L`art de diriger_Symbolique

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L`art de diriger_Symbolique
L’Art de Diriger - Dans la Tête des Grands Leaders
Lee G. Bolman, Terrence E. Deal
Extraits
Le Leadership Symbolique
Les leaders peuvent créer des organisations bien structurées, animées par des principes avantgardistes de gestion des ressources humaines et une dynamique politique bien orchestrée,
néanmoins, il y manquera un ingrédient clé. Au fond d’eux-mêmes, les gens veulent trouver du
sens à leur vie personnelle comme professionnelle. Les approches de type structurel, ressources
humaines et politique sont essentielles, mais elles peuvent laisser une organisation vide de sens
et d’âme.
L’approche symbolique peut combler ce manque et créer le lien spirituel qui permettra aux gens
de partager le destin de l’organisation à laquelle ils appartiennent. Les symboles s’agrègent pour
former une culture, ce modèle partagé qui définit « notre façon de faire » pour les membres d’un
groupe ou d’une entreprise. C’est ce que montre le célèbre exemple suivant.
Assis à la table de sa cuisine un matin de février 2007, le regard du fondateur et ancien PDG de
Starbucks se perdait dans la brume de Seattle. Jusqu’à récemment, son entreprise avait connu
une croissance et des résultats extraordinaires, mais à présent, elle laissait apparaître des signes
de déclin. Les clients dépensaient moins, la croissance était ralentie et le cours de l’action avait
baissé de plus de 40 %. Lorsqu’il visitait des Starbucks cafés, Schultz sentait que « quelque
chose d’inhérent à la marque Starbucks manquait. Une aura. Au début, je ne parvenais pas à
identifier ce que c’était. Rien en particulier ne minait l’âme de nos cafés. C’était plutôt les
conséquences involontaires de l’absence de plusieurs éléments qui avaient fait la réputation de
notre marque qui, je le craignais, la dégradait silencieusement. »
Schultz entreprit de consigner ses réflexions sur un bloc de papier, sous la forme d’un mémo
manuscrit qu’il intitula : « La banalisation de l’expérience Starbucks. » Il répertoria les récentes
avancées techniques qui affadissaient les façons de faire et les valeurs clés de l’enseigne. Les
machines automatiques à expresso amélioraient la vitesse, la régularité et le service mais au
détriment de la mystique du barman comme élément central de la théâtralisation et du côté
romantique de l’ambiance Starbucks. Les conditionnements scellés conservaient la fraîcheur du
café, mais les clients n’expérimentaient plus l’expérience ni l’arôme du café fraîchement moulu
qui se diffusait dans les cafés. La gestion des queues et l’agencement standard des espaces
augmentaient l’efficience mais au détriment de l’ambiance « cozy » d’autrefois. Schultz concluait
son mémo sur une déclaration sincère : « Il nous faut absolument revenir au cœur du métier et
entreprendre les changements nécessaires pour évoquer l’héritage, la tradition et la passion que
nous partageons tous pour l’expérience Starbucks. »
Schultz avait prévu de ne diffuser ce mémo qu’à quelques cadres dirigeants pour qu’ils y
réfléchissent mais, à son grand regret, quelqu’un le fit fuiter. À mesure qu’il se propageait sur
Internet et dans les médias, un débat houleux s’installa au sein de l’entreprise. Certains salariés
n’étaient absolument pas d’accord avec Schultz : Starbucks n’était-elle pas l’enseigne de cafés la
plus visitée au monde ? D’autres furent désorientés et blessés. Ils travaillaient dur pour améliorer
l’entreprise : Schultz prétendait-il qu’ils ne faisaient pas bien leur travail ? D’autres encore
estimaient que Schultz avait pointé quelques vérités qu’il fallait dire et dont il fallait débattre.
