20 revue des opinions 4 1 2013.pub

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20 revue des opinions 4 1 2013.pub
DDP
R E V U E S
D E S
O P I N I O N S
"Toute opinion est assez forte pour se faire épouser au prix de la vie." Montaigne
VENDREDI 4 JANVIER 2013
MAGHREB / MOYEN ORIENT
SOMMAIRE :
Un plan mort-né
- Un plan mort-né
Al Ahram
L’économie
du Qatar va ralentir
-- - La dangereuse instrumentalisation des réfugiés de Syrie
Remous égyptiens - L’hiver
arabe
- Vers une année charnière
- Bicéphalisme
- Le redressement avant tout
- États-Unis, France : le compromis fiscal.
-Italie, Allemagne: des élections
qui feront l'Europe de 2013
-Les États-unis échappent à une
catastrophe budgétaire
-Obama et l'énergie
- IRAN • Une présidentielle entre conservateurs ?
- Une dame de fer à Séoul
L’émissaire international pour la Syrie, Lakhdar Brahimi, poursuit ses efforts en vue d’un
règlement de la crise syrienne. Le diplomate
algérien a annoncé dimanche avoir un plan
susceptible d’être accepté par la communauté
internationale, afin de mettre fin au conflit en
Syrie, où l’armée gouvernementale intensifie
ses opérations pour chasser les rebelles de
leurs derniers bastions à Homs. Brahimi a
affirmé avoir parlé de ce plan avec la Russie
et la Syrie, où il s’est rendu durant la semaine, ajoutant, à l’issue d’une rencontre au
Caire avec le chef de la Ligue arabe, Nabil
Al-Arabi, que « cette proposition peut être
adoptée par la communauté internationale ».
Le plan en question est basé sur la déclaration
de Genève prévoyant un cessez-le-feu, la formation d’un gouvernement avec des prérogatives entières et des élections présidentielles
ou parlementaires. Cependant, le plan n’évoque pas l’éventuel départ du président Bachar
Al-Assad, condition sine qua non posée par
l’opposition pour tout « dialogue national ».
Le plan de Lakhdar Brahimi a-t-il des chances de réussir ? A priori non. Depuis quelques
semaines déjà, la mission de Brahimi semblait condamnée. Pourquoi ? Parce que l’opposition syrienne ne semble plus disposée à
accepter un compromis politique. Celle-ci est
en
train
de
prendre
l’ascendant sur le régime de Damas, tant sur le
plan militaire que politique. Sur le terrain, les
rebelles, armés par certains pays du Golfe,
ont déjà réalisé d’énormes progrès. Et il semble peu probable que le régime de Bachar AlAssad soit en mesure de « tenir » longtemps
encore. Sur le plan politique, l’opposition
bénéficie déjà de l’appui des pays du Golfe,
des Européens et des États-unis. Quant à Bachar Al-Assad, il est de plus en plus isolé.
Même un pays comme la Russie, qui a soutenu sans relâche le régime syrien, semble aujourd’hui lâcher du lest. Moscou qui a bloqué,
avec Pékin, plusieurs résolutions du Conseil
de sécurité de l’Onu condamnant le régime de
Damas, s’est récemment distancié de son
grand allié, envisageant désormais une Syrie
sans Assad. Tous ces facteurs ont fait que
l’opposition se sent désormais en position de
force et n’acceptera jamais le plan proposé
par M. Brahimi. Car pour elle, la victoire
viendra inexorablement. Il s’agit seulement
d’une question de temps.
L’économie du Qatar va ralentir
par Akram Belkaid, Paris
En 2013, le Produit intérieur brut (PIB) du Qatar devrait
progresser de 4,8% (contre 6,3% en 2012) soit le plus faible
taux de croissance depuis 2002. Bien entendu, la liste des
pays qui aimeraient connaître une telle expansion de leur
économie est longue. On pense notamment aux membres de
l’Union européenne (UE) qui resteront menacés par la récession au cours des prochains mois. Mais, pour un pays
comme le Qatar, habitué à des progressions élevées et proches du duo Chine-Inde, ce léger ralentissement mérite d’être signalé. En effet, cela traduit la fin d’un cycle de quinze
ans au cours duquel l’Emirat a consenti près d’une centaine
de milliards de dollars d’investissements pour augmenter ses
capacités de production de gaz naturel et de pétrole.
