L`art de diriger_Symbolique
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L`art de diriger_Symbolique
L’Art de Diriger - Dans la Tête des Grands Leaders Lee G. Bolman, Terrence E. Deal Extraits Le Leadership Symbolique Les leaders peuvent créer des organisations bien structurées, animées par des principes avantgardistes de gestion des ressources humaines et une dynamique politique bien orchestrée, néanmoins, il y manquera un ingrédient clé. Au fond d’eux-mêmes, les gens veulent trouver du sens à leur vie personnelle comme professionnelle. Les approches de type structurel, ressources humaines et politique sont essentielles, mais elles peuvent laisser une organisation vide de sens et d’âme. L’approche symbolique peut combler ce manque et créer le lien spirituel qui permettra aux gens de partager le destin de l’organisation à laquelle ils appartiennent. Les symboles s’agrègent pour former une culture, ce modèle partagé qui définit « notre façon de faire » pour les membres d’un groupe ou d’une entreprise. C’est ce que montre le célèbre exemple suivant. Assis à la table de sa cuisine un matin de février 2007, le regard du fondateur et ancien PDG de Starbucks se perdait dans la brume de Seattle. Jusqu’à récemment, son entreprise avait connu une croissance et des résultats extraordinaires, mais à présent, elle laissait apparaître des signes de déclin. Les clients dépensaient moins, la croissance était ralentie et le cours de l’action avait baissé de plus de 40 %. Lorsqu’il visitait des Starbucks cafés, Schultz sentait que « quelque chose d’inhérent à la marque Starbucks manquait. Une aura. Au début, je ne parvenais pas à identifier ce que c’était. Rien en particulier ne minait l’âme de nos cafés. C’était plutôt les conséquences involontaires de l’absence de plusieurs éléments qui avaient fait la réputation de notre marque qui, je le craignais, la dégradait silencieusement. » Schultz entreprit de consigner ses réflexions sur un bloc de papier, sous la forme d’un mémo manuscrit qu’il intitula : « La banalisation de l’expérience Starbucks. » Il répertoria les récentes avancées techniques qui affadissaient les façons de faire et les valeurs clés de l’enseigne. Les machines automatiques à expresso amélioraient la vitesse, la régularité et le service mais au détriment de la mystique du barman comme élément central de la théâtralisation et du côté romantique de l’ambiance Starbucks. Les conditionnements scellés conservaient la fraîcheur du café, mais les clients n’expérimentaient plus l’expérience ni l’arôme du café fraîchement moulu qui se diffusait dans les cafés. La gestion des queues et l’agencement standard des espaces augmentaient l’efficience mais au détriment de l’ambiance « cozy » d’autrefois. Schultz concluait son mémo sur une déclaration sincère : « Il nous faut absolument revenir au cœur du métier et entreprendre les changements nécessaires pour évoquer l’héritage, la tradition et la passion que nous partageons tous pour l’expérience Starbucks. » Schultz avait prévu de ne diffuser ce mémo qu’à quelques cadres dirigeants pour qu’ils y réfléchissent mais, à son grand regret, quelqu’un le fit fuiter. À mesure qu’il se propageait sur Internet et dans les médias, un débat houleux s’installa au sein de l’entreprise. Certains salariés n’étaient absolument pas d’accord avec Schultz : Starbucks n’était-elle pas l’enseigne de cafés la plus visitée au monde ? D’autres furent désorientés et blessés. Ils travaillaient dur pour améliorer l’entreprise : Schultz prétendait-il qu’ils ne faisaient pas bien leur travail ? D’autres encore estimaient que Schultz avait pointé quelques vérités qu’il fallait dire et dont il fallait débattre. Ces documents pédagogiques sont réservés à un usage strictement individuel, au format papier et électronique. www.groupeh2h.com // @H2HAcademy 1 L’Art de Diriger - Dans la Tête des Grands Leaders Lee G. Bolman, Terrence E. Deal Extraits La diffusion de son mémo avait pris Schultz par surprise et il subit une certaine pression pour limiter les dégâts. Mais son texte traduisait sa passion pour Starbucks et il espérait que cela provoquerait des échanges productifs. Dans les mois qui suivirent, ses inquiétudes sur la direction que prenait l’entreprise continuèrent à augmenter. À chaque fois qu’il entrait dans un Starbucks, il se désespérait de constater que l’on n’y célébrait plus le café. Cela heurtait sa conviction qu’un véritable commerçant doit créer une espèce de magie et raconter une histoire qui saisisse le client lorsqu’il