TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MELUN N°1007495, 1304848

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TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MELUN N°1007495, 1304848
TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE MELUN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
N°1007495, 1304848
___________
Société Aménagement 77
Société Compagnie de terrassements
généraux (Coteg) et HDI-Gerling
Industrie Versicherung AG
___________
Mme Fullana
Rapporteur
___________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Tribunal administratif de Melun
(2ème chambre)
Mme Bruston
Rapporteur public
___________
Audience du 2 octobre 2014
Lecture du 23 octobre 2014
___________
39-01-02-01
C+
Vu I, sous le n°1007495, la requête, enregistrée le 27 octobre 2010, présentée pour la
société Aménagement 77, dont le siège est 56 rue Dajot à Melun (77000), représentée par ses
représentants légaux, par Me Alix ; la société Aménagement 77 demande au tribunal :
1°) de condamner la commune de Chelles à lui verser la somme de 309 796,08 euros
assortie des intérêts et de leur capitalisation au titre des sommes qu’elle doit verser à la société
Axa France Iard, dans le cadre de la procédure judiciaire que cette dernière a introduite devant le
Tribunal de grande instance de Paris, en réparation des désordres ayant affecté le bâtiment de son
assurée, la SCI Tourmaline Real Estate ;
2°) de condamner la commune de Chelles à la garantir des sommes qui pourraient être
mises à sa charge par le Tribunal de grande instance de Paris au profit de la société
Axa France Iard ;
3°) de mettre à la charge solidaire de la société Coteg et de la commune de Chelles une
somme de 10 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi
que les dépens de l’instance ;
Elle soutient :
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que l’expert a retenu la responsabilité de la commune de Chelles en qualité de maître
d’œuvre dans les désordres ayant affecté l’immeuble de la SCI Tourmaline Real Estate
entre juillet et septembre 2006 ;
qu’elle est fondée à rechercher la responsabilité contractuelle de son maître d’œuvre
pour les désordres survenus et pour lesquels sa propre responsabilité est recherchée
devant le juge judiciaire ;
qu’à titre subsidiaire, la responsabilité de la commune pourra être engagée au titre de la
garantie décennale ;
qu’à titre infiniment subsidiaire, sa responsabilité sera engagée en qualité d’autorité
ayant délivré le permis de construire à la SCI Tourmaline Real Estate ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2011, présenté pour la commune de
Chelles, représentée par son maire, par Me Gerphagnon, qui demande au tribunal de surseoir à
statuer dans l’attente du jugement qui sera rendu par le Tribunal de grande instance de Paris, de
rejeter les conclusions de la société Aménagement 77, à titre subsidiaire, de condamner la société
Coteg à la relever et garantir des condamnations qui seraient prononcées à son encontre et de mettre
à la charge de la société Aménagement 77 une somme de 15 000 euros au titre des frais exposés et
non compris dans les dépens ;
Elle fait valoir :
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que, s’agissant du premier désordre résultant de la présence d’un muret, les missions
du maître d’œuvre ne comportaient pas la surveillance du chantier de la société Coteg ;
que la société Aménagement 77 n’a pas pris contact avec les services de la commune
avant le 1er septembre 2006 et n’a jamais sollicité particulièrement son intervention ;
que, s’agissant du second désordre, la société Coteg a commis une faute dans
l’exécution des travaux, qui engage sa seule responsabilité ;
qu’il n’existe aucune malfaçon affectant le branchement de sorte que sa responsabilité
en qualité de maître d’œuvre ne peut être engagée ;
qu’en ne respectant pas les caractéristiques de l’ouvrage public préexistant à leur
propre réalisation, la SCI Tourmaline Real Estate et son constructeur ont commis des
fautes l’exonérant de toute responsabilité ;
qu’aucune faute ne peut être retenue à son encontre au titre de la faute qu’aurait
commise le maire en qualité d’autorité ayant délivré le permis de construire, comme l’a
retenu l’expert ;