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La diffusion de son mémo avait pris Schultz par surprise et il subit une certaine pression pour
limiter les dégâts. Mais son texte traduisait sa passion pour Starbucks et il espérait que cela
provoquerait des échanges productifs. Dans les mois qui suivirent, ses inquiétudes sur la
direction que prenait l’entreprise continuèrent à augmenter. À chaque fois qu’il entrait dans un
Starbucks, il se désespérait de constater que l’on n’y célébrait plus le café. Cela heurtait sa
conviction qu’un véritable commerçant doit créer une espèce de magie et raconter une histoire
qui saisisse le client lorsqu’il entre dans la boutique. Les mois passèrent et Schultz voyait que
rien de substantiel ne changeait, ni au siège de l’entreprise ni dans les points de vente. « Jour
après jour, ma déception se transformait en colère, et parfois en peur que Starbucks perde toute
chance de retrouver sa magie. »
Fin 2007, les ventes affichaient des baisses de plus de 10 %. Schultz et le conseil
d’administration convinrent qu’il devait revenir au poste de PDG. Lorsqu’il le fit, en janvier 2008, il
fonça.
L’une des premières décisions de Schultz fut de fermer la totalité des 7 100 cafés américains
pour une après-midi entière qui serait consacrée à la formation des barmen. Des pancartes
affichées sur les portes indiquaient le motif de la fermeture : « Nous prenons le temps d’améliorer
nos expressos. Leur qualité demande de l’entraînement. C’est la raison pour laquelle nous nous
consacrons à parfaire notre technique. »
Quelque 135 000 employés furent ensuite à nouveau initiés à la magie d’un expresso Starbucks.
Ils s’entraînèrent à maîtriser à la perfection la réalisation d’une texture mousseuse. Mais au-delà
d’améliorer leur savoir-faire, ils furent également réinitiés à l’esprit et à la tradition Starbucks.
L’opération coûta environ six millions de dollars, mais Schultz avait l’intuition que l’investissement
en valait la peine, ne serait-ce que pour la valeur symbolique que cette formation allait produire :
effacer toutes ces années au cours desquelles l’esprit et l’âme de Starbucks avaient été sacrifiés
sur l’autel de la croissance et du profit.
De retour au siège, Schultz travailla à revenir aux fondamentaux en organisant une divertissante
séance de brainstorming avec les cadres dirigeants. Des consultants externes proposèrent
d’utiliser les Beatles comme métaphore pour générer une réflexion créative autour de quelques
questions fondamentales : Qu’est-ce que réinventer une icône ? Qu’est-ce que Starbucks
pourrait apprendre de l’histoire de John, Paul, George et Ringo sur l’innovation ? Repositionner
les problèmes à partir de la métaphore des Beatles aida les participants à imaginer de nouvelles
options et à trouver un meilleur équilibre entre la tradition et l’innovation.
Une semaine après la fermeture des magasins pour la formation des barmen, Schultz convoqua
les deux cents cadres dirigeants de Starbucks en poste dans le monde pour trois journées de
travail à l’occasion d’un Sommet du leadership. Il ouvrit la séance en rappelant que Paul
McCartney avait un jour expliqué que le début de la fin pour les Beatles avait peut-être été leur
concert au Shea Stadium de New York, devant une foule si importante et enthousiaste qu’ils ne
s’entendaient même pas jouer. Schultz transforma l’histoire en une question qui donnait le ton
des débats à suivre : « quand avons-nous cessé de nous entendre jouer ? »
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Les jours suivants, les participants au Sommet visitèrent quelques-uns des magasins de détail
les plus en vogue de Seattle et les étudièrent du point de vue du client. Ils passèrent des heures
à élaborer un programme de changement pour Starbucks.
Le point d’orgue du Sommet fut une cérémonie de réengagement envers la mission de
l’entreprise. Schultz évoqua la possibilité de modifier sa formulation pour intégrer l’idée que
Starbucks souhaitait « incarner notre passion de l’avenir et notre respect du passé. »
Il lut le préambule de cette déclaration : « La mission de Starbucks : inspirer et nourrir l’esprit des
hommes – une personne, une tasse et un quartier à la fois. » Puis, des représentants du siège et
des filiales lurent à leur tour des parties de la déclaration de mission sur le café, les partenaires,
les clients, les boutiques, les quartiers et les actionnaires. Cette lecture déclencha une réaction
émotionnelle que prolongeait l’affichage de la mission sur des colonnes géantes au bas
desquelles les plus anciens dirigeants de la marque étaient invités à apposer leurs signatures.