entre dans la boutique. Les mois passèrent et Schultz voyait que rien de substantiel ne changeait, ni au siège de l’entreprise ni dans les points de vente. « Jour après jour, ma déception se transformait en colère, et parfois en peur que Starbucks perde toute chance de retrouver sa magie. » Fin 2007, les ventes affichaient des baisses de plus de 10 %. Schultz et le conseil d’administration convinrent qu’il devait revenir au poste de PDG. Lorsqu’il le fit, en janvier 2008, il fonça. L’une des premières décisions de Schultz fut de fermer la totalité des 7 100 cafés américains pour une après-midi entière qui serait consacrée à la formation des barmen. Des pancartes affichées sur les portes indiquaient le motif de la fermeture : « Nous prenons le temps d’améliorer nos expressos. Leur qualité demande de l’entraînement. C’est la raison pour laquelle nous nous consacrons à parfaire notre technique. » Quelque 135 000 employés furent ensuite à nouveau initiés à la magie d’un expresso Starbucks. Ils s’entraînèrent à maîtriser à la perfection la réalisation d’une texture mousseuse. Mais au-delà d’améliorer leur savoir-faire, ils furent également réinitiés à l’esprit et à la tradition Starbucks. L’opération coûta environ six millions de dollars, mais Schultz avait l’intuition que l’investissement en valait la peine, ne serait-ce que pour la valeur symbolique que cette formation allait produire : effacer toutes ces années au cours desquelles l’esprit et l’âme de Starbucks avaient été sacrifiés sur l’autel de la croissance et du profit. De retour au siège, Schultz travailla à revenir aux fondamentaux en organisant une divertissante séance de brainstorming avec les cadres dirigeants. Des consultants externes proposèrent d’utiliser les Beatles comme métaphore pour générer une réflexion créative autour de quelques questions fondamentales : Qu’est-ce que réinventer une icône ? Qu’est-ce que Starbucks pourrait apprendre de l’histoire de John, Paul, George et Ringo sur l’innovation ? Repositionner les problèmes à partir de la métaphore des Beatles aida les participants à imaginer de nouvelles options et à trouver un meilleur équilibre entre la tradition et l’innovation. Une semaine après la fermeture des magasins pour la formation des barmen, Schultz convoqua les deux cents cadres dirigeants de Starbucks en poste dans le monde pour trois journées de travail à l’occasion d’un Sommet du leadership. Il ouvrit la séance en rappelant que Paul McCartney avait un jour expliqué que le début de la fin pour les Beatles avait peut-être été leur concert au Shea Stadium de New York, devant une foule si importante et enthousiaste qu’ils ne s’entendaient même pas jouer. Schultz transforma l’histoire en une question qui donnait le ton des débats à suivre : « quand avons-nous cessé de nous entendre jouer ? » Ces documents pédagogiques sont réservés à un usage strictement individuel, au format papier et électronique. www.groupeh2h.com // @H2HAcademy 2 L’Art de Diriger - Dans la Tête des Grands Leaders Lee G. Bolman, Terrence E. Deal Extraits Les jours suivants, les participants au Sommet visitèrent quelques-uns des magasins de détail les plus en vogue de Seattle et les étudièrent du point de vue du client. Ils passèrent des heures à élaborer un programme de changement pour Starbucks. Le point d’orgue du Sommet fut une cérémonie de réengagement envers la mission de l’entreprise. Schultz évoqua la possibilité de modifier sa formulation pour intégrer l’idée que Starbucks souhaitait « incarner notre passion de l’avenir et notre respect du passé. » Il lut le préambule de cette déclaration : « La mission de Starbucks : inspirer et nourrir l’esprit des hommes – une personne, une tasse et un quartier à la fois. » Puis, des représentants du siège et des filiales lurent à leur tour des parties de la déclaration de mission sur le café, les partenaires, les clients, les boutiques, les quartiers et les actionnaires. Cette lecture déclencha une réaction émotionnelle que prolongeait l’affichage de la mission sur des colonnes géantes au bas desquelles les plus anciens dirigeants de la marque étaient invités à apposer leurs signatures. Des milliers d’investisseurs et de partenaires s’entassaient dans l’immense auditorium où se tenait l’Assemblée générale des actionnaires de Starbucks en mars 2008. L’ambiance était tendue et morose – le prix de l’action avait dégringolé et il n’y avait pas de bonnes nouvelles prévues. Schultz y vit une opportunité pour amener les participants à renouveler leur confiance