Le statut de l`embryon – De l`embryon au fœtus En génétique, la

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Le statut de l`embryon – De l`embryon au fœtus En génétique, la
Le statut de l’embryon – De l’embryon au fœtus
Jean VILANOVA – 05/2016
En génétique, la recherche progresse de façon extraordinaire, le qualificatif n’est pas déplacé. Les avancées
ainsi réalisées se traduiront et se traduisent déjà par la meilleure connaissance de graves maladies dont on
peut envisager, à moyen terme, l’éradication. Il faut l’espérer et s'en réjouir.
L’actualité de la génétique, aujourd’hui, porte sur le travail réalisé par deux chercheuses généticiennes, l’une
française, le docteur Emmanuelle Charpentier, l’autre nord-américaine, le docteur Jennifer Doudna.
Honorées par la communauté scientifique, elles viennent de mettre en place un outil d’édition du génome
humain permettant sa modification ciblée.
Cet outil porte un nom « barbare », CRISP-Cas9. Il ouvre à la génétique une nouvelle voie mais relance aussi,
immanquablement, le débat sur l’eugénisme.
Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna en ont parfaitement conscience. Tout les oppose aux apprentis
sorciers. Elles sont l’une et l’autre des médecins mettant leur intelligence et leur immense talent au service de
l’humain et de l’humanité.
Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna en appellent de façon solennelle les autorités du monde entier à
cantonner CRISP-Cas9 dans des limites très contraintes.
Car le risque ou la tentation eugéniste s’avère en effet consubstantiel aux progrès de la génétique.
Il n’est pas imaginable, dans une société civilisée de sélectionner l’être à venir selon certains critères. Il n’est
pas concevable, ni du point de vue du droit, ni du point de vue de la morale d’entreprendre à de telles fins la
manipulation du génome humain et, au-delà de lui, de l’embryon humain.
Ces principes posés, interrogeons-nous sur cette « matière possiblement manipulable » constituée par
l’embryon humain.
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1. « Etre ou ne pas être »… telle est la question !
En biologie, le stade embryonnaire dure 8 semaines à partir du moment de la conception. Puis l’embryon
devient un fœtus.
La loi du 6/08/2013 relative à la bioéthique autorise, sous certaines conditions, la recherche sur l’embryon et
les cellules souches mais sans définir ce qu’il est : un amas cellulaire, un matériau non banal, une personne
potentielle ?
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Le droit pose quant à lui un principe : l’embryon et le fœtus après lui n’ont pas qualité de personne juridique.
Voilà qui devrait nous aider à y voir plus clair. Le droit français en effet garde de son lointain ancêtre le droit
romain le sens de la summa divisio, la division suprême. Ce qui relevait jadis de la division entre hommes libres
et esclaves est devenu division entre droit public et droit privé, entre personnes (sujet de droit) et biens (objet
de droit).
Dès lors tout devrait s’éclairer. Puisque l’embryon n’est pas une personne, sujet de droit, c’est donc qu’il est un
bien, un objet de droit. CQFD.
Et bien non, pas davantage !
Nous en voulons pour preuve, sinon les contradictions, du moins la sinuosité des hautes juridictions, française
et européenne. Les juges suprêmes eux-mêmes semblent ne pas savoir « à quel saint se vouer ».
 La Cour de cassation tout d’abord et le rendu de deux arrêts parfaitement en opposition l’un à l’autre…
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Par décision rendue le 29/06/2001 la Cour, réunie en Assemblée Plénière dénie le statut de personne
au fœtus de 6 mois « décédé » après que sa mère ait été renversé par un automobiliste ivre. Le délit
d’homicide involontaire initialement reproché à cet automobiliste n’est pas consacré, le fœtus n’ayant
pas qualité de personne.
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Au titre du second arrêt, rendu le 6/02/2008 par cette même Assemblée Plénière, est validé
l’établissement d’un acte d’enfant sans vie, avec nom, prénom et inscription au livret de famille pour
un fœtus de 400 grammes, mort-né après 21 semaines d’aménorrhée.
Comprenne qui pourra…
 La Cour Européenne des Droits de l’Homme ensuite…
Il convient de revenir ici sur un arrêt rendu le 27/08/2015 en Grande Chambre, c’est-à-dire sous la forme la
plus solennelle de la CEDH ; un arrêt très remarqué et très commenté.