Durant les prochaines années, la croissance de l’économie
du Qatar devrait donc dépendre du développement des infrastructures avec comme ligne de mire l’organisation de la
Coupe du Monde de football en 2022. Usines de traitement
d’eau, production d’électricité verte grâce à l’énergie solaire, métro et train, routes et bases logistiques : le Qatar
présente un réel retard en la matière en comparaison des
Emirats arabes unis (EAU) et de l’Arabie Saoudite. Doha
devrait ainsi dépenser près de 10 milliards de dollars d’ici
2020 pour être capable d’accueillir la Coupe du Monde de
football et loger au mieux les millions de visiteurs qui se
déplaceront à cette occasion.
AVERTISSEMENT : LES OPINIONS EXPRIMEES N’ENGAGENT EN AUCUN C A S
LA DIRECTION. ELLES REFLETENT LA POSITION DE LEURS AUTEURS.
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La dangereuse instrumentalisation des réfugiés de Syrie
L’Orient le jour , Par Fadi Assaf
Une nouvelle fois, les frontières géographiques et politiques tombent, au risque de briser le semblant d’équilibre
démographique au Liban, au nom de considérations géopolitiques et humanitaires pressantes. Les réfugiés syriens,
qu’un pays aussi vaste que la Turquie ne veut plus accueillir, et les réfugiés palestiniens du Yarmouk, qu’un pays
aussi proche que la Jordanie rejette aujourd’hui, affluent en
masse vers le seul pays voisin de la Syrie qui a renoncé,
une nouvelle fois, à sa souveraineté. Derrière les encouragements, voire les pressions, de l’ONU, de la communauté
internationale et des droits-de-l’hommistes, on comprend
une volonté de profiter de la mollesse des autorités libanaises et de la complexité politico confessionnelle pour épargner aux autres voisins de la Syrie le poids de ces transferts
risqués de populations.
Le Liban est un pays composé de quatre minorités confessionnelles, les sunnites, les chiites, les druzes et les chrétiens, ou de 17 confessions, ou d’une minorité chrétienne et
d’une majorité musulmane, c’est selon. Dans les trois cas
de figure, le Liban reste un pays diversifié culturellement,
ce qui est une exception en soi dans son environnement. Et
c’est justement cette diversité, qui offre un modèle sociopolitique différent aux pays arabes à dominance musulmane
et en état d’islamisation avancée, que le Liban est en train
de perdre aujourd’hui, avec cette dernière poussée démographique venue de Syrie.
Les centaines de milliers de réfugiés, de déplacés et d’immigrés, aujourd’hui installés « provisoirement » au Liban,
dont certains depuis des décennies, importent avec eux,
nécessairement, leurs problèmes, certains aussi leurs richesses et un apport utile à divers niveaux. Mais, s’il faut
regarder les choses en face, il faut reconnaître que ces populations, qui ont brisé les équilibres restants, risquent d’ê-
tre très vite instrumentalisées pour servir des intérêts de
tous genres, ceux de puissances extérieures, mais aussi et y
compris les intérêts politiques et politiciens des Libanais
eux-mêmes.
Il y a ceux qui, tout en redoutant l’afflux massif de populations majoritairement sunnites, espèrent monnayer politiquement leur approbation. Il y a ceux qui ne manqueront
pas d’exploiter ce dossier pour légitimer leurs argumentations (projet de fédération) et faire jouer les réflexes minoritaires afin de ressouder leurs bases. Il y a ceux qui peuvent y voir un projet politique, avec un transfert organisé de
populations sunnites et palestiniennes vers le Liban (contrer
le chiisme politique pro-iranien; implantation des Palestiniens). Il y a ceux qui y voient une contribution au projet
politique en Syrie (renversement du régime alaouite). Etc.
Les Libanais sont unanimes à vouloir aider ces populations
déplacées, sur le plan humain, même si l’histoire ne doit
pas les y encourager particulièrement... Surtout que les autres voisins de la Syrie, qui ont tous beaucoup plus de capacités à tous les niveaux, n’en font pas autant. Ils sont unanimes à penser que ces nouveaux réfugiés, qui se joignent à
ceux déjà entassés dans des camps depuis des décennies ou
répartis à travers le pays, affecteront les équilibres démographique, social, politique déjà précaires et dangereusement instables. Ils sont tous aussi, quelque part, convaincus
qu’ils pourront en tirer parti aussi. Cela est surtout valable
pour la classe politique dirigeante, celle-là même qui ne
pense qu’au court terme et qui ne voit que l’arbre qui cache
la forêt. Plus tard, les Libanais seront à nouveau unis pour
regretter, ensemble et unanimement, d’avoir accepté, une
nouvelle fois, de faire des concessions sur ce qui est censé
les regrouper, à savoir la nation libanaise et la souveraineté
du Liban, pour quelques gains politiques illusoires.
