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LE FAIT RELIGIEUX DANS L’ENTREPRISE
A quel « texte » se vouer ?
Daniel MINGAUD
Avocat au Barreau de TOULOUSE, Spécialiste en Droit du travail
La question religieuse, bien qu’intemporelle, n’en est pas moins d’actualité. Levons
le voile (…) sur les derniers textes, loin d’être d’une simplicité biblique.
Au cœur de ces enjeux, le Ministère du Travail vient de sortir un guide pratique du
fait religieux dans les entreprises privées.
Se voulant pragmatique, l’ouvrage prend la forme de près de cinquante questionsréponses sur cinq grands thèmes : le recrutement, l’exécution du travail, le
comportement dans l’entreprise, l’organisation du temps de travail, et la vie
collective.
A titre d’exemple : «Q. Un(e) ou plusieurs salariés occupent sans autorisation une
salle de réunion pour prier. Puis-je leur interdire ?
R. Oui. Les salles de réunion constituent un espace dédié au travail. Si le/les
salarié(s) occupent cette salle sans autorisation, quel qu’en soit le motif, vous êtes
fondé à leur demander de quitter la pièce. »
Si ce guide est le bienvenu pour les DRH, il n’apporte aucune solution « clés en
main », les réponses étant tirées notamment d’une jurisprudence encore incertaine,
tentant de concilier le respect d’une liberté fondamentale (la liberté religieuse) et la
nécessité de veiller au bon fonctionnement de l’entreprise.
Ce guide préconise avant tout « des attitudes permettant de favoriser la recherche
de solutions consensuelles ».
A ce titre, rappelons aux managers que la laïcité et la neutralité ne sont de rigueur
que pour les services publics.
Si la loi Travail autorise certes les entreprises à inscrire désormais dans leur
règlement intérieur un "principe de neutralité", elle précise cependant que les
restrictions à la liberté de la religion ne sont possibles que si elles sont justifiées
« par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du
bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but
recherché ».
En d’autres termes, l’employeur doit utiliser ces nouvelles dispositions légales, pour
le moins imprécises, avec la plus grande prudence…
A sa décharge, le législateur a voulu s’emparer d’un sujet embarrassant, car, pour
beaucoup, il stigmatise, dans un contexte post-attentats, une seule et même
religion, et se résume bien souvent à la question taboue du port du voile.
Même la Cour de Cassation n’a pas, à ce jour, clairement tranché sur cette
question :
Le 9 avril 2015, elle demandait à la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) si
l'interdiction de porter le foulard islamique lors de la fourniture de services de
conseil informatique à des clients pouvait être considérée comme une "exigence
professionnelle essentielle et déterminante".
Notons que, dans cette affaire, si la CJUE ne rendra sa décision qu’en fin d’année,
l’avocat général dans ses conclusions du 13 juillet 2016, a déjà estimé que la
salariée voilée avait été victime d'une discrimination directe illicite…
En attendant la décision qui, en pleine période électorale, sera certainement
largement commentée, faisons confiance pour l’heure à « la réalité du terrain » :
- les employeurs, selon une étude de l’OFRE (l'Observatoire du Fait Religieux en
Entreprise), déclarent majoritairement gérer le fait religieux sans difficultés
majeures, car sans réelle incidence sur la bonne marche de l’entreprise.
- 77 % des salariés, pour leur part, jugent que les pratiques religieuses ne sont ni
plus, ni moins visibles qu’auparavant (selon un récent sondage BVA/Club Media RH).
Rappelons enfin et surtout que le contentieux prud’homal en la matière est
aujourd’hui totalement marginal !

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