Vu le mémoire, enregistré le 23 juin 2011, présenté pour la SCI Tourmaline Real Estate,
par Me Thouzery, qui demande au tribunal de juger qu’elle n’a commis aucune faute de nature à
exonérer la commune de Chelles de sa responsabilité et de mettre à la charge de la commune une
somme de 10 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle fait valoir qu’aucune faute ayant contribué à la survenance des désordres ne peut être
retenue à son encontre dès lors qu’elle ne dispose d’aucune compétence en matière de construction,
qu’aucune immixtion fautive n’est prouvée, et que l’expert a exclu toute faute de sa part ;
Vu le mémoire, enregistré le 4 novembre 2011, présenté pour la société Gefec, représentée
par son représentant légal, par Me Tardieu, qui demande au tribunal de juger qu’elle n’a commis
aucune faute de nature à exonérer la commune de Chelles de sa responsabilité, de condamner la
commune de Chelles à la relever et garantir de toute condamnation qui serait mise à sa charge par
le Tribunal de grande instance de Paris au profit de la société Axa France Iard, et de mettre à sa
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charge les dépens de l’instance, ainsi qu’une somme de 5 000 euros au titre des frais exposés et non
compris dans les dépens ;
Elle fait valoir que la commune de Chelles est bien responsable comme l’a relevé l’expert
judiciaire et qu’elle ne peut invoquer une quelconque faute commise par la SCI Tourmaline Real
Estate et la société Gefec en l’absence d’information donnée quant à la particularité du
branchement de raccordement au réseau d’assainissement ;
Vu les mémoires en défense, enregistrés le 3 janvier 2012 et le 23 mars 2012, présentés
pour la société Coteg et la société HDI-Gerling Industrie Versicherung AG, représentées par leurs
représentants légaux, par Me Runge, qui concluent au rejet des conclusions dirigées à l’encontre de
la société Coteg, à la condamnation de la commune de Chelles à leur verser une somme de
309 796,08 euros et à les relever et garantir de toute condamnation qui serait prononcée à leur
encontre par le Tribunal de grande instance de Paris, à la mise à la charge de la commune de
Chelles des dépens de l’instance, ainsi que d’une somme de 10 000 euros en application des
dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elles font valoir :
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que les conclusions présentées par la commune de Chelles sont irrecevables dès lors
que la commune ne précise pas le fondement juridique de sa demande et ne fournit
aucun chiffrage concernant les appels en garantie qu’elle présente ;
qu’elles sont portées devant une juridiction incompétente pour en connaître dès lors
que les manquements invoqués reposent sur un contrat de droit privé qu’elle a conclu
avec la société Aménagement 77 ;
que s’agissant du premier désordre, pour la première période allant du mois de
juillet 2006 au mois d’octobre 2006, la société Coteg n’est pas responsable des
désordres dès lors que la construction du muret était indispensable à l’exécution des
travaux de construction du bassin de retenue et qu’elle ne pouvait procéder
d’elle-même à la démolition de cet ouvrage après la construction du bassin ;
qu’à titre subsidiaire, sa responsabilité devra être limitée au pourcentage retenu par
l’expert ;
que s’agissant de la seconde période, allant du mois d’octobre 2006 à février 2007,
pour le premier désordre, l’expert a jugé que la responsabilité du maître d’œuvre était
exclusivement engagée ;
qu’en ce qui concerne le second désordre, celui-ci est principalement dû, selon
l’expert, à une erreur de conception, et non à une erreur dans l’exécution des travaux ;
que l’expert retient à sa charge un manquement à son obligation d’information
vis-à-vis de l’utilisateur des locaux alors qu’il n’existe aucune relation contractuelle
entre eux ;
qu’en outre, lors de la réalisation des travaux, le futur acquéreur n’était pas l’utilisateur
des locaux mais le maître de l’ouvrage, à savoir la société Aménagement 77 ;
que, subsidiairement, sa responsabilité devra être limitée à hauteur de 30 % des
conséquences dommageables de ce désordre, conformément au rapport d’expertise ;
que la société Aménagement 77 n’apporte aucune précision quant à sa demande de
