Youssouph Cissoko - Cisko Centre culturel

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Youssouph Cissoko - Cisko Centre culturel
Quand un Sénégalais investit au Sénégal Par Yvon Leclerc, CV de SACO Les plus belles histoires sont des histoires de cœur, c’est bien connu. Et celle de Youssouph Cissoko est émouvante par son originalité. Nous l’avons rencontré dans son domaine de Cap Skirring, en Casamance, souriant et heureux. Fier aussi, de lire l’étonnement sur les visages des visiteurs qui découvrent la beauté et l’originalité de son Centre culturel et du complexe hôtelier qui l’entoure. L’architecture s’inspire des cases traditionnelles que l’on trouve en Casamance, son pays natal. -
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Youssouph, pourquoi investir ici en Casamance plutôt qu’en Suisse où tu vis depuis plus de dix ans ? Parce que mon cœur est ici, avec les frères et les sœurs de ma race. Parce que je les aime. Parce que je ne veux pas vivre en expatrié toute ma vie ; mes racines sont ici, en Casamance. Ma carrière d’artiste de la scène m’amène à me produire dans un grand nombre de pays et je vis en nomade dans les hôtels. J’ai besoin de sentir que j’ai des racines. J’ai monté une affaire à Rolle, dans le canton de Vaud, en Suisse, qui marche très bien : un centre culturel et une école de musique qui accueille plus de 250 élèves de tout âge. Un jour je me suis dis : «Qu’est-­‐‑ce que tu fais pour ton pays, Youssouph ?» Voilà pourquoi j’ai voulu investir ici, dans mon pays, les profits que je réalise ailleurs. Combien as-­‐‑tu investi ? Hum ! Je te dirai seulement que mon banquier, en Suisse, avait l’habitude de me saluer avec empressement et que maintenant il me regarde comme si j’avais reçu un choc sur la tête (Grand éclat de rire). (À vue de nez, il a dépassé le million de dollars depuis longtemps). -
Bon, d’accord. Mais tes compatriotes de la diaspora ne choisissent pas tous cette voie. J’essaie de comprendre. C’est simple : je suis un griot1, descendant d’une famille de griot originaire du Mali qui est venue s’établir en Casamance et qui est tombée amoureuse du pays. Dès mon plus jeune âge, avec mon père et ma famille, je participe aux fêtes traditionnelles de la région. J’ai toujours compris que ta culture, c’est ton pays, tes ancêtres, ta famille qui te la donne. Si tu t’en écartes, c’est comme si tu quittais ton corps pour entrer dans celui d’un autre. Pour un griot, c’est impensable ! Un griot, c’est un troubadour qui raconte l’histoire de ses ancêtres, qui vit à travers ses ancêtres, qui raconte leurs exploits. Avec Cisco Centre, je veux perpétuer la culture de la Casamance. Oui, j’organise des visites de Suisses et d’Européens qui résident dans mes chambres et qui mangent dans mon restaurant ; mais les portes du Centre sont toujours ouvertes à mes frères et mes sœurs de la Casamance qui veulent venir danser, chanter et se joindre à nous pour faire de la musique. En fait, la famille Cissoko se range parmi les meilleurs détenteurs de la tradition de la kora, sorte de harpe-­‐‑luth mandingue de 21 cordes que l’on retrouve surtout en Afrique de l’Ouest. Dès 1994, Youssouph arrive en Suisse et là, seul ou accompagné de sa famille et de divers musiciens, il continue à se dédier à la musique. Depuis, il multiplie les concerts dans de nombreux festivals et salles de toute la Suisse ainsi que sur la scène internationale. Est-­‐‑il besoin d’ajouter que pour les conseillers volontaires de SACO, l’histoire de Youssouph Cissoko est exemplaire à plusieurs points de vue. En premier lieu, Youssouph est fidèle à sa culture, à ses racines, à son lien d’appartenance et repousse le chant des sirènes de la culture occidentale idéalisée par les émissions de télévision qui étalent la richesse de l’Occident comme l’idéal à atteindre. Youssouph le musicien-­‐‑entrepreneur a réussi en affaires en restant fidèle à lui-­‐‑
même. Ensuite, Youssouph démontre que le développement endogène est la voie à suivre pour assurer le développement économique de l’Afrique. Il ne se gêne pas pour affirmer qu’il paye mieux ses employés que les hôteliers européens établis à Cap Skirring. Il n’exploite pas, il développe. Cette responsabilité sociale Le griot est ainsi considéré comme étant notamment le dépositaire de la tradition orale. Les familles griotiques sont spécialisées soit en histoire du pays et en généalogie, soit en art oratoire, soit en pratique musicale. 1
l’honore et le distingue des investisseurs étrangers qui viennent s’établir en Casamance dans le seul et unique but de gonfler l’avoir de leurs actionnaires. Et enfin – et peut-­‐‑être surtout – il contribue à rendre à son pays et à l’Afrique la fierté et l’estime de soi que des siècles d’esclavage et de colonisation ont presque anéanties. Pour plus d’information : Ciskocentre.com Youssouph Cissoko, au centre, avec son groupe. On remarque à gauche le joueur de Kora.