Memoire_enjeux_cyber

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Memoire_enjeux_cyber
Les enjeux juridiques du harcèlement
à l’ère du numérique :
quand le cyber-harcèlement devient
réel
Mémoire de fin d’études soutenu par Madame Laëtitia
TAZIAUX
Sous la direction de Madame Myriam QUÉMENER, Directeur
de mémoire et de Monsieur Thomas SAINT-AUBIN, Directeur
de mémoire
Master 2 Droit du numérique –Administration – Entreprises
Année 2012-2013
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier chaleureusement Madame Irène BOUHADANA et Monsieur
William GILLES pour l’expérience enrichissante et pleine d’intérêt que m’a offert
cette année de Master 2. Je vous témoigne ma reconnaissance pour m’avoir
sélectionnée dans la liste des étudiants acceptés dans notre formation. Merci pour la
transmission de vos savoirs respectifs, votre écoute, vos conseils et plus généralement
pour notre vie professionnelle future.
Je tiens à remercier sincèrement Monsieur Thomas SAINT-AUBIN et Madame
Myriam QUÉMENER de m'avoir fait l'honneur d’être directeurs de ce mémoire. Vous
vous êtes montrés à l’écoute et très disponibles durant toute la réalisation de mon
mémoire. Merci pour l’encadrement, le soutien et les conseils qui ont été une aide
précieuse et indispensable à la rédaction et l'aboutissement de cette étude.
Je tiens à exprimer ma reconnaissance à toutes les autres personnes qui ont participé à
mon année et qui ont aussi contribué indirectement à l’élaboration de ce mémoire
notamment le personnel de l’université de Paris 1. En ce sens, j’adresse une pensée à
tous mes camarades de promotion, qui ont animé cette année.
Je tiens à remercier spécifiquement l’équipe juridique du service contentieux SFR
pour la relecture. Je remercie chaleureusement Elisabeth DUVAL, Armelle BARON
et Emmanuelle MATIGNON qui ont tout mis en œuvre dans le sens d’une réussite
universitaire, notamment des relectures et des conseils bienveillants. L’alternance a
changé mon regard d’étudiante sur la sphère professionnelle. Plus encore, grâce à mes
encadrantes, j’ai ce sentiment d’avoir un regard de juriste junior sur mes
responsabilités académiques. SFR aura toujours une place privilégiée dans cette
dernière année d’études et dans ma carrière, et plus encore dans ma vie personnelle.
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
Résumé :
Le cyber-harcèlement est une illustration de la société de l’information qui a réactualisé des
comportements traditionnels. Représentatif d’un phénomène anxiogène, il réunirait même le
pire des deux univers : le réel et le virtuel. Notion aux contours juridiques encore obscurs, le
cyber-harcèlement présente plusieurs visages et s’est immiscé dans toutes les sphères. Mais,
il est plus qu’une transposition du réel via l’utilisation d’un terminal technologique. Ses
contours sont encore peu délimités par les textes, même s’il est au cœur de nouveaux enjeux,
notamment ceux induits par la viralité sociale ou le droit à l’oubli. Le cadre juridique actuel
est confronté à un phénomène inédit. Les outils de lutte existent même si de nombreuses
difficultés se posent pour une véritable réponse pénale. La répression se combine à la
prévention pour pallier les conséquences du cyber-harcèlement, encore considéré comme un
phénomène marginal.
Summary:
Cyber buylling is an illustration of the society of information that revived traditional
behaviours. Representing a worrisome phenomenon, it joins together the worse of two
worlds: real life and virtual reality. Cyber buylling is a concept with blurred legal outlines, is
multifaceted and interferes in all spheres. But this is more than a transposition of reality
through the use of a technological means. Its limits are still not very clear in texts, even
though it is at the heart of new issues, notably those led by social virulence or the right to
forget. The legal context nowadays is facing a new phenomenon. Ways of fighting exist
even if many difficulties arise in order to get a real penal answer this responsibility combines
with prevention through actions of institutional actors and is being adopted daily. Repression
combines with prevention in order to proceed in stages with the consequences of cyberbuylling still considered as a marginal phenomenon.
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
SOMMAIRE
INTRODUCTION
PARTIE 1 : LE CYBER-HARCÈLEMENT, UN COMPORTEMENT ISSU DU
VIRTUEL
CHAPITRE 1 : LA COMPLEXITÉ DES CONTOURS JURIDIQUES DU
CYBER-HARCÈLEMENT
Section 1 : Une définition autonome floue
Section 2 : Des comportements multiformes
CHAPITRE 2 : LES PROBLÉMATIQUES AU CŒUR DU CYBERHARCÈLEMENT
Section 1 : Le harcèlement dépassé par le cyberespace
Section 2 : Cyber-harcèlement et droit à l’oubli
PARTIE 2 : LE CYBER-HARCÈLEMENT, UN PHÉNOMENE A COMBATTRE
DANS LE RÉEL
CHAPITRE 1 : DES RESPONSABILITÉS RÉELLES
Section 1 : Les tentatives de poursuites pénales contre le cyber-harceleur
Section 2 : La responsabilité du réseau social
CHAPITRE 2 : UNE PRÉVENTION EN CONSTRUCTION
Section 1 : La réponse institutionnelle
Section 2 : Les actions de prévention
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
SITOGRAPHIE
GLOSSAIRE
INDEX
ANNEXES
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
Au printemps 2003, Ghyslain Raza se filme à l’école en train d’imiter un chevalier
Jedi de la saga Star Wars. Amusement ordinaire pour un adolescent de 14 ans, la
vidéo s’est ensuite retrouvée, à son insu, sur le Web quelques mois plus tard.
Dix ans plus tard, cette vidéo à l’origine privée, est toujours disponible sur le Web et
enregistre plus d’un milliard de vues. Victime de harcèlement à l’école et en ligne,
Ghyslain Raza a dû quitter son établissement scolaire.
« Je ne pouvais pas m’empêcher de penser que je ne servais à rien. Il n’y a aucune
limite sur Internet. C’était comme du poison.
C’était une période très difficile. Je n’étais pas “Monsieur Populaire” à l’école, je
n’avais pas 350 amis et, dans le tourbillon, j’ai perdu de vue ceux que j'avais. Il n’y
avait que mes parents et mes avocats autour de moi. Mais leur présence a été
fondamentale pour survivre à l'ouragan ».1
1
http://www.lactualite.com/societe/le-retour-du-star-wars-kid/ (consulté le 1er juin 2013)
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Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
INTRODUCTION
1
L’opposition du virtuel et du réel est devenue courante dans le langage, à tel point qu’une
frontière matérielle existerait. À notre sens « rien n’est plus faux »2. À l’instar du chômeur
qui cherche un emploi ou du célibataire qui sollicite les conquêtes virtuelles, le monde
d’internet n’est plus du virtuel mais une extension du réel. La connexion n’a pas changé
l’espace réel mais a étendu sa dimension sociale, sa temporalité.
Du latin « realis », la chose, le réel relève de ce qui existe indépendamment de l'esprit
humain. Il renvoit au monde des biens, celui des choses palpables. Il se réfère au monde
traditionnel, cette sphère où les contacts humains passent par le physique et le visible. Paul
Valéry l’a imagé de façon synthétique en affirmant que « ma main se sent touchée aussi bien
qu’elle touche. Réel veut dire cela, rien de plus »3.
Le virtuel vise le monde de l’immatériel insaisissable. Ce terme n’est pas apparu avec les
nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) dans le langage
juridique. Toutefois, il ne s’agit pas ici du virtuel au sens de futur certain 4, celui qui n’est pas
encore constitué. L’écoulement du temps ne permet pas de le saisir, l’attente n’amènera pas
sa matérialité, il reste et demeure invisible. C’est la notion de NTIC qui a mis spécialement
en avant le terme de virtuel. Ainsi, cet acronyme regroupe les techniques utilisées dans le
traitement et la transmission des informations, principalement de l'informatique, de l'Internet
et des télécommunications. Ici, il sera entendu au sens d’outil et des techniques relatives à
l’informatique connectée à l’internet. Ce qui se passe dans la sphère des NTIC n’est pas
palpable. L’explosion de l’usage numérique a amené une fluidité sans précédent des
échanges, qu’ils soient positifs ou néfastes.
Entre ces deux mondes, le physique et l’invisible, la personne est la passerelle. Terrain
2
3
4
FOGEL JF., PATINO B., La Condition numérique, Grasset, Avril 2013, 216 pages
VALÉRY P., Mon Faust, in Œuvres II, , Éditions Gallimard, 1960, Collection Pléiade, Paris
En droit des obligations, l’exécution de l’obligation est virtuellement présente dans le contrat formé.
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neutre, internet est alors témoin des relations d’individu à individu. Le réseau est un
territoire, une cible potentielle d’actions hostiles qu’il convient de protéger. Comme dans le
réel, des dérives, parfois via le comportement humain sont possibles. Réel, mais spécial, le
réseau doit être confronté au monde juridique. Plus encore, pour ne pas être dépassé le droit
a le devoir de se l’approprier.
Le monde juridique traditionnel diffère a priori du monde de l’internet, qui repose sur la
créativité de l’immatériel. Le réseau et le réel sont présentés comme rivaux, en face-à-face,
alternatifs l’un à l’autre. Cependant, le monde virtuel n’est pas un univers supplémentaire,
miroir. Il n’est que la prolongation du monde réel.
La société n’est pas encore entrée dans une ère où il n’existerait que la communication
numérique offerte par la sphère virtuelle. Toutefois, l’époque est neuve, elle ne laisse plus de
répit. La connexion au numérique y est permanente. À portée d’une connexion internet, d’un
accès à un réseau social, le réseau numérique façonne notre quotidien. Les nouveaux usagers
de l’internet se comptent en milliards. La généralisation de la connexion internet via de
nouveaux supports, tel que le téléphone, a affranchi l’user-net de la connexion sur un
ordinateur sédentaire. La connexion est désormais aussi mobile que la personne. D’un outil
de socialisation, les technologies numériques amplifient des problématiques déjà présentes
dans les médias traditionnels en bouleversant les repères habituels.
En conséquence, les NTIC se sont intégrées dans tous pans de la société. La vie publique se
développe vers l’e-gouvernement, le mail a remplacé le fax dans la vie professionnelle et les
sites de rencontres ont envahi la vie privée.
De plus, les consommateurs créent et diffusent information et désinformation, et ce avec et
une opinion comme jamais défendue auparavant. Le réseau internet a vu l’essor des
possibilités offertes à l’internaute, qui est devenue un acteur incontournable. Néanmoins,
dans le monde irréel, le réseau internet voit rejaillir les mêmes dérives que celles de la
société réelle.
Afin d’éviter tout amalgame, il faut préciser qu’internet, les réseaux sociaux et les
téléphones portables ne sont pas à la base générateurs de danger et que la technologie est
neutre.
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L’analyse part du constat que face aux problèmes juridiques, de fortes similitudes existent
entre mondes réel et virtuel. Les problèmes juridiques rencontrés dans le monde virtuel se
retrouvent généralement dans ceux du réel. Aujourd'hui, les effets de l’internet ne sont plus
nouveaux dans la société mais ne sont pas pour autant maîtrisés.
La production et la distribution d’informations sur le réseau sont à très faibles coûts absence de coût économique pour les réseaux sociaux mais coût par exemple en termes de
temps et d’investissement. Si l’information apparaît facilement modifiable ou manipulable,
qu’en est-il lorsque l’internaute détient la volonté de nuire à autrui ? La problématique du
harcèlement n’est pas nouvelle. Or, le nouveau visage de la société, en tant que société de
l’information et de la communication, ne favorise-t-elle pas l’adoption de tels
comportements ?
Le harcèlement est un enchaînement d'agissements hostiles dont la répétition affaiblit
psychologiquement l'individu qui en est victime. Il peut s’agir de harcèlement moral, comme
des insultes ou des menaces, ou d'agressions physiques chez un ou plusieurs individus. Ces
derniers étant parfois différenciés à cause de leur couleur de peau, leur religion, leur genre,
leur sexualité ou autres différences liées à leur capacité physique ou mentale.
L’information et la communication sont des moyens utilisées pour harceler des individus.
