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O r i e n t a t i o n s f u t u re s Greffe de pancréas et d’îlots dans le gestion du diabète ` R Paul Robertson Les rôles respectifs de la greffe de pancréas et d'îlots dans la gestion du diabète doivent sans doute être examinés dans le cadre des recommendations de l'Association américaine du diabète (ADA) révisée en 2003. Elles stipulent qu'en l'absence de contre-indications, la greffe de pancréas devrait être proposée aux personnes atteintes de diabète chez qui une greffe de rein est prévue ; qu'une greffe du pancréas seule devrait être proposée si le receveur souffre d'une instabilité métabolique grave malgré une gestion optimale à base d'insuline ; et que la greffe d'îlots ne devrait être utilisée qu'à des fins de recherche. Vu le succès grandissant de la greffe d'îlots, il conviendrait sans doute de procéder à une révision des recommandations de l'ADA. Dans cet article, R Paul Robertson compare les bienfaits de la greffe de pancréas et d'îlots dans le cadre de cinq problèmes majeurs liés au diabète : l'hyperglycémie, l'hypoglycémie avec une mauvaise reconnaissance des symptômes, les complications micro- et macrovasculaires, la Hyperglycémie L'impact d'une greffe de pancréas réussie sur l'hyperglycémie est très impressionnant. Dans des études de cohorte à long terme, les personnes ayant reçu une greffe de pancréas avaient des taux de glycémie à jeun stables normaux (inférieurs à 5,5 mmol/l ou 100 mg/dL). L'hémoglobine glyquée HbA1c, une autre indication du contrôle glycémique, était également normalisée, sous la barre des 6 %. Ces résultats concernent aussi bien des personnes ayant reçu un pancréas entier de donneurs décédés que des receveurs de segments de pancréas de donneurs apparentés vivants. Les résultats sur l'HbA1c sont particulièrement impressionnants lorsqu'ils sont comparés aux résultats obtenus dans l'étude DCCT (Diabetes Control and Complication Trial). Dans cette étude, les taux de HbA1c dans le groupe soumis à un traitement intensif tournaient autour de 7 % sur une période de 6 ans. Cependant, dans un rapport sur plus de 50 personnes ayant reçu des greffes de pancréas, le taux moyen était d'environ 5,5 % pour une période similaire. mauvaise qualité de vie et la dysautonomie (y compris des symptômes tels que la gastroparésie, des épisodes d'hypotension artérielle et de diarrhée diabétique). >> 29 Des résultats comparables pour la greffe d'îlots ne sont pas encore disponibles ; il y a seulement 3 ans que la réussite d'une greffe a été signalée chez sept personnes sur sept à l'Université d'Alberta, Edmonton, Canada.1 Toutefois, près de la moitié de ces personnes ont Décembre 2003 Volume 48 >> Numéro 4 O r i e n t a t i o n s f u t u re s Figure : Comparaison des effets rapportés sur l'HbA1c après une greffe de pancréas et dans l'étude DCCT (Endocrine Practice; 5. 24-28). HbA1c (%) DCCT – traditionnel DCCT – intensif Greffe de pancréas Années obtenu des taux de glycémie normaux, l'autre moitié affichant des taux plus élevés que la normale. Le taux moyen de HbA1c pour le groupe ayant reçu une greffe d'îlots était de 6 %. Hypoglycémie La greffe de pancréas améliore considérablement la réaction de l'organisme à l'hypoglycémie provoquée par l'insuline et la reconnaissance des symptômes de l'hypoglycémie. Les personnes atteintes de diabète depuis plus de 5 ans ne répondent généralement pas au glucagon pendant l'hypoglycémie provoquée par l'insuline, ce qui altére gravement leur capacité à réguler les taux de glycémie. Dans des études sur le clamp hypoglycémique, les personnes ayant bénéficié d'une greffe de pancréas réussie ont rétabli complètement les réponses au glucagon.2 Ceci s'accompagnait d'une production de glucose dans le foie complètement normalisée pendant l'hypoglycémie. Les réponses à l'épinéphrine (adrénaline) pendant le Décembre 2003 Volume 48 Numéro 4 clamp hypoglycémique chez les personnes ayant subi une greffe de pancréas ne sont pas complètement normalisées mais elles sont meilleures chez les personnes atteintes de diabète de type 1. Mieux encore, la capacité à reconnaître les symptômes de l'hypoglycémie est complètement normalisée chez les personnes qui ont bénéficié d'une greffe de pancréas réussie. ( Les personnes ayant bénéficié d'une greffe de pancréas réussie retrouvent leur capacité à reconnaître les symptômes de l'hypoglycémie. ) Les résultats d'études réalisées sur des personnes ayant reçu une greffe d'îlots sont