condamnation aux frais exposés et non compris dans les dépens et aux dépens ;
qu’elle est fondée à appeler en garantie la commune de Chelles tant pour le premier
que pour le second désordre ;
Vu l'ordonnance du 25 avril 2013 fixant la clôture d'instruction au 13 mai 2013, en
application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
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Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2013, présenté pour la commune
de Chelles qui persiste dans ses précédentes écritures ;
Vu l'ordonnance du 6 mai 2013 portant réouverture de l'instruction, en application de
l'article R. 613-4 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 7 mai 2013, présenté pour la société Aménagement
77, qui conclut aux mêmes fins que sa requête et par les mêmes moyens et demande en outre au
tribunal de surseoir à statuer dans l’attente du jugement du Tribunal de grande instance de Paris ;
Elle soutient en outre que l’expert n’a jamais retenu sa responsabilité dans la survenance des
désordres liés à la présence du muret édifié par la société Coteg et au branchement de raccordement
au réseau public d’assainissement du réseau privatif de la SCI Tourmaline Real Estate ;
Vu la lettre du 14 octobre 2013, informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du
code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un
moyen soulevé d'office tiré de l’incompétence de la juridiction administrative pour statuer sur la
requête de la société Aménagement 77 en raison de la nature privée du contrat de maîtrise d’œuvre
conclu entre la société requérante et la commune de Chelles ;
Vu le mémoire en réponse au moyen d’ordre public, enregistré le 28 octobre 2013, présenté
pour la société Aménagement 77 qui maintient ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ;
Elle ajoute que la juridiction administrative est compétente pour statuer sur sa requête dès
lors qu’elle a invoqué, à titre infiniment subsidiaire, la responsabilité de la commune pour les fautes
commises par le maire délivrant un permis de construire illégal ;
Vu le mémoire en réponse au moyen d’ordre public, enregistré le 13 décembre 2013,
présenté pour la commune de Chelles qui persiste dans ses écritures ;
Elle fait valoir en outre que si le contrat de maîtrise d’œuvre peut effectivement être
considéré comme un contrat de droit privé, le tribunal administratif reste compétent à l’égard des
demandes de la société Aménagement 77 dans la mesure où celle-ci se fonde sur la faute qu’aurait
commise le maire dans la délivrance du permis de construire de la SCI Tourmaline Real Estate ;
Vu la lettre du 30 juillet 2014 informant les parties que la clôture de l’instruction était
susceptible d’intervenir à compter du 15 septembre 2014 en application de l’article R. 611-11-1 du
code de justice administrative ;
Vu l’ordonnance du 16 septembre 2014 portant clôture immédiate de l’instruction ;
Vu la lettre du 16 septembre 2014 par laquelle les parties ont été informées, par application
des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, que le jugement était
susceptible d’être fondé sur deux moyens relevés d’office tirés, d’une part, de l’incompétence de la
juridiction administrative pour statuer sur les conclusions de la société Coteg et de son assureur
(condamnation et appel en garantie) dirigées contre la commune de Chelles en tant qu'elles se
fondent sur l'intervention de la commune en qualité de maître d'œuvre en raison des relations de
droit privé qui lient la société Aménagement 77, la commune pour ses missions de maître d'œuvre
et la société Coteg et, d’autre part, de l’irrecevabilité des conclusions présentées par la société
Aménagement 77, la société Coteg et son assureur (condamnation et appel en garantie) et la société
GEFEC dirigées contre la commune de Chelles, en tant qu'elles se fondent sur les fautes commises
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par le maire lors de la délivrance du permis de construire pour défaut d'intérêt à agir en l'absence de
toute condamnation prononcée à ce jour par le juge judiciaire ; Vu la lettre du 24 septembre 2014 par laquelle les parties ont été informées, par application
des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, que le jugement était
susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office tiré de l’irrecevabilité des conclusions
présentées par la société Aménagement 77, la société Coteg et son assureur et la société GEFEC
dirigées contre la commune de Chelles, en tant qu'elles se fondent sur l’intervention de la commune
en qualité de maître d’œuvre, pour défaut d'intérêt à agir en l'absence de toute condamnation
prononcée à ce jour par le juge judiciaire ;
Vu le mémoire en réponse aux moyens d’ordre public, enregistré le 1er octobre 2014,
présenté pour la société Aménagement 77 qui persiste dans ses écritures ;
Elle ajoute qu’elle dispose bien d’un intérêt à agir ;
Vu le mémoire en réponse au moyen d’ordre public, enregistré le 1er octobre 2014, présenté
pour la société Coteg et son assureur qui persistent dans leurs écritures et demandent au tribunal de
surseoir à statuer ;
Vu II, sous le n°1304848, la requête, enregistrée le 18 juin 2013, présentée pour la société
Compagnie de terrassements généraux (Coteg), dont le siège est 4 rue du 11 novembre 1918 à
Valenton (94460), et la société de droit allemand HDI-Gerling Industrie Versicherung AG, dont le
siège est Riethorst 2 à Hannover (30659), Allemagne, par Me Runge ; la société Coteg et la société
HDI-Gerling Industrie Versicherung AG demandent au tribunal :
1°) de condamner la commune de Chelles à leur verser la somme de 1 356 321,06 euros,
au titre des condamnations dont elles pourraient faire l’objet au titre des désordres ayant affecté le
bâtiment de la SCI Tourmaline Real Estate, dans le cadre des procédures judiciaires introduites
devant le Tribunal de grande instance de Paris ;
2°) de condamner la commune à les relever et garantir des condamnations qui seraient
prononcées à leur encontre par le Tribunal de grande instance de Paris ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Chelles les dépens de l’instance, ainsi que la
somme de 10 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elles soutiennent :
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que s’agissant du premier désordre, pour la première période allant du mois de
juillet 2006 au mois d’octobre 2006, la commune de Chelles n’a pas exécuté
correctement sa mission ;
que la société Coteg n’est pas responsable des désordres dès lors que la construction du
muret était indispensable à l’exécution des travaux de construction du bassin de
retenue et qu’elle ne pouvait procéder d’elle-même à la démolition de cet ouvrage
après la construction du bassin ;
que s’agissant de la seconde période, allant du mois d’octobre 2006 à février 2007,
pour le premier désordre, l’expert a jugé que la responsabilité du maître d’œuvre était
exclusivement engagée puisqu’il n’avait pas correctement exécuté sa mission ;
qu’en ce qui concerne le second désordre, celui-ci est principalement dû, selon
l’expert, à une erreur de conception, et non à une erreur dans l’exécution des travaux ;
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que la responsabilité de la commune a effectivement été retenue par l’expert au titre de
la délivrance d’un permis de construire à la SCI Tourmaline Real Estate ;
que l’expert retient à sa charge un manquement à son obligation d’information
vis-à-vis de l’utilisateur des locaux alors qu’il n’existe aucune relation contractuelle
entre eux ;
qu’en outre, lors de la réalisation des travaux, l’utilisateur des locaux n’était pas le
futur acquéreur mais le maître de l’ouvrage, à savoir la société Aménagement 77 ;
que si une part de responsabilité devait être laissée à la charge de la société Coteg, elle
devrait être limitée au pourcentage retenu par l’expert ;
Vu la lettre du 16 avril 2014 informant les parties que la clôture de l’instruction était
susceptible d’intervenir à compter du 22 mai 2014 en application de l’article R. 611-11-1 du code
de justice administrative ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2014, présenté pour la commune de
Chelles, représentée par son maire, par Me Gerphagnon, qui conclut, à titre principal, au rejet de la
requête pour incompétence et, à titre subsidiaire, au rejet des demandes des sociétés requérantes et à
leur condamnation à lui verser la somme de 10 000 euros en application de l’article L. 761-1 du
code de justice administrative ;
Elle fait valoir :