La requérante, Mme Parillo, citoyenne italienne a recours à une fécondation in vitro en 2002. A l’issue de cette
démarche, cinq embryons sont congelés en vue d’une réimplantation. Mais le compagnon de Mme Parillo
décède en novembre 2003, avant que cette réimplantation ait pu être réalisée. La requérante décide alors de
faire don de ses (ou ces) embryons à la science.
Les autorités italiennes opposent leur refus au motif que la recherche en la matière reste interdite.
Mme Parillo saisit la CEDH. Elle considère que l’interdiction légale est incompatible avec son droit au respect de
sa vie privée et son droit au respect de ses biens.
La requête se voit rejetée.
Les juges de la CEDH disposeront que « … Les embryons humains ne sauraient être réduits à des biens… » Ils
n’iront pas toutefois jusqu’à franchir le pas en conférant dès lors aux embryons, en toute logique de droit, le
statut de personnes. Car franchir ce pas serait remettre en question, au titre de « l’interdit de tuer »,
l’ensemble des législations nationales sur le droit à l’IVG !
Et, si cela est possible, complexifions encore davantage la question par l’application de l’infans conceptus.
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Acté dans notre droit civil, l’infans conceptus est un principe au titre duquel le fœtus est réputé né chaque fois
que son intérêt l’exige. Ainsi ce fœtus voit-il reconnu comme potentiel héritier ou bénéficiaire d’un contrat
d’assurance par exemple…
La confusion s’avère extrême !
2. La vie. Son commencement, la vie humaine et la personne humaine
Chacun s’accorde sur ce qui marque le début de la vie : la fusion de deux gamètes, le spermatozoïde et l’ovule,
fusion à l’origine de la formation du zygote, la première cellule embryonnaire.
C’est ensuite que les choses se compliquent : A partir de quel moment cette vie devient-elle humaine ?
L’article 16 du code civil stipule que… « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la
dignité et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de la vie. »
Fort bien, mais cet article au demeurant magnifique interpelle. A quelle vie et à quel être humain fait-il
référence ?
Allons plus loin encore… A partir de quel moment cette vie humaine confère-t-elle le statut de personne ?
A ce stade, il y a des divergences notables. Biologie, philosophie, religion, droit… les positions et les avis
divergent.
En droit, cette position est tranchée. Dispose du statut de personne, celle qui naît « vivante et viable ». Vivante
en ce sens qu’elle respire naturellement et viable dans la mesure où elle est en capacité organique à vivre.
Du point de vue de la biologie et, en ce sens, le religieux rejoint la biologie, la vie commence dès après la
fécondation, lorsque l’embryon est doté d’un patrimoine génétique individuel et dispose de la capacité à se
développer. C’est pourquoi, pour les autorités religieuses, l’embryon est déjà une personne.
Pour calmer les esprits, certains adeptes de la novlangue affublent l’embryon, et, plus tard, le fœtus du statut
de « personne potentielle » à comparer à celui de « personne aboutie », celle qui, justement est née vivante et
viable.
Cela ne résout rien. Selon quels critères ou en quelles circonstances passera-t-on d’une potentialité à un
aboutissement ?
A ce stade, le problème reste insoluble et il nous faut choisir une autre voie.
3. Chercher une autre voie
Sans doute importe-t-il de renoncer à ce Graal inaccessible et d’en faire notre deuil. Nous ne parviendrons pas
à définir l’embryon.
Alors pourquoi ne pas procéder à l’inverse ?
Si nous sommes dans l’impossibilité de définir l’embryon cherchons à définir ce qu’il ne saurait être !
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Posons en quelque sorte une définition « en creux » de l’embryon humain. Nous ne savons pas ce qu’il est mais
nous savons ce qu’il ne peut et ne doit surtout pas être.
Et là, selon nous, trois aspects absolument non négociables doivent être prise en compte.
L’embryon est indisponible, non commercialisable et hors toute manipulation eugéniste.
Confrontés à l’impossibilité de définir l’embryon dans ses contours, nous ouvrons, par cette approche inversée
une zone de concorde entre les différents avis, les différentes « chapelles » et, enfin, nous nous donnons une
vraie lisibilité, le début de résolution d’une question d’une incommensurable, d’une vertigineuse complexité.
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