C’est alors une atteinte aux intérêts extrapatrimoniaux des droits de la personne. Si le
harcèlement existait bien avant l’avènement des réseaux sociaux numériques, c’est internet
qui lui a donné une nouvelle dimension ; plus d’outils, plus de prises de contact possibles,
plus de rapidité. En ce sens, la sphère de l’internet créé du droit dès lors qu’il est le siège
d’interactions humaines. Des règles de conduite doivent ainsi être définies et appliquées dans
les interactions entre les membres de tout groupe humain.
Cet espace virtuel ne connait pas les frontières judiciaires, ce qui implique la question des
moyens légaux de protection et les interventions possibles pour prévenir et lutter contre le
cyber-harcèlement ? Le constat d’une adaptation des solutions traditionnelles conçues pour
l’environnement matériel à un environnement totalement dématérialisé est-il alors un constat
d’échec ?
Dans un certain sens, le cyber-harcèlement est significatif d’un phénomène anxiogène
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important, ce dernier réunirait le pire des deux univers, le réel et le virtuel.
Le mot « danger » sur internet amène généralement à penser aux risques liés à la
pornographie infantile et aux prédateurs sexuels. Mais la pratique de l’individu sur internet
ne crée-t-elle pas, peu à peu, de nouveaux dangers ?
Le terme cyber-harcèlement sera entendu comme le harcèlement via l’utilisation d’un outil
technologique. L’accent sera davantage porté sur la connexion internet puisqu’elle est
devenue indépendante du terminal. De fait, auparavant, internet était lié à un ordinateur fixe
accompagné de son modem dans un mobile. Aujourd’hui, la connexion est permanente,
internet n’est dorénavant plus lié à un terminal précis5.
Certaines hypothèses doivent d’ores et déjà être exclues de l’analyse. Ainsi, ne sera pas traité
ce qui est qualifié de « harcèlement numérique ». Le harcèlement virtuel n’est pas synonyme
de harcèlement numérique, notion qui vise les limites entre la défiance et le progrès apporté
par les NTIC 6 . Il ne sera pas non plus abordé le harcèlement téléphonique, au sens de
démarchage, lequel est régi par un dispositif législatif spécifique. En outre, la nouvelle
technologie n’est pas ici l’objet de l’infraction 7 mais un moyen de la commettre en
augmentant son efficacité. Enfin, il ne sera pas étudié le cyber-harcèlement dit physique, en
ce sens qu’il prend la forme d’une intrusion virtuelle dans un système, excluant tout contact.
La France n’a pas encore le même recul que d’autre pays face au cyber-harcèlement. Ces
dérives sont apparues plus tôt dans les pays anglo-saxons8, qui ont proposé divers travaux.
Ainsi, dans l’appréhension du cyber-harcèlement, ces études sont les plus avancées.
La Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) a traduit le terme anglo-saxon
consacrée de cyberbuylling en français par harcèlement virtuel ou cyber-harcèlement9. En
principe, les deux notions sont considérées comme synonymes10. Mais, des termes sont aussi
utilisés comme le cybermobbing ou la cyber-intimidation.
5
Ordinateurs portables, téléphones, tablettes
GIROT J-L, Le harcèlement numérique, Paris, Dalloz, 2005
7 Comme les infractions au système de traitement automatisé des données
8
Notamment États-Unis et Canada
9
Http://www.cnil.fr/linstitution/actualite/article/article/le-harcelement-sur-internet-en-questions (consulté le
7 juin 2013)
10
http://news.skppsc.ch/fr/2012/02/02/faq-existe-il-une-difference-entre-cyber-harcelement-cybermobbing-etcyberintimidation-cyberbullying/ (consulté le 7 juin 2013)
6
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Pour comprendre précisément le cyber-harcèlement, il faut revenir au mot anglais bullying.
Il signifie brimer ou rabaisser. Ce mot met l’accent sur l’action. Le verbe to mob quant à
lui signifie héler, attaquer, harceler ou s’en prendre à autrui. C’est la situation de déséquilibre
entre la victime et les auteurs, qui est placée au premier plan. Une distinction supplémentaire
dans l’utilisation des deux termes est faite par rapport à l’action. En effet, le mobbing est
plus souvent utilisé dans le milieu du travail, tandis que bullying est davantage employé dans
le contexte scolaire. L’idée prédominante de cyberbuylling se traduit par le terme de cyberharcèlement en France et en Belgique, alors que celui de cyber-intimidation est consacré au
Canada. Ici, il sera retenu le terme de cyber-harcèlement.
Selon une étude de janvier 2012, en France, 6% des 9-16 ans se disent victimes de l’une de
ces formes de cyber-harcèlement11 et 9% des collégiens disent avoir été insultés, humiliés ou
affublés d’un surnom méchant via des SMS ou internet, Une enquête belge12 relève quant à
elle que la moitié des enfants a déjà été victime, au moins une fois, d’un comportement
cyber-harcelant. Un jeune sur cinq en aurait été l’auteur. Le phénomène connait un pic chez
les jeunes entre douze et quinze ans13. L’âge moyen de la première connexion à Facebook est
aujourd’hui à neuf ans14. Phénomène international, les autres pays connaissent son existence.
En Australie 14% des élèves de l’enseignement secondaire (13-14 ans) ont déjà été victimes
de cyber-harcèlement, aux États-Unis, 11%15, au Royaume-Uni 22%16 et 17% aux Pays bas17.
Difficilement quantifiable, difficilement recensable, le harcèlement virtuel n’a pas atteint le
niveau du harcèlement classique18. Mais ce phénomène s’accentue19 et se développe chaque
11
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19
EU Kids Online, janvier 2012
H.,Vandenbosch, K.,Van Cleemput, D.,Mortelmans, M.,Walrave, “Cyberpesten bij jongeren in Vlaanderen”,
studie in opdracht van viWTA, Brussel,(2006), 172-173, reprise dans le dossier belge « stop au cyberharcèlement »
H.,VANDESBOSCH, K.,VAN CLEEMPUT, D., MORTELMANSs, M.,WALRAVE, “Cyberpesten bij
jongeren in Vlaanderen”, studie in opdracht van viWTA, Brussel,(2006)
Étude EU Kids online menée dans vingt-cinq pays européens sur les habitudes des 9-16 ans
Chiffres issus de l’observatoire des droits de l’internet belge
Chiffres issus de l’observatoire des droits de l’internet belge
Chiffres issus de l’observatoire des droits de l’internet belge
http://www.eurekalert.org/pub_releases/2012-08/apa-clf080412.php, consulté le 7 juin 2013
Méta-analyse de l’ampleur internationale du cyber-harcèlement de deux auteurs américains David
FERDON et FELDMAN
5
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
jour un peu plus20. À quand remonte ce phénomène ?
Déjà connu aux États-Unis sous le nom de cyberbuylling, le cyber-harcèlement a contaminé
la France depuis la fin 2011 devenant même « le problème numéro un des usages que font les
jeunes d’internet »21. « On a l’impression que la cyber-intimidation, c’est nouveau et récent
parce qu’on en entend parler davantage […] En fait, le phénomène existe depuis plus d’une
quinzaine d’années »22. Si « on ne sait exactement ni quand la cyber-intimidation a vu le
jour, ni où »23 , le phénomène coïncide avec l’essor d’internet. Des affaires marquantes ont
d’ailleurs mis ce phénomène sous la lumière médiatique24.
Aussi, il nous faut nous demander dans quelle mesure le cyber-harcèlement est-il différent
du harcèlement ? Ainsi, quelle protection de l’individu face au cyber-harcèlement ? Quels
moyens faut-il employer pour lutter contre le cyber-harcèlement ?
Répondre à ces questions, cela signifie qu’il faut appréhender le cyber-harcèlement en tant
que phénomène issu du virtuel (partie 1). Puis, dans un second volet, il faut s’intéresser au
cyber-harcèlement en tant que véritable danger dans le réel, ce qui implique qu’il doit être
combattu (partie 2).
20
21
22
23
24
Conférence de clôture sur le cyber-harcèlement, Bratislava 7 juin 2010
Justine ATLAN, directrice de l’association e-enfance
Eric CADOTTE, agent aux relations communautaires et médias du service de police de Mont-Tremblant
(Canada),
http://www.pointdevuemonttremblant.com/Actualites/2013-04-08/article-3215786/Les-jeunesont-un-code-dhonneur,-ce-nest-pas-cool-den-parler-aux-adultes--Agent-Eric-Cadotte/1 (consulté le 7 juin
2013)
Protection contre la cyber-intimidation, rapport du conseil fédéral (suisse), 26 mai 2011
Amanda TODD, 12 ans, a accepté de montré sa poitrine à une jeune par webcam interposées. La maladresse
immortalisée par l’anonyme pour un harcèlement moral qui se sera étendue sur des mois. Via Facebook, il
retrouve son identité réelle puis menace de diffuser la photo, menaces mises en application. Répudiée de
tous, elle appellera à l’aide en vain. Après trois années de calvaire, elle se suicide.
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PARTIE 1 :
LE CYBER-HARCÈLEMENT, UN
COMPORTEMENT ISSU DU VIRTUEL
Il est essentiel de savoir si le harcèlement virtuel est un simple dérivé du harcèlement au sens
classique, et peut y être assimilé. Les similitudes sont frappantes. Ainsi, les conséquences de
ces comportements peuvent être importantes et graves. Si la forme de l’agression est
différente, les effets et conséquences restent les mêmes. Comme dans la vie « IRL »25, ce qui
est vécu « en ligne » est réel. Nos relations sont réelles, nos échanges sont réels et les
agressions sont réelles – même si elles peuvent sembler abstraites. Les répercussions de ces
attitudes sont multiples : de l’intimidation, du dommage affectif au suicide. Le scénario le
plus extrême qui existe tant pour le harcèlement moral que pour le cyber-harcèlement, est
celui du suicide. Dans le cadre professionnel, les suicides sont déjà une réalité comme cela a
notamment été démontré lors de l’affaire impliquant l’entreprise France Telecom dans le
cadre d’un présumé harcèlement managérial. Au même titre que le harcèlement moral, il ne
faut pas stigmatiser les victimes de ce comportement. Même si les conséquences sont
identiques, les modalités du comportement apparaissent distinctes. Le débat est au centre de
l’actualité. Assimiler les nouveaux réseaux sociaux au responsable du cyber-harcèlement
n’est pas opportun au sens où il existait déjà il y a quelques années des plateformes
d’échanges26, semblerait trop restrictif. Pour appréhender ce phénomène qui est présent dans
le monde virtuel, il convient de s’attarder sur cette notion (chapitre 1). Notion complexe,
elle se trouve au cœur des problématiques liées à la société de l’information (chapitre 2).
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In real life
Caramail ou skyblog
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CHAPITRE 1 : LA COMPLEXITÉ DES CONTOURS
JURIDIQUES DU HARCÈLEMENT VIRTUEL
La définition juridique du cyber-harcèlement est encore opaque (section 1). Cette
complexité de la difficulté d’appréhension du phénomène se justifie par la multitude de
comportements multiformes (section 2).
SECTION 1 : UNE DÉFINITION AUTONOME ENCORE FLOUE
La norme juridique française ne définit pas cette nouvelle réalité. Seules des institutions se
sont prononcées sur ce phénomène récent (I). Ainsi, l’approche juridique doit être complétée
(II).
I. Une multitude de définitions dans les sphères para-juridiques
La littérature internationale, notamment anglophone, a une vision précise du cyberharcèlement. En France, les études relatives à ce thème ont commencé dans les années 2010.
Les travaux sont particulièrement poussés notamment au vu du nombre important d’affaires
connues dans les pays d’Amérique du Nord. En l’absence de jurisprudence française, fournir
une définition précise apparaît délicat. Même si des définitions via des institutions existent
(A), les sphères para-juridiques et/ou internationales offrent des travaux plus aboutis (B).
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A. Les définitions institutionnelles
La France (1) et l’Union Européenne (2) ont proposé des définitions différentes.
1) En France
La Commission Nationale Informatique et Liberté définit le du cyber-harcèlement comme :
« tout ce qui est préjudiciable à l’identité numérique d’une personne est considéré comme
du harcèlement virtuel »27. Cette définition apparaît comme extrêmement large.
