20 revue des opinions 4 1 2013.pub
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DDP R E V U E S D E S O P I N I O N S "Toute opinion est assez forte pour se faire épouser au prix de la vie." Montaigne VENDREDI 4 JANVIER 2013 MAGHREB / MOYEN ORIENT SOMMAIRE : Un plan mort-né - Un plan mort-né Al Ahram L’économie du Qatar va ralentir -- - La dangereuse instrumentalisation des réfugiés de Syrie Remous égyptiens - L’hiver arabe - Vers une année charnière - Bicéphalisme - Le redressement avant tout - États-Unis, France : le compromis fiscal. -Italie, Allemagne: des élections qui feront l'Europe de 2013 -Les États-unis échappent à une catastrophe budgétaire -Obama et l'énergie - IRAN • Une présidentielle entre conservateurs ? - Une dame de fer à Séoul L’émissaire international pour la Syrie, Lakhdar Brahimi, poursuit ses efforts en vue d’un règlement de la crise syrienne. Le diplomate algérien a annoncé dimanche avoir un plan susceptible d’être accepté par la communauté internationale, afin de mettre fin au conflit en Syrie, où l’armée gouvernementale intensifie ses opérations pour chasser les rebelles de leurs derniers bastions à Homs. Brahimi a affirmé avoir parlé de ce plan avec la Russie et la Syrie, où il s’est rendu durant la semaine, ajoutant, à l’issue d’une rencontre au Caire avec le chef de la Ligue arabe, Nabil Al-Arabi, que « cette proposition peut être adoptée par la communauté internationale ». Le plan en question est basé sur la déclaration de Genève prévoyant un cessez-le-feu, la formation d’un gouvernement avec des prérogatives entières et des élections présidentielles ou parlementaires. Cependant, le plan n’évoque pas l’éventuel départ du président Bachar Al-Assad, condition sine qua non posée par l’opposition pour tout « dialogue national ». Le plan de Lakhdar Brahimi a-t-il des chances de réussir ? A priori non. Depuis quelques semaines déjà, la mission de Brahimi semblait condamnée. Pourquoi ? Parce que l’opposition syrienne ne semble plus disposée à accepter un compromis politique. Celle-ci est en train de prendre l’ascendant sur le régime de Damas, tant sur le plan militaire que politique. Sur le terrain, les rebelles, armés par certains pays du Golfe, ont déjà réalisé d’énormes progrès. Et il semble peu probable que le régime de Bachar AlAssad soit en mesure de « tenir » longtemps encore. Sur le plan politique, l’opposition bénéficie déjà de l’appui des pays du Golfe, des Européens et des États-unis. Quant à Bachar Al-Assad, il est de plus en plus isolé. Même un pays comme la Russie, qui a soutenu sans relâche le régime syrien, semble aujourd’hui lâcher du lest. Moscou qui a bloqué, avec Pékin, plusieurs résolutions du Conseil de sécurité de l’Onu condamnant le régime de Damas, s’est récemment distancié de son grand allié, envisageant désormais une Syrie sans Assad. Tous ces facteurs ont fait que l’opposition se sent désormais en position de force et n’acceptera jamais le plan proposé par M. Brahimi. Car pour elle, la victoire viendra inexorablement. Il s’agit seulement d’une question de temps. L’économie du Qatar va ralentir par Akram Belkaid, Paris En 2013, le Produit intérieur brut (PIB) du Qatar devrait progresser de 4,8% (contre 6,3% en 2012) soit le plus faible taux de croissance depuis 2002. Bien entendu, la liste des pays qui aimeraient connaître une telle expansion de leur économie est longue. On pense notamment aux membres de l’Union européenne (UE) qui resteront menacés par la récession au cours des prochains mois. Mais, pour un pays comme le Qatar, habitué à des progressions élevées et proches du duo Chine-Inde, ce léger ralentissement mérite d’être signalé. En effet, cela traduit la fin d’un cycle de quinze ans au cours duquel l’Emirat a consenti près d’une centaine de milliards de dollars d’investissements pour augmenter ses capacités de production de gaz naturel et de pétrole. Durant les prochaines années, la croissance de l’économie du Qatar devrait donc dépendre du développement des infrastructures avec comme ligne de mire l’organisation de la Coupe du Monde de football en 2022. Usines de traitement d’eau, production d’électricité verte grâce à l’énergie solaire, métro et train, routes et bases logistiques : le Qatar présente un réel retard en la matière en comparaison des Emirats arabes unis (EAU) et de l’Arabie Saoudite. Doha devrait ainsi dépenser près de 10 milliards de dollars d’ici 2020 pour être capable d’accueillir la Coupe du Monde de football et loger au mieux les millions de visiteurs qui se déplaceront à cette occasion. AVERTISSEMENT : LES OPINIONS EXPRIMEES N’ENGAGENT EN AUCUN C A S LA DIRECTION. ELLES REFLETENT LA POSITION DE LEURS AUTEURS. Page 2 La dangereuse instrumentalisation des réfugiés de Syrie L’Orient le jour , Par Fadi Assaf Une nouvelle fois, les frontières géographiques et politiques tombent, au risque de briser le semblant d’équilibre démographique au Liban, au nom de considérations géopolitiques et humanitaires pressantes. Les réfugiés syriens, qu’un pays aussi vaste que la Turquie ne veut plus accueillir, et les réfugiés palestiniens du Yarmouk, qu’un pays aussi proche que la Jordanie rejette aujourd’hui, affluent en masse vers le seul pays voisin de la Syrie qui a renoncé, une nouvelle fois, à sa souveraineté. Derrière les encouragements, voire les pressions, de l’ONU, de la communauté internationale et des droits-de-l’hommistes, on comprend une volonté de profiter de la mollesse des autorités libanaises et de la complexité politico confessionnelle pour épargner aux autres voisins de la Syrie le poids de ces transferts risqués de populations. Le Liban est un pays composé de quatre minorités confessionnelles, les sunnites, les chiites, les druzes et les chrétiens, ou de 17 confessions, ou d’une minorité chrétienne et d’une majorité musulmane, c’est selon. Dans les trois cas de figure, le Liban reste un pays diversifié culturellement, ce qui est une exception en soi dans son environnement. Et c’est justement cette diversité, qui offre un modèle sociopolitique différent aux pays arabes à dominance musulmane et en état d’islamisation avancée, que le Liban est en train de perdre aujourd’hui, avec cette dernière poussée démographique venue de Syrie. Les centaines de milliers de réfugiés, de déplacés et d’immigrés, aujourd’hui installés « provisoirement » au Liban, dont certains depuis des décennies, importent avec eux, nécessairement, leurs problèmes, certains aussi leurs richesses et un apport utile à divers niveaux. Mais, s’il faut regarder les choses en face, il faut reconnaître que ces populations, qui ont brisé les équilibres restants, risquent d’ê- tre très vite instrumentalisées pour servir des intérêts de tous genres, ceux de puissances extérieures, mais aussi et y compris les intérêts politiques et politiciens des Libanais eux-mêmes. Il y a ceux qui, tout en redoutant l’afflux massif de populations majoritairement sunnites, espèrent monnayer politiquement leur approbation. Il y a ceux qui ne manqueront pas d’exploiter ce dossier pour légitimer leurs argumentations (projet de fédération) et faire jouer les réflexes minoritaires afin de ressouder leurs bases. Il y a ceux qui peuvent y voir un projet politique, avec un transfert organisé de populations sunnites et palestiniennes vers le Liban (contrer le chiisme politique pro-iranien; implantation des Palestiniens). Il y a ceux qui y voient une contribution au projet politique en Syrie (renversement du régime alaouite). Etc. Les Libanais sont unanimes à vouloir aider ces populations déplacées, sur le plan humain, même si l’histoire ne doit pas les y encourager particulièrement... Surtout que les autres voisins de la Syrie, qui ont tous beaucoup plus de capacités à tous les niveaux, n’en font pas autant. Ils sont unanimes à penser que ces nouveaux réfugiés, qui se joignent à ceux déjà entassés dans des camps depuis des décennies ou répartis à travers le pays, affecteront les équilibres démographique, social, politique déjà précaires et dangereusement instables. Ils sont tous aussi, quelque part, convaincus qu’ils pourront en tirer parti aussi. Cela est surtout valable pour la classe politique dirigeante, celle-là même qui ne pense qu’au court terme et qui ne voit que l’arbre qui cache la forêt. Plus tard, les Libanais seront à nouveau unis pour regretter, ensemble et unanimement, d’avoir accepté, une nouvelle fois, de faire des concessions sur ce qui est censé les regrouper, à