Fiscalité des personnes morales : 2016, la baisse de trop ! En 2010

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Fiscalité des personnes morales : 2016, la baisse de trop ! En 2010
Fiscalité des personnes morales : 2016, la baisse de trop !
En 2010, le Grand Conseil a voté toute une série d’allègements fiscaux pour
les entreprises. Ils devaient se répartir sur plus de 5 années en commençant
par la division par 100 des impôts sur le capital des holdings, puis en 2011 la
quasi-suppression de l’impôt sur le capital des autres personnes morales.
Ensuite se sont égrenées année après année les baisses du taux
d’imposition sur le bénéfice. De 10% en 2011 il doit arriver à 5% l’année
prochaine. Cette baisse progressive devait être compensée par l’arrêt des
nouvelles exonérations fiscales aux entreprises et le retour progressif au
statut normal de celles déjà exonérées. Promesse partiellement tenue par le
Conseil d’Etat.
Lors du débat au Grand Conseil, PopVertsSol avait proposé de limiter la
baisse à 8%, sans succès. La proposition d’une minorité du PS de se
contenter de 6% restera également sans succès. Par contre, un
amendement demandant une évaluation en cours de route a été introduit
dans la loi sur les contributions directes. Ainsi il est inscrit dans la loi ellemême que le Conseil d’Etat doit présenter un rapport intermédiaire en février
2014 permettant de modifier la loi, si nécessaire, pour 2015. Le rapport n’a
finalement été publié qu’en mai 2015, soit avec 15 mois de retard. La
commission fiscalité de son côté a pris tout son temps, puisque son rapport
ne sortira que dans quelques jours. Ce dernier peut être résumé ainsi :
« circulez, il n’y a rien à voir ».
Effectivement, il n’y a rien à voir derrière l’écran de fumée des statistiques
fiscales. Entre secret fiscal et retard de publication, pas facile à se faire une
idée de la situation. Par exemple, si les statistiques fiscales étaient, il y a une
dizaine d’années, publiées en janvier l’année suivante, maintenant c’est
plutôt en novembre et on attend aujourd’hui toujours les statistiques de
l’année 2013. Entre temps, la répartition entre le canton et les communes a
changé deux fois et un certain flou est entretenu. En effet, dans les
commentaires à l’appui des comptes et des budgets, l’augmentation des
recettes fiscales dues à ces changements n’est jamais décrite comme telle.
Laissant entendre que la hausse des revenus pourrait être due à la seule
politique fiscale.
Jusqu’en 2014 effectivement, la hausse des recettes fiscales des personnes
morales a été plus élevée que prévue. Mais il est très difficile de savoir si
cela est dû à la sortie des allègements fiscaux de grosses entreprises, si
effectivement il y a eu des bénéfices en hausse dans des multinationales ou
si celles-ci en avaient rapatrié une partie dans le canton. En tout cas, il est
clair qu’entre 2010 et 2012 (derniers chiffres en notre possession), le secteur
produits alimentaires, boissons et …tabac a été responsable de 52 millions
des 66 de recettes supplémentaires. C’est à dire que 76% des recettes
supplémentaires perçues entre 2010 et 2012 l’on été par une partie des 7
entreprises de ce secteur, principalement celle(s) de la commune de
Neuchâtel. On peut facilement imaginer quelle entreprise est ici pointée du
doigt ! Ainsi, la réussite de notre politique fiscale, serait-elle due
principalement à une seule entreprise ? Vous pouvez imaginer la faiblesse
de notre système !
Aujourd’hui, la quasi-totalité des cantons qui ont pratiqué le dumping fiscal se
trouvent dans les chiffres rouges. De plus, les velléités de baisser les impôts
des entreprises dans certains cantons se trouvent confrontés à des
référendums (dans le canton de Vaud), des manifestations de rue
(indirectement à Genève) ou reste simplement au stade de projet.
Dans le canton de Neuchâtel, à l’heure où le budget est bouclé avec des
reports de charges sur les communes, des réserves dissolues, des fonds
non-alimentés, des prestations abandonnées et des incertitudes salariales,
personne ne remet malheureusement en question la dernière baisse fiscale
accordée aux entreprises l’année prochaine. Pire, la seconde étape de
baisse fiscale promise à la population pour 2017 est remise en question
par le Conseil d’Etat. Nous n’aurons probablement plus les moyens de
baisser les impôts des personnes physiques.
Pour 2016, le passage du taux de 6 à 5%, c’est 16,66 % de baisse d’impôt
pour les entreprises. Cela représente 40 millions de pertes fiscales pour le
canton et 25 millions pour les communes. C’est juste énorme ! C’est la part
cantonale au budget de l’université ! C’est également 8 points d’impôt
cantonal des personnes physiques et 5 points d’impôt communal ! Pourquoi
se serrer la ceinture pour baisser une 5ème fois les impôts des entreprises ?
Le canton est déjà parmi les plus avantageux de Suisse …et du monde.
Cette dernière baisse ne changera probablement pas notre rang dans le
classement des cantons. Alors pourquoi vouloir faire la course en tête ?
Nous n’en avons clairement pas les moyens. Des entreprises risqueraientelles de quitter le canton ? Pour aller où ? Puisque nous sommes déjà parmi
les plus attractifs du monde !
Il est vrai que la volonté de baisser les impôts des personnes morales en
Suisse devient de plus en plus pressante. Mais rien ne se passera avant
2019. Alors, pourquoi se précipiter pour devancer le mouvement en 2016
déjà ?
Notre groupe au Grand Conseil a déposé un amendement visant à renoncer
à cette dernière baisse fiscale. Si un élan de pragmatisme et de sagesse
venait à envahir le canton tout serait possible. En attendant, les Verts doivent
maintenir la pression pour une fiscalité raisonnable, non seulement au Grand
Conseil, mais également dans les communes, voir dans les syndicats ou les
structures subventionnées par l’Etat.
Laurent Debrot