La définition du site netecoute du ministère de l’éducation nationale semble plus intéressante
puisqu’elle permet de cerner de façon plus précise cette notion : « le cyber-harcèlement est le
fait d’insulter ou de se moquer de quelqu’un de façon répétée par internet ou en utilisant le
téléphone ». Il est important de noter que cette définition s’inscrit dans la même lignée que la
définition donnée par Justine Atlan28 qui distingue trois critères au cyber-harcèlement : « la
volonté de nuire à quelqu’un », la répétition de cette volonté et l’acte en lui-même.
Toutefois, ces deux explications apparaissent trop larges pour pouvoir être spécialement
pertinentes d’un point de vue juridique.
2) Au niveau européen
L’European Data Protection Supervisor est une autorité de contrôle indépendante dont
l’objectif est de protéger les données à caractère personnel et la vie privée ainsi que de
promouvoir les bonnes pratiques dans les institutions et organes de l’Union Européenne.
Selon le contrôleur européen adjoint de la protection des données, Monsieur Giovani
Buttarelli, définit le harcèlement comme « un comportement indésirable ou malvenu pouvant
aller de la remarque déplaisante à une violence physique. Lorsque les technologies de
l’information et de la communication sont utilisées pour harceler les individus, on parle de
27
28
http://www.cnil.fr/linstitution/actualite/article/article/le-harcelement-sur-internet-en-questions/, (consulté le
14 mai 2013)
Directrice de l’association e-enfance
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cyber-harcèlement » 29 . Par cette définition, le support technologique n’est alors qu’une
modalité du comportement.
Le groupe COST IS0801, programme intergouvernemental pour la coopération européenne
en science et technologie qui travaille sur le cyber-harcèlement 30, rassemblant 28 pays a
diffusé les résultats de ses travaux lors de la conférence internationale sur le cyberharcèlement à l’école des 28 et 29 juin 2012.
Les définitions évoquées retiennent comme concept unique les moyens de communications
électroniques. Le critère de l’utilisation d’un terminal technologique est central mais d’autres
apports sont à considérer.
B. Des définitions plus abouties à l’international
Il faut reprendre la définition du harcèlement traditionnel (1) et analyser les définitions
proposées à l’international (2).
1) L’apport de la définition du harcèlement classique
Le professeur Dan Olweus 31 a théorisé trois composantes au harcèlement traditionnel en
milieu : un comportement agressif qui implique des actions indésirables, négatives, un
modèle de comportement répété au fil du temps et un déséquilibre de pouvoir ou la force32.
Sur ce modèle, le cyber-harcèlement serait l’utilisation des TIC pour adopter délibérément,
répétitivement et de manière agressive un comportement à l’égard d’un individu ou d’un
groupe avec l’intention de provoquer un dommage à autrui.
29
30
31
32
Conférence de clôture sur le cyber-harcèlement, Bratislava, 7 juin 2010
https://sites.google.com/site/costis0801/ (consulté le 14 mai 2013)
Professeur de psychologie à l’université de Bergen et premier théoricien du « school bullying »
« a student is being bullied or victimized when he or she is exposed, repeatedly and ober time, to negative
actions on the part of one or more or other students »
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Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
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2) Les autres définitions
Selon le Centre National Américain pour les Victimes de Crime (NCVC), les actes cyberharcèlement se définissent « comme des comportements menaçants ou oppressants à
l’encontre d’un tiers mettant en jeu internet ou d’autres formes de communications
électroniques »33.
Le professeur Bill Belsey 34 définit le cyber-harcèlement comme « toutes formes de
harcèlement qui font appel aux nouvelles technologies de l’information et de la
communication pour importuner, menacer, insulter de manière intentionnelle et répétitive les
victimes avec pour objectif de les blesser » 35 . Ici, cette définition apparente le cyberharcèlement au harcèlement moral, à savoir la menace, la prolifération de rumeurs ou les
atteintes aux personnes. Cette description ne mentionne toutefois pas le déséquilibre des
forces, critère du harcèlement traditionnel.
Le professeur Shaheeb Shariff36 l’explique quant à lui comme une « forme d’intimidation
psychologique cachée, transmise par différents moyens de communication électroniques
comme les cellulaires, les sites Web et les blogues, les bavardoirs, les jeux de rôle ou
d’aventure à utilisateurs multiples et les profils en ligne. Selon les moyens disponibles,
l’intimidation peut être verbale (téléphones et cellulaires) ou écrite (messages incendiaires,
menaces, insultes raciales, sexuelles ou homophobes ».
Ainsi, le cyber-harcèlement semble être un concept générique, incluant des pratiques
33
34
35
36
http://www.ichay-mullenex.fr/download/le-harcelement-dans-le-monde-virtuel-n-est-pas-depourvu-desanctions-dans-le-monde-reel.pdf (consulté le 14 mai 2013)
De l’organisme Buylling.org, définition reprise par le guide stop au cyber-harcèlement belge
“Cyberbullying involves the use of information and communication technologies to support deliberate,
repeated, and hostile behaviour by an individual or group, that is intended to harm others”, site
http://www.cyberbullying.org (consulté le 14 mai 2013)
Professeur à la faculté d’éducation de l’université McGille, Dr. Shaheen SHARIFF et Rachel GOUIN, «
Cyber-Dilemmas : Gendered Hierarchies, Free Expression and Cyber-Safety in Schools », présenté à la
conférence « Safety and Security in a Networked World : Balancing Cyber-Rights and Responsibilities »,
Oxford internet Institute, Oxford, Royaume-Uni, 8 au 10 septembre 2005, p. 3
11
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
hétérogènes, sans précisions sur l’intention de l’auteur ou la fréquence de la pratique37.
II. Une approche juridique à consolider autour d’une définition précise
Dans l’analyse sociojuridique extrêmement poussée de l’observatoire des droits de l’internet
Belge, cinq critères sont retenus pour que l’acte soit qualifié de cyber-harcèlement38. Ainsi,
la définition de l’observatoire des droits de l’internet Belge (ODIB) apparaît comme la plus
pertinente dans la mesure où elle semble prendre en compte tous les éléments du
harcèlement (A) tout en permettant de le distinguer visiblement d’autres notions voisines
(B).
A. La distinction harcèlement et cyber-harcèlement
La définition établit cinq critères : tantôt le cyber-harcèlement n’est qu’une modalité du
harcèlement (1) tantôt certains éléments démontrent son entière spécificité (2).
1) Les critères classiques à réinterpréter sous le prisme du numérique
L’observatoire des droits de l’internet Belge pose comme premier critère celui de
« l’intention de nuire », utilisant l’expression « être destiné à blesser ». En somme, l’auteur
du comportement a la volonté de faire du mal à la victime ou de susciter l’angoisse chez elle.
Mais, même si ce comportement existe dans le harcèlement traditionnel, l’aspect non verbal,
tel que l’intonation, fait ici défaut au même titre que l’absence de contact visuel. Il est
opportun d’apprécier cette modalité dans la perspective du harcèlement classique. Le
harcèlement au travail n’implique pas d’intention lorsque le litige est devant les instances
prud’homales. En revanche, devant les juridictions pénales, l’intention de nuire est
37
38
WILLARD décrit comme un acte de cruauté envers les autres par l’envoi ou la mise en ligne de contenus
blessants ou d’agressions sociales via internet ou les technologies digitales
http://www.internet-observatory.be/internet_observatory/pdf/brochures/Boek_cyberpesten_fr.pdf, page 19
(consulté le 14 mai 2013)
12
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
indispensable39. Cette condition sine qua none à la qualification du délit se constate pour le
harcèlement sexuel.
Le second critère posé par l’observatoire est celui du « modèle répétitif » de l’agression visà-vis de la victime. Si cet argument ne crée pas de divergences, l’appréciation de cette
répétition est obligatoire dans le harcèlement via internet. Le critère de répétition implique
que l’acte soit commis à plusieurs reprises sur le long terme. Si l’acte est commis à plusieurs
reprises, fut-ce-t-il sur un court terme, la difficulté est écartée. Pour le professeur Janis
Wolak de l’Université du New Hampshire40, une agression unique par internet ne constitue
pas une forme de cyber-harcèlement. Il pourra néanmoins y avoir répétition même dans le
cas d’une action ponctuelle. En effet, cette pratique se répercutera de manière indéfinie du
fait de la persistance des contenus sur internet. Une mise en ligne d’une photo peut être un
événement unique. Mais qu’en est-il lorsque la photo reste en ligne de manière continue ? La
jurisprudence n’a pas encore répondu à cette question. Néanmoins, la répétition pourrait être
caractérisée par le fait qu’une photo reste un temps infini sur une plateforme. Même, « la
publication unique d’un texte diffamatoire sur la toile est également considérée comme un
acte répétitif, attendu que son contenu peut être lu, voire reproduit, par des centaines
d’internautes en l’espace de quelques secondes »41.
Une autre spécificité du harcèlement via les NTIC réside dans le changement du critère de
supériorité qui devient non plus une supériorité physique mais une supériorité technique. En
effet, comme dans le harcèlement traditionnel, « le déséquilibre des rapports des forces »
entre les parties est requis. Dans le cas du harcèlement traditionnel, il se fonde sur des
critères de la réalité tels que la force physique, l’âge ou le critère intellectuel. Le savoir-faire
technologique ou l’utilisation d’un pseudonyme permettent de caractériser cette
disproportion. Plus encore, selon le professeur Jordan42, l’équivalent de la force physique
dans le cyberespace est la « technopuissance», à savoir la maîtrise et la connaissance des
39
40
41
42
Article 121-3 du Code pénal « Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre »
http://www.colloque-violences-arras.eu/communications/liste?member=X5216 (consulté le 14 mai 2013)
Protection contre la cyber-intimidation, rapport du conseil fédéral Suisse, 26 mai 2010
Jordan, 1999, in Walrave et al., 2009
13
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
nouvelles technologies. D’ailleurs, l’anonymat se caractérise aussi par une supériorité par le
biais de pseudonymes.
2) Les critères spécifiques au cyber-harcèlement
Selon l’observatoire, le comportement apparaît « dans le cadre de groupes sociaux existants
(en ligne et/ou hors ligne) ». Si des personnes peuvent être témoins de harcèlement
ponctuellement, le harcèlement virtuel atteint une partie de l’essence même de l’être et ce
dans l’humiliation de la personne face à une communauté bien établie – notamment sur les
réseaux sociaux.
Dernière spécificité, le comportement est « orienté vers un individu ». Ce critère pourrait
être analysé au sens du harcèlement, notamment celui dans la sphère du droit du travail.
Néanmoins, le harcèlement n’a pas à être « destiné à une seule personne ». Le harcèlement
moral n’est plus uniquement le fait d’un individu vis-à-vis d’un autre mais aussi le fait d’une
organisation de travail ou de décisions de gestion constituant une pression inadéquate sur un
individu ou un groupe. Sont visés le « harcèlement institutionnel » ou le « harcèlement
stratégique ».
Tout en étant spécifique, le cyber-harcèlement se rapproche de notions distinctes mais
présentant des caractéristiques similaires.
B. Appréciation négative du cyber-harcèlement
Par cette définition, le cyber-harcèlement se distingue nettement d’autres notions proches,
telles que la cyber-taquinerie (1), la cyber-dispute (2) ou la cyber-attaque (3).
14
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
1) Distinction avec la cyber-taquinerie
La cyber-taquinerie se distingue du cyber-harcèlement par l’intention de nuire qui n’est pas
présente. Aussi maladroit que soit le comportement, la volonté manifeste de porter préjudice
à autrui n’existe pas. Non destiné à blesser, ce comportement n’exige pas la répétition du
comportement ni le déséquilibre entre les parties.
2) Distinction avec la cyber-dispute
La cyber-dispute implique un rapport de force égal entre deux parties, ce qui exclut une
qualification des parties en tant qu’auteur ou victime. Ainsi, la condition de déséquilibre
entre les personnes en présence n’est pas respectée. Ici aussi, la répétition n’est pas
nécessaire. La cyber-dispute peut résulter d’un événement ponctuel. Elle est la traduction
d’un conflit classique entre deux personnes, et contient le critère de l’intention.
3) Distinction avec la cyber-attaque
Enfin, la cyber-attaque se distingue du cyber-harcèlement visé car elle se réfère à un incident
unique à l’intention d’une ou plusieurs personnes avec la volonté de causer du tort par voie
électronique. Le déséquilibre peut être présent, sans pour autant être une composante de ce
comportement.