Remous égyptiens - L’hiver arabe
Le devoir , Par Serge Truffaut
Dimanche, 64 % des Égyptiens ont adopté la constitution.
On devrait préciser, voire insister sur le fait qu’il s’agit de
64 % des 33 % d’inscrits qui se sont prévalus de leur droit
de vote. La faiblesse, l’extrême faiblesse de cette participation, qui en dit tout de même long sur la désaffection grandissante des Égyptiens envers le régime des Frères, n’a pas
empêché le premier ministre Hicham Qandil d’avoir ces
mots : « Il n’y a pas de vaincus dans le résultat de ce référendum. Cette constitution sera celle de tous. » Alors que
pour Mohammed el-Baradei, figure de proue de l’opposition, cette loi fondamentale signe rien de moins que « l’institutionnalisation de l’instabilité ».
À cet égard, les récentes semaines ont donné un avant-goût
de la prévision, au demeurant très pessimiste, de Baradei.
En effet, les miliciens au service des Frères ainsi que des
membres des forces de l’ordre ont fait ce qu’ils savent faire
le mieux : observer toutes les postures de l’arbitraire. Ils
ont donc emprisonné, torturé et soutiré de fausses déclarations des personnes qui manifestaient leur opposition à l’i-
slamisation forcée du pays.
On douterait de cela qu’il suffirait de lire une des enquêtes
effectuées par l’hebdomadaire Der Spiegel. Toujours est-il
que, forts des témoignages recueillis, on apprend que toute
parole et toute proposition formulées par Morsi doivent
avoir été approuvées préalablement par Mohammed Badie
et Khairat el-Shater, respectivement no 1 et no 2 des Frères.
Il faut savoir aussi que le pouvoir du « politburo » de la
confrérie, 21 personnes, a préséance sur celui dévolu au
gouvernement. C'est ce qui expliquerait d’ailleurs les récentes démissions de ministres.
Il faut savoir enfin que, depuis l’élection de Morsi à la présidence en juin dernier, une valse des têtes dirigeantes se
poursuit. En clair, les patrons des médias, des diverses administrations publiques et autres ont été renvoyés pour être
remplacés évidemment par de « bons » Frères. Pour reprendre une expression désormais courante, l’Égypte affiche
désormais tous les stigmates de « l’hiver arabe ».
REVUES DES OPINIONS
AFRIQUE
Vers une année charnière
L’observateur par Ahmed Charai
L’année 2013 ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices.
Sur le plan économique, il est maintenant établi que la crise
de la zone euro n’est pas uniquement financière, mais
qu’elle est structurelle. Les projections les plus optimistes
font un pronostic d’une croissance proche de zéro pour
l’ensemble européen, avec des pertes d’emplois massives et
une contraction de la demande. Les plus pessimistes penchent pour une aggravation de la crise et son extension à
des pays comme la Hollande jusqu’ici épargnés. Le monde
arabe est plus que jamais dans l’oeil du cyclone. En Syrie,
si le sort du régime Al Assad semble scellé, c’est loin d’être la fin du calvaire du peuple syrien.
Les milices armées ne reconnaissent pas l’autorité de l’opposition politique et l’aspect confessionnel a été reconnu
par l’ONU dans un rapport officiel. Les Islamistes sunnites
mènent, en parallèle, une guerre ethnique en Égypte. Et en
Tunisie, les islamistes portés au pouvoir par des révolutions
qu’ils n’ont ni initié, ni dirigé, tentent de brider les aspirations démocratiques. Dans les deux cas, des processus
contestataires violents se mettent en branle, refusant de
remplacer une dictature par une autre.
En Afrique, la situation est plus contrastée. Certains pays,
stables et organisés, sont sur le chemin d’une croissance
forte et offrent de réelles potentialités. Malheureusement,
d’autres, sont toujours en proie à des guerres civiles, à des
troubles ethniques bloquant toute avancée réelle. Le Nigeria et la République Démocratique du Congo, pourtant très
riches, sont dans cette situation. Le Grand Maghreb est toujours au point mort à cause des relations entre le Maroc et
l’Algérie. Nos voisins de l’Est ont un système politique peu
ouvert et une économie ultradépendante des hydrocarbures.