dans l’entreprise. Il déclara d’emblée qu’il considérait inacceptables les performances de Starbucks. Mais il soutint également que l’entreprise sortirait de cette mauvaise passe plus forte que jamais. « C’est le moment de vous convaincre, ainsi que tous ceux qui n’ont pu être présents ici, de vous donner toutes les raisons de croire à nouveau en Starbucks. Et c’est exactement ce que nous allons faire aujourd’hui. » Sans perdre de temps, il pointa vers un large objet couvert d’un drap noir qu’il fit tomber d’un geste théâtral, révélant un appareil rutilant de cuivre et d’acier : une nouvelle machine à expresso qui ne bloquerait plus la vue entre les clients et les barmen. Pour Schultz, cette nouvelle machine résolvait à la fois les problèmes de qualité et de théâtralité. Une foule ravie salua l’apparition pendant qu’un barman s’affairait à préparer un café pour Schultz. Schultz décrivit ensuite d’autres innovations, notamment une carte de fidélité et un nouveau site internet interactif. Les dernières annonces concernaient le café. Les participants furent invités à tester les nouvelles variétés et assistèrent à la démonstration du nouvel appareil que Schultz présenta comme pouvant restituer tout l’arôme du café préparé dans une cafetière « à la française ». L’assemblée fut conclue sous les applaudissements enthousiastes des actionnaires. En pleine crise financière de Wall Street, Starbucks publia des pertes de 7 millions de dollars pour le troisième trimestre 2008 et dut fermer 600 boutiques. La presse économique était unanime pour penser que les beaux jours de l’entreprise étaient derrière elle. On conseillait à Schultz de vendre ou d’économiser quelques millions en servant un café de moins bonne qualité au motif que « personne ne s’en apercevra. » Il était également sous pression pour renoncer à la très coûteuse réunion bisannuelle de leadership. Starbucks avait-elle vraiment besoin de cette conférence des cadres qui lui coûtait 30 millions de dollars ? Pour Schultz, la question ne se posait pas. Il était convaincu qu’il n’y avait pas de meilleur moment pour rassembler ses troupes. Ces documents pédagogiques sont réservés à un usage strictement individuel, au format papier et électronique. www.groupeh2h.com // @H2HAcademy 3 L’Art de Diriger - Dans la Tête des Grands Leaders Lee G. Bolman, Terrence E. Deal Extraits En octobre 2008, 10 000 managers furent conviés à la Nouvelle-Orléans qui se relevait péniblement des ravages de l’ouragan Katrina. L’un des orchestres les plus célèbres de la ville accueillait les délégations à leur arrivée à l’aéroport. Sur le chemin de leurs hôtels, des bannières bleues et vertes suspendues aux lampadaires proclamaient CROYEZ. Dans l’immense salle qui abritait la convention, quatre gigantesques stands ambulants déployaient des messages sur un thème particulier : le café, les clients, les partenaires et les boutiques. Une exposition retraçait le parcours du café depuis sa culture jusqu’à la tasse du consommateur. « Tout était interactif, fondé sur les émotions, le sensoriel. Toute cette mise en scène racontait une histoire. » Les dix mille employés de Starbucks n’étaient pas seulement venus pour travailler et apprendre, ils étaient également là pour se retrousser les manches et aider à la reconstruction de la Nouvelle-Orléans. Des équipes de travail se répandirent dans la ville pour y planter des arbres, restaurer et repeindre des maisons, en construire de nouvelles. Sur les T-shirts on lisait un seul slogan : EN AVANT, comme un signe de ralliement pour les employés de Starbucks et les habitants de la Nouvelle-Orléans qui avaient besoin d’avancer dans ces temps troublés, motivés par l’espoir et la conviction que demain serait meilleur. « C’est dans l’adversité et le changement que nous découvrons vraiment qui et ce que nous sommes. » À la session de clôture de la convention, dans la New Orleans Arena, Schultz admit que des épreuves immenses attendaient l’entreprise, mais il délivra aussi un message d’espoir. Comme Steve Jobs, Schultz aimait donner au public plus qu’il n’attendait. La surprise qu’il leur avait réservée était un concert de Bono, le chanteur de U2, qui avait contribué à collecter plus de deux millions de dollars pour un fonds de soutien aux sinistrés de Katrina. Sur scène, Bono avait rejoint Schultz pour envisager un partenariat avec Starbucks destiné à lutter contre la misère et le virus du sida en Afrique. « Les grandes entreprises, déclara Bono, seront celles qui défendront leurs valeurs tout en