15
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
Tableau comparatif des cyber-comportements43
Orienté vers un
Cyber-Comportement
Destiné à blesser
Modèle répétitif
Déséquilibre
Groupes sociaux
Cyber-harcèlement
x
x
x
x
x
x
x
x
x
Cyber-taquinerie
Cyber-dispute
x
Cyber-attaque
x
x
individu
x
La définition proposée par l’observatoire précise les modalités du comportement, mais
comment se matérialise ce comportement ?
SECTION 2 : DES COMPORTEMENTS MUTLIFORMES
Le cyber-harcèlement ne peut être traduit par un seul et unique comportement, il est
polymorphe et disparate. En effet, il se répand sous des facettes distinctes (I) dans toutes les
sphères de la société (II).
I. Cyber-harcèlement, un comportement aux multiples visages
Les modes de cyber-harcèlement sont divers. Chacun réunira les cinq conditions posées mais
seul l’acte matériel permettra une qualification juridique (A). Par ailleurs, l’aspect sociocriminel permet de cerner davantage le phénomène (B).
43
Fait par Laetitia Taziaux
16
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
A. Un acte matériel déterminé par la diversité des pratiques existantes
L’acte matériel du cyber-harcèlement est le résultat d’une création des données (1) ou d’une
utilisation des données privées divulguées par un internaute (2).
1) Les comportements via la création de données
Dans certaines hypothèses, l’auteur a un comportement particulièrement proactif. Ainsi, il va
être créateur de données pour affaiblir sa victime. Cela concerne le harcèlement en ligne
verbal via les insultes, les moqueries, les menaces en ligne ou bien les propagations de
rumeurs infondées. Une autre illustration est la création d’un sujet de discussion d’un
groupe, d’une page sur un réseau social à l’encontre d’une personne44.
En outre, le cyber-harcèlement se présente aussi sous le harcèlement social en ligne qui
consiste en l’exclusion sociale de la victime des groupes en ligne existants, tout comme les
sites web de haine qui vise une cible bien déterminée. Les blogs « anti-profs » sont aussi des
formes de ce comportement. Enfin, il est aussi possible de se confronter à des lynchages de
communautés ou lynchage virtuel. En ce sens, la rappeuse Amandine du 38 a diffusé une
vidéo de rap et essuie rapidement les insultes, mépris, moqueries et même menaces. C’est
une illustration du dénigrement sur un mur d’un réseau social par exemple via un groupe,
public ou secret créé spécifiquement pour insulter une personne en particulier.
L’usurpation d’identité numérique constitue un concept double. D’une part, elle permet de
rendre une personne auteur de données mais aussi de divulguer ces données. Dans ce cas,
l’auteur du cyber-harcèlement se comporte comme titulaire de l’identité vis à vis des autres
utilisateurs.
44
Il peut être intéressant de soulever que l’école est régulièrement visé en tant qu’institution comme le montre
la
page
Facebook
E.C.O.L.E.S
(Etablissement
Cruel
où
Les
Elèves
Soufrent),
https://www.facebook.com/pages/ECOLES-Etablissement-Cruel-o%C3%B9-Les-ElevesSoufrent/242732653673 (consulté le 14 mai 2013)
17
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
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2) Les comportements via l’utilisation de données privées divulguées
Dans d’autres cas, les auteurs du cyber-harcèlement endossent l’identité de leurs victimes
pour publier en leur nom des données qui les diffament ou les ridiculisent45. Pratique appelée
sexting aux États-Unis, la publication d’une photo ou d’une vidéo de la victime en mauvaise
posture ou dans son intimité en est un procédé particulièrement représentatif. En France, ce
stratagème est assimilé communément à « l’escroquerie à la nigériane ». Inventée au
Nigéria, pays Anglophone, elle s’est répandue dans les pays de l’Afrique Francophone. Peut
être cité l’exemple récent du jeune Cédric, Marseillais de 17 ans qui s’était fait piéger sur
internet. Croyant parler avec une jeune demoiselle, il avait accepté de se déshabiller à sa
demande. Par la suite, le correspondant qui était en fait un homme l’avait fait chanter en le
menaçant de divulguer les photos sur internet. Autre possibilité avec le chantage au « sexe
tape », des escrocs utilisent des sites de rencontre pour mettre en confiance des victimes à
qui ils font miroiter une histoire d’amour. Les escrocs misent sur le fait que la personne sera
honteuse et n’osera pas se manifester.
De plus, sont aussi inclus, la transmission d’informations personnelles présentant un aspect
sensible, confidentiel ou gênant. Dérober le mot de passe d’une personne pour bloquer son
compte ou diffuser en son nom des messages offensants ou de haine en sont autant
d’illustrations.
B. Les inspirations diverses
La pluralité du cyber-harcèlement apparait davantage encore dans la difficulté d’encadrer un
profil. Le cyber-harceleur n’est pas assimilable au harceleur (1) même si il s’en rapproche
dans les éventuelles motivations (2).
45
http://www.edps.europa.eu/EDPSWEB/webdav/shared/Documents/EDPS/Publications/Speeches/2010/1006-07_Speech_Cyber-harassment_FR.pdf (consulté le 14 mai 2013)
18
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
1) Qui est le cyber-harceleur ?
Il n’existe en fait pas de profil unique pour définir un cyber-harceleur 46 . Au fond, la
publication de contenu est si aisée via le web 2.0, que la notion même de profil-type d’un
éventuel cyber-harceleur semble dépassée. Quiconque peut être ou devenir un cyberagresseur. Toutefois, une caractéristique se dégage : le cyber-harceleur est un individu qui est
dans l’entourage personnel du cyber-harcelé. Les NTIC auraient-elles une influence sur le
comportement de l’auteur ? La virtualité entrainerait-elle plus de cruauté ?
Selon le psychiatre Alan Manevitz47, internet permettrait une « liberté de discours sans peur
des conséquences » et désinhiberait les agresseurs potentiels. Pour le psychologue Simon
Rego48, la difficulté viendrait du « flou ». En ligne, les indices non verbaux, les contextes, les
sons disparaissent. De fait, la conversation est objet de suppositions puisque l’interlocuteur
suppose ce qui est dit, et vice-versa. De plus, témoignage d’une violence parfois hors norme,
les actes de la toile seraient-ils dans l’inconscient collectif dépourvus de toutes conséquences
judiciaires ? Selon l’enseignant-chercheur Yannick Chatelain49, oui. L’absence de relations
réelles entre agents du cyber espace accroit l’incertitude sur la réalité effective.
Pour Jean-Emmanuel Ray50, les personnes, notamment les plus jeunes ne semblent pas être
en pleine mesure de leurs actes, à la différence des délinquants de la vie réelle. La venue de
la technologie a porté le harcèlement à de nouveaux sommets. Les cyber-agresseurs sont
souvent plus malveillants et blessants que les agresseurs en personne, puisqu’ils disent des
choses en ligne qu’ils ne diraient jamais en personne. L’anonymat du harcèlement en ligne
donne aux agresseurs le pouvoir d’attaquer d’autres personnes tout en courant le risque
minime de se faire attraper. L’utilisation de la cyber-technologie pour harceler protège aussi
les agresseurs des conséquences de leurs gestes. Le fait de ne pas avoir de contact physique
avec leurs victimes réduit le sentiment d’empathie et de remords de l’agresseur. Ils ont juste
46
47
48
49
50
http://www.cyberstalking.ca/fr/fiches-d-information/types-de-cyber-harceleurs (consulté le 14 mai 2013)
Psychiatre clinique hôpital Lenox Hill de New York City
Psychologue
enseignant-chercheur, directeur du Département des Enseignements Appliqués à Grenoble École de
management, spécialiste des Nouvelles Technologies, et Techniques Avancées de Marketing on Line
Rapport d’information n° 3560 de l’Assemblée Nationale sur les droits de l’individu dans la révolution
numérique présenté par MM. Patrick BLOCHE et Patrice VERCHÈRE, députés (page 213)
19
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
à se cacher derrière l’anonymat et peuvent ainsi diffuser des informations sur leurs victimes
à une large audience. Cet anonymat, sous couvert d’internet, a pour conséquence un effet de
déresponsabilisation couplé à un effet dépersonnalisant. Cela implique que l’individu qui
agit sous couvert d’anonymat considère moins la responsabilité de ses actes. En outre,
l’anonymat de l’agresseur est une source d’anxiété supplémentaire pour la victime. Celle-ci
se demande qui cela peut être, ce qui produit la sensation que de nombreuses personnes
peuvent lui être a priori hostiles.
2) Les multiples motivations
Au même titre que le harcèlement direct dans la sphère réelle, ce comportement est motivé
par l’idée de blesser la personne, qu’elle va subir des dommages directs à titre personnel.
Plus souvent, cette perception ne reflète pas la réalité. Des cas de haine, de colère, de
jalousie, d’obsession ou de maladie de santé mentale peuvent mener au cyber-harcèlement.
L’agresseur est habituellement animé par le désir d’apeurer, de créer ou d’installer un climat
de frayeur ou d’embarrasser. L’argent, la politique, les croyances religieuses, la revanche, la
haine et l’amour - espérés ou inachevés - constituent des motifs de première importance.
Il existe également des situations dans lesquelles le cyber-agresseur n’entretient aucune
relation particulière sinon que d’être une simple connaissance. Dans ces cas, les motivations
sont généralement basées sur le plaisir personnel que le cyber-harceleur prend à causer de la
détresse, à embarrasser ou, à placer en situation ridicule la victime.
20
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
II. Une attitude poly-sphères
« Tout est nivelé, aucune CSP (classe socio professionnelle) particulière n’est plus touchée
qu’une autre, il faut oublier complètement les notions de quartiers, de zones et
compagnies… C’est partout, à tous les niveaux »51.
Si les adolescents sont plus attentifs à la protection de la vie privée sur les réseaux sociaux
que les adultes52, il convient aussi de relever que la technologie joue un rôle différent dans la
vie des jeunes et des adultes. Les premiers y voient des moyens de communication en tant
qu’outils sociaux essentiels tandis que les seconds utilisent la technologie en tant qu’outils
pratiques. Plus encore, si le réseau social est souvent considéré comme une « cour de
récréation virtuelle »53 (A), les pratiques de harcèlement virtuel ne peuvent être limitées à la
seule sphère de l’éducation (B).
A. Une prédominance des conflits dans l’univers scolaire
La séparation entre le harcèlement scolaire et le harcèlement en dehors de l’école est
précisément circonscrite dans le monde réel. Ce n’est pas le cas dans le monde virtuel. Le
rôle central de Facebook dans la culture adolescente offre un terrain propice au harcèlement
entre mineurs (1) mais il arrive que l’adolescent endosse parfois le rôle d’auteur face à une
victime adulte (2).
1) Les phénomènes de mineur à mineur
Les « digital natives »54 ont intégré dans leur quotidien les usages de l’internet : 93 % des
jeunes de 9 à 16 ans se connectent au moins une fois par semaine et 60% tous les jours ou
51
52
53
54
Dominique DELORME, http://www.tv5.org/cms/chaine-francophone/Terriennes/Dossiers/Cyberharcelement/p-22776-Cyber-harcelement-nouveaux-outils-vieux-sexisme.html (consulté le 14 mai 2013)
Sondage TNS Sofres, CNIL, association e-enfance et UNAF de juillet 2011
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2012/06/11/01016-20120611ARTFIG00810-l-avenement-d-une-courde-recre-virtuelle.php (consulté le 14 mai 2013)
Expression de Marc PRENSKY, spécialiste américain des TIC qui vise les personnes ayant grandi dans un
environnement numérique
21
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
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presque55. De plus, près de 60% des 9-16 ans ont un profil sur un réseau social, et même
82% des 15-16 ans. Ces derniers sont sans doute les plus dévastateurs. Le secrétaire de la
CNIL, Yann Padova précise que « ce type de messages se développe notamment sur
Facebook où des adolescents se déchaînent, écrivent des commentaires excessifs, injurieux
». Spécialement sur cette tranche d’âge, le contraste entre ce qui relève du taquiner et du
harceler est bien mince. Ou la frontière se situe-t-elle ? Yannick Chatelain56 désigne « les
digital natives » comme la « génération girafe », l’animal qui dort le moins sur terre et qui «
surveille son environnement en permanence, dans l’attente d’un message, dans la crainte
d’un danger ».