Malgré l’aisance budgétaire, les besoins des populations, en
particulier la jeunesse, ne sont pas pris en compte, ce qui
laisse présager des tensions sociales.
Au Maroc, quelque soit la posture de tout un chacun, l’on
est obligé de constater que le pays a réalisé, pacifiquement,
un grand bond dans sa transition démocratique. L’exception marocaine est une réalité que même les plus critiques
reconnaissent. Cependant, la classe politique ne s’est pas
hissée au niveau des événements. Le débat public est très
pauvre, souvent ridicule. Cela n’empêche pas les citoyens,
en majorité, de garder leur confiance dans l’étape historique. C’est sur le plan économique que les nuages s’accumulent. Les déficits des comptes publics se creusent et mettent en évidence la faible compétitivité des entreprises nationales. Une crise de liquidités menace de gripper encore
plus la machine.
L’exécutif n’a proposé, pour le moment, aucune stratégie
pour rebooster l’économie. Il y a urgence, parce que notre
environnement, comme décrit plus haut, n’incite pas à un
optimisme béat. Sauvegarder les acquis politiques passe par
la résolution des problèmes sociaux et la lutte contre la précarité. 2013 ne peut être qu’une année charnière, souhaitons-le, vers le mieux.
Bicéphalisme
Le Soir, Par Saad A Tazi
La scène politique marocaine est composée du gouvernement, du parlement et des partis politiques. En théorie, nous
sommes en phase avec les préceptes de toutes les démocraties du monde. La pratique est différente avec des subtilités
qui n’en sont pas. Le lien entre les partis politiques et les
syndicats dans notre pays est assez singulier pour être souligné. Plutôt que de se concentrer sur la défense de valeurs,
ou une idéologie, les syndicats au Maroc sont les extensions
des partis politiques, dont ils servent à mesurer la puissance.
L’USFP est ainsi lié à la FDT, le PJD à l’UNTM et l’Istiqlal
à l’UGTM, dans un alignement qui ne laisse aucune place à
la revendication spontanée ni sans calcul politique évident.
Cette configuration déplace le centre de gravité du champ
politique hors du Parlement dans une tentative de le transformer en une simple caisse d’enregistrement du pouls de la
rue rythmé par les manifestations et les mots d’ordre des
syndicats. L’inconvénient d’une association aussi mécanique, est la limite que cela pose à l’exercice quotidien du
rapport de force entre les groupes politiques, mais surtout
entre les groupes politiques et le gouvernement. La tentation
est forte pour un
parti, et nous
avons eu maintes fois l’occasion de le vérifier, de pousser
ses
militants
dans la rue pour obtenir par le vacarme et les blocages ce
qu’il n’a pu obtenir par la négociation ou de bousculer les
calendriers pour imposer un ordre de priorité différent par
rapport aux attentes des Marocains.
A long terme, cette bizarrerie disparaîtra certainement. Mais
pour l’instant, elle alimente et consolide le populisme en
donnant l’illusion du bienfondé de certaines réclamations
alors que les enjeux se situent à un autre niveau, souvent
moins noble. La menace que font peser les syndicats sur la
scène politique est d’autant moins acceptable quand elle est
générée par ceux-là mêmes qui sont au pouvoir et qu’ils la
brandissent pour tirer un avantage indu des rapports en place
en lieu et place de la promotion des intérêts des citoyens.
REVUES DES OPINIONS
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EUROPE
Le redressement avant tout
Presseurop
Pour Suzanne Lynch, la correspondante en charge de l’UE programme
de
au Irish Times, les débuts de l’Irlande à la présidence de sauvetage du FMI
et de l’UE Penl’Union annoncent ”six mois d’activité intense à Dublin”.
dant les six mois,
Notant que c’est la septième fois que l’Irlande endosse ce
la principale târôle, elle écrit que l’humeur optimiste qui caractérisait les
che du gouvernepériodes antérieures de l’Histoire de l’UE contraste avec la
ment sera de guimorosité ambiante. Elle ajoute que,
der la législation
Aujourd’hui, l’Europe est en proie à la dissidence et au trou- à travers les
ble, car elle tente désespérément de trouver une solution à la conseils ministécrise financière.
riels, et tout particulièrement en ce qui concerne la réforme de la politique
En dépit du fait que le programme du gouvernement préagricole commune .
voyait d’offrir “la stabilité, la croissance et l’emploi” au
cours de cette présidence, celui-ci est en réalité susceptible Elle continue, La façon dont l’État équilibre son programme
d’être dominé par la question de l’allégement de la dette et de politique intérieure avec sa responsabilité d’assurer le
en particulier par le pari de renégocier les termes du sauve- plus grand bien européen – qui lui incombe du fait de ce rôle
tage de l’Anglo Irish Bank.