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que les conclusions fondées sur sa responsabilité contractuelle en qualité de maître
d’œuvre sont portées devant une juridiction incompétente pour en connaître en raison
de la nature privée du contrat de maîtrise d’œuvre ;
que la société Coteg ne justifie d’aucun intérêt à agir dès lors qu’elle n’a fait l’objet
d’aucune condamnation et n’a versé aucune somme à la SCI Tourmaline Real Estate ou
à son assureur ;
que, s’agissant du premier désordre résultant de la présence d’un muret, les missions du
maître d’œuvre ne comportaient pas la surveillance du chantier de la société Coteg ;
que la société Aménagement 77 n’a pas pris contact avec les services de la commune
avant le 1er septembre 2006 et n’a jamais sollicité particulièrement son intervention ;
que, s’agissant du second désordre, la société Coteg a commis une faute dans
l’exécution des travaux, qui engage sa seule responsabilité ;
qu’il n’existe aucune malfaçon affectant le branchement de sorte que sa responsabilité
en qualité de maître d’œuvre ne peut être engagée ;
qu’en ne respectant pas les caractéristiques de l’ouvrage public préexistant à leur
propre réalisation, la SCI Tourmaline Real Estate et son constructeur ont commis des
fautes l’exonérant de toute responsabilité ;
Vu la lettre du 30 juillet 2014 informant les parties que la clôture de l’instruction était
susceptible d’intervenir à compter du 15 septembre 2014 en application de l’article R. 611-11-1 du
code de justice administrative ;
Vu l’ordonnance du 16 septembre 2014 portant clôture immédiate de l’instruction ;
Vu la lettre du 16 septembre 2014 par laquelle les parties ont été informées, par application
des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, que le jugement était
susceptible d’être fondé sur deux moyens relevés d’office tirés, d’une part, de l’incompétence de la
juridiction administrative pour statuer sur les conclusions de la société Coteg et de son assureur
dirigées contre la commune de Chelles en tant qu'elles se fondent sur l'intervention de la commune
en qualité de maître d'œuvre en raison des relations de droit privé qui lient la société Aménagement
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77, la commune pour ce qui concerne les missions de maîtrise d'œuvre et la société Coteg et, d’autre
part, de l’irrecevabilité des conclusions présentées par la société Coteg et son assureur dirigées
contre la commune de Chelles, en tant qu'elles se fondent sur les fautes commises par le maire lors
de la délivrance du permis de construire pour défaut d'intérêt à agir en l'absence de toute
condamnation prononcée à ce jour par le juge judiciaire ;
Vu la lettre du 24 septembre 2014 par laquelle les parties ont été informées, par application
des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, que le jugement était
susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office tiré de l’irrecevabilité des conclusions
présentées par la société Coteg et son assureur dirigées contre la commune de Chelles, en tant
qu'elles se fondent sur l’intervention de la commune en qualité de maître d’œuvre, pour défaut
d'intérêt à agir en l'absence de toute condamnation prononcée à ce jour par le juge judiciaire ;
Vu le mémoire en réponse au moyen d’ordre public, enregistré le 2 octobre 2014, présenté
pour la société Coteg et son assureur qui persistent dans leurs écritures et demandent au tribunal de
surseoir à statuer ;
Elles ajoutent :
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que le juge administratif est compétent, du moins pour statuer sur les conclusions
fondées sur les fautes commises par le maire lors de la délivrance du permis de
construire ;
qu’elles disposent bien d’un intérêt à agir dès lors que le juge judiciaire devrait
prochainement rendre un jugement sur les demandes de condamnation dirigées à leur
encontre ; Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 2 octobre 2014 :
- le rapport de Mme Fullana, rapporteur ;
- les conclusions de Mme Bruston, rapporteur public ;
- et les observations de Me Bonardi pour la société Aménagement 77, de Me Gerphagnon
pour la commune de Chelles, de Me Boizel pour la société Coteg et son assureur, et de
Me Thouzery pour la SCI Tourmaline Real Estate ;