Le phénomène d’hyper-connexion de cette génération, toujours dans l’attente d’une réaction
numérique se couple à un phénomène de violence 57 , notamment verbale. Le mineur est
particulièrement concerné par la problématique de la vie privée dans la mesure où il expose
sa vie intime sur les réseaux sociaux - sans être conscient des conséquences entrainées et
sans qu’il soit possible de s’en remettre à sa responsabilité. Le réseau social est un enjeu de
sociabilité dont les bénéfices sont plus importants que les risques encourus. Peut-être que
cette génération numérique a une conception différente de la vie privée des générations qui
n’ont pas grandi avec internet. Cependant, il semble qu’Éric Freyssinet 58 ait une approche
plus réaliste de la situation : « les ados n’ont pas conscience de la portée des mots ou des
images. Ils ne se rendent pas compte de ce qu’ils font à distance ».
Cependant, le cyber-harcèlement ne touche plus seulement les relations entre adolescents59.
55
56
57
58
59
Rapport d’information n° 3560 de l’Assemblée Nationale sur les droits de l’individu dans la révolution
numérique présenté par MM. Patrick BLOCHE et Patrice VERCHÈRE, députés (pages 209-210)
enseignant-chercheur, directeur du Département des Enseignements Appliqués à Grenoble École de
management. Spécialiste des Nouvelles Technologies, et Techniques Avancées de Marketing on Line
Jean-Charles NAYEBI, psychologue et psychothérapeute
Lieutenant-colonel de la gendarmerie nationale et chef de la division de lutte contre la cybercriminalité du
Pôle judiciaire de la gendarmerie nationale
http://www.ledauphine.com/haute-savoie/2012/06/04/une-photo-de-classe-retouchee-avec-la-maitresseentierement-deshabillee-en-circulation-sur-le-site(consulté le 14 mai 2013)
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Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
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2) Les relations élève-professeur
Le secrétaire général de la CNIL, Yann Padova60, signale que « sur les trente plaintes reçues
au cours des derniers mois, le quart concerne des enseignants qui se font lyncher par des
collègues ou des élèves sur la toile ». Les adultes en autorité sont eux aussi ciblés61. Là
encore, le caractère anonyme d’internet semble favoriser le comportement des élèves à aller
plus loin, se sentant en totale impunité. A titre factuel, l’histoire de Richard Julien,
professeur au collège à Evian fait écho. Ce professeur au collège, recevait des messages
d’insultes via un réseau social, devenant la risée de ses élèves. Après une plainte déposée à la
gendarmerie, les auteurs des faits ont ensuite été identifiés et convoqués devant la justice et
ont reçu un rappel à l’ordre. D’autres, ont été moqués sur leur apparence. Si le monde
scolaire est particulièrement frappé par le cyber-harcèlement c’est parce qu’il connait une
dynamique globale de harcèlement. Mais à l’instar de celle-ci, le harcèlement existe dans
une sphère parascolaire. Là encore les NTIC ont su s’infiltrer dans les relations sociales.
Le relâchement reproché aux adolescents ne semble pas nécessairement être leur monopole :
« la documentation montre que même les adultes ont moins d’inhibitions dans les courriels
et tendent à moins suivre les normes de communication sociale »62. Si l’adulte peut aussi
harceler l’adolescent sans pour autant que ce harcèlement relève d’un comportement à
caractère pédopornographique il est aussi une cible potentielle dans ses relations entre
adultes.
B. Les relations entre adultes, terrain oublié du harcèlement virtuel
Peu mis en avant par les médias, le citoyen majeur, le travailleur, la personne mariée ou
l’étudiant sont susceptibles d’être victimes du dévoilement de leur vie privée sur la toile.
Deux secteurs de la vie d’une personne sont propices au harcèlement classique. Deux axes
en corrélation avec les agissements du réel sont choisis : les relations dans le cadre
60
61
62
Secrétaire général de la CNIL de 2006 à 2012
Notamment via le site rate my teacher
Michele YBARRA, chercheur à internet Solutions for Kids, un organisme américain à but non lucratif qui
explore le phénomène, cité ttp://www.aboutkidshealth.ca/Fr/News/NewsAndFeatures/Pages/CyberbullyingPart-Two.aspx (consulté le 15 mai 2013)
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Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
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professionnel (1) et celles autour des relations privées (2).
1) Le harcèlement virtuel dans l’accomplissement de son métier
Lorsque sont évoquées les relations au travail et le harcèlement moral, le harcèlement moral
professionnel vient à l’esprit. Mais, la prolifération des médias sociaux n’épargne plus ce
pan du quotidien. L’enquête menée en janvier 2013 par AVG Technologie 63 a étudié
l’influence des réseaux sociaux dans la vie privée au travail en menant une enquête auprès de
dix pays64. En ce sens, 10 % de salariés déclarent avoir découvert des conversations à leur
sujet, en tant que travailleur, sur internet, et même voir des photos privées divulguées. Dans
cette même étude, la publication de photos compromettantes, de commentaires négatifs sur
l’apparence physique d’un collègue ou les conversations avec des commentaires déplaisants
sur un collègue via un moyen de communication digitale sont cités. Le salarié doit veiller à
l’usage qu’il fait des réseaux sociaux. L’entreprise y prête également une attention toute
particulière. Par exemple, elle met en place une politique interne d’usage des médias sociaux
via un guide de bonne conduite, en précisant le type et les modalités de partage de
l’information.
Le phénomène ne se cantonne pas qu’au travail, il se détecte aussi à travers les relations
personnelles.
2) Le divorce, déclencheur du comportement
Les « cas de couples qui se déchirent »65 peuvent aussi être frappés par le harcèlement en
ligne. Les vengeances amoureuses, déjà fréquentes à l’accoutumée, acquièrent une nouvelle
63
64
65
http://www.01net.com/editorial/585703/les-reseaux-sociaux-mettent-a-nu-la-vie-privee-des-salaries/
(consulté le 15 juin 2013) et http://www.opensourcing.fr/blogs/4/4f26op-les-r%C3%A9seaux-sociaux,propices-au-harc%C3%A8lement-professionnel- ( consulté le 15 mai 2013)
Allemagne, Australie, Canada, Espagne, Etats-Unis, France, Italie, Nouvelle-Zélande République Tchèque,
Royaume-Uni
Yann PADOVA, secrétaire général de la CNIL de 2006 à 2012
24
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
dimension par la sphère numérique. La photo intime dévoilée publiquement au moment de la
rupture est une illustration devenue classique. Robert Siciliano, analyste sécurité pour
McAffe analyse la situation en déclarant au magazine USA Today que « la technologie peut
être le reflet du meilleur d’une relation mais aussi du pire d’une rupture ». Dans la même
enquête précitée, 56% des sondés consentent à avouer surveiller leur conjoint sur les réseaux
sociaux66.
66
http://www.01net.com/editorial/586967/le-cyber-harcelement-ne-concernent-plus-que-les-ados/ (consulté le
15 mai 2013)
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Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
CHAPITRE 2 : LES PROBLÉMATIQUES AU CŒUR
DU HARCÈLEMENT VIRTUEL
Les nouvelles technologies ont révolutionné de nombreux concepts. En effet, tout devient
numérique ou électronique. Sans n’être qu’une simple adjonction, l’ajout de cyber au terme
« harcèlement » insère ce comportement dans un nouveau cadre. Les termes, virtuel,
électronique, numérique ou cyber ne peuvent être laissé à la une simple appréciation de
l’outil technologique utilisé. Avec l’optimisation des NTIC dans toute la société, de
nouveaux enjeux se profilent 67 . La nouvelle vision de l’espace virtuel (section 1) met
particulièrement en exergue la perspective du droit à l’oubli (section 2).
SECTION 1 : LE HARCÈLEMENT DÉPASSÉ PAR LE CYBER ESPACE
Espace intangible et interactif, l’utilisation des TIC a créé cette nouvelle dimension qui
entraine de nouvelles conséquences Mais plus que témoins, cet espace est un facteur de ce
comportement(I). En outre, la surface virtuelle des réseaux sociaux dissimule un passage
permettant de passer d’une sphère à une autre, sans aucune difficulté (II).
I. Le passage à l’acte facilité par la virtualité des échanges
Terme métaphorique, le cyberespace évoque un univers ressemblant à l’espace physique
mais s’en distinguant en raison de sa virtualité. Dérivé de l’anglais cyberspace, ce terme est
emprunté au roman de science-fiction de William Gilbson68. Aujourd’hui, il désigne « un
lieu imaginaire appliqué métaphoriquement au réseau internet et dans lequel les internautes
67
68
La liberté d’expression, qui a une position de pivot sur internet, assurée aux internautes est mises à mal par
les dispositifs de lutte contre le harcèlement.
GIBSON W., Neuromancer, New York, Ace Books, 1984
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qui y naviguent s’adonnent à des activités diverses » 69 . Espace intangible et interactif,
l’utilisation des TIC a créé cette nouvelle dimension qui doit être soulignée pour comprendre
les dommages potentiels (A). Si la violence physique directe est de fait exclue, les
conséquences de ce comportement basé sur des réflexions verbales et psychiques ont des
effets souvent plus longs et plus impactant, ces derniers générant une violence morale
décuplée. Ces nouvelles caractéristiques se greffent au comportement harcelant (B).
A. Un comportement spécifique au cyberespace
Le harcèlement devient invisible (1) et permanent (2).
1) Un comportement invisible
La distance physique qui existe entre le harceleur et sa victime est nouvelle. Contrairement à
une situation classique de harcèlement direct, le cyber-agresseur ne voit pas la souffrance de
sa victime. Cette discrétion numérique engendre l’absence de vision sur l’acte, amplifiant
ainsi sa violence. Pire encore, la distance du web neutraliserait l’empathie70. Effectivement,
la compassion de l’auteur diminue sous l’effet de la distance géographique, celle-ci agissant
comme un neutralisant. L’absence conduit à la disparition de toute pitié pour la victime.
C’est ce que la spécialiste Catherine Blaya71 appelle « l’effet cockpit » : les harceleurs sont
« comme ces aviateurs qui lancent des bombes, mais ne voient pas sur qui elles tombent ».
Le défaut de vision sur l’acte en lui-même implique que l’auteur n’est pas conscient qu’il
cause de réels dommages à la victime ou que ses actions sont punissables. Notamment,
comme le constate Eric Freysinnet72, « les ados n’ont pas conscience de la portée des mots
ou des images. Ils ne se rendent pas vraiment compte de ce qu’ils font, à distance ».
69
70
71
72
GUILLEMARD S., le droit international privé face au contrat de vente cyberspatial, thèse de doctorat en
droit (LL.D.), Université Laval, présentée et soutenue publiquement le 18 décembre 2002
Yannick CHATELAIN, enseignant-chercheur, directeur du Département des Enseignements Appliqués à
Grenoble École de management, spécialiste des Nouvelles Technologies, et Techniques Avancées de
Marketing on Line
Professeur de sciences de l’éducation et membre du groupe COST IS0801
Lieutenant-colonel de la gendarmerie nationale et chef de la division de lutte contre la cybercriminalité du
Pôle judiciaire de la gendarmerie nationale
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Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
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2) Un comportement incessant
Le cyber-harcèlement est plus persistant que le harcèlement traditionnel : il n’est pas
possible d’y échapper. Cette caractéristique a une conséquence concrète dans le
comportement cyber-harcelant, soit le manque d’un quelconque répit psychologique pour la
victime. Dans un comportement harcelant classique, le comportement n’a lieu que dans
certains endroits et à certains moments. Même si la victime y repense, elle n’y est pas
confrontée. En revanche, en présence de cyber-harcèlement, il n’y a aucun moment de repos.
Au temps où la condition numérique se concrétise par une connexion permanente de
l’individu73, la victime est sous une pression permanente du comportement harcelant. Il n’est
pas mis un terme à ce dernier lorsque l’internaute regagne sa sphère privée. Parfois, il se
poursuit dans l’intimité de la victime, et ce, jusqu’à devenir intrusif, réduisant la personne
visée à se sentir prisonnière et sans défense. Les cyber-agresseurs deviennent des harceleurs
qui ne laissent jamais de pause à leur victime.