– pourrait se révéler être l'élément de définition de cette présidence.
Et ce pour la raison suivante : le gouvernement cherche à
revenir totalement sur les marchés obligataires et à quitter le
États-Unis, France : le compromis fiscal.
La croix , Par Jean-Christophe Ploquin
Réduire les dépenses et augmenter les recettes de l’État,
l’objectif s’impose dans plusieurs pays occidentaux confrontés au gouffre de
la dette publique.
Pour combler l’obstacle, les dirigeants engagent des politiques de rigueur qui affectent les budgets sociaux et tentent
de trouver de l’argent où il y en a, notamment en taxant les
revenus des plus riches.
L’arbitrage entre les intérêts contradictoires des groupes
sociaux est d’autant plus difficile que la crise économique
affecte durement les plus faibles et accroît l’urgence de
trouver des solutions.
En France, Nicolas Sarkozy et François Fillon avaient tenté
certaines options. François Hollande et Jean-Marc Ayrault
s’y essaient à leur tour. Lundi soir, dans ses vœux aux
Français, le président de la République a évoqué « une
crise historique, (avec) un chômage qui progresse implacablement depuis près de deux ans et une dette record ».
Il a réaffirmé sa volonté de « désendetter la France » et
affiché un souci de « justice fiscale » : « Les revenus du
capital sont désormais taxés comme ceux du travail. Et il
sera toujours demandé davantage à ceux qui ont le plus »,
a-t-il insisté, alors que ses choix sont sévèrement contestés
par l’opposition.
Aux États-Unis aussi, l’équilibre est difficile à trouver.
Après des mois de polémiques et d’intenses négociations,
le Sénat a voté hier un compromis qui prévoit une hausse
des impôts des Américains les plus aisés et un important
plan de réduction des dépenses, à détailler d’ici à deux
mois. L’accord a été approuvé par 89 voix contre huit.
Mais il devait encore être adopté par la Chambre des représentants où le Parti républicain, opposé au président Obama, est majoritaire.
S’il est confirmé, ce compromis symbolisera peut-être la
fin d’une époque où le moins-disant fiscal paraissait une
façon habile de stimuler l’investissement et d’encourager
l’activité économique qui, au final, profitait à toute la population.
Or la concurrence à la baisse entre les États a contribué au
déséquilibre des finances publiques à un moment où la
crise accroissait le nombre des personnes dépendant d’une
aide pour survivre. Dans plusieurs pays, les clivages partisans ont longtemps empêché de renverser la tendance.
Alors qu’à travers l’impôt et une dépense raisonnée, c’est
une nation qui se serre les coudes.
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REVUES DES OPINIONS
EUROPE
Italie, Allemagne: des élections qui feront l'Europe de 2013
Slate , Par Daniel Vernet
L'Union
e u ro péenne
peut
a
priori
tabler
s u r
l'élection
du social-démocrate Milos Zeman en République tchèque et
sur la reconduction d'Angela Merkel en Allemagne. Le scrutin s'annonce plus incertain en Italie.
Monti. Sa rigueur le fait passer pour «le plus allemand des
Italiens», ses attaches milanaises pour un représentant de
l’Europe du sud. Mais les électeurs de la péninsule ne votent
pas nécessairement selon les vœux d’Angela Merkel ou
François Hollande
C’était sans compter sans Silvio Berlusconi. Cerné par la
justice , le Cavaliere a annoncé son retour en politique et
retiré le soutien de son parti à Mario Monti. Celui-ci a démissionné , provoquant des élections anticipées dès le mois
de février.L’Italie va-t-elle retourner à ses jeux traditionnels? Pas sûr. Car le professeur Monti, auquel personne ne
prêtait d’ambitions politiques, s’est découvert un destin. Il
se verrait bien revenir au Palazzo Chigi (la présidence du
Conseil) après les élections.
Pendant la campagne, la chancelière dira qu’elle souhaite
continuer avec les libéraux tandis que le SPD et les Verts
affirmeront vouloir gouverner ensemble. Ni d’un côté ni de
l’autre, les sondages ne confortent cette hypothèse.
Quelle coalition pour Angela Merkel?