Des milliers d’investisseurs et de partenaires s’entassaient dans l’immense auditorium où se
tenait l’Assemblée générale des actionnaires de Starbucks en mars 2008. L’ambiance était
tendue et morose – le prix de l’action avait dégringolé et il n’y avait pas de bonnes nouvelles
prévues. Schultz y vit une opportunité pour amener les participants à renouveler leur confiance
dans l’entreprise. Il déclara d’emblée qu’il considérait inacceptables les performances de
Starbucks. Mais il soutint également que l’entreprise sortirait de cette mauvaise passe plus forte
que jamais. « C’est le moment de vous convaincre, ainsi que tous ceux qui n’ont pu être présents
ici, de vous donner toutes les raisons de croire à nouveau en Starbucks. Et c’est exactement ce
que nous allons faire aujourd’hui. » Sans perdre de temps, il pointa vers un large objet couvert
d’un drap noir qu’il fit tomber d’un geste théâtral, révélant un appareil rutilant de cuivre et d’acier :
une nouvelle machine à expresso qui ne bloquerait plus la vue entre les clients et les barmen.
Pour Schultz, cette nouvelle machine résolvait à la fois les problèmes de qualité et de théâtralité.
Une foule ravie salua l’apparition pendant qu’un barman s’affairait à préparer un café pour
Schultz.
Schultz décrivit ensuite d’autres innovations, notamment une carte de fidélité et un nouveau site
internet interactif. Les dernières annonces concernaient le café. Les participants furent invités à
tester les nouvelles variétés et assistèrent à la démonstration du nouvel appareil que Schultz
présenta comme pouvant restituer tout l’arôme du café préparé dans une cafetière « à la
française ». L’assemblée fut conclue sous les applaudissements enthousiastes des actionnaires.
En pleine crise financière de Wall Street, Starbucks publia des pertes de 7 millions de dollars
pour le troisième trimestre 2008 et dut fermer 600 boutiques. La presse économique était
unanime pour penser que les beaux jours de l’entreprise étaient derrière elle. On conseillait à
Schultz de vendre ou d’économiser quelques millions en servant un café de moins bonne qualité
au motif que « personne ne s’en apercevra. » Il était également sous pression pour renoncer à la
très coûteuse réunion bisannuelle de leadership. Starbucks avait-elle vraiment besoin de cette
conférence des cadres qui lui coûtait 30 millions de dollars ?
Pour Schultz, la question ne se posait pas. Il était convaincu qu’il n’y avait pas de meilleur
moment pour rassembler ses troupes.
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En octobre 2008, 10 000 managers furent conviés à la Nouvelle-Orléans qui se relevait
péniblement des ravages de l’ouragan Katrina. L’un des orchestres les plus célèbres de la ville
accueillait les délégations à leur arrivée à l’aéroport. Sur le chemin de leurs hôtels, des bannières
bleues et vertes suspendues aux lampadaires proclamaient CROYEZ. Dans l’immense salle qui
abritait la convention, quatre gigantesques stands ambulants déployaient des messages sur un
thème particulier : le café, les clients, les partenaires et les boutiques. Une exposition retraçait le
parcours du café depuis sa culture jusqu’à la tasse du consommateur. « Tout était interactif,
fondé sur les émotions, le sensoriel. Toute cette mise en scène racontait une histoire. »
Les dix mille employés de Starbucks n’étaient pas seulement venus pour travailler et apprendre,
ils étaient également là pour se retrousser les manches et aider à la reconstruction de la
Nouvelle-Orléans. Des équipes de travail se répandirent dans la ville pour y planter des arbres,
restaurer et repeindre des maisons, en construire de nouvelles. Sur les T-shirts on lisait un seul
slogan : EN AVANT, comme un signe de ralliement pour les employés de Starbucks et les
habitants de la Nouvelle-Orléans qui avaient besoin d’avancer dans ces temps troublés, motivés
par l’espoir et la conviction que demain serait meilleur. « C’est dans l’adversité et le changement
que nous découvrons vraiment qui et ce que nous sommes. »
À la session de clôture de la convention, dans la New Orleans Arena, Schultz admit que des
épreuves immenses attendaient l’entreprise, mais il délivra aussi un message d’espoir. Comme
Steve Jobs, Schultz aimait donner au public plus qu’il n’attendait. La surprise qu’il leur avait
réservée était un concert de Bono, le chanteur de U2, qui avait contribué à collecter plus de deux
millions de dollars pour un fonds de soutien aux sinistrés de Katrina. Sur scène, Bono avait
rejoint Schultz pour envisager un partenariat avec Starbucks destiné à lutter contre la misère et le
virus du sida en Afrique. « Les grandes entreprises, déclara Bono, seront celles qui défendront
leurs valeurs tout en recherchant le profit, des valeurs de marque qui convergeront pour créer un
nouveau modèle économique où commerce et compassion seront unis.