De plus, internet est considéré comme détaché du monde réel. Ainsi, la personne se sent dans
une atmosphère rassurante, choisie ou connue. L’atteinte à cette sphère a priori protégée
démultiplie les conséquences. En parallèle, la minimisation du conflit se répand 74 et est
difficile à identifier tant pour les harcelés que pour les harceleurs. Parfois, les personnes
harcelées ne peuvent pas émotionnellement s’identifier comme des victimes, les personnes
harceleuses ne se perçoivent pas comme des oppresseurs. Pour chacune des parties, le coût
psychologique et social peut être très fort. Cette diffusion est non seulement massive, mais
elle est aussi incessante et pénètre la sphère privée.
73
74
FOGEL JF., PATINO B., La Condition numérique, Grasset, Avril 2013, 216 pages
Danah BOYD et Alice MARWICK ont effectué une enquête de terrain auprès d’adolescents qui ne réalisent
pas forcément qu’ils se trouvent face à du « harcèlement » et minimisent en le qualifiant d’« histoires », de
« drama ». Dana Boyd est chercheuse à l'université de Harvard
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Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
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B. Le cyber espace, vecteur de cyber-harcèlement
A la différence du harcèlement classique, le cyber-harcèlement dispose du cyberespace soit
d’un monde virtuel sans limite géographique (1) ou temporelle (2).
1) Un espace dépourvu de frontières
Le monde numérique offre une diffusion immédiate et gratuite. Le harcèlement au travail ou
sexuel ne s’effectue que dans certains lieux tandis que la sphère internet s’est infiltrée dans
tous les pans de notre quotidien. Cette différence est manifeste pour les brimades
cybernétiques. Cette diffusion est beaucoup plus rapide et large via la sphère internet.
Par sa nature, le réseau est sans frontières75. Affranchi de toutes frontières géographiques, la
diffusion du cyber-harcèlement peut être mondiale. En réalité, elle sera davantage limitée à
une communauté dans l’hypothèse de création de données mais plus internationale pour la
divulgation de données 76. Choisie par le cyber-harceleur, la diffusion à une communauté
spécifique donne la possibilité d’impliquer un grand nombre personnes. La violence est
décuplée. En effet, la société virtuelle a transposé le réel de façon exacerbée. La propagation,
la permanence et l’aggravation - notamment par l’effet de groupe - en sont des marqueurs.
Une diffusion publique, massive et rapide voire instantanée. Elle touche par conséquent un
très large public.
2) Une nouvelle temporalité
Dans le monde réel, la temporalité est classique, elle permet à la victime d’oublier peu à peu
des situations. Internet a changé les habitudes puisque le temps n’est plus figé. Dans
l’hypothèse où une publication sur un réseau social a été diffusée voire dupliquée à l’infini,
l’oubli n’apparaît qu’hypothétique dans la mesure où des copies, même sans qu’elles soient
connues, pourraient être sauvegardées. L’internaute est dépassé par son « ombre
75
76
FOGEL JF., PATINO B., La Condition numérique, Grasset, Avril 2013, 216 pages
Comme par exemple dans « l’escroquerie à la nigérienne »
29
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
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numérique »77 . Alors, comment se détacher d’une expérience difficile telle que le cyberharcèlement qui enregistre tout et n’oublie rien ? Internet ne prive-t-il pas la victime de cette
faculté ? De plus, l’auteur du cyber-harcèlement ne peut-il pas non plus bénéficier du droit à
l’oubli ? Dans le monde physique, la norme juridique offre ce droit à l’oubli, notamment
grâce à la prescription78. Qu’en est-il alors lorsque les données n’ont pas été transmises de
façon consentante, ou ont été détournées de leur usage initial ? Le facteur temporel accroit
les conséquences potentielles au cyber-harcèlement. Le comportement, terminé ou non, n’est
en réalité jamais fini en raison du caractère permanent des contenus diffusés, restés en ligne.
L’espace internet a donc amplifié le phénomène existant. Ses bienfaits sont devenus vecteurs
de danger. Par la connexion internet, des plates-formes dédiées à l’échange et à la
publication de contenu ont été créées. Par ailleurs, il est possible de constater que le cyberharcèlement se déploie d’autant plus sur le réseau social.
II. Le réseau social : une porte virtuelle ouverte sur le monde réel
Derrière le voile du pseudo ou de tout outil anonymisant, les réseaux sociaux reconnectent la
dimension virtuelle à la réalité. Cette surface virtuelle est appréhendée comme une porte
permettant de passer d’une sphère à une autre, sans aucune difficulté. Les notions
traditionnelles, telle que l’identité (B) est témoigne de l’impact de l’’emblème du web 2.0
(A).
77
78
http://cursus.edu/article/5167/ombre-numerique/ (consulté le 20 mai 2013)
La prescription est un concept général de droit qui désigne la durée au-delà de laquelle une action en justice,
civile ou pénale, n’est plus recevable
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Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
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A. L’emblème du web 2.0
Dorénavant, l’usager, le réseau et la connexion, tels sont les fondements du Web 2.0.
L’internaute est devenu créateur de contenu.
Afin de percevoir l’impact engendré par la forme d’un réseau social, il est primordial de
préciser dans un premier temps la notion même de réseau social (1) pour ensuite être en
mesure d’affirmer que l’internaute est devenu acteur de l’internet, et de surcroît
potentiellement un cyber-harceleur (2).
1) Qu’est-ce qu’un réseau social ?
Le réseau social se définit comme « des services proposés par des sociétés de l’internet et
qui offrent aux individus la possibilité, d’une part, de se constituer une page personnelle sur
laquelle ces derniers déposent un certain nombre d’informations les concernant et, d’autre
part, d’entrer en communication avec d’autres utilisateurs du même réseau avec lesquels ils
peuvent échanger des messages ou des fichiers »79. Le groupe de l’article 2980 définit les
réseaux sociaux comme étant « des plateformes de communication en ligne permettant à des
personnes de créer des réseaux d’utilisateurs partageant des intérêts communs»81. Le plus
emblématique, populaire et économiquement rentable est Facebook. En moins de dix ans, il
a conquis une grande partie du monde82 devenant le principal moyen de communication pour
de nombreux individus. S’il est le plus populaire, Facebook n’est pas le seul réseau social.
Face à ce mastodonte, de nouveaux réseaux sociaux ont vu le jour, plus confidentiels, offrant
même jusqu’à l’anonymat absolu à l’image du réseau américain Social Number qui ne
requiert plus que l’utilisateur décline son identité ou crée un pseudo, l’internaute n’est qu’un
numéro83.
79
80
81
82
83
M. Yves DÉTRAIGNE et Mme Anne-Marie ESCOFFIER, rapport sénatorial sur le respect de la vie privée à
l’heure des mémoires numériques
Groupe de travail sur les réseaux sociaux institué par la directive 95/46/CE
Avis 5/2009 sur les réseaux sociaux en ligne adopté le 5 juin 2009
Plus d’un milliard de comptes (voir annexe 1)
http://socialnumber.com/ (consulté le 15 mai 2013)
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Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
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Généralistes ou ciblés 84 , il existe même des réseaux destinés à des communautés
religieuses 85 ou à une catégorie de personnes par tranche d’âge 86 . Quel sont les points
communs aux multitudes plateformes existantes ? Elles sont accessibles à tous au sens ou
une plateforme sociale repose sur un support technologique. De plus, elle favorise la parole
et l’interaction sociale par rapport à d’autres médias. Enfin et c’est là son attrait majeur, la
création de contenu par l’utilisateur est possible. Fondé sur la donnée personnelle, ce
nouveau modèle de commerce électronique, est emblématique du web social.
2) L’internaute, acteur de l’internet
En quelques années, de statique, le web est devenu participatif. L’internaute sans
connaissances techniques particulières, échange des contenus notamment par des réseaux
sociaux, symbole de l’intégration du web 2.0 dans les communications. L’utilisateur devient
producteur, diffuseur ou consommateur. Le média social a peu à peu dépassé le simple cercle
privé, l’intimité de la quinzaine de personnes d’une boucle familiale ou amicale : le cercle
proche du particulier n’est plus la norme dans les réseaux sociaux. Plus d’un internaute sur
deux a un compte Facebook87 en 2012, 82 % des internautes sont membres d’au moins un
réseau, contre 77% en 2011. A noter que les adolescents y ont une particulière présence.
Avec plus d’un milliard de comptes, Facebook est un outil de communication mondial.
Outil de communication entre amis, plateforme de partage de photos, le réseau social est
aussi un outil de propagande pour les marques ou le mouvement politique88. Aujourd’hui, la
participation à un mouvement d’opinion est facile. Effectivement, le simple clic d’un bouton
demande un niveau d’implication faible mais engendre des répercussions retentissantes. Ces
plateformes sont alors un terrain facilitateur pour le cyber-harcèlement. Ainsi, la psychiatre
Sherry Bauman a démontré dans ses travaux que « plus les enfants ou adolescents sont
impliqués dans les réseaux sociaux, plus le risque d’être victime ou harceleur est grand ».
84
85
86
87
88
Linkedin, réseau professionnel
Mypraize pour les chrétiens
Quintonic pour les séniors
Observatoire des réseaux sociaux IFOP
Rôle dans l’émergence du printemps arabe
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Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
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Quant Eric Debarbieux89, il qualifie Facebook de média qui est « un des vecteurs les plus
dangereux du harcèlement » 90 . L’explosion des pratiques sur les réseaux sociaux et la
tendance à « l’exposition de soi »91 a conduit le réseau social à un rôle spécifique dans les
cas de cyber-harcèlement.
B. Identité, anonymat et réseaux sociaux
Aussi différente que soit l’identité sur les réseaux sociaux que l’identité réelle (1), le simple
changement d’identité numérique ne semble pouvoir s’affirmer (2).
1) L’identité sur les réseaux sociaux
Avant les réseaux sociaux, il était impossible d’être visible par les autres internautes par la
seule navigation sur internet. Mais aujourd’hui, l’identité n’est plus celle du réseau mais
celle de la personne, diminuant la possibilité de « s’y dissimuler, de disparaître dans l’espace
impalpable du virtuel »92. Quasi-absolue, parfois conditionnée à une inscription, l’obscurité
n’est plus acquise. L’anonymat semble favoriser le comportement harcelant au sens où les
auteurs ne se confrontent pas à leur victime. Plus encore, il renforce aussi le sentiment de
puissance du harceleur et le sentiment d’impuissance du harcelé. Cette réalité conduit à
l’invisibilité de la violence tant par l’ignorance des auteurs que celles des personnes averties.
Le cyber-délinquant n’a pas l’impression de prendre des risques. Le passage à l’acte est
facilité par la virtualité des échanges et l’absence de contact. Les jeunes n’établissent
souvent pas le lien entre des actes illégaux et leurs conséquences 93 . Les adolescents,
notamment, vivent dans l’instant présent et ne font pas le lien entre la cause et l’effet, ce qui
limite l’impact d’une loi pour les décourager.
89
90
91
92
93
Spécialiste de la violence à l’école chargé d’un rapport sur le harcèlement scolaire remis à Luc CHATEL
http://www.vousnousils.fr/2011/03/18/eric-debarbieux-%c2%ab%c2%a0pour-une-prevention-precoce-duharcelement-il-faut-d%e2%80%99abord-reconnaitre-ce-phenomene-%c2%bb-502799, (consulté le 10 mai
2013)
Sophie VULLIET-TAVERNIER, directrice des études, de l’innovation et de la prospective de la CNIL
Jean BAUDRILLARD
http://www.radio-canada.ca/nouvelles/National/2013/02/28/001-cyberintimidation-anti-intimidationmilitant.shtml (consulté le 15 mai 201)
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Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
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2) Le rejet de l’argument du changement d’identité numérique
Avec le développement d’internet et des NTIC, la notion d’identité s’est étendue et
diversifiée. Dans la sphère traditionnelle, l’état civil permettait « l’identification certaine
d’une personne en tant que sujet de droit afin de lui assurer une reconnaissance dans la
communauté nationale et de garantir des droits vis-à-vis des tiers et de la puissance
publique » 94 . L’arrivée des réseaux sociaux a rendu possible l’identité virtuelle sur les
réseaux ou sur les jeux en ligne, l’usage des pseudonymes s’est aussi généralisé. Cependant,
affirmer que la création d’un nouveau profil ou le changement de compte permettrait de
réinitialiser sa réputation numérique s’avère trop optimiste. Les capacités de conservation
des données se sont multipliées puisque l’information est visible de façon permanente. Le
pragmatisme incite à pointer du doigt la difficulté de l’oubli sur internet. En effet, il semble
difficile à appliquer, d’autant plus sur un réseau social, parce que la donnée personnelle est
dupliquable à l’infini95. Toute donnée ainsi publiée, même effacée, pourra ressortir si elle a
été conservée via un intermédiaire technologique. En ce sens, il apparaît impossible de
consacrer un droit général et absolu à l’oubli sur internet96.