recherchant le profit, des valeurs de marque qui convergeront pour créer un nouveau modèle économique où commerce et compassion seront unis. La réaction de l’auditoire au discours de Bono résonnait avec le thème de la convention : « Croyez dans l’héritage et dans l’avenir de notre entreprise ». Schultz conclut par ces mots : « s’il vous plaît, souvenez-vous de l’expérience que vous venez de vivre. Souvenez-vous de vos émotions. Et quand vous retournerez chez vous, ne restez pas spectateur… Ne laissez pas la pression quotidienne, jamais, effacer l’émotion, les sentiments et le pouvoir qu’à 10 000 vous avez chacun, individuellement, ressentis ces derniers jours. Les initiatives symboliques de Schultz ont contribué à repositionner la stratégie de Starbucks et à remotiver ses salariés. La convention de la Nouvelle-Orléans est intervenue au moment même où l’entreprise affichait ses plus mauvais résultats après deux ans de déclin. Après ses pertes de 2008, Starbucks réalisa deux ans plus tard un chiffre d’affaires et des profits record (10,7 milliards de dollars de CA et 1,4 milliard de dollars de bénéfices), conserva sa place dans le classement établi par le magazine Fortune des 100 entreprises où il était le plus agréable de travailler et poursuivit ses efforts en faveur du développement responsable et équitable pour les producteurs de café. Un analyste évoqua le plus remarquable retournement de situation qu’il avait eu à connaître. Depuis, Starbucks a poursuivi son ascension en chiffre d’affaires comme en résultats. Au deuxième trimestre 2012, ses bénéfices étaient en hausse de 15 %, et Schultz fut élu Manager de l’année par le magazine Fortune. Ces documents pédagogiques sont réservés à un usage strictement individuel, au format papier et électronique. www.groupeh2h.com // @H2HAcademy 4 L’Art de Diriger - Dans la Tête des Grands Leaders Lee G. Bolman, Terrence E. Deal Extraits Il n’est pas facile de voir la culture lorsque l’on en fait partie intégrante. Fondamentalement, la culture c’est « la façon dont nous faisons les choses » ou « ce qui fait que le groupe continue d’avancer à peu près dans la même direction ». Schultz a été capable de prendre du recul pour observer la culture de Starbucks en se concentrant sur les fils symboliques qui, tissés ensemble, forment une entreprise ayant du sens. Ces fils étaient, entre autres, la tradition, les valeurs, les héros, les rites, les cérémonies, les histoires et un réseau d’acteurs informels. Pour retisser la tapisserie Starbucks, Schultz s’est appuyé sur le pouvoir mystique de tous ces fils symboliques. Les leaders comme Howard Schultz dirigent à la fois par l’action et par la parole. Ils interprètent les événements pour communiquer le sens et l’objectif en verbalisant la beauté et la passion. Franklin D. Roosevelt est parvenu à rassurer une nation prise dans la tourmente d’une profonde dépression économique en déclarant que « la seule chose dont nous devons avoir peur, c’est la peur elle-même ». Le leadership symbolique naît avec la foi et la passion du leader. Schultz avait fait une belle carrière dans la vente, d’abord dans le domaine des photocopieurs puis dans celui des produits pour la cuisine. Mais il n’a vraiment éprouvé la passion que lorsqu’il a savouré son premier expresso et fait l’expérience du rituel du café à Milan. Fort de cette passion, il a développé une grande entreprise, utilisant intuitivement les voies de la magie qu’empruntent naturellement les leaders symboliques. Les leaders symboliques respectent et utilisent l’Histoire Les leaders qui pensent que l’histoire commence à leur arrivée se trompent sur le contexte et s’attirent des inimitiés. Les plus sages étudient l’histoire et lient leurs initiatives aux valeurs, aux légendes et aux héros du passé. Lorsque les fondateurs de Starbucks tournèrent en dérision le projet qu’avait Schultz de recréer aux États-Unis l’expérience italienne de l’expresso, il quitta l’entreprise pour créer sa propre affaire, Il Giornale. Ce fut un succès, mais son instinct lui disait qu’il avait besoin de la profondeur historique de Starbucks, de la « qualité mystique » de cette marque. Starbuck est le nom du quartier-maître du Pequod, le baleinier du Moby Dick de Herman Melville. Schultz parvint à convaincre les fondateurs de Starbucks de lui vendre ce qui était alors une petite mais très profitable chaîne de magasins de Seattle. Les leaders symboliques interprètent les événements Dans un monde incertain et ambigu, l’une des fonctions clés du leadership symbolique