.2) est independante de t. Cela provient de la symétrie sphérique dans le vide.
Cette relation correspond au théorème dit de Birkhoff.
ii) La matrice de métrique (4.2) est diagonale, et α est négligeable (α«1) pour r»2GM/c2 . On
est alors dans un espace de Minkowski. Les effets de relativité générale se manifestent donc pour
r ∼ 2GM/c2 ; 2GM/c2 est de l’ordre de 3 km pour M=une masse solaire. C’est négligeable pour le
Soleil mais pas pour les trous noirs qui peuvent atteindre plusieurs masses solaires pour un rayon
de quelques km. En fait pour le soleil, un petit effet de relativité générale est perceptible sur le
déplacement du périhélie des planètes et notamment de Mercure.
iii) Pour r<2GM/c2 la métrique (4.2) est qualitativement différente car α<1. A quoi cela
correspond-il ? La vitesse de libération (qui peut déjà simplement se calculer en gravitation Newtonienne) d’une particule située à la distance r d’une masse m est v2L =2GM/r. La condition r<2GM/c2
correspond donc à vL > c : la particule ne peut en fait s’échapper du système, et la lumière non
plus. On est donc dans un régime de trou noir : si un objet de masse M a une taille inférieure à
2GM/c2 , il est susceptible de donner un trou noir.
4.2 Symétrie sphérique, source homogène et cosmologie
Considérons maintenant une répartition homogène de source gravitationnelle (masse et/ou
énergie) à symétrie sphérique. Comme on n’est plus dans le vide, le théoreme de Birkhoff ne
s’applique plus, et la métrique va dépendre de t. Appliqué à l’Univers, cela implique son évolution
temporelle : l’Univers n’est pas statique.
Ici le tenseur énergie-impulsion est donc non-nul car l’espace est consideré comme rempli
d’une source gravitationnelle homogène de densité ρ (dans cette section ρ est la densité d’énergie,
reliée à la densité de masse simplement par un facteur c2 , cf Eq. (3.1)). Elle génère une pression
locale P homogène, P et ρ étant en général reliés par une équation d’état P(ρ) provenant de la
structure de la source. On peut montrer que le tenseur énergie-impulsion s’écrit ici :
T
µν



=


ρ 0
0 P
0 0
0 0
0
0
P
0
0
0
0
P






(4.4)
La résolution de l’équation d’Einstein (3.15) (ou 3.17) correspondante donne une métrique
(dite de Robertson-Walker) de la forme (on reconnait encore l’effet de la symétrie sphérique) :
dr 2
2
2
2
2
ds = dt − R(t)
+ r (dθ + Sin θdφ )
1 − kr 2
2
2
(4.5)
où k est une constante (homogène à des m−2 ) valant -1, 0 ou 1 (en effectuant un changement
de variable, on peut toujours se ramener à l’un de ces 3 cas), et R(t) une fonction dépendant de t
appelée facteur d’échelle (qui n’a rien à voir avec le tenseur de Ricci contracté (3.16)). Elle n’a
rien à voir non plus avec un hypothétique rayon total de l’Univers, mais détermine localement la
dépendance en temps de la métrique d’espace-temps (4.5). La résolution de l’équation d’Einstein
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Chapitre 4. Solutions de l’équation d’Einstein
(3.15) va donc donner les expressions de k et de R(t) afin de complètement déterminer la métrique
(4.5), mais cela dépend des caractéristiques ρ et P de la source, via Tµν (Eq. (4.4)). Lors de la
résolution, la dépendance en P disparait en fait, et il reste une équation reliant k, R(t) et ρ :
Ṙ2
8πG
+k =
(ρ + ρΛ ) R2
2
c
3c4
qui peut se réécrire comme (c’est l’équation de Friedmann-Lemaître) :
H2
k
=
(Ωtot − 1)
R2
c2
(4.6)
(4.7)
avec H(t)=
ˆ Ṙ/R (appelé paramètre de Hubble) et Ωtot la densité d’énergie totale de l’Univers :
Ωtot =
ˆ
ρ + ρΛ
ρc
(4.8)
où ρΛ est défini à l’équation (3.19), et ρc est la densité critique (homogène à des (g.cm−3 ).c2 ) :
ˆ
ρc =
3H 2 c2
8πG
(4.9)
On notera que la densité critique dépend du temps. Aujourd’hui elle vaut ρc /c2 ∼ 10−29
g.cm−3 . La résolution de (4.7) permet de déterminer k et R(t) de manière à complètement définir la métrique (4.5).
On voit que la résolution de l’équation (4.7) dépend de Ωtot (Eq. (4.8)), qui est déterminé par
l’expérience et les mesures de la densité de matière et de rayonnement ρ de l’Univers (contributions baryonique, photonique, des neutrinos et de la matière noire) et ρΛ de l’énergie noire :
i) Si Ωtot > 1 alors l’équation (4.7) implique k = 1 (k ne prend comme valeur que -1,0 ou 1).
Sur la métrique (4.5) cela implique une courbure sphérique de l’espace.
ii) Si Ωtot =1 alors k = 0. Il n’y a pas de courbure comme on le voit sur (4.5) (métrique
euclidienne plate).
iii) Si Ωtot <1 alors k = -1. La courbure de la métrique est hyperbolique.
Les dernières mesures expérimentales (de 2014) de Ωtot sont compatibles aux incertitudes près
avec les 3 possibilités : Ωtot =1,002 ± 0,011. Par ailleurs les mesures donnent une contribution
majoritaire provenant de l’énergie noire : ΩΛ =(ρ
ˆ Λ /ρc )=0,686 ± 0,020. La nature de cette énergie
noire, provenant de la constante cosmologique de la solution (3.11) de l’équation d’Einstein, reste
à déterminer.