Création ou évolution ? (Le Matin Dimanche, 23.02.2014)
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Création ou évolution ? (Le Matin Dimanche, 23.02.2014)
26 OPINIONS LeMatinDimanche I 23 FÉVRIER 2014 LECERCLE DUMATINDIMANCHE Création ou évolution? C Mgr CHARLES MOREROD Evêque du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg réation ou évolution? Cette question mal posée fait fureur dans les écoles américaines depuis près d’un siècle, et le mouvement créationniste (dont l’une des variantes est connue sous le nom de «Jeune-Terre») la pose maintenant dans certaines écoles suisses romandes. Une question que posent à leur manière tant les créationnistes que les évolutionnistes. Car on peut brandir le drapeau de la création pour refuser l’évolution, ou brandir le drapeau de l’évolution pour refuser la création. Ces deux faces d’une même question témoignent toutes deux d’une confusion compréhensible mais inutile. On pourrait penser que la confusion vient du fait que certains partent d’un point de vue religieux en connaissant mal le terrain scientifique, et d’autres d’un point de vue scientifique en connaissant mal le terrain religieux. En fait, dans les deux cas, c’est le terrain religieux qui est mal connu. Dans un discours prononcé en 1996 à l’Académie pontificale des sciences – dont l’actuel président, Werner Ar- ber, est un Suisse protestant et Prix Nobel de chimie – le pape Jean-Paul II a cité son prédécesseur Pie XII, qui avait déjà affirmé en 1950 que création et évolution ne sont pas incompatibles: le Créateur ne pourrait-il utiliser la nature elle-même pour amener le monde à être ce qu’il est? Une question sur laquelle les théologiens étaient divisés au temps de Darwin. Jean-Paul II explique que l’évolution est bien confirmée scientifiquement et que, si on la comprend bien, elle ne s’oppose nullement à la foi en la création. Il affirme le critère fondamental que la vérité ne peut s’opposer à la vérité: ce qui est vrai scientifiquement ne peut contredire ce qui est vrai religieusement (c’est là un principe affirmé avant tout par S. Thomas d’Aquin). Pour comprendre cette absence de contradiction, il faut bien saisir ce que signifient évolution et création. Dans le premier cas, l’évolution ne traduit pas, comme le rappelle JeanPaul II, l’idée de faire surgir la spiritualité de la matière. Car la foi présuppose le contraire: la matière a une origine spirituelle (en ce sens, on rejoint la question de ce qui pourrait précéder le Big Bang, conçu comme point de départ de la matière). Dans le second cas, sur le plan religieux, la difficulté provient de la compréhension du rôle du facteur humain dans la révélation. En effet, on considère parfois, et à tort, que le créateur, Dieu, ne peut pas agir à travers des actions de ses créatures. Alors qu’il le peut, s’il le veut! Et on En fait, dans les deux cas, c’est le terrain religieux qui est mal connu en a de nombreux exemples dans la Bible. Dieu peut évidemment agir sans les créatures, mais il ne veut pas faire un monde passif (tel un mauvais metteur en scène qui traiterait les acteurs comme des marionnettes sans personnalité). Tout cela nous aide à comprendre comment Dieu nous parle à travers l’œuvre des auteurs bibliques: là en- core, il veut agir à travers l’œuvre de créatures. Il y a bientôt cinquante ans, le concile Vatican II disait que les livres qui composent la Bible ont «Dieu pour auteur». Et que «Pour composer ces livres sacrés, Dieu a choisi des hommes auxquels il a eu recours dans le plein usage de leurs facultés et de leurs moyens». On voit la différence de style des auteurs, car ils parlent leur langue empreinte de leur propre culture. Pour dire que c’est Dieu qui a créé le monde, il n’était pas nécessaire de l’exprimer dans les termes de la science de deux millénaires et demi plus tard: personne n’aurait compris. Tout comme personne ne comprendrait aujourd’hui le langage scientifique des siècles à venir. S’il s’était agi d’un langage scientifique, certes, ce serait peut-être Dieu qui parlerait, mais pas par des hommes, ni pour des hommes. Par contre, le fait que ces mêmes hommes aient parlé dans les termes de leur culture ne nous empêche pas de les comprendre, et de croire… x F lecercle.lematin.ch Retrouvez les textes des personnalités du Cercle du «Matin Dimanche» et participez au débat. F racal.lematin.ch LASEMAINE VUEPARRACALBUTO Pour voir les autres dessins de Racalbuto Racalbuto dessine sa semaine Découvrez le regard amusé du dessinateur Racalbuto sur l’actualité. LEMAIL DE PETER ROTHENBÜHLER Cher Daniel Brélaz, e vous l’ai déjà dit ici, vous avez l’air d’un clown triste avec vos habits beaucoup trop grands pour votre nouvelle silhouette. En principe, je n’ai rien contre le look de clochard, chaque ville compte des originaux qui portent de vieux habits militaires ou des costumes bien trop grands. Mais pas à la tête des autorités! Cet accoutrement de pauvre diable qui n’a pas les moyens d’adapter son style vestimentaire à son poids est totalement incompatible avec la fonction de syndic: vous êtes la figure de