décevants. Malgré la normalisation des taux de glycémie à jeun et la possibilité d'échapper à un traitement à 30 l'insuline, les receveurs d'une greffe d'îlots ne présentaient pas de réponse au glucagon lors des études sur le clamp hypoglycémique.3 L'explication à ce problème pourrait se trouver dans le choix du foie comme site de la greffe des îlots. Des essais ont été réalisés sur des chiens dont le pancréas a été extrait par voie chirurgicale. L'autogreffe des îlots dans le foie des chiens n'a pas non plus réussi à rétablir la production de glucagon pendant l'hypoglycémie alors que l'autogreffe d'îlots dans la cavité péritonéale l'a rendu possible. Les personnes ayant bénéficié d'une allogreffe réussie des îlots ne sont également pas parvenues à améliorer la production d'épinéphrine pendant l'hypoglycémie, contrairement aux personnes ayant subi une greffe du pancréas réussie. La reconnaissance des symptômes pendant l'hypoglycémie n'est pas vraiment améliorée par la greffe d'îlots. Jusqu'à présent, il n'y a pas d'explication à l'inefficacité de la greffe d'îlots sur la production d'épinéphrine et la reconnaissance des symptômes pendant une hypoglycémie. La maladie microvasculaire L'impact d'une greffe de pancréas réussie sur la maladie microvasculaire apparaît clairement dans des études sur la rétinopathie, la néphropathie et la neuropathie. Plusieurs rapports ont démontré que, suite à une greffe réussie, les personnes affichaient une stabilisation de la rétinopathie dans les 3 ans. Plus impressionnant encore, les dégâts aux reins s'inversaient après 10 ans de taux de glycémie normaux suivant une greffe de pancréas.4 Jusqu'ici, il n'y a pas d'études sur les complications microvasculaires secondaires telles que l'attaque cérébrale, l'infarctus ou l'amputation suite à une greffe d'îlots réussie. O r i e n t a t i o n s f u t u re s La dysautonomie est provoquée par des dégâts aux nerfs liés aux organes internes tels que le coeur, le tube digestif, les vaisseaux sanguins, la peau (transpiration) et les organes génitaux. La gastroparésie (aussi appelée "vidange gastrique retardée") touche aussi bien les personnes atteintes de diabète de type 1 que celles atteintes de diabète de type 2. Elle se produit suite à des dégâts aux nerfs qui contrôlent le mouvement des aliments à travers le tube digestif. La gastroparésie se produit lorsque l'estomac se vide trop lentement de son contenu et peut entraîner des nausées, des vomissements et un blocage de l'estomac. La digestion retardée des aliments peut entraîner des difficultés supplémentaires dans le contrôle des taux de glycémie. Le glucagon est une hormone produite par les cellules alpha du pancréas. Il joue un rôle important dans la régulation des taux de glycémie. Le glucagon est souvent décrit comme ayant un effet opposé à celui de l'insuline ; il augmente les taux de glucose dans le sang. Le clamp hypoglycémique est une technique de recherche appliquée dans des conditions soigneusement contrôlées. L'hypoglycémie est induite pendant le clamp hypoglycémique en altérant simultanément l'équilibre de l'insuline intraveineuse et des solutions à base de glucose. L'épinéphrine est aussi appelée adrénaline, l'hormone de la 'peur et de la lutte'. Il s'agit d'une hormone qui permet au foie de libérer du glucose et qui limite la production d'insuline par le pancréas. L'épinéphrine est responsable de certains symptômes de l'hypoglycémie, notamment la nausée, la tachycardie, l'anxiété et la transpiration. Une carence en épinéphrine altère la capacité d'une personne atteinte de diabète à reconnaître les symptômes d'une hypoglycémie. © sciencephoto La maladie macrovasculaire Les mesures de la maladie macrovasculaire s'améliorent après une greffe de pancréas réussie. Cela a été démontré en étudiant la réponse des artères à des médicaments agissant sur le tissu musculaire pour élargir les vaisseaux sanguins et la mesure de l'épaisseur du revêtement des artères. Dans une étude sur 4 ans, le revêtement des artères s'est stabilisé 4 ans après la greffe de pancréas. La seule étude publiée jusqu'à présent, qui a suivi des personnes ayant bénéficié d'une greffe réussie des îlots, signalait une réussite en termes de : amélioration des taux de survie réduction des taux de décès suite à une maladie cardiovasculaire (MCV) progression plus lente de l'épaississement de l'artère carotide.5 Curieusement, l'amélioration de ces résultats chez les personnes ayant subi une greffe d'îlots réussie n'était pas 