Le parcours d`un Malgré-Nous Mosellan. TENNIG Robert né le 13

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Le parcours d`un Malgré-Nous Mosellan. TENNIG Robert né le 13
Le parcours d’un Malgré-Nous Mosellan.
TENNIG Robert né le 13 août 1923 à Clouange – Moselle
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-oIncorporation au R.A.D.
J’ai été incorporé au R.A.D. le 18 avril 1942 avec les jeunes gens nés en 1923 et 1924 (ceux nés en 1922
l’ont été du mois d’octobre 1941 à mars 1942) puis rendus à la vie civile. J’ai été libéré du R.A.D. fin
septembre 1942. C’est au camp de ZOLLSTOCK sur les hauteurs de LEBACH en Sarre que j’ai passé
ces 5 mois et demi occupé après les classes à des travaux de construction d’un terrain de sports et surtout
ce que l’on appelait la « BAUSTELLE » à savoir le chargement de matériel récupéré par nous sur la ligne
SIEGFRIED, les barbelés, les portes blindées, les bois qui servaient à la construction de galeries
souterraines (appelé SIEGFRIEDSTOLL).
L’Abteilung se composait pour une bonne part de Lorrain de notre région, tant de Hagondange, Talange,
Rombas, Amnéville et naturellement Maizières les Metz, Clouange etc… et d’Allemands du Palatinat.
Les relations entre lorrains et allemands n’étaient guère amicales et des heurts se sont souvent produits.
Incorporation dans la Wehrmacht.
De retour du R.A.D. j’avais repris mon emploi d’employé de bureau au service « FINISSAGE » de
l’usine de Rombas. Notre chef de service Mr. HORN dont les parents avaient vécu à Rombas avant la
guerre de 1914/1918 et avaient dû retourner en Allemagne la guerre perdue, m’avait conseillé de
reprendre le travail, que je ne serais pas incorporé à l’armée. Il n’en fut rien et dès que j’ai su que je
devais partir, je quittais le travail malgré les menaces.
Le 18 octobre 1942 ce fut la grande levée des Alsaciens- Mosellans nés en 1923 – 1923 (les classes
d’après la guerre de 14/18) pour remplir les casernes vidées par les combats qui se déroulaient sur le front
russe.
Je fus pour ma part envoyé à IDAR OBERSTEIN petite ville sur la NAHE bien connue pour ses ateliers
de polissage de pierres précieuses. A la KLOTTZBERCASERNE j’y retrouvais des Lorrains, mélangés
aux Allemands et même quelques Luxembourgeois, dont l’un deux de désespoir se jeta du haut d’un
bâtiment surplombant la ville d’une vingtaine de mètres.
Les classes durèrent jusqu’à la fin de décembre 1942 avec cette discipline prussienne à laquelle nous
jeunes français avions énormément de mal à nous plier. Fin décembre, entre noël et le nouvel an, classes
terminées nous sommes envoyés à DARMSTADT, mais seulement les Lorrains nés en 1923 à l’exclusion
des Allemands. Ceux nés en 1924 partiront un peu plus tard dans une autre direction. Dans la caserne de
DARMSTADT, peu de service, et l’on commence à nous équiper pour être mutés, mais on ne sait pas où,
nos chefs d’ailleurs non plus. En effet presque tout ce mois de janvier, personne ne sait quoi faire de nous,
malgré notre équipement prévu pour le front russe. Puis un beau matin tous les Lorrains, on nous tient un
sermon : « A partir d’aujourd’hui vous n’êtes plus de VOLKSDEUTCH, mais des REICHSDEUTSCH,
pour cette raison vous avez le droit de combattre pour votre patrie (VATERLAND) » Ensuite ç’a pas
traîné. En quelques jours on nous complète notre équipement et nous partons le 25 janvier pour
COBOURG (En Saxe je crois) où on nous distribue des friandises, des alcools, toutes sortes de choses
que l’on peut également acheter et nous voilà embarqués dans des wagons de bestiaux (40 hommes par
wagon, avec de la paille).