savoir la nation libanaise et la souveraineté du Liban, pour quelques gains politiques illusoires. Remous égyptiens - L’hiver arabe Le devoir , Par Serge Truffaut Dimanche, 64 % des Égyptiens ont adopté la constitution. On devrait préciser, voire insister sur le fait qu’il s’agit de 64 % des 33 % d’inscrits qui se sont prévalus de leur droit de vote. La faiblesse, l’extrême faiblesse de cette participation, qui en dit tout de même long sur la désaffection grandissante des Égyptiens envers le régime des Frères, n’a pas empêché le premier ministre Hicham Qandil d’avoir ces mots : « Il n’y a pas de vaincus dans le résultat de ce référendum. Cette constitution sera celle de tous. » Alors que pour Mohammed el-Baradei, figure de proue de l’opposition, cette loi fondamentale signe rien de moins que « l’institutionnalisation de l’instabilité ». À cet égard, les récentes semaines ont donné un avant-goût de la prévision, au demeurant très pessimiste, de Baradei. En effet, les miliciens au service des Frères ainsi que des membres des forces de l’ordre ont fait ce qu’ils savent faire le mieux : observer toutes les postures de l’arbitraire. Ils ont donc emprisonné, torturé et soutiré de fausses déclarations des personnes qui manifestaient leur opposition à l’i- slamisation forcée du pays. On douterait de cela qu’il suffirait de lire une des enquêtes effectuées par l’hebdomadaire Der Spiegel. Toujours est-il que, forts des témoignages recueillis, on apprend que toute parole et toute proposition formulées par Morsi doivent avoir été approuvées préalablement par Mohammed Badie et Khairat el-Shater, respectivement no 1 et no 2 des Frères. Il faut savoir aussi que le pouvoir du « politburo » de la confrérie, 21 personnes, a préséance sur celui dévolu au gouvernement. C'est ce qui expliquerait d’ailleurs les récentes démissions de ministres. Il faut savoir enfin que, depuis l’élection de Morsi à la présidence en juin dernier, une valse des têtes dirigeantes se poursuit. En clair, les patrons des médias, des diverses administrations publiques et autres ont été renvoyés pour être remplacés évidemment par de « bons » Frères. Pour reprendre une expression désormais courante, l’Égypte affiche désormais tous les stigmates de « l’hiver arabe ». REVUES DES OPINIONS AFRIQUE Vers une année charnière L’observateur par Ahmed Charai L’année 2013 ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices. Sur le plan économique, il est maintenant établi que la crise de la zone euro n’est pas uniquement financière, mais qu’elle est structurelle. Les projections les plus optimistes font un pronostic d’une croissance proche de zéro pour l’ensemble européen, avec des pertes d’emplois massives et une contraction de la demande. Les plus pessimistes penchent pour une aggravation de la crise et son extension à des pays comme la Hollande jusqu’ici épargnés. Le monde arabe est plus que jamais dans l’oeil du cyclone. En Syrie, si le sort du régime Al Assad semble scellé, c’est loin d’être la fin du calvaire du peuple syrien. Les milices armées ne reconnaissent pas l’autorité de l’opposition politique et l’aspect confessionnel a été reconnu par l’ONU dans un rapport officiel. Les Islamistes sunnites mènent, en parallèle, une guerre ethnique en Égypte. Et en Tunisie, les islamistes portés au pouvoir par des révolutions qu’ils n’ont ni initié, ni dirigé, tentent de brider les aspirations démocratiques. Dans les deux cas, des processus contestataires violents se mettent en branle, refusant de remplacer une dictature par une autre. En Afrique, la situation est plus contrastée. Certains pays, stables et organisés, sont sur le chemin d’une croissance forte et offrent de réelles potentialités. Malheureusement, d’autres, sont toujours en proie à des guerres civiles, à des troubles ethniques bloquant toute avancée réelle. Le Nigeria et la République Démocratique du Congo, pourtant très riches, sont dans cette situation. Le Grand Maghreb est toujours au point mort à cause des relations entre le Maroc et l’Algérie. Nos voisins de l’Est ont un système politique peu ouvert et une économie ultradépendante des hydrocarbures. Malgré l’aisance budgétaire, les besoins des populations, en particulier la