31 liée au contrôle glycémique, les taux de HbA1c chez les personnes ayant subi une greffe réussie n'étant pas très différents de celles chez qui la greffe n'avait pas réussi. Qualité de vie Une amélioration du résultat clinique le plus important, la qualité de vie, suite à une greffe de pancréas est signalée dans toutes les études publiées. Les grossesses réussies après une greffe de pancréas et l'utilisation de médicaments Décembre 2003 Volume 48 >> Numéro 4 O r i e n t a t i o n s f u t u re s immunosuppresseurs ne sont pas rares. A ce jour, aucune étude n'a été publiée sur la qualité de vie des personnes ayant subi une greffe réussie d'îlots. Dysautonomie Les personnes atteintes de diabète accompagné de dysautonomie méritent une attention particulière. Elles ont un taux de survie moyen au-delà de cinq ans de 50 %. Dans une vaste étude, comparant les taux de survie des personnes atteintes d'insuffisance du système nerveux autonome, on a observé une amélioration du taux de survie chez les personnes ayant bénéficié d'une greffe de pancréas réussie et une baisse du taux de survie chez celles pour qui la greffe avait échoué. Les raisons de cette variation du taux de survie ne sont pas clairement établies.Toutefois, l'amélioration des taux de survie chez ceux qui ont subi une greffe réussie est une des raisons justifiant de proposer une greffe de pancréas seule aux personnes souffrant d'une instabilité métabolique grave malgré un traitement optimal. Il n'existe pas de données concernant les effets bénéfiques d'une greffe d'îlots sur le taux de survie des personnes atteintes de dysautonomie. ( ) La greffe d'îlots constitue une option thérapeutique pour certaines personnes atteintes de diabète. qualité de vie et augmente le taux de survie des personnes atteintes de dysautonomie. La greffe d'îlots influence également l'hyperglycémie à jeun mais n'a pas d'influence sur la contre-régulation anormale de l'hypoglycémie et n'améliore pas la réponse aux symptômes.A ce jour, il y a trop peu d'études sur les effets d'une greffe d'îlots réussie sur la maladie vasculaire, la qualité de vie ou la dysautonomie pour pouvoir tirer des conclusions définitives. A la lumière de ces résultats, on pourrait envisager de modifier les recommandations actuelles de l'ADA. Il semble raisonnable de proposer une greffe d'îlots si une greffe de pancréas est rejetée par des personnes en attente d'une greffe de rein.Aussi, il semble raisonnable de proposer une greffe d'îlots aux personnes qui rejettent une greffe de pancréas seule lorsqu'elles souffrent d'une instabilité métabolique grave malgré un traitement optimal à base d'insuline. La greffe d'îlots est de plus en plus envisagée comme une option thérapeutique chez les personnes atteintes de diabète. Il semble par conséquent raisonnable de conclure qu'elle ne devrait plus être réservée au domaine de la recherche. ` R Paul Robertson R Paul Robertson est Président, CEO et Directeur scientifique du Pacific Northwest Research Institute, Etats-Unis. En conclusion La greffe réussie du pancréas normalise l'hyperglycémie, corrige les altérations de la sécrétion du glucagon et de la reconnaissance des symptômes pendant l'hypoglycémie, stabilise la maladie micro- et macrovasculaire, améliore la Décembre 2003 Volume 48 Numéro 4 Les opinions exprimées dans cet article sont celles de son auteur et ne doivent pas être considérées comme étant celles de la FID ou du personnel de Diabetes Voice. 32 Références 1. Shapiro AM, Lakey JR, Ryan EA, et al. Islet transplantation in seven patients with type 1 diabetes mellitus using a glucocorticoid-free immunosuppressive regimen [see comments]. N Engl J Med 2000; 343: 230-8. 2. Barrou Z, Seaquist ER, Robertson RP. Pancreas transplantation in diabetic humans normalizes hepatic glucose production during hypoglycemia. Diabetes 1994; 43: 661-6. 3. Paty BW, Ryan EA, Shapiro AM, Lakey JR, Robertson RP. Intrahepatic islet transplantation in type 1 diabetic patients does not restore hypoglycemic hormonal counterregulation or symptom recognition after insulin independence. Diabetes 2002; 51: 3428-34. 4. Fioretto P, Steffes MW, Sutherland DE, Goetz FC, Mauer M. Reversal of lesions of diabetic nephropathy after pancreas transplantation. N Engl J Med 1998; 339: 69-75. 5. Fiorina P, Folli F, Bertuzzi F, et al. Long-term beneficial effect of islet transplantation on diabetic macro-/ microangiopathy in type 1 diabetic kidney-transplanted patients. Diabetes Care 2003; 26: 1129-36.