1. Considérant que les requêtes susvisées, présentées, d’une part, pour la société
Aménagement 77, et d’autre part, pour la société Coteg et la société HDI-Gerling Industrie
Versicherung AG présentent à juger des questions semblables et ont fait l’objet d’une instruction
commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement ;
2. Considérant que la commune de Chelles et la société d’équipement de Seine-et-Marne
ont conclu le 13 octobre 1989 une convention portant concession de l’opération d’aménagement de
la zone d’aménagement concertée (ZAC) à usage principal d’activités économiques dite ZAC de la
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Tuilerie ; que, dans le cadre de l’expansion de la zone d’aménagement concertée ayant fait l’objet
d’un avenant à la convention initiale en date du 17 mars 1993, la société d’équipement de
Seine-et-Marne a confié à la société Coteg des travaux de voieries, réseaux et assainissement ; que
la commune de Chelles a assuré la maîtrise d’œuvre de ces travaux ; qu’en 2005,
la société d’équipement de Seine-et-Marne a cédé à la SCI Tourmaline Real Estate une parcelle
située rue Henri Becquerel, sur laquelle cette dernière a fait édifier un immeuble industriel ; qu’elle
a conclu un bail commercial avec la société Sogetrel, prévoyant une mise à disposition de
l’immeuble à compter du 1er juillet 2006 ; que plusieurs inondations sont survenues en juillet, août
et septembre 2006 et ont endommagé cet immeuble industriel, conduisant la société Sogetrel à
refuser de prendre possession des locaux ; qu’à la requête de la SCI Tourmaline Real Estate, le
Tribunal de grande instance de Paris a désigné un expert qui a rendu son rapport sur les désordres
le 10 décembre 2009 ; que l’expert a retenu comme causes des désordres, d’une part, la présence
d’un muret dans le collecteur public faisant une obstruction totale à l’écoulement des eaux
pluviales publiques et, d’autre part, l’incompatibilité des ouvrages construits et vendus par
l’aménageur (boîte de branchement et branchement) avec les caractéristiques du réseau public
d’assainissement et avec les dispositions du permis de construire ; que sur la base de ce rapport, la
compagnie Axa France IARD, ayant été elle-même assignée par la SCI Tourmaline Real Estate à
raison des désordres ayant affecté l’immeuble industriel dont celle-ci est propriétaire, a assigné, le
24 mars 2010, la société Aménagement 77, venant aux droits de la société d’équipement de
Seine-et-Marne et son assureur la société Gan Eurocourtage, la société Gefec, en charge des
travaux de construction de l’immeuble industriel, et son assureur, la SMABTP, ainsi que
la société Coteg et son assureur la société HDI-Gerling Industrie Versicherung AG, afin de la
relever et garantir de toutes indemnités versées ou à verser à son assurée, la SCI Tourmaline Real
Estate, en réparation du sinistre ; que, dans le cadre d’un protocole d’accord du 9 juin 2010, la
compagnie Axa France IARD a en définitive versé à son assurée la somme de 283 824,08 euros ;
que les 4 janvier, 28 avril et 10 juin 2011, la société Generali, la société Sogetrel et
la SCI Tourmaline Real Estate ont respectivement saisi le Tribunal de grande instance de Paris afin
de se voir rembourser les sommes qu’elles ont dû ou pourraient devoir prendre en charge en raison
des inondations intervenues en 2006 ; que, par les deux requêtes susvisées,
la société Aménagement 77, d’une part, et la société Coteg et son assureur, d’autre part,
recherchent la responsabilité de la commune de Chelles, tant au titre de son intervention en qualité
de maître d’œuvre qu’au titre du permis de construire que le maire a délivré à la SCI Tourmaline
Real Estate, afin d’être indemnisées et garanties des condamnations qui pourraient être prononcées
à leur encontre par le juge judiciaire ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
3. Considérant qu’une convention publique d'aménagement qui n'a pas comme seul objet
de faire réaliser pour le compte de la personne publique des ouvrages destinés à lui être remis dès
leur achèvement ou leur réception n'a pas le caractère d'un mandat donné par cette personne
publique à l'aménageur pour intervenir en son nom ; que lorsqu'une personne privée,
cocontractante d'une commune dans le cadre d'une convention d'aménagement, conclut avec