consiste à proposer des interprétations plausibles et porteuses d’espoir des événements. John Fitzgerald Kennedy a canalisé la fougue de la jeunesse américaine vers les Peace Corps et d’autres missions en déclarant dans son discours inaugural : « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous. Demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays. » Ces documents pédagogiques sont réservés à un usage strictement individuel, au format papier et électronique. www.groupeh2h.com // @H2HAcademy 5 L’Art de Diriger - Dans la Tête des Grands Leaders Lee G. Bolman, Terrence E. Deal Extraits Lorsque Schultz a commencé à développer sa petite entreprise, beaucoup de gens lui ont dit qu’il était fou de penser que les Américains dépenseraient 1,50 dollar pour un expresso. Mais pour lui, Starbucks était plus que du café. C’était un « troisième lieu », entre la maison et le bureau, « un espace social mais aussi personnel où les gens peuvent se rencontrer et se retrouver euxmêmes. » En réinterprétant le sens et les possibilités qu’offrait un espace aussi banal qu’un café, Schultz exprimait sa vision de ce que font les grands commerçants : « nous prenons quelque chose d’ordinaire et nous lui apportons de l’émotion et du sens, puis nous racontons son histoire, encore et encore, parfois sans prononcer le moindre mot. » Boire une tasse de café chez Starbucks, c’est « savourer l’expérience Starbucks. » Les leaders symboliques développent et communiquent une vision positive L’une des façons dont un leader peut interpréter les événements consiste à distiller et diffuser une image convaincante et positive de l’avenir. Une vision doit prendre en compte tout à la fois les défis du présent ainsi que les espoirs et les valeurs de ceux à qui elle s’adresse. D’où vient cette vision ? Une hypothèse serait que les leaders la développent puis persuadent les autres de l’accepter. Si nous regardons Howard Schultz, nous comprenons que la réalité est plus subtile. Schultz ignorait qu’il voulait travailler dans le domaine du café avant de goûter son premier expresso, et son image des cafés comme des lieux d’échange et de sociabilité n’a commencé à prendre forme que lorsqu’il en a fait l’expérience en Italie. La magie de Schultz vient de sa capacité intuitive à construire une vision à partir d’éléments qui existaient auparavant mais de façon dispersée et non organisée. Le leadership est une rue à double sens. Ni le charisme ni la rhétorique ne peuvent communiquer une vision qui n’a de sens que pour ceux qui en font la promotion. Les leaders jouent un rôle déterminant d’articulation d’un rêve partagé en distillant un mélange unique, personnel, d’histoire, de poésie, de passion et de courage. Les leaders symboliques dirigent par l’exemple Ces leaders font la démonstration de leur engagement et de leur courage en montant au créneau. En prenant des risques, sans retenue, ils rassurent et inspirent les autres. Dans le chapitre précédent, nous avons vu que Anne Mulcahy avait pris la présidence de Xerox en 2001 lorsqu’il y avait le feu dans l’entreprise et que bien peu pensaient qu’elle avait une chance d’éteindre l’incendie. Ses conseillers financiers lui disaient que la faillite était sa seule option. Mais elle était déterminée à sauver l’entreprise qu’elle aimait et elle devint cette infatigable et visible icône travaillant inlassablement à fédérer les soutiens dont elle avait besoin pour que Xerox soit à nouveau une entreprise qui gagne. Lorsqu’Howard Schultz revint aux commandes de Starbucks après huit ans de retrait, il s’immergea dans l’entreprise qu’il aimait – non pas par devoir, mais parce qu’il savait que son intuition et son exemple déclencheraient l’étincelle dont l’entreprise avait besoin. Sa passion et son obstination ont fait passer le message chez Starbucks que l’entreprise pouvait et allait retrouver son âme. Ces documents pédagogiques sont réservés à un usage strictement individuel, au format papier et électronique. www.groupeh2h.com // @H2HAcademy 6 L’Art de Diriger - Dans la Tête des Grands Leaders Lee G. Bolman, Terrence E. Deal Extraits Les leaders symboliques sont des conteurs Howard Schultz a décrit Starbucks comme un « héritage vivant » qu’il souhaitait dédier à la mémoire de son père. Les histoires qu’il raconte de sa jeunesse désargentée dans la banlieue de New York sont le ferment des valeurs et de la culture qu’il a imprimées à Starbucks. Il n’a jamais oublié qu’en 1961, il avait 7 ans, son père s’est cassé une cheville au travail. Fred Schultz