« Le monde est entré dans la période du web 2.0. Les nouvelles applications qui en
découlent, et notamment les réseaux sociaux, font exploser le nombre d’informations
personnelles accessibles sans limitation de durée sur internet. Nous ne cessons d’exposer
nos vies privées au vu et au su de tous, sans avoir conscience des risques que cela fait courir
à chacun d’entre nous dans la vie réelle. Ces préoccupations sont d’autant plus vives
qu’elles concernent en premier chef les jeunes générations »97.
94
95
96
97
Thomas Cassuto, docteur en droit
Étienne Drouard, avocat à la cour
Rapport d’information n° 3560 de l’Assemblée Nationale sur les droits de l’individu dans la révolution
numérique présenté par MM. Patrick BLOCHE et Patrice VERCHERE, députés
Alex Türk, président de la CNIL de 2004 à 2011
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SECTION 2 : CYBER HARCÈLEMENT ET DROIT A L’OUBLI
A titre liminaire, deux observations sont à apporter. D’une part, différentes libertés et droits
sont mis en exergue via internet et le cyber-harcèlement notamment la liberté d’expression.
C’est une valeur pivot de l’internet qui a été remise en cause par l’apogée des réseaux
sociaux. Ici, un focus sera effectué sur le droit à l’oubli numérique au sens où il n’est pas
aussi affirmé que d’autres droits. Ne pas participer au web 2.0, ne pas être sur un réseau
social, ne pas être hyper-connecté ne permet pas de ne pas être un cible potentielle. Là où
réside la différence, est la simple non-connaissance du comportement.
La définition première de l’oubli évoque pour partie un défaut de mémoire ou une
étourderie. Il s’agit également d’un processus humain du cerveau essentiel à la mémoire.
Dans la même optique que la mémoire enregistre des données, l’oubli s’exerce naturellement
au fil du temps. L’oubli se définit au sens d’omissions, de ne pas se rappeler au point d’être
une « défaillance dans l’aptitude à se souvenir de quelque chose ». Mais il s’apparente aussi
à une consolation puisqu’il est l’« éloignement de certaines idées préoccupantes » 98.
Le droit prend en compte le temps. Il est possible de citer à titre d’exemple la prescription
qui est un mode d’extinction du droit à lancer une action mais aussi l’acquisition d’un droit à
l’oubli par l’écoulement du temps. Ici, l’oubli sera envisagé sur le terrain de la protection des
individus. Sans être néfaste par sa nature, la nouvelle temporalité de l’internet permet une
conservation intemporelle de toute trace. Le développement de la technologie numérique a
permis une capacité de stockage illimitée, à faible coût et affranchi de la contrainte de la
présence physique – une simple connexion au réseau suffit pour accéder à une donnée. « Le
temps ne joue plus son rôle de vecteur entre la mémoire et l’oubli »99.
98
99
Dictionnaire Larousse
Nathalie Walczak, Doctorante en Sciences de l’information et de la communication - Lyon 2,
http://www.newsring.fr/medias-tech/310-peut-on-garantir-le-droit-a-loubli-sur-internet/4959-loublinumerique-a-laune-de-loubli-humain (consulté le 15 mai 2013)
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Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
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Souvent évoqué en raison des enjeux lourds qu’il induit (I), les contours juridiques de ce
droit restent encore à préciser (II).
I. Enjeux de l’oubli pour le cyber-harcèlement
Le droit à l’oubli numérique sous-tend une problématique spéciale quant au cyberharcèlement (A). Des obstacles sont présents pour son applicabilité (B).
A. Droit à l’oubli numérique et harcèlement virtuel
Le droit à l’oubli numérique s’articule autour de la notion de donnée à caractère personnelle
(1) pour être appréhendé efficacement (2).
1) Une dépendance avec la notion de donnée à caractère personnel
La mémoire permanente de l’internet demande un délicat équilibre entre conservation des
données et droit à l’oubli. En effet, le droit à l’oubli numérique suppose l’identification de
l’objet de l’oubli soit l’idée de souvenir numérique 100 . Le cadre posé, il convient de
rechercher la traduction juridique de ce souvenir. Il s’agit de la donnée à caractère personnel.
Ainsi, l’individu dispose de certains droits, qui constituent l’essence du droit à l’oubli
numérique. La mise en œuvre du droit à l’oubli s’articule dès lors autour de la notion de
données à caractère personnel. Cette notion se définissant comme « toute information
concernant une personne physique identifiée ou identifiable »101. Par ailleurs, l’approche de
la notion de donnée à caractère personnel sur le réseau social est à étudier. Le groupe de
l’article 29102 a estimé en 2007 que « les données constituées par des sons et des images
100
QUILLET Etienne, Le droit à l’oubli numérique sur les réseaux sociaux, Master de droits de l’homme et doit
h humanitaire, Paris 2, 2011
101
Article 3 de la directive 95/46/CE
102
Groupe de travail sur les réseaux sociaux institué par la directive 95/46/CE
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Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
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méritent, à ce titre, d’être reconnues comme des données à caractère personnel, dans la
mesure où elles peuvent représenter des informations sur une personne physique »103. De ce
fait, une photo publiée ou une personne identifiée semble être une donnée à caractère
personnel. Toutefois, ces hypothèses devraient bien sûr être précisées, le cas échéant par le
juge ou le législateur.
2) Notion du droit à l’oubli numérique
S’agissant du droit à l’oubli, il se définit comme la possibilité d’effacer des données
personnelles qui ont été communiquées, de façon consentante, dans un cadre plus ou moins
restreint et que l’on ne souhaite plus voir figurer en ligne104. Ainsi décrit, l’habeas data105 ou
droit à l’oubli se présente comme la principale garantie pour « empêcher qu’une personne
soit gênée toute sa vie durant par des données fichées et utilisées à son insu ».106 Mais sur
internet produire n’est plus détenir. L’internaute qui produit les données n’a pas de légitimité
à les posséder107. Cependant, le droit peut-il se contenter de telles affirmations ? Les États
doivent-ils délaisser complètement la propriété des données personnelles ? Et surtout,
comment lutter alors contre les dérives du cyber-harcèlement si la personne visée ne se
détache jamais de données infamantes ou relevant de la sphère privée ?
B. Les obstacles au droit à l’oubli numérique
Le droit des non utilisateurs est tout autant affecté. Le fait de ne pas être présent sur un
réseau ne permet pas de ne pas être la victime d’un tel comportement. En effet, un individu
103
104
105
106
107
Avis 4/2007 sur le concept des données à caractère personnel du 20 juin 2007, WP 136
BOUHADANA I., Constitution et droit à l’oubli numérique : état des lieux et perspectives, Revue de
l’institut du monde et du développement, vie privée, vie publique à l’ère du numérique, 2011-1
FRAYSSINET J., la protection des données personnelles, in Droit de l’informatique et de l’internet,
Thémis, 2001
FRAYSSINET J., la protection des données personnelles, in Droit de l’informatique et de l’internet,
Thémis, 2001
FOGEL JF., PATINO B., La Condition numérique, Grasset, Avril 2013, 216 pages
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Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
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peut avoir une identité sur Facebook, et ce, à son insu : nom et prénom existent alors sur le
réseau social sans que cette personne en soit informée.
Les contours de certaines notions traditionnelles sont à réinterpréter (1) à l’aune de
l’expansion des réseaux sociaux (2).
1) Vie privée et oubli, nouvelle interprétation
Concernant ces notions, la mémoire numérique aurait opéré un renversement de l’équilibre
mémoire – oubli, au point même que « de manière évidente, le souvenir est devenu la norme,
et l’oubli l’exception »108.
En conséquence, un véritable décalage découle « entre le passé vécu, le ressenti, et le passé
numérique »109. Pire encore, le souci de préserver sa vie privée n’est « plus la norme »110.
Aujourd’hui, fondée sur la notion de donnée personnelle, les leaders du nouveau modèle de
commerce électronique souhaitent voir entérinée cette nouvelle vision de la vie privée.
Néanmoins, le droit a pour mission de s’imposer comme rempart notamment au vu de
dérives telles que le cyber-harcèlement face à l’ « éternel présent »111. « Sans oubli, il ne
saurait y avoir de bonheur, de belle humeur, d’espérance, de fierté, de présent, une double
menace pèse sur ces communautés »112. Les plus jeunes sont les plus fragiles et les moins
conscients des risques de la surexposition sur un réseau social. Mais ils n’en mesurent pas
les conséquences surtout concernant leur avenir. En effet, lors d’un entretien d’embauche,
certaines entreprises consultent le profil Facebook du candidat avant de le recevoir en
entretien.
Ces sociétés quant à elles, ont perçu le danger lié à l’e-réputation contrairement aux
particuliers, encore peu familiers avec le concept de cyber-identité. Alors même que des
assurances e-réputation113 apparaissent, le particulier ne semble pas au fait de ces menaces.
108
« Quite obviously, remembering has become the norm, and forgetting the exception », V.M. Schoinoberger
issue de Delete : the virtue of forgetting in the digital age, 2009
109
QUILLET Etienne, Le droit à l’oubli numérique sur les réseaux sociaux, Master de droits de l’homme et
d droit humanitaire, Paris 2, 2011
110
Février 2010, Marc Zuckenberg
111
Pierre Bellanger
112
NIETZSCHE F., Généalogie de la morale, Flammarion, 1996
113
Axa ou swisslife
38
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
Les réseaux sociaux ont modifié les rapports entre individus sur internet par leur intensité,
leur nouvelle approche et la « porosité entre la sphère privée et la sphère publique»114 qu’ils
ont créée. Là où la personne se sentait auparavant en sécurité, elle n’est plus exempte de
danger. Il a été constaté, à de multiples de reprises que la durée de mise en ligne des
contenus harcelants perdurent, même si le comportement cesse. La donnée à caractère
personnel est la pierre angulaire du droit à l’oubli numérique. Si elle est quelque fois
collectée à l’insu de l’internaute, il arrive aussi parfois que cette donnée privée soit
divulguée plus ou moins sciemment par ce dernier.
Les nouvelles formes de réseaux sociaux font apparaître de nouveaux risques qui pèsent sur
la vie privée. L’un deux apparaît singulier : l’internaute s’expose consciemment et
volontairement, par un mécanisme assimilable à une complicité active. Le paradoxe est la
prise de conscience du danger de la vie privée et la montée de l’exposition de l’intimité,
notamment sur le réseau social. Peureux mais conscient, averti mais apeuré, l’internaute est
au cœur de ce paradoxe. Enjeu fondamental, la vie privée semble être mise à mal par le
cyber-harcèlement dans ses trois composantes : la capacité d’un individu à tenir secrets
certains aspects de sa vie privée et à en contrôler leur divulgation, le « droit à être laissé seul
»115 et celle de son autonomie individuelle. Cette dissonance entre l’action et l’opinion fait
que les bénéfices reçus sont le plus souvent des avantages immédiats et le risque uniquement
futur116. Internet est trop souvent considéré comme un espace où tout est détaché du réel. Il
semble lié à une atmosphère sécurisée où chacun est persuadé d’être à l’abri des risques.
Jean-Claude Kaufmann117 interprète l’intimité dévoilée comme une progression de la quête
de lui-même que mène l’individu.
Cependant, même si le paradoxe de la vie privée repose sur l’internaute qui ne se soucierait
pas des répercussions d’indiscrétion virtuelle sur le réel, l’incitation est forte. Plus encore,
114
115
116
117
Myriam Quemener
Samuel Warren et Louis Brandeis
« Ils sont ainsi dans la situation des fumeurs qui ne se décident pas à arrêter : le plaisir de la bouffée à
l’instant est entier et l’accalmie du manque est immédiate, alors que le possible cancer auquel on peut
espérer survivre est un événement si lointain », issu http://i-marketing.blogspot.fr/2010/05/les-paradoxesde-la-vie-privee-du.html (consulté le 15 mai 2013)
Tout dire de soi, tout montrer, Le débat, 2003
39
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
« le fonctionnement même des réseaux sociaux les encourage à dévoiler un grand nombre
informations sur leur vie privée »118.