Le 1° février on démarre de Cobourg direction la Russie où l’on arrive 8 jours plus tard. Après plusieurs
péripéties comme pelleter la neige qui bloquait le convoi tant la neige était haute sur les voies,
l’hébergement, avant de rejoindre le front, dans des familles transplantées de Finlande pour remplacer les
russes qui s’étaient enfuis.
L’on se trouvait effectivement sur le front NORD, prés de LENINGRAD au Sud du Lac LADOGA avec
des températures d’environ –25°. C’est là que j’ai vu les premiers soldats allemands morts, figés dans la
position où la mort les avait frappés. J’ai ainsi été affecté à la 1° compagnie du 1° bataillon du 49°
chasseurs légers de la 28° division légère de chasseurs se trouvant en position prés de MGA à proximité
de la ville de SCHLUSSELBOURG.
Cette unité devait rester la même pendant toute cette guerre jusqu’au moment où je fus fait prisonnier,
deux ans plus tard le 23 janvier 1945. A IDAR-OBERSTEIN, j’avais sympathisé avec un camarade de
Sarreguemines Etienne WOLF, nous sommes restés ensemble dans la même compagnie au front durant
toute la guerre, puis fait prisonniers ensemble le 23 janvier 1945, dans le même camp à KOWNO puis à
TAMBOW, rentrés ensemble dans le même transport pour rentrer chez soi le 23 octobre 1945.
De février 1943 à octobre 1943, j’ai participé à de nombreux combats dont plusieurs très meurtriers, en
particulier en juillet avec la grande offensive russe à la position dite GLEISDREIECKE où montés en
ligne avec un effectif pour la compagnie de 120 hommes, l’on a été relevé 9 jours plus tard en se
comptant seulement 17.
Après plusieurs semaines de repos aux environs de GATCHINA prés du château de Catherine II de
Russie, nous sommes remontés en ligne pour la position sur les hauteurs de SIGIAVINO en contre
attaque. C’est là qu’un soir après plusieurs jours de combat, j’ai été avisé que je partais le lendemain soir
en permission pour la première fois depuis octobre 1942.
Ces trois semaines de permission furent très appréciées. Malheureusement je ne trouvais plus de
camarades, les uns enrôlés comme moi dans l’armée, d’autres évadés comme mon futur beau-frère
Maurice DAL, mais qui fut repris à la frontière et incarcéré, d’autres encore expulsés ou déportés en
Allemagne.
Pas pour longtemps, car le 14 janvier 1945, le russe une fois de plus lançait sa grande offensive et nous
dûmes nous retirer.
La section de la 1° Cie. A laquelle j’appartenais avait eu pour mission de rester en arrière garde,
décrochant au petit jour pendant que la compagnie avait décroché la nuit. Ceci dura jusqu ‘au 23 janvier,
de positions en positions, en particulier en passant par le bunker que l’on nous dit de Herrmann Goering
mais qu’il se trouvait être celui du Führer en Prusse Orientale.
Le 23, encerclée à l’intérieur d’une ferme, la section se dispersa. Une partie se réfugia dans une grange
pour se cacher dans le foin.
Pour ma part avec mon copain E. Wolf, un alsacien et deux allemands dont un jeune sous-officier , élève
officier qui crut bon de nous intimer l’ordre de nous défendre jusqu’au dernier. En un tour de main, nous
l’avons désarmé et nous nous sommes dirigés vers les soldats russes.
Entre temps, dans la grange, un drame s’était passé. Investissant cette grange, les russes sommaient les
occupants à se rendre. N’obtenant pas de réponses, l’un des russes monta sur une échelle pour déloger les
allemands cachés dans le foin. Un coup de feu est parti et le russe, une balle dans la tête chuta. Ses
camarades le sortirent de la grange et lancèrent des grenades à main qui y mirent le feu. Plusieurs soldats
sortirent rapidement et furent faits prisonniers.