La chancelière allemande affronte elle aussi des élections en
septembre 2013 . Si les sondages d’aujourd’hui reflètent les
votes de demain, elle n’a rien à craindre. Sa popularité est
au zénith, avec un taux de satisfaction de 80%.Les Allemands portent à son crédit la bonne santé de l’économie et
sa manière de gérer la crise européenne en donnant l’impression que sa priorité est de protéger le contribuable
contre les excès laxistes des pays du Sud. Son parti, la déUn destin politique pour le professeur Monti?
mocratie chrétienne (CDU-CSU), en profite. Avec 41% des
En Italie aussi, l’Europe sera en question lors des éléctions intentions de vote, il est au plus haut depuis 2009.
législatives de fin février . Mais la situation est plus confuse. Pas assez cependant pour gouverner seule: Angela Merkel
Pour tenter de la comprendre, il faut revenir un an en arrière. devra former une coalition. Mais elle aura l’embarras du
Le pays était au bord de la banqueroute, entraîné par Silvio choix.
Berlusconi dans une chute politique
Les libéraux, qui sont actuellement ses alliés, ne franchiront
Le salut est venu de Mario Monti .Cet économiste, ancien peut-être pas la barre des 5% de voix nécessaires pour entrer
commissaire européen, centriste, catholique, est devenu pré- au Parlement. Si c’est le cas, Angela Merkel aura encore
sident du Conseil avec le soutien de la quasi-totalité des par- deux options. Soit une grande coalition avec les sociauxtis politiques pour un bal provisoire , jusqu’au scrutin alors démocrates (SPD), comme de 2005 à 2009, soit une formule
inédite d’alliance avec les Verts.
prévu pour avril 2013.
Son rôle était d’épargner à l’Italie le sort de la Grèce, soit Ceux-ci se sont embourgeoisés depuis les années 1980,
d’entamer le minimum de réformes nécessaires pour faire quand leur chef de file, Joschka Fischer, prêtait serment
baisser les taux d’intérêt que le pays doit acquitter pour fi- comme ministre du Land de Hesse en baskets et blouson .
nancer sa dette. La gauche en a profité pour se remettre en La décision d’Angela Merkel d’abandonner l’énergie nuordre de bataille en organisant des primaires remportées par cléaire à la suite de la catastrophe de Fukushima a levé
le chef du Parti démocrate, Pier Luigi Bersani dans l’espoir l’obstacle principal à une coopération entre les écologistes et
la CDU-CSU.
d’un succès aux élections générales.
A droite, les libéraux s’enfoncent dans la crise. A gauche, le
SPD est crédité d’un tiers des intentions de vote et son candidat à la chancellerie, Peer ,Syeinbruck ancien ministre des
Finances de la grande coalition, a raté son entrée en scène.
Avec les Verts qui tournent autour de 13% à 14% des intenIl n’a même pas besoin d’être candidat: il suffit qu’un ou tions de vote, c’est trop peu pour former une majorité, d'auplusieurs partis se mettent d’accord pour faire appel à lui. tant que les deux partis ont rejeté toute possibilité d’alliance
Les petites formations centristes héritières de la démocratie avec la gauche radicale Die Linke.
chrétienne, en mal de notoriété, sont prêts à le soutenir. Il lui
resterait alors à obtenir au moins la neutralité bienveillante
de la droite et de la gauche, qui est loin de lui être acquise.Les partenaires européens de l’Italie parient sur Mario
REVUES DES OPINIONS
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AMERIQUES
Les États-unis échappent à une catastrophe budgétaire
Le Monde
L'année aurait pu commencer de plus mauvaise manière.
L'accord intervenu mardi 1er janvier, à Washington, sur le
budget américain évite une catastrophe. Il faudrait être un
esprit bien chagrin pour ne pas s'en féliciter. Si démocrates
et républicains ne s'étaient pas entendus au Congrès, les
États-unis risquaient de rechuter dans la crise - enfonçant
un peu plus une Europe déjà encalminée dans la récession.
2013 eût pris départ calamiteux.
obama est reparti en vacances à Hawaï. Les Bourses ont
salué, à la hausse, la sagesse des législateurs américains.
L'accord est pourtant a minima. Le taux d'imposition passe
de 35 % à 39,6 % pour les foyers fiscaux aux revenus supérieurs à 450 000 dollars par an. Chacun a fait un pas vers
l'autre. Les républicains ne voulaient pas de hausse d'impôts
du tout ; les démocrates voulaient appliquer ce nouveau
taux aux foyers de plus de 250 000 dollars. Le débat sur la
réduction des dépenses publiques est repoussé à deux mois.