jeunesse, ne sont pas pris en compte, ce qui laisse présager des tensions sociales. Au Maroc, quelque soit la posture de tout un chacun, l’on est obligé de constater que le pays a réalisé, pacifiquement, un grand bond dans sa transition démocratique. L’exception marocaine est une réalité que même les plus critiques reconnaissent. Cependant, la classe politique ne s’est pas hissée au niveau des événements. Le débat public est très pauvre, souvent ridicule. Cela n’empêche pas les citoyens, en majorité, de garder leur confiance dans l’étape historique. C’est sur le plan économique que les nuages s’accumulent. Les déficits des comptes publics se creusent et mettent en évidence la faible compétitivité des entreprises nationales. Une crise de liquidités menace de gripper encore plus la machine. L’exécutif n’a proposé, pour le moment, aucune stratégie pour rebooster l’économie. Il y a urgence, parce que notre environnement, comme décrit plus haut, n’incite pas à un optimisme béat. Sauvegarder les acquis politiques passe par la résolution des problèmes sociaux et la lutte contre la précarité. 2013 ne peut être qu’une année charnière, souhaitons-le, vers le mieux. Bicéphalisme Le Soir, Par Saad A Tazi La scène politique marocaine est composée du gouvernement, du parlement et des partis politiques. En théorie, nous sommes en phase avec les préceptes de toutes les démocraties du monde. La pratique est différente avec des subtilités qui n’en sont pas. Le lien entre les partis politiques et les syndicats dans notre pays est assez singulier pour être souligné. Plutôt que de se concentrer sur la défense de valeurs, ou une idéologie, les syndicats au Maroc sont les extensions des partis politiques, dont ils servent à mesurer la puissance. L’USFP est ainsi lié à la FDT, le PJD à l’UNTM et l’Istiqlal à l’UGTM, dans un alignement qui ne laisse aucune place à la revendication spontanée ni sans calcul politique évident. Cette configuration déplace le centre de gravité du champ politique hors du Parlement dans une tentative de le transformer en une simple caisse d’enregistrement du pouls de la rue rythmé par les manifestations et les mots d’ordre des syndicats. L’inconvénient d’une association aussi mécanique, est la limite que cela pose à l’exercice quotidien du rapport de force entre les groupes politiques, mais surtout entre les groupes politiques et le gouvernement. La tentation est forte pour un parti, et nous avons eu maintes fois l’occasion de le vérifier, de pousser ses militants dans la rue pour obtenir par le vacarme et les blocages ce qu’il n’a pu obtenir par la négociation ou de bousculer les calendriers pour imposer un ordre de priorité différent par rapport aux attentes des Marocains. A long terme, cette bizarrerie disparaîtra certainement. Mais pour l’instant, elle alimente et consolide le populisme en donnant l’illusion du bienfondé de certaines réclamations alors que les enjeux se situent à un autre niveau, souvent moins noble. La menace que font peser les syndicats sur la scène politique est d’autant moins acceptable quand elle est générée par ceux-là mêmes qui sont au pouvoir et qu’ils la brandissent pour tirer un avantage indu des rapports en place en lieu et place de la promotion des intérêts des citoyens. REVUES DES OPINIONS Page 4 EUROPE Le redressement avant tout Presseurop Pour Suzanne Lynch, la correspondante en charge de l’UE programme de au Irish Times, les débuts de l’Irlande à la présidence de sauvetage du FMI et de l’UE Penl’Union annoncent ”six mois d’activité intense à Dublin”. dant les six mois, Notant que c’est la septième fois que l’Irlande endosse ce la principale târôle, elle écrit que l’humeur optimiste qui caractérisait les che du gouvernepériodes antérieures de l’Histoire de l’UE contraste avec la ment sera de guimorosité ambiante. Elle ajoute que, der la législation Aujourd’hui, l’Europe est en proie à la dissidence et au trou- à travers les ble, car elle tente désespérément de trouver une solution à la conseils ministécrise financière. riels, et tout particulièrement en ce qui concerne la réforme de la politique En dépit du fait que le programme du gouvernement préagricole commune . voyait d’offrir “la stabilité, la croissance et