d'autres entreprises un contrat en vue de la réalisation de travaux pour des opérations de
construction de la zone d'aménagement, elle ne peut être regardée, en l'absence de conditions
particulières, comme un mandataire agissant pour le compte de la commune, que ces opérations
aient ou non le caractère d'opérations de travaux publics ;
4. Considérant que la convention d’aménagement précitée conclue le 13 octobre 1989 a
pour objet de confier à l’aménageur, après acquisition des terrains nécessaires situés dans le
périmètre de la zone d’aménagement concerté, l’aménagement d’une zone d’une superficie de
28 hectares pour la construction d’environ 185 000 m² de locaux à usage d’activités de commerces
et de services ; que, selon l’article 1 du cahier des charges annexé à cette convention, cet
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aménagement comprend « l’ensemble des travaux de voiries, de réseaux, d’espaces libres et
d’installations diverses à réaliser pour répondre aux besoins des futurs habitants d’aménagement
d’espaces libres et d’installations diverses nécessaires à la vie des habitants » ; qu’ainsi, la
convention a confié au concessionnaire, d’une part, la réalisation d’infrastructures et
d’équipements publics remis dès leur achèvement à la commune de Chelles ou à d’autres personnes
publiques ou concessionnaires de service public et, d’autre part, la commercialisation des terrains
viabilisés en les cédant, les concédant ou les louant à leurs divers utilisateurs ; que, par délibération
du 12 février 1993, la commune a décidé de modifier le périmètre de la ZAC afin de l’étendre à de
nouvelles zones du plan d’occupation des sols, et un avenant à la convention d’aménagement a été
signé à cet effet le 17 mars suivant ; que l’article 7 de la convention d’aménagement prévoit, dans
sa rédaction issue de cet avenant, que « dans le cadre de la présente opération, la maîtrise d’œuvre
des travaux d’infrastructure sera assurée par les services techniques municipaux » ; qu’il résulte de
l’instruction qu’aucun contrat distinct n’a été conclu entre la commune et la société
Aménagement 77 afin de définir les modalités d’intervention et, le cas échéant, de rémunération de
la commune en qualité de maître d’œuvre ;
5. Considérant que si la convention conclue le 13 octobre 1989 n'a pas comme seul objet
de faire réaliser pour le compte de la commune de Chelles des ouvrages destinés à lui être remis
dès leur achèvement ou leur réception, en conservant la direction technique des travaux publics
d’assainissement et en participant aux opérations de réception des ouvrages destinés à lui revenir
gratuitement dès leur achèvement, la commune de Chelles a entendu conserver le contrôle de
l’exécution de ces travaux ; que, dans ces conditions particulières, l’aménageur doit être regardé,
lorsqu’il a conclu avec d’autres entreprises un contrat en vue de la réalisation de ces travaux
publics, comme ayant agi au nom et pour le compte de la commune ; que, par suite, le juge
administratif est compétent pour connaître, non seulement du litige entre la commune de Chelles et
la société Aménagement 77, en tant qu’il repose sur les conditions d’intervention de la commune
en qualité de maître d’œuvre des travaux publics d’assainissement en vertu de la convention
publique d’aménagement, mais aussi des litiges nés de l’exécution des contrats passés par
l’aménageur pour la réalisation des mêmes travaux, dont celui conclu avec la société Coteg, qui
présentent un caractère administratif ; que, par suite, le tribunal est compétent pour statuer sur les
conclusions indemnitaires et aux fins d’appel en garantie présentées par la société Aménagement
77, la société Coteg et son assureur, la commune de Chelles et la société Gefec, en ce qu’elles
reposent tant sur les conditions d’intervention de la commune en qualité de maître d’œuvre et de
l’entreprise Coteg en charge de la réalisation des travaux publics d’assainissement, que sur les
fautes qu’aurait commises le maire en délivrant à la SCI Tourmaline Real Estate un permis de
construire ;
Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires et aux fins d’appel en garantie présentées
par la société Aménagement 77, la société Coteg, son assureur et la société Gefec :