La réaction de l’auditoire au discours de Bono résonnait avec le thème de la convention :
« Croyez dans l’héritage et dans l’avenir de notre entreprise ». Schultz conclut par ces mots :
« s’il vous plaît, souvenez-vous de l’expérience que vous venez de vivre. Souvenez-vous de vos
émotions. Et quand vous retournerez chez vous, ne restez pas spectateur… Ne laissez pas la
pression quotidienne, jamais, effacer l’émotion, les sentiments et le pouvoir qu’à 10 000 vous
avez chacun, individuellement, ressentis ces derniers jours.
Les initiatives symboliques de Schultz ont contribué à repositionner la stratégie de Starbucks et à
remotiver ses salariés. La convention de la Nouvelle-Orléans est intervenue au moment même
où l’entreprise affichait ses plus mauvais résultats après deux ans de déclin. Après ses pertes de
2008, Starbucks réalisa deux ans plus tard un chiffre d’affaires et des profits record
(10,7 milliards de dollars de CA et 1,4 milliard de dollars de bénéfices), conserva sa place dans le
classement établi par le magazine Fortune des 100 entreprises où il était le plus agréable de
travailler et poursuivit ses efforts en faveur du développement responsable et équitable pour les
producteurs de café. Un analyste évoqua le plus remarquable retournement de situation qu’il
avait eu à connaître. Depuis, Starbucks a poursuivi son ascension en chiffre d’affaires comme en
résultats. Au deuxième trimestre 2012, ses bénéfices étaient en hausse de 15 %, et Schultz fut
élu Manager de l’année par le magazine Fortune.
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Il n’est pas facile de voir la culture lorsque l’on en fait partie intégrante. Fondamentalement, la
culture c’est « la façon dont nous faisons les choses » ou « ce qui fait que le groupe continue
d’avancer à peu près dans la même direction ». Schultz a été capable de prendre du recul pour
observer la culture de Starbucks en se concentrant sur les fils symboliques qui, tissés ensemble,
forment une entreprise ayant du sens. Ces fils étaient, entre autres, la tradition, les valeurs, les
héros, les rites, les cérémonies, les histoires et un réseau d’acteurs informels. Pour retisser la
tapisserie Starbucks, Schultz s’est appuyé sur le pouvoir mystique de tous ces fils symboliques.
Les leaders comme Howard Schultz dirigent à la fois par l’action et par la parole. Ils interprètent
les événements pour communiquer le sens et l’objectif en verbalisant la beauté et la passion.
Franklin D. Roosevelt est parvenu à rassurer une nation prise dans la tourmente d’une profonde
dépression économique en déclarant que « la seule chose dont nous devons avoir peur, c’est la
peur elle-même ».
Le leadership symbolique naît avec la foi et la passion du leader.
Schultz avait fait une belle carrière dans la vente, d’abord dans le domaine des photocopieurs
puis dans celui des produits pour la cuisine. Mais il n’a vraiment éprouvé la passion que lorsqu’il
a savouré son premier expresso et fait l’expérience du rituel du café à Milan. Fort de cette
passion, il a développé une grande entreprise, utilisant intuitivement les voies de la magie
qu’empruntent naturellement les leaders symboliques.
Les leaders symboliques respectent et utilisent l’Histoire
Les leaders qui pensent que l’histoire commence à leur arrivée se trompent sur le contexte et
s’attirent des inimitiés. Les plus sages étudient l’histoire et lient leurs initiatives aux valeurs, aux
légendes et aux héros du passé. Lorsque les fondateurs de Starbucks tournèrent en dérision le
projet qu’avait Schultz de recréer aux États-Unis l’expérience italienne de l’expresso, il quitta
l’entreprise pour créer sa propre affaire, Il Giornale. Ce fut un succès, mais son instinct lui disait
qu’il avait besoin de la profondeur historique de Starbucks, de la « qualité mystique » de cette
marque. Starbuck est le nom du quartier-maître du Pequod, le baleinier du Moby Dick de Herman
Melville. Schultz parvint à convaincre les fondateurs de Starbucks de lui vendre ce qui était alors
une petite mais très profitable chaîne de magasins de Seattle.
