Le retour du crucifix

Transcription

Le retour du crucifix
Événement
Le retour du crucifix
Lapetite-filled’uninfirmierUS
duKansasarendu
àlacommunedeNeuvillyen-Argonne,unChrist
encroixduXVIe siècleque
songrand-pèreavaitemporté
ensouveniren1918.
E
lle est émue aux larmes Patricia Carson. Devant le micro placé au chœur de
l’église de Neuvilly-en-Argonne, elle réprime tant
bien que mal les sanglots qui l’empêchent de parler.
Venue spécialement de son Kansas
natal avec son mari George et sa fille
Brigitte, cette Américaine a accompli, hier matin, un geste fort. En
effet, fin octobre 1918 son grand-père, Alfred Hayes, infirmier au 110e RI
US, quitte l’église de Neuvilly en emportant en souvenir un crucifix. Le
lieu servait d’infirmerie et a vu passer des centaines de blessés touchés
au cours de l’offensive de MeuseArgonne.
Le régiment qui compte 2.075
hommes doit être en place pour
24 septembre 1918. « Votre grandpère est arrivé dans cette église le 19
ou le 20 septembre et il participe à
l’installation d’un centre sanitaire »,
déclare Alain Jeannesson, le maire
de la commune. « Ici, il s’occupera de
très nombreux blessés ». Le village
est complètement détruit ou presque et « l’église est dans un état pitoyable, mais c’est l’une des premières églises du front de Meuse à être
rendue au culte ». Et 95 ans « plus
tard presque jour pour jour, notre
église retrouve un crucifix grâce à
vous Madame Carson. Votre geste
est un hommage à votre grand-père,
l’infirmier Alfred Hayes, mais aussi
à tous les jeunes soldats américains
qui sont venus défendre des valeurs
sur une terre qui n’était pas la leur,
comme le font encore aujourd’hui
des militaires américains et français,
parfois côte à côte, sur des théâtres
d’opération bien loin de chez eux ».
La traduction est assurée par Jeannine Sensenig, originaire de Neuvilly mais ayant vécu 46 ans aux USA
K Patricia Carson et le maire Alain Jeannesson dans l’église de Neuvilly.
avec son mari américain.
Le crucifix, sans doute en argent,
date apparemment du XVIIe siècle.
Exposé sur l’autel, l’objet est posé
sur un présentoir recouvert d’un linge brodé. Dans l’assistance se trouve
des politiques locaux ainsi que le
superintendant Bedford du cimetière américain de Romagne-sousMontfaucon.
« Le crucifix était toujours
chez ma grand-mère,
à la place d’honneur »
« Merci », commence Patricia Carson. « Merci d’avoir prêté ce crucifix
même si vous ne saviez pas que vous
l’aviez prêté ! » Elle n’a pas connu
son grand-père puisqu’il est mort en
1942 lorsque sa mère avait 7 ans,
mais l’objet faisait partie de sa vie.
« Le crucifix était toujours chez ma
grand-mère, à la place d’honneur »,
poursuit-elle. À la mort de cette dernière, c’est à Patricia Carson qu’il fut
confié et il fut placé également à la
place d’honneur, c’est-à-dire dans la
salle de séjour. Tout le monde passait devant tous les jours. « Ça a toujours été une bonne présence. Il me
rappelait mon grand-père ». Grandpère qu’elle revoit « toujours comme
un jeune homme de 22 ans venus du
Kansas ».
Il y a dix ans « j’ai pensé qu’il devait retourner dans cette commune.
C’est un rêve réalisé ». Un geste qui
lui tenait à cœur. Très émue de venir
pour la première fois dans cette église où sont grand-père est passé, Patricia Carson promet qu’elle reviendra. Elle porte aussi, au revers de sa
veste un petit insigne où est inscrit
« Alsace ». Insigne distribué aux soldats et qu’il portait sur son uniforme.
D’ailleurs sa ferme du Kansas, Alfred Hayes l’a appelée « L’Alsace »
parce que ça lui rappelait l’Est de la
France et la Lorraine où il était allé.
Frédéric PLANCARD
Photo Franck LALLEMAND
D’autres objets aussi
E Le 11 novembre 2007, Christine
Havlik, la petite fille du caporal Frank
Havlik faisait don de la chasuble que
son aïeul avait sauvé des flammes
dans une église de Meuse en 1918.
Il l’avait portée sous son uniforme en
permanence jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale et attribuait
à ce vêtement sacerdotal le fait qu’il
fut resté en vie. La chasuble est toujours exposée dans la chapelle
de l’Ossuaire de Douaumont
E Des habitants de Varennesen-Argonne espèrent que le geste
de Patricia Carson fasse des émules.
En effet, en septembre 1918, des soldats américains ont aussi emporté
en souvenir deux statues de la Vierge
dont celle du couvent des Annonciades
qui trônait au-dessus de la Tour
Louis-XVI.