2) Une délicate appréhension de l’oubli numérique sur les réseaux sociaux
Le succès d’un réseau social dépend en partie de la quantité d’informations fournie par ses
membres. Il s’agira ici de relever l’orientation n°21 du rapport de l’assemblée nationale119
qui préconise d’ « instaurer un droit à l’oubli sur les réseaux sociaux et non à l’ensemble des
sites web ». Selon ce rapport, trois axes sont proposés. En premier lieu, un « droit express et
effectif à l’effacement de ses données et non un simple droit à la désactivation de son
profil ». En deuxième lieu, « la garantie d’une procédure simple et facilement accessible
permettant d’effacer l’intégralité de ses données ou de les récupérer en vue de les
réutiliser ». En dernier lieu, « l’effacement par principe des données d’un profil utilisateur
après un certain délai si aucun usage n’en est fait, l’utilisateur pouvant opter pour le non
effacement de ses données ».
Ainsi, il pourra être mis en exergue une mise en œuvre équilibrée du droit à l’oubli dans un
environnement numérique. Pour le cyber-harcèlement, ce droit est d’autant plus important
qu’il est très difficile de supprimer des informations. En effet, lorsqu’une donnée a été
publiée, la rectification ou la suppression est ardue. Ceci résulte principalement de la mise en
ligne des contenus harcelants qui peuvent perdurer, même si le comportement cesse. Un
équilibre délicat doit être obtenu entre la nécessité de protéger les internautes et celle d’éviter
de bloquer les discussions sociales.
Le droit à l’oubli défendu par une partie de la doctrine, certains auteurs revendiquent même
un « droit au suicide numérique »120. L’enjeu actuel est que l’individu « redevienne maître de
118
119
120
Rapport d’information n° 441 (2008-2009) de M. Yves Détraigne et Mme Anne-Marie Escoffier, fait au
nom de la commission des lois, déposé le 27 mai 2009
Rapport d’information n° 3560 de l’Assemblée Nationale sur les droits de l’individu dans la révolution
numérique présenté par MM. Patrick Bloche et Patrice Verchère, députés
http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=LCN_071_0103 (consulté le 15 mai 2013)
40
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
ses données »121 plutôt que de consacrer un droit général et absolu à l’oubli numérique qui
ne serait pas opérationnel. Pour reprendre les propos du psychologue clinicien Jean-Charles
Nayebi, « les nouvelles technologies permettent une propagation et un enchainement qui
n’existaient pas avant. La société virtuelle est en fait une transposition de la société réelle,
mais de façon exacerbée ».
Le professeur de droit du travail à l’université Paris 1 Sorbonne, Jean-Emmanuel Ray,
estime, quant à lui, que l’usage qui sera fait dans quelques années des informations
accumulées sur les enfants aujourd’hui est inquiétant. La France a été précurseur dans la
protection de la vie privée 122 mais comment doit-elle se placer face aux évolutions
technologiques ininterrompues depuis ? Jonathan Zittrain 123 semblerait avoir cerné la
problématique. Il propose l’idée d’une « banqueroute de la réputation ». Ce dernier
considère que chacun devrait avoir la possibilité de déclarer sa réputation en faillite pour
procéder au nettoyage de l’ensemble de ses données numériques.
II. Une présence hésitante du droit à l’oubli numérique
La première consécration du droit à l’oubli remonte à la décision « Madame M. C. Filipacchi
et Cogedipresse » rendue en 1983 par le tribunal de grande instance. La juridiction utilise
pour la première fois cette notion en précisant que « attendu que toute personne qui a été
mêlée à des évènements publics peut, le temps passant, revendiquer le droit à l’oubli ; que le
rappel de ces évènements et du rôle qu’elle a pu y jouer est illégitime s’il n’est pas fondé sur
les nécessités de l’histoire ou s’il peut être de nature à blesser sa sensibilité ».
Le droit à l’oubli numérique n’est pas formellement exprimé dans les textes. Tandis qu’au
plan national, la consécration de ce droit est timide (A), le prochain règlement européen
permettra peut-être de garantir une meilleure effectivité (B).
121
122
123
Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la CNIL
Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés
Professeur de droit numérique à Harvard
41
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
A. Une reconnaissance mitigée de ce droit
Malgré les appels en faveur d’une consécration constitutionnelle du droit à l’oubli
numérique124, le droit à l’oubli n’est pas protégé en tant que tel mais comme corollaire du
droit au respect de la vie privé par le juge constitutionnel français. La jurisprudence
judiciaire s’est aussi appuyée sur ce droit pour fonder un raisonnement (1) ce qui a donné
lieu à l’adoption d’une charte (2).
1) Vers une consécration explicite du droit à l’oubli ?
Peu de décisions judiciaires consacrent le droit à l’oubli numérique. Il faudra attendre
l’ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Paris. Cette ordonnance de
désindexation de résultats des moteurs de recherche s’appuie sur le droit à l’oubli
numérique125. En l’espèce, la pratique du cyber-harcèlement n’était pas mise en cause. La
plaignante avait tourné dans des scènes pornographiques avant de devenir assistante
juridique. En tapant son nom sur un célèbre moteur de recherche, la vidéo pornographique126
la mettant en scène apparaissait. Ses démarches auprès du producteur du film, de l’hébergeur
du site ainsi que de l’éditeur du site ayant été vaines, elle a décidé de les assigner en référé.
Le moteur de recherche a alors été condamné à la désindexation des pages litigieuses sous
astreinte de 1.500 euros par jour de retard.
Ainsi, « si Madame Z. lorsqu’elle a tourné ce film, a accepté nécessairement une certaine
distribution même si ensuite elle n’a pas a priori consenti à sa numérisation et à sa diffusion
sur internet et si cette vidéo ne révèle pas en elle-même des scènes de sa vie privée, il n’en
demeure pas moins que ce film témoigne à une époque donnée de la vie de la jeune femme
laquelle entend bénéficier du droit à l’oubli ». Même si ce cas d’espèce ne concerne pas le
cyber-harcèlement. Un raisonnement identique pourrait s’appliquer et ce, en s’appuyant sur
124
125
126
Notamment par le comité Veil de 2008
Tribunal de grande instance de Paris, ordonnance de référé, 15 février 2012
« Anthraxia et Lilith se font ... »
42
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
l’article du juriste Matthieu Wiedenhoff127 qui démontre au travers de plusieurs cas qu’une
demande de retrait de données d’un site web avait régulièrement pour conséquence une
diffusion plus large et incontrôlée des données concernées.
2) L’initiative de la charte du droit à l’oubli
Au cours des dernières années, de timides initiatives ont été prises pour instaurer un droit à
l’oubli sur les réseaux sociaux. Celui-ci reposant sur un droit exprès et effectif à l’effacement
de ses données. En France, la Charte du droit à l’oubli des sites collaboratifs a été mise en
place par Nathalie Kosciusko-Morizet128 le 13 octobre 2010. Ce texte a pour double objectif
d’améliorer la transparence de l’exploitation des données transmises et d’assurer un
« meilleur contrôle des données ».
Cependant, le droit à l’oubli numérique n’est mentionné que dans le préambule de la charte
qui a une simple vocation à mettre en œuvre « les droits consistant le droit à l’oubli » sans
plus de précision. Cette conception large du droit à l’oubli numérique ne permet pas de le
définir et s’apparente à un slogan pour attirer l’attention. Son effectivité semble limitée
puisque deux groupes leaders dans le secteur ont refusé de signer cette charte, soit Google et
Facebook. La CNIL ne l’a pas non plus signée. Elle n’a pas de portée normative
contraignante.
Toutefois, il semblerait que les pays membres de l’Union européenne souhaitent renforcer
l’effectivité de ce droit.
B. Des perspectives visant au renforcement du droit à l’oubli numérique
Un projet de règlement européen a été mis en place en 2012 (1). Il prévoit spécifiquement
une politique industrielle du numérique fondée sur le privacy by design (2).
127
128
Juriste NTIC – Doctorant en droit des nouvelles technologies
Alors Secrétaire d’Etat chargé de la prospective et du développement de l’économie numérique
43
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
1) Le renforcement et l’harmonisation des législations nationales européennes
Afin de réviser le socle de référence 129 qui posait les principes (traitement, collecte,
conservation et diffusion des données personnelles), une révision est en cours pour pallier
l’insuffisance d’harmonisation qui apparaît comme un obstacle à une protection efficace des
données personnelles dans l’Union européenne. C’est pourquoi, la vice-présidente de la
commission européenne, Madame Viviane Reding déclarait le 8 novembre 2011 que le droit
d’être oublié sera un principe-clé de la réforme à venir130. Soutenu par la France, ce texte
proposé officiellement en janvier 2012, prévoit qu’une personne a le droit d’obtenir du
responsable de traitement l’effacement des données à caractère personnel la concernant, et la
cessation de la diffusion de ces données, notamment si la personne concernée ne consent
plus à leur utilisation131. L’applicabilité de ce texte est à affirmer puisque le texte est devenu
un règlement, il sera directement applicable dans tous ses éléments aux pays membres de
l’Union européenne. Même s’il s’agit d’un signal fort envoyé aux acteurs de l’économie du
numérique132, de nombreuses questions se posent quant à son efficacité. Pour la Commission
européenne et le Parlement européen, il est légitime de mettre en place de nouveaux gardefous afin que les grands opérateurs privés du web, tels Facebook ou Google, ne puissent pas
conserver et commercialiser ad vitam æternam les données personnelles des utilisateurs de
leurs plateformes. Ce projet offre une nouvelle vie au droit à l’oubli, chacun pourra alors
demander que ses données soient effacées. Mais, l’application de ce projet est restreinte car
il vise uniquement les données publiées volontairement par un internaute sur un réseau, ce
qui n’est pas nécessairement le cas dans du cyber-harcèlement.
La mise en place d’un droit à l’oubli numérique constitue le point central du texte. En effet,
il obligera les sites à supprimer, sur simple demande les données des utilisateurs, comme par
exemple une photographie, une date de naissance ou une adresse postale. Au premier chef, le
texte vise les réseaux sociaux, sur lesquels il faut s’inscrire. Par conséquent, l’utilisateur
129
Directive 95/46/CE de 1995 du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la
protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre
circulation de ces données
130
« The right to be forgotten (…) this principle will form a key element of the upcoming reform ».
131
Article 17 du projet de règlement
132
Le règlement a une applicabilité immédiate en tout élément dans les pays de l’Union européenne
44
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
pourra obtenir le retrait d’une photographie compromettante de Facebook ou de Google dans
l’hypothèse d’une photo unique, et d’autant plus dans l’hypothèse d’un cyber-harcèlement.
Le site aura alors l’obligation de se plier à la demande de l’internaute et d’en avertir les
autres sites susceptibles de reproduire le cliché. En cas d’infraction, l’autorité nationale de
protection des données 133 adressera un avertissement avant d’établir une amende, dont le
montant sera établi au cas par cas. Enfin, si le document n’a pas obtenu l’accord de
l’intéressé avant publication, il ne pourra être utilisé dans un entretien d’embauche et n’aura
aucune valeur dans un contentieux. Le juriste Wim Nauwelaerts 134 estime ce projet
ambitieux et qu’il sera difficile à appliquer et ce notamment du fait de la difficulté de
contrôler l’immense masse d’informations et d’acteurs qui interagissent sur la Toile.
Ces propositions suscitent toutefois une vive polémique 135 . En effet, la commission des
libertés civiles souhaite voter le texte amendé avant septembre 2013 en principe, sans qu’une
date n’ait été encore fixée. Ensuite, les négociations entre le conseil et le parlement
permettront d’arriver à un texte final. Il faudra aussi concilier avec le lobby des géants du
secteur numérique, et plus encore de ceux qui ont un business model reposant « entièrement
sur la collecte et l’exploitation des données de leurs utilisateurs »136. La mise en application
des textes est prévue pour 2016. Dans cette perspective, le 30 mai 2013, la CNIL a entamé
un processus de consultation des professionnels