proue de la «ville olympique», vous êtes élu et payé pour nous représenter dignement! On dit déjà assez de mal, outre-Sarine, de la négligence des Romands. Les photos de vous qu’on a vues ces derniers temps viennent confirmer avec force ce préjugé. Pire, on gagne l’impression que Lausanne n’est pas seulement la ville des mendiants mais aussi celle des clochards. Je vous assure qu’avec votre garderobe XXXXXL vous faites même du tort aux vrais SDF. Connaissez-vous ce monsieur qui se promène jour et nuit dans les rues de Lausanne avec son énorme sac à dos et le parapluie sous le bras? Il est toujours tiré à quatre épingles, propre, bien habillé, bien coiffé, un véritable exemple, et cela sans le salaire d’un syndic. Allez vous rhabiller, et vite! C’est votre devoir! Cordialement, Peter Rothenbühler J Contrôle qualité PRÊCHER LEFAUX Il y a le 9 février I l y a la chute des Duvalier en 1986, du petit peuple de Portau-Prince en guenilles mais libéré. Il y a la fête organisée dans le jardin de mon oncle et de ma tante, à Tannay, des peaux noires, du créole et du «blanc-manger». Il y a l’histoire de Toussaint Louverture emprisonné pas loin de Vallorbe. Il y a cette professeure d’italien à l’école Vinet qui, lorsque nous la poussions à bout, finissait par hurler que les Toscans inventaient la perspective et l’hélicoptère alors que les Suisses peignaient encore des vaches montant à l’alpage à la queue leu leu. Elle n’avait pas tort. Il y a les soupentes mal chauffées où logeait le garçon de fermeespagnol,puisbosniaque,puis polonais, du baraquement miteux danslequellespatronsremisaientles saisonniers le temps d’une nuit ou d’un week-end. Il y a le mépris et la peur de la population locale. On les disaitsales,incultes,sansgoût.Jeme souviens d’avoir visité Coimbra, Grenade, Sarajevo ou Cracovie. CommelesSuissesontdûleurparaître sales, incultes et sans goût! Il y a ce voisin de palier à la rue Saint-Laurent qui respectait le ramadan et mon ignorance des rites et coutumes de plus de 5% des habitants de mon pays. Je me rappelle ma honte puis mon excitation de- vant l’immensité de ce qu’il faudra apprendre. Il y a les garçons italiens à Aubonne, qui roulaient en vélomoteur Ciao, toujours tirés à quatre épingles, qu’on appelait les Benett à cause de la marque de leur polo. Comme nous étions jaloux de leur prestance! Il y a le film «L’escale», les Iraniens qui observent avec fascination lepasseportsuisseduréalisateurKaveh Bakhtiari et ma fierté à ce que Bakhtiari soit un nom helvétique. Il y Ils m’ont donné le goût du monde, en m’en apportant un bout en Suisse al’arrivéedelapremièreélèveportugaise dans notre salle de classe, à Yvonand. Elle s’appelait Colombo. CommeChristophe.J’avais7 ans.Le professeur nous parla de la Révolution des œillets, de la fin de la dictature.Ahbon,ladémocratie,çasegagne? Donc ça peut se perdre? Il y a Albert Einstein qui fut Allemand, puis apatride avant d’être Suisse. Il y a Nuri, le coup de poing magistral qu’il m’envoya en plein dans la mâchoire après que je l’eus traité de «sale Turc» sur la place des bus de Gimel. C’était il y a trente ans. Je ne me rappelle plus l’objet de notre dispute, mais je n’oublie pas la douleur lancinante qui accompagnait l’insulte raciste. Il y a les Franck, paroissiens de mon père, qui venaient de Suède, la chambre de leur fils où il y avait plein de livres avec des trolls, des fées et des aurores boréales. Ses parents racontaient que là-bas, à Göteborg, les filles se mettaient des couronnes de bougies sur la tête le 13 décembre, jour de mon anniversaire.LorsquelesFrancksontrentrés chezeuxauNord,j’aieul’impression qu’un peu de magie les accompagnait dans leur drôle de Saab 900. Et que tout ici semblait bien rationnel. Il y a ma terrible chance d’avoir côtoyé des gens de mon âge dont le peuple avait été victime d’un génocide, là-bas, au Rwanda. L’importance d’entendre de vive voix que cela était vraiment arrivé, comme une confirmation intime de tous les impossibles de l’histoire. Il y a le souvenir lointain mais fondateur que, du côté de mon père, on vient de Pologne et que, du côté de ma mère, on est Italien. Il y a Catriona, étudiante australienne qui vécut un an à la maison, son regard sur notre quotidien. Tout lui semblait étrange, du LIONEL BAIER Cinéaste sens de circulation des voitures jusqu’à la façon dont les garçons draguent les filles. J’appris que ce qui peut paraître évident ne l’est peut-être que pour moi. Il y a le stress qu’occasionnait le tir des pétards du 1er Août sur la population en provenance d’ex-Yougoslavie. Dans les années 90, on pouvait avoir 10 ans et avoir connu le bruit des bombes et des fusillades en Europe. Il y a les étrangers, qu’ils soient saisonniers, frontaliers, requérants d’asile, illégaux. Ils m’ont donné le goût du monde, en m’en apportant un bout en Suisse. Grâce à eux, je sens le vent de l’histoire, la fragilité de la démocratie, l’honneur de la condition humaine. Ils sont constitutifs de mon identité suisse. Je leur en suis redevable. Après le 9 février 2014, encore plus qu’avant, ils me sont nécessaires. x