La question du relèvement du plafond légal de la dette pour éviter une nouvelle baisse de la note que les agences
accordent au Trésor américain - n'a pas été abordée.
Mais il ne faut pas s'y tromper . L'accord budgétaire de mardi relève du colmatage de court terme. Un peu de mercurochrome sur une plaie qui reste béante. Il contourne le mal
plus qu'il ne le soigne. L'Amérique - qui s'est beaucoup moquée de l'incapacité des Européens à venir à bout de la crise Autant dire que la Maison Blanche et le Congrès n'ont toude l’euro n'a toujours pas de stratégie pour attaquer de front jours pas de carnet de route crédible pour enrayer dans les
la pathologie qui la mine : une dette publique géante.
cinq à dix ans l'inexorable montée de la dette du pays. Elle
Démocrates et républicains s'étaient mis d'accord en 2011 devrait vite atteindre les 100 % du produit intérieur brut
pour se lier les mains. Faute de compromis sur le budget pour filtrer avec les 300 % d'ici au milieu du siècle. Intena2013, un "paquet" de hausses d’impôts et de coupes dans les ble, même avec un dollar qui reste, plus que jamais, la
dépenses publiques entrerait automatiquement en vigueur. grande monnaie de réserve mondiale.
C'est ce que l'on a appelé "la falaise budgétaire" : la brutalité Très vite, le service de la dette et les deux grands postes de
du choc eût été de nature à étouffer la reprise de l'activité l'Etat-providence - santé et retraites - vont engloutir l'endans le pays.
semble du budget fédéral. Sauf à financer autrement l'EtatIl fallait l'éviter à tout prix. Le Sénat, à majorité démocrate, providence, à augmenter les impôts et à diminuer les autres
a voté lundi un compromis laborieusement négocié avec la dépenses publiques... cette grande réforme, qui bouscule
Maison blanche . La Chambre des représentants, à majorité autant de tabous démocrates que républicains, M. Obama
républicaine, l'a adopté mardi. Soulagement général. Barak aimerait la mettre sur les rails d'ici à la fin de son mandat.
Obama et l'énergie
Les échos, par de Denis Florin
Après la faillite d'un Solyndra, soutenu par des fonds fédéraux dans le solaire, qui osera encore parler de politique
énergétique outre-Atlantique ?
Une analyse plus fine suggère que l'administration Obama
n'a pas abandonné son ambition, intervenant dans quatre
directions qui resteront des constantes après 2012. La première réside dans la volonté d'indépendance énergétique à
bas coûts. L'approche pragmatique post-Macondo (forte
amende pour BP, nouvelle agence de contrôle, mais pas de
moratoire durable) ou la réponse aux critiques sur les gaz
de schiste (de nouveaux standards) s'inscrivent dans cette
logique : ne pas casser la dynamique des hydrocarbures non
conventionnels, source d'emplois, de redressement de la
balance commerciale et d'une moindre vulnérabilité face à
l'Iran ou au Venezuela.
Une deuxième constante porte sur les énergies nouvelles.
Les incitations fiscales du programme de stimulation économique de 2009 ne survivront pas toutes au marchandage
fiscal qui vient de s'achever, mais reflètent une volonté
stratégique. Dans les biocarburants, l'appui du lobby agri-
cole a permis
l'approbation du
taux de 15 %
d'éthanol dans
les carburants
en 2012. Dans
le solaire, à la différence de l'Allemagne, les États-unis
n'ont pas renoncé à en disputer le leadership à la Chine,
comme le prouve la taxe antidumping unilatérale de 2012.
Dans la R&D, les fonds fédéraux continuent de préserver la
capacité de redéploiement sur de nouvelles technologies.
Troisième constante, les États-unis vont continuer à améliorer leur efficacité énergétique. Les constructeurs automobiles américains ont accepté les standards de réduction de
consommation des camions, ce que l'Europe n'a pas encore
fait. Dernière constante, Obama continue à encourager des
initiatives locales pour contourner le Congrès. La Californie a créé en 2012 le marché du carbone deux fois refusé à
Washington.
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REVUES DES OPINIONS
ASIE
IRAN • Une présidentielle entre conservateurs ?