n’avait jamais aimé son travail de livreur pour une entreprise de teinturerie, mais il se trouvait alors dans l’incapacité de travailler, sans revenu et sans assurance. Howard Schultz était convaincu que son père méritait mieux. Même lorsque Starbucks perdait de l’argent, les premières années, Schultz tenait à ce que les salariés disposent d’une assurance maladie et puissent avoir accès au capital. Lorsque l’activité ralentissait, les actionnaires et les analystes le pressaient d’améliorer le compte de résultats en réduisant les cotisations d’assurance. Schultz s’y est toujours opposé. Dans son esprit, une entreprise ne peut être grande que si elle offre à ses employés les avantages et la fierté que son père n’a jamais connus. Des histoires de ce genre abondent dans les entreprises qui obtiennent les meilleurs résultats. Les employés de la chaîne d’hôtels Ritz-Carlton par exemple, reconnue pour ses très hauts standards de service au client – « Ladies and Gentlemen serving Ladies and Gentlemen » – ont constamment sur eux une liste de « valeurs du service » et doivent faire porter leurs efforts particuliers sur l’une d’elles choisie chaque jour. Leurs fréquentes « revues de service » sont des rituels destinés à renforcer l’importance de cette notion de service au cours desquels ils partagent leurs expériences et les événements qui les ont amenés à faire le maximum pour satisfaire les clients. Par exemple, de retour chez elle une famille qui avait séjourné dans un des hôtels de la chaîne s’est aperçue que Jojo, la peluche de leur plus jeune enfant, avait été oublié dans une chambre. Ils envoyèrent un message à la réception qui le fit passer au personnel. La chambre, la buanderie puis les sous-sols furent fouillés et lorsque la peluche fut retrouvée, une employée la prit en photo dans différents endroits de l’hôtel – la cuisine, le hall, le bar, etc. – avant de la renvoyer aux parents avec un mot qui précisait que « Jojo s’était bien amusé et s’était fait beaucoup d’amis ». La petite fille était aux anges et ses parents n’imaginent pas réserver dans un autre hôtel. Ces histoires ont un réel impact parce qu’elles sont plus vraies que nature. Nous sommes enclins à les croire plutôt qu’à en mettre en doute la véracité. Les leaders symboliques organisent des rituels et des cérémonies Les rituels et les cérémonies sont des moments privilégiés dans la vie d’un groupe. Les gens y échangent des histoires, se rapprochent les uns des autres, renouvellent leur engagement envers les valeurs culturelles. Schultz a beaucoup utilisé ces occasions pour restaurer les liens de son entreprise avec ses racines culturelles et son dynamisme. Rappelez-vous que sa première mesure a été de fermer des cafés Starbucks pour « rééduquer » les barmen. Ces derniers sont en première ligne, en contact direct avec la clientèle, au cœur de ce que Jan Carlzon de SAS appelait « Le Moment de Vérité ». Ces documents pédagogiques sont réservés à un usage strictement individuel, au format papier et électronique. www.groupeh2h.com // @H2HAcademy 7 L’Art de Diriger - Dans la Tête des Grands Leaders Lee G. Bolman, Terrence E. Deal Extraits Schultz n’avait pas conçu cette opération sur le mode d’un programme de formation technique mais plutôt comme une opportunité pour les barmen de retomber amoureux du café, de retrouver la passion de servir chacune des tasses de café qui leur était commandée. Lorsque ces employés de première ligne furent remotivés, Schultz organisa une série d’événements spéciaux, en commençant par le sommet de la hiérarchie pour finir par l’opération démesurée de la Nouvelle-Orléans et ses dix mille responsables de points de vente. Toutes ces manifestations avaient pour objectif de retrouver l’âme, l’esprit de l’entreprise. Conclusion Les leaders symboliques injectent de la magie dans les organisations en puisant dans leur interprétation subjective de la tradition, des valeurs partagées, des héros, des rituels, des cérémonies et des histoires. Ils sont les icônes qui incarnent l’esprit et les valeurs du groupe. Les gens cherchent à donner du sens à leur travail, à associer le profit et la compassion, le portefeuille et le cœur. Ils veulent marquer leur différence et peuvent trouver ce qu’ils cherchent dans les entreprises dont la culture active et fédératrice imprime du sens, de la vie et de l’espoir dans chaque action quotidienne. Ces documents pédagogiques sont réservés à un usage strictement individuel, au format papier et électronique. www.groupeh2h.com // @H2HAcademy 8