Cette scène nous l’avions observée de la pièce du corps de logis. Les russes nous enfermèrent dans une
grande cave à pommes de terre et commencèrent à nous questionner pour savoir lequel avait tiré sur le
soldat russe qui avait été tué. Un sous-officier russes passablement éméché, pistolet à la main gesticulait
en proférant des insultes et menaces à notre égard. A un moment donné, l’un des soldats Allemand sorti
de la grange désigna son voisin comme l’auteur du coup de feu. Le russe se rua sur ce dernier, lui pointant
le pistolet sur la tempe. Nous crûmes tous qu’il allait tirer, mais se ravisant, il lui laboura les cotes de
coups de pieds le frappant également avec la crosse du pistolet et s’en fut.
Durant les jours qui suivirent, on nous emmena avec beaucoup d’autres prisonniers sur les routes de
Prusse Orientale, par un ciel bleu et une température polaire. Après plusieurs jours passés à VIRBALLEN
où l’on aménagea un camp provisoire dans une école, pose de barbelés on nous transporta en wagon (50
hommes ou 8 chevaux) jusqu’à KOWO ou KAUNAS à ce moment capital de la Lituanie. Je devais y
rester jusqu’au mois de juillet occupé dans des commandos, tels le nettoyage des moteurs de tank russes
et allemands, à l’usine des tracteurs à différentes tâches. Jusqu’au 1) mai notre horaire de travail était de
12H. par jour 7 jours sur 7 . Puis sur ordre de Staline paraît il ? 8 H. par jour, le dimanche repos.
La pitance était on ne peut plus maigre. Trois soupes par jour (de l’eau même pas grasse, quelques grains
d’orge ou de millet, quelques fois des betteraves avec les feuilles, des arêtes de poisson). Pour le repas de
midi, un peu d’épais à part quand il y en avait. Enfin les 600 gr. De pain noir fait avec je ne sais quelle
farine ?…….ou avec de la paille broyée. Humide et compact un morceau de 600gr. Avait peu de volume
et était ingurgité en moins de deux. Le peu de calorie consistait en 17 gr. De sucre que certains ne
mangeait pas pour l’échanger contre une cigarette ou même un mégot. De cet fait nous étions tous
squelettiques et une petite diarrhée vous condamnez à mort.
Parmi les prisonniers au camp de rassemblement de KOWNO, nous avons rencontré des prisonniers
français (prisonnier de 1940, délivrés par les Russes en Prusse-orientale mais qui étaient dans le même
camp. Ils n’étaient pas astreints au travail mais pour la pitance ce n’était pas mieux que nous. Ils furent
dirigés en mai 1945 sur le camp de TAMBOW. Par contre nous avons été , les Lorrains, consignés dans
une baraque occupée par des Italiens (les Badoglio ……que l’on les appelait) également délivrés par les
russes. Il y avait aussi des luxembourgeois et une grande quantité d’allemands. Le chef du camp était un
polonais fait prisonniers par les russes en 1939 et qui était toujours prisonniers.
Un juin le chef de camp commença à recenser les sujets autres qu’allemands. Je fus chargé d’établir une
liste sur une planche avec un minuscule crayon. Je la portai au chef de camp qui une semaine après me dit
de la recommencer. Il l’avait brûlée dans son fourneau pour préparer du café. Je fis ainsi plusieurs listes
qui subirent le même sort.
Enfin un jour on nous rassembla dans la cour, tous les français, à l’exclusion des luxembourgeois pas
concernés paraît-il par l’opération de rapatriement et on nous annonça notre départ prochain pour un
camp de rassemblement des Français. Il s’agissait du camp de TAMBOW, 450 km. Au sud est de
Moscou. Début Juillet, embarquement dans un train de marchandises, avec des arrêts dans d’autres ville
de Lituanie et de Lettonie pour arriver le 11 juillet à la gare de RADA, qui dessert TAMBOW.
Durant ce transport, toujours considérés comme prisonniers, pour la pitance, mais les portes des wagons
ouvertes.. Arrivée à TAMBOW, miradors, plusieurs rangs de barbelés, poste de garde, chiens-loups
etc.…et toujours 3 soupes, 600gr. de pain et 17gr. De sucre, des figures émaciées, des corps squelettiques.