Courrier international , par Ghazal Golshiri
La dernière présidentielle iranienne avait donné lieu, en
juin 2009, à une vague de contestation contre la réélection
de Mahmoud Ahmadinejad. La prochaine, prévue le 14 juin
prochain, semble promise aux candidats conservateurs.
L'approche de ce nouveau scrutin donne lieu à de nombreuses analyses et spéculations à propos des acteurs et alliances possibles entre les différents partis. Selon le quotidien
réformateur Etemaad daté du 10 décembre, Esfandiar Rahim Mashaie, le proche conseiller controversé du président
iranien,
pourrait
se
porter
candidat.
"Les analyses qui parlent d'un programme [électoral] du
type Poutine Medvedev ne manquent pas", écrit Etemaad :
c'est-à-dire "la candidature d'un homme lié à Ahmadinejad
qui lui préparera le terrain de la présidence dans quatre
ans". Mashaie est devenu la bête noire des conservateurs
iraniens en raison de ses déclarations controversées, dont
celles sur l'amitié entre les peuples iranien et israélien.
Mostafa Pourmohammadi, directeur du Bureau général de
l’inspection du pays et ancien ministre de l'Intérieur d'Ahmadinejad, a également fait valoir, le 18 décembre, qu'il
était sur le point de se déclarer candidat, mais qu'il n'avait
pas encore pris
sa décision définitive, rapporte
le site BBC Persian.
Mohammad
Bagher Ghalibaf,
le maire de Téhéran, Ali Akbar Velayati, conseiller des affaires étrangères
auprès du guide suprême, et Gholam Ali Haddad Adel, un
député conservateur, viennent de faire une coalition en vue
de la présidentielle, rapporte Etemaad. Selon ce journal,
Haddad Adel a déclaré que "le plus légitime, le plus favorable et le plus compétent [d'entre eux] se portera[it] candidat".
Les réformateurs restent pour l'instant les grands absents
de ce jeu électoral. "La prochaine présidentielle sera une
élection sans réformateurs", écrivait Etemaad le 16 décembre. Mohammad Reza Aref est l'un des rares noms évoqués
comme potentiel candidat réformateur. Dans un entretien
accordé au quotidien Ebtekar, fin novembre, cet ancien
vice-président de Mohammad Khatami n'a pas totalement
écarté la possibilité d'entrer dans la course.
Une dame de fer à Séoul
Le Monde Diplomatique , Par Martine Bulard
Une femme à la tête
d’un État qui compte —
le cinquième d’Asie.
Chacun pourrait s’en
r é j o u i r
si Mme Park Geun-hye,
élue présidente de la
République de Corée
(Sud), n’avait revendiqué comme modèles, tout au long de
sa campagne électorale, Mmes Margaret Thatcher (l’expatronne du Royaume-Uni, championne de la privatisation
et de la chasse aux syndicats) et Angela Merkel (l’actuelle
« gant de fer » de l’Allemagne). Au nom, bien sûr, d’un retour à la croissance (2 % en 2012 contre une moyenne de
5 % à 6 % au cours des dernières années).
Au terme d’un scrutin qui a connu une participation exceptionnelle (75,8 % ; 12,8 points de plus qu’en 2007),
Mme Park l’a emporté sur son adversaire de centre gauche
Moon Jae-in. Selon les premiers sondages à la sortie des
urnes, les plus de 50 ans auraient massivement voté pour
Mme Park, tandis que les moins de 30 ans ont plutôt choisi
le candidat démocrate, longtemps au coude à coude. Ce sont
les problèmes intérieurs qui ont surtout mobilisé les électeurs — davantage que les questions de relations extérieures. Même le tir de la fusée nord-coréenne, quelques jours
avant le scrutin, n’a pas semblé perturber le vote. Il faut dire
que les deux candidats avaient indiqué qu’ils entendaient,
contrairement au président sortant, renouer sous une forme
ou une autre les relations avec le voisin du nord.
De toute évidence, la crainte de l’avenir a pesé sur le choix
des électeurs, dans un pays entièrement tourné vers des exportations qui s’affaissent pour cause de crise généralisée.
Premier client avec 21 % des échanges, la Chine connaît un
net ralentissement ; représentant 12 % du commerce extérieur, l’Europe, au bord de la récession a réduit ses achats,
tandis que les États-unis n’ont pas retrouvé le dynamisme
d’antan.
Mme Park a promis d’élargir la protection sociale tout en
impulsant une politique libérale pour relancer la machine
intérieure. L’histoire a pourtant montré ailleurs le résultat de
tels choix.

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