6. Considérant que lorsque l’auteur d’un dommage saisit la juridiction administrative d’un
recours en vue de faire supporter la charge de la réparation par la collectivité publique co-auteur de
ce dommage, sa demande, quel que soit le fondement de sa responsabilité retenu par le juge
judiciaire, n’a pas le caractère d’une action récursoire par laquelle il ferait valoir des droits propres
à l’encontre de cette collectivité, mais d’une action subrogatoire fondée sur les droits de la victime
à l’égard de ladite collectivité ; que dans ce cas, il lui appartient de justifier par tout moyen du
versement d’une indemnité ; que cette preuve peut être apportée jusqu’à la clôture de l’instruction ;
qu’en l’espèce, il est constant que le Tribunal de grande instance de Paris n’a prononcé, à la date du
présent jugement, aucune condamnation à l’encontre de la société Aménagement 77, de la
société Coteg ou son assureur et de la société Gefec ; qu’il n’est ni établi, ni même allégué qu’une
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transaction serait intervenue et aurait donné lieu au versement d’une indemnité ; que, dans ces
conditions, ces sociétés ne sont pas recevables à solliciter la condamnation de la commune de
Chelles à leur verser une indemnité correspondant au montant réclamé devant le juge judiciaire et à
les relever et garantir des condamnations prononcées à leur encontre ; qu’ainsi et sans qu’il soit
besoin de surseoir à statuer, les conclusions indemnitaires et aux fins d’appel en garantie présentées
par la société Aménagement 77, la société Coteg, la société HDI-Gerling Industrie Versicherung
AG et la société Gefec ne peuvent qu’être rejetées ;
Sur les conclusions aux fins d’appel en garantie présentées par la commune de Chelles :
7. Considérant que les conclusions dirigées contre la commune de Chelles étant rejetées,
les conclusions aux fins d’appel en garantie qu’elle a présentées sont sans objet ;
Sur les dépens :
8. Considérant que les litiges qui opposent les différents intervenants à la construction de
l’ouvrage public et de l’immeuble industriel de la SCI Tourmaline Real Estate sont toujours
pendants devant le Tribunal de grande instance de Paris ; qu’il n’y a pas lieu, par conséquent, de se
prononcer sur la répartition de la charge des frais de l’expertise ordonnée par ce même Tribunal ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice
administrative :
9. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la
société Aménagement 77 la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par la commune de
Chelles et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que
soient mises à la charge de la commune de Chelles et de la société Coteg, qui ne sont pas parties
perdantes dans la présente instance, les sommes que la société Aménagement 77, la SCI
Tourmaline Real Estate et la société Gefec demandent au titre des frais exposés par elles et non
compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux
conclusions dirigées entre elles par la commune de Chelles et la société Coteg sur le fondement des
mêmes dispositions ;
DECIDE:
Article 1er : La requête de la société Aménagement 77 est rejetée.
Article 2 : La requête de la société Coteg et de la société HDI-Gerling Industrie
Versicherung AG est rejetée.
Article 3 : La société Aménagement 77 versera à la commune de Chelles une somme de
2 500 euros en application de l’article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par les parties dans les deux instances est
rejeté.
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Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la société Aménagement 77, à la commune
de Chelles, à la société Coteg, à la société HDI-Gerling Industrie Versicherung AG, à la
SCI Tourmaline Real Estate, à la société Gefec et à la compagnie Axa France IARD.
Délibéré après l’audience du 2 octobre 2014, à laquelle siégeaient :
M. Jarrige, président,
Mme Fullana, conseiller,
M. Chaussard, conseiller,
Lu en audience publique le 23 octobre 2014.
Le rapporteur,
Le président,
M. FULLANA
A. JARRIGE
Le greffier,
V. VAN HOOTEGEM
La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne et à
tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les
parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier,
P. ARMAND