Les leaders symboliques interprètent les événements
Dans un monde incertain et ambigu, l’une des fonctions clés du leadership symbolique consiste à
proposer des interprétations plausibles et porteuses d’espoir des événements. John Fitzgerald
Kennedy a canalisé la fougue de la jeunesse américaine vers les Peace Corps et d’autres
missions en déclarant dans son discours inaugural : « Ne vous demandez pas ce que votre pays
peut faire pour vous. Demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays. »
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Lorsque Schultz a commencé à développer sa petite entreprise, beaucoup de gens lui ont dit qu’il
était fou de penser que les Américains dépenseraient 1,50 dollar pour un expresso. Mais pour lui,
Starbucks était plus que du café. C’était un « troisième lieu », entre la maison et le bureau, « un
espace social mais aussi personnel où les gens peuvent se rencontrer et se retrouver euxmêmes. » En réinterprétant le sens et les possibilités qu’offrait un espace aussi banal qu’un café,
Schultz exprimait sa vision de ce que font les grands commerçants : « nous prenons quelque
chose d’ordinaire et nous lui apportons de l’émotion et du sens, puis nous racontons son histoire,
encore et encore, parfois sans prononcer le moindre mot. » Boire une tasse de café chez
Starbucks, c’est « savourer l’expérience Starbucks. »
Les leaders symboliques développent et communiquent une vision positive
L’une des façons dont un leader peut interpréter les événements consiste à distiller et diffuser
une image convaincante et positive de l’avenir. Une vision doit prendre en compte tout à la fois
les défis du présent ainsi que les espoirs et les valeurs de ceux à qui elle s’adresse.
D’où vient cette vision ? Une hypothèse serait que les leaders la développent puis persuadent les
autres de l’accepter. Si nous regardons Howard Schultz, nous comprenons que la réalité est plus
subtile. Schultz ignorait qu’il voulait travailler dans le domaine du café avant de goûter son
premier expresso, et son image des cafés comme des lieux d’échange et de sociabilité n’a
commencé à prendre forme que lorsqu’il en a fait l’expérience en Italie. La magie de Schultz vient
de sa capacité intuitive à construire une vision à partir d’éléments qui existaient auparavant mais
de façon dispersée et non organisée. Le leadership est une rue à double sens. Ni le charisme ni
la rhétorique ne peuvent communiquer une vision qui n’a de sens que pour ceux qui en font la
promotion. Les leaders jouent un rôle déterminant d’articulation d’un rêve partagé en distillant un
mélange unique, personnel, d’histoire, de poésie, de passion et de courage.
Les leaders symboliques dirigent par l’exemple
Ces leaders font la démonstration de leur engagement et de leur courage en montant au
créneau. En prenant des risques, sans retenue, ils rassurent et inspirent les autres. Dans le
chapitre précédent, nous avons vu que Anne Mulcahy avait pris la présidence de Xerox en 2001
lorsqu’il y avait le feu dans l’entreprise et que bien peu pensaient qu’elle avait une chance
d’éteindre l’incendie. Ses conseillers financiers lui disaient que la faillite était sa seule option.
Mais elle était déterminée à sauver l’entreprise qu’elle aimait et elle devint cette infatigable et
visible icône travaillant inlassablement à fédérer les soutiens dont elle avait besoin pour que
Xerox soit à nouveau une entreprise qui gagne. Lorsqu’Howard Schultz revint aux commandes
de Starbucks après huit ans de retrait, il s’immergea dans l’entreprise qu’il aimait – non pas par
devoir, mais parce qu’il savait que son intuition et son exemple déclencheraient l’étincelle dont
l’entreprise avait besoin. Sa passion et son obstination ont fait passer le message chez Starbucks
que l’entreprise pouvait et allait retrouver son âme.