Au camp de TAMBOW, je ne suis jamais sorti que ce soit en commando de la tourbe, corvée de bois ou
ailleurs. Après un certain temps passé en quarantaine, affectation dans une grande baraque avec 200
autres malheureux. Durant les deux mois que je suis resté à TAMBOW, j’ai rencontré différents copains,
tant de Rombas et environs que de Maizières-lès-Metz, Aloys GEIS, les frères PERIERE, les frères
BEPPY et Jonny SCHROEDER, Louis MORLOT, René NEISUS, Joseph STEINMETZ et toujours
accompagné de mon copain Etienne WOLF.
Le 1° août 1945, le premier convoi partait de la gare de RADA avec je crois 1500 compagnons, parmi les
lesquels les plus anciens dans le camp. Il fallu attendre début septembre pour voir le 2° convoi partir à la
cadence d’un tous les 2 ou 3 jours.
Je fus affecté au convoi dont le chef de convoi se nommait EYLER. En sortant du camp en rang par cinq,
l’un de mes compagnons à mes côtés me dit se nommer Jean LAMBINET et que son épouse s’appelait
Marianne PRINTZ, de Maizières-lès-Metz. C’était une amie d’enfance puisque nous avons habité au
même numéro des Maisons Blanches depuis 1937.
Durant 6 semaines de transport, en passant par l’Ukraine, la Pologne, puis l’Allemagne avec plusieurs
jours d’arrêt à Berlin, nous fûmes remis aux Anglais à EISLEBEN près de Magdeburg. A partir de ce
moment là, la nourriture de vint meilleure grâce aux colis de la Croix Rouge et colis Américains :
biscuits secs, beurre de cacahouète rations et en plus les cigarettes Camel qui faillirent me faire tourner de
l’œil. Au passage à Francfort sur l’Oder, l’on remplaça nos défroques usagées et bourrées de poux de
corps par de nouveaux uniformes toujours allemands.
Chez les Anglais, après dépouillage nouveaux wagons et direction le Nord et la Hollande où dans un
camp de tentes on nous fit passer un par un devant des officiers français, genre de commission
d’épuration. Après identification en tant qu’Alsacien Mosellan, les volontaires de la LVF étant séparés,
nous repartîmes vers la Belgique avec un accueil chaleureux en gare de Bruxelles avec repas à base de lait
car nous étions tous plus ou moins malades avec des diarrhées.
Après la Belgique, notre convoi fut dirigé sur Paris et accueilli au centre de rapatriement de REUILLY.
Après différentes formalités d’identité et réception d’un costume civil complet et 1000 francs nous étions
libre de prendre le train civil pour nous rendre à METZ. Arrivée à Metz et accueil à la salle SCALA et
après une dernière formalité nous étions libres de rejoindre notre domicile.
Me rendant dans la gare de Metz j’aperçus une jeune fille parmi toutes celles qui débarquaient du train
venant de Thionville pour se rendre à leur travail à Metz, celle ci Wanda SCRYBCZAK, sœur de Pélagie
amie de ma sœur en me voyant me demanda où j’allais. Je lui répondis qu’enfin libéré du camp de
prisonniers Russe je retournais chez moi à Maizières-lès-Metz, aux Blanches Maisons. « Mais me dit elle
tu n’habites plus à Maizières mais à Rombas où toute ta famille (dont je n’avais plus de nouvelles depuis
septembre 1944) après s’être réfugiée à Valleroy en passant par Ternel, Ste Marie aux Chênes, lors des
combats à Maizières s’était vu attribuer un logement à Rombas rue de Metz. Celui de Maizières ayant été
sinistré.
C’est ainsi que le 23 octobre 1945 après 42 mois d’incorporation dont 6 au R.A.D. et 36 à la Wehrmacht
(dont 9 mois prisonniers des russes) je rentrai dans mes foyers retrouvant ainsi tous les miens sains et sauf
avec la joie que l’on comprendra.
15 février 1995