l’emploi” au cours de cette présidence, celui-ci est en réalité susceptible Elle continue, La façon dont l’État équilibre son programme d’être dominé par la question de l’allégement de la dette et de politique intérieure avec sa responsabilité d’assurer le en particulier par le pari de renégocier les termes du sauve- plus grand bien européen – qui lui incombe du fait de ce rôle tage de l’Anglo Irish Bank. – pourrait se révéler être l'élément de définition de cette présidence. Et ce pour la raison suivante : le gouvernement cherche à revenir totalement sur les marchés obligataires et à quitter le États-Unis, France : le compromis fiscal. La croix , Par Jean-Christophe Ploquin Réduire les dépenses et augmenter les recettes de l’État, l’objectif s’impose dans plusieurs pays occidentaux confrontés au gouffre de la dette publique. Pour combler l’obstacle, les dirigeants engagent des politiques de rigueur qui affectent les budgets sociaux et tentent de trouver de l’argent où il y en a, notamment en taxant les revenus des plus riches. L’arbitrage entre les intérêts contradictoires des groupes sociaux est d’autant plus difficile que la crise économique affecte durement les plus faibles et accroît l’urgence de trouver des solutions. En France, Nicolas Sarkozy et François Fillon avaient tenté certaines options. François Hollande et Jean-Marc Ayrault s’y essaient à leur tour. Lundi soir, dans ses vœux aux Français, le président de la République a évoqué « une crise historique, (avec) un chômage qui progresse implacablement depuis près de deux ans et une dette record ». Il a réaffirmé sa volonté de « désendetter la France » et affiché un souci de « justice fiscale » : « Les revenus du capital sont désormais taxés comme ceux du travail. Et il sera toujours demandé davantage à ceux qui ont le plus », a-t-il insisté, alors que ses choix sont sévèrement contestés par l’opposition. Aux États-Unis aussi, l’équilibre est difficile à trouver. Après des mois de polémiques et d’intenses négociations, le Sénat a voté hier un compromis qui prévoit une hausse des impôts des Américains les plus aisés et un important plan de réduction des dépenses, à détailler d’ici à deux mois. L’accord a été approuvé par 89 voix contre huit. Mais il devait encore être adopté par la Chambre des représentants où le Parti républicain, opposé au président Obama, est majoritaire. S’il est confirmé, ce compromis symbolisera peut-être la fin d’une époque où le moins-disant fiscal paraissait une façon habile de stimuler l’investissement et d’encourager l’activité économique qui, au final, profitait à toute la population. Or la concurrence à la baisse entre les États a contribué au déséquilibre des finances publiques à un moment où la crise accroissait le nombre des personnes dépendant d’une aide pour survivre. Dans plusieurs pays, les clivages partisans ont longtemps empêché de renverser la tendance. Alors qu’à travers l’impôt et une dépense raisonnée, c’est une nation qui se serre les coudes. Page 5 REVUES DES OPINIONS EUROPE Italie, Allemagne: des élections qui feront l'Europe de 2013 Slate , Par Daniel Vernet L'Union e u ro péenne peut a priori tabler s u r l'élection du social-démocrate Milos Zeman en République tchèque et sur la reconduction d'Angela Merkel en Allemagne. Le scrutin s'annonce plus incertain en Italie. Monti. Sa rigueur le fait passer pour «le plus allemand des Italiens», ses attaches milanaises pour un représentant de l’Europe du sud. Mais les électeurs de la péninsule ne votent pas nécessairement selon les vœux d’Angela Merkel ou François Hollande C’était sans compter sans Silvio Berlusconi. Cerné par la justice , le Cavaliere a annoncé son retour en politique et retiré le soutien de son parti à Mario Monti. Celui-ci a démissionné , provoquant des élections anticipées dès le mois de février.L’Italie va-t-elle retourner à ses jeux traditionnels? Pas sûr. Car le professeur Monti, auquel personne ne prêtait d’ambitions politiques, s’est découvert un destin. Il se verrait bien revenir au Palazzo Chigi (la présidence du Conseil) après les élections. Pendant la campagne, la chancelière dira qu’elle souhaite continuer avec les libéraux tandis que le SPD et les Verts affirmeront vouloir gouverner ensemble. Ni d’un côté ni de l’autre, les sondages ne confortent cette hypothèse. Quelle coalition pour Angela Merkel? La chancelière allemande affronte elle aussi des élections en septembre 2013 . Si les sondages d’aujourd’hui reflètent les votes de demain, elle n’a rien à craindre. Sa popularité est au zénith, avec un taux de satisfaction de 80%.Les Allemands portent à son crédit la bonne santé de l’économie et sa manière de gérer la crise européenne en donnant l’impression que sa priorité est de protéger le contribuable contre les excès laxistes des pays du Sud. Son parti, la déUn destin politique pour le professeur Monti? mocratie chrétienne (CDU-CSU), en profite. Avec 41% des En Italie aussi, l’Europe sera en question lors des éléctions intentions de vote, il est au plus haut depuis 2009. législatives de fin février . Mais la situation est plus confuse. Pas assez cependant pour gouverner seule: Angela Merkel Pour tenter de la comprendre, il faut revenir un an en arrière. devra former une coalition. Mais elle aura l’embarras du Le pays était au bord de la banqueroute, entraîné par Silvio choix. Berlusconi dans une chute politique Les libéraux, qui sont actuellement ses alliés, ne franchiront Le salut est venu de Mario Monti .Cet économiste, ancien peut-être pas la barre des 5% de voix nécessaires pour entrer commissaire européen, centriste, catholique, est devenu pré- au Parlement. Si c’est le cas, Angela Merkel aura encore sident du Conseil avec le soutien de la quasi-totalité des par- deux options. Soit une grande coalition avec les sociauxtis politiques pour un bal provisoire , jusqu’au scrutin alors démocrates (SPD), comme de 2005 à 2009, soit une formule inédite d’alliance avec les Verts. prévu pour avril 2013. Son rôle était d’épargner à l’Italie le sort de la Grèce, soit Ceux-ci se sont embourgeoisés depuis les années 1980, d’entamer le minimum de réformes nécessaires pour faire quand leur chef de file, Joschka Fischer, prêtait serment baisser les taux d’intérêt que le pays doit acquitter pour fi- comme ministre du Land de Hesse en baskets et blouson . nancer sa dette. La gauche en a profité pour se remettre en La décision d’Angela Merkel d’abandonner l’énergie nuordre de bataille en organisant des primaires remportées par cléaire à la suite de la catastrophe de Fukushima a levé le chef du Parti démocrate, Pier Luigi Bersani dans l’espoir l’obstacle principal à une coopération entre les écologistes et la CDU-CSU. d’un succès aux élections générales. A droite, les libéraux s’enfoncent dans la crise. A gauche, le SPD est crédité d’un tiers des intentions de vote et son candidat à la chancellerie, Peer ,Syeinbruck ancien ministre des Finances de la grande coalition, a raté son entrée en scène. Avec les Verts qui tournent autour de 13% à 14% des intenIl n’a même pas besoin d’être candidat: il suffit qu’un ou tions de vote, c’est trop peu pour former une majorité, d'auplusieurs partis se mettent d’accord pour faire appel à lui. tant que les deux partis ont rejeté toute possibilité d’alliance Les petites formations centristes héritières de la démocratie avec la gauche radicale Die Linke. chrétienne, en mal de notoriété, sont prêts à le soutenir. Il lui resterait alors à obtenir au moins la neutralité bienveillante de la droite et de la gauche, qui est loin de lui être acquise.Les partenaires européens de l’Italie parient sur Mario REVUES DES OPINIONS Page 6 AMERIQUES Les États-unis échappent à une catastrophe budgétaire Le Monde L'année aurait pu commencer de plus mauvaise manière. L'accord intervenu mardi 1er janvier, à Washington, sur le budget américain évite une catastrophe. Il faudrait être un esprit bien chagrin pour ne pas s'en féliciter. Si démocrates et républicains ne s'étaient pas entendus au Congrès, les États-unis risquaient de rechuter dans la crise - enfonçant un peu plus une Europe déjà encalminée dans la récession. 2013 eût pris départ calamiteux. obama est reparti en vacances à Hawaï. Les Bourses ont salué, à la hausse, la sagesse des législateurs américains. L'accord est pourtant a minima. Le taux d'imposition passe de 35 % à 39,6 % pour les foyers fiscaux aux revenus supérieurs à 450 000 dollars par an. Chacun a fait un pas vers l'autre. Les républicains ne voulaient pas de hausse d'impôts du tout ; les démocrates voulaient appliquer ce nouveau taux aux foyers de plus de 250 000 dollars. Le débat sur la réduction des dépenses publiques est repoussé à deux mois. La question du relèvement du plafond légal de la dette pour éviter une nouvelle baisse de la note que les agences accordent au Trésor américain - n'a pas été abordée. Mais il ne faut pas s'y tromper . L'accord budgétaire de mardi relève du colmatage de court terme. Un peu de mercurochrome sur une plaie qui reste béante. Il contourne le mal plus qu'il ne le soigne. L'Amérique - qui s'est beaucoup moquée de l'incapacité des Européens à venir à bout de la crise Autant dire que la Maison Blanche et le Congrès n'ont toude l’euro n'a toujours pas de stratégie pour attaquer de front jours pas de carnet de route crédible pour enrayer dans les la pathologie qui la mine : une dette publique géante. cinq à dix ans l'inexorable montée de la dette du pays. Elle Démocrates et républicains s'étaient mis d'accord en 2011 devrait vite atteindre les 100 % du produit intérieur brut pour se lier les mains. Faute de compromis sur le budget pour filtrer avec les 300 % d'ici au milieu du siècle. Intena2013, un "paquet" de hausses d’impôts et de coupes dans les ble, même avec un dollar qui reste, plus que jamais, la dépenses publiques entrerait automatiquement en vigueur. grande monnaie de réserve mondiale. C'est ce que l'on a appelé "la falaise budgétaire" : la brutalité Très vite, le service de la dette et les deux grands postes de du choc eût été de nature à étouffer la reprise de l'activité l'Etat-providence - santé et retraites - vont engloutir l'endans le pays. semble du budget fédéral. Sauf à financer autrement l'EtatIl fallait l'éviter à tout prix. Le Sénat, à majorité démocrate, providence, à augmenter les impôts et à diminuer les autres a voté lundi un compromis laborieusement négocié avec la dépenses publiques... cette grande réforme, qui bouscule Maison blanche . La Chambre des représentants, à majorité autant de tabous démocrates que républicains, M. Obama républicaine, l'a adopté mardi. Soulagement général. Barak aimerait la mettre sur les rails d'ici à la fin de son mandat. Obama et l'énergie Les échos, par de Denis Florin Après la faillite d'un Solyndra, soutenu par des fonds fédéraux dans le solaire, qui osera encore parler de politique énergétique outre-Atlantique ? Une analyse plus fine suggère que l'administration Obama n'a pas abandonné son ambition, intervenant dans quatre directions qui resteront des constantes après 2012. La première réside dans la volonté d'indépendance énergétique à bas coûts. L'approche pragmatique post-Macondo (forte amende pour BP, nouvelle agence de contrôle, mais pas de moratoire durable) ou la réponse aux critiques sur les gaz de schiste (de nouveaux standards) s'inscrivent dans cette logique : ne pas casser la dynamique des hydrocarbures non conventionnels, source d'emplois, de redressement de la balance commerciale et d'une moindre vulnérabilité face à l'Iran ou au Venezuela. Une deuxième constante porte sur les énergies nouvelles. Les incitations fiscales du programme de stimulation économique de 2009 ne survivront pas toutes au marchandage fiscal qui vient de s'achever, mais reflètent une volonté stratégique. Dans les biocarburants, l'appui du lobby agri- cole a permis l'approbation du taux de 15 % d'éthanol dans les carburants en 2012. Dans le solaire, à la différence de l'Allemagne, les États-unis n'ont pas renoncé à en disputer le leadership à la Chine, comme le prouve la taxe antidumping unilatérale de 2012. Dans la R&D, les fonds fédéraux continuent de préserver la capacité de redéploiement sur de nouvelles technologies. Troisième constante, les États-unis vont continuer à améliorer leur efficacité énergétique. Les constructeurs automobiles américains ont accepté les standards de réduction de consommation des camions, ce que l'Europe n'a pas encore fait. Dernière constante, Obama continue à encourager des initiatives locales pour contourner le Congrès. La Californie a créé en 2012 le marché du carbone deux fois refusé à Washington. Page 6 REVUES DES OPINIONS ASIE IRAN • Une présidentielle entre conservateurs ? Courrier international , par Ghazal Golshiri La dernière présidentielle iranienne avait donné lieu, en juin 2009, à une vague de contestation contre la réélection de Mahmoud Ahmadinejad. La prochaine, prévue le 14 juin prochain, semble promise aux candidats conservateurs. L'approche de ce nouveau scrutin donne lieu à de nombreuses analyses et spéculations à propos des acteurs et alliances possibles entre les différents partis. Selon le quotidien réformateur Etemaad daté du 10 décembre, Esfandiar Rahim Mashaie, le proche conseiller controversé du président iranien, pourrait se porter candidat. "Les analyses qui parlent d'un programme [électoral] du type Poutine Medvedev ne manquent pas", écrit Etemaad : c'est-à-dire "la candidature d'un homme lié à Ahmadinejad qui lui préparera le terrain de la présidence dans quatre ans". Mashaie est devenu la bête noire des conservateurs iraniens en raison de ses déclarations controversées, dont celles sur l'amitié entre les peuples iranien et israélien. Mostafa Pourmohammadi, directeur du Bureau général de l’inspection du pays et ancien ministre de l'Intérieur d'Ahmadinejad, a également fait valoir, le 18 décembre, qu'il était sur le point de se déclarer candidat, mais qu'il n'avait pas encore pris sa décision définitive, rapporte le site BBC Persian. Mohammad Bagher Ghalibaf, le maire de Téhéran, Ali Akbar Velayati, conseiller des affaires étrangères auprès du guide suprême, et Gholam Ali Haddad Adel, un député conservateur, viennent de faire une coalition en vue de la présidentielle, rapporte Etemaad. Selon ce journal, Haddad Adel a déclaré que "le plus légitime, le plus favorable et le plus compétent [d'entre eux] se portera[it] candidat". Les réformateurs restent pour l'instant les grands absents de ce jeu électoral. "La prochaine présidentielle sera une élection sans réformateurs", écrivait Etemaad le 16 décembre. Mohammad Reza Aref est l'un des rares noms évoqués comme potentiel candidat réformateur. Dans un entretien accordé au quotidien Ebtekar, fin novembre, cet ancien vice-président de Mohammad Khatami n'a pas totalement écarté la possibilité d'entrer dans la course. Une dame de fer à Séoul Le Monde Diplomatique , Par Martine Bulard Une femme à la tête d’un État qui compte — le cinquième d’Asie. Chacun pourrait s’en r é j o u i r si Mme Park Geun-hye, élue présidente de la République de Corée (Sud), n’avait revendiqué comme modèles, tout au long de sa campagne électorale, Mmes Margaret Thatcher (l’expatronne du Royaume-Uni, championne de la privatisation et de la chasse aux syndicats) et Angela Merkel (l’actuelle « gant de fer » de l’Allemagne). Au nom, bien sûr, d’un retour à la croissance (2 % en 2012 contre une moyenne de 5 % à 6 % au cours des dernières années). Au terme d’un scrutin qui a connu une participation exceptionnelle (75,8 % ; 12,8 points de plus qu’en 2007), Mme Park l’a emporté sur son adversaire de centre gauche Moon Jae-in. Selon les premiers sondages à la sortie des urnes, les plus de 50 ans auraient massivement voté pour Mme Park, tandis que les moins de 30 ans ont plutôt choisi le candidat démocrate, longtemps au coude à coude. Ce sont les problèmes intérieurs qui ont surtout mobilisé les électeurs — davantage que les questions de relations extérieures. Même le tir de la fusée nord-coréenne, quelques jours avant le scrutin, n’a pas semblé perturber le vote. Il faut dire que les deux candidats avaient indiqué qu’ils entendaient, contrairement au président sortant, renouer sous une forme ou une autre les relations avec le voisin du nord. De toute évidence, la crainte de l’avenir a pesé sur le choix des électeurs, dans un pays entièrement tourné vers des exportations qui s’affaissent pour cause de crise généralisée. Premier client avec 21 % des échanges, la Chine connaît un net ralentissement ; représentant 12 % du commerce extérieur, l’Europe, au bord de la récession a réduit ses achats, tandis que les États-unis n’ont pas retrouvé le dynamisme d’antan. Mme Park a promis d’élargir la protection sociale tout en impulsant une politique libérale pour relancer la machine intérieure. L’histoire a pourtant montré ailleurs le résultat de tels choix.