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Les leaders symboliques sont des conteurs
Howard Schultz a décrit Starbucks comme un « héritage vivant » qu’il souhaitait dédier à la
mémoire de son père. Les histoires qu’il raconte de sa jeunesse désargentée dans la banlieue de
New York sont le ferment des valeurs et de la culture qu’il a imprimées à Starbucks. Il n’a jamais
oublié qu’en 1961, il avait 7 ans, son père s’est cassé une cheville au travail. Fred Schultz n’avait
jamais aimé son travail de livreur pour une entreprise de teinturerie, mais il se trouvait alors dans
l’incapacité de travailler, sans revenu et sans assurance. Howard Schultz était convaincu que son
père méritait mieux. Même lorsque Starbucks perdait de l’argent, les premières années, Schultz
tenait à ce que les salariés disposent d’une assurance maladie et puissent avoir accès au capital.
Lorsque l’activité ralentissait, les actionnaires et les analystes le pressaient d’améliorer le compte
de résultats en réduisant les cotisations d’assurance. Schultz s’y est toujours opposé. Dans son
esprit, une entreprise ne peut être grande que si elle offre à ses employés les avantages et la
fierté que son père n’a jamais connus.
Des histoires de ce genre abondent dans les entreprises qui obtiennent les meilleurs résultats.
Les employés de la chaîne d’hôtels Ritz-Carlton par exemple, reconnue pour ses très hauts
standards de service au client – « Ladies and Gentlemen serving Ladies and Gentlemen » – ont
constamment sur eux une liste de « valeurs du service » et doivent faire porter leurs efforts
particuliers sur l’une d’elles choisie chaque jour. Leurs fréquentes « revues de service » sont des
rituels destinés à renforcer l’importance de cette notion de service au cours desquels ils
partagent leurs expériences et les événements qui les ont amenés à faire le maximum pour
satisfaire les clients.
Par exemple, de retour chez elle une famille qui avait séjourné dans un des hôtels de la chaîne
s’est aperçue que Jojo, la peluche de leur plus jeune enfant, avait été oublié dans une chambre.
Ils envoyèrent un message à la réception qui le fit passer au personnel. La chambre, la buanderie
puis les sous-sols furent fouillés et lorsque la peluche fut retrouvée, une employée la prit en
photo dans différents endroits de l’hôtel – la cuisine, le hall, le bar, etc. – avant de la renvoyer aux
parents avec un mot qui précisait que « Jojo s’était bien amusé et s’était fait beaucoup d’amis ».
La petite fille était aux anges et ses parents n’imaginent pas réserver dans un autre hôtel.
Ces histoires ont un réel impact parce qu’elles sont plus vraies que nature. Nous sommes enclins
à les croire plutôt qu’à en mettre en doute la véracité.
Les leaders symboliques organisent des rituels et des cérémonies
Les rituels et les cérémonies sont des moments privilégiés dans la vie d’un groupe. Les gens y
échangent des histoires, se rapprochent les uns des autres, renouvellent leur engagement
envers les valeurs culturelles. Schultz a beaucoup utilisé ces occasions pour restaurer les liens
de son entreprise avec ses racines culturelles et son dynamisme. Rappelez-vous que sa
première mesure a été de fermer des cafés Starbucks pour « rééduquer » les barmen. Ces
derniers sont en première ligne, en contact direct avec la clientèle, au cœur de ce que Jan
Carlzon de SAS appelait « Le Moment de Vérité ».
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Schultz n’avait pas conçu cette opération sur le mode d’un programme de formation technique
mais plutôt comme une opportunité pour les barmen de retomber amoureux du café, de retrouver
la passion de servir chacune des tasses de café qui leur était commandée. Lorsque ces
employés de première ligne furent remotivés, Schultz organisa une série d’événements spéciaux,
en commençant par le sommet de la hiérarchie pour finir par l’opération démesurée de la
Nouvelle-Orléans et ses dix mille responsables de points de vente. Toutes ces manifestations
avaient pour objectif de retrouver l’âme, l’esprit de l’entreprise.
Conclusion
Les leaders symboliques injectent de la magie dans les organisations en puisant dans leur
interprétation subjective de la tradition, des valeurs partagées, des héros, des rituels, des
cérémonies et des histoires. Ils sont les icônes qui incarnent l’esprit et les valeurs du groupe. Les
gens cherchent à donner du sens à leur travail, à associer le profit et la compassion, le
portefeuille et le cœur. Ils veulent marquer leur différence et peuvent trouver ce qu’ils cherchent
dans les entreprises dont la culture active et fédératrice imprime du sens, de la vie et de l’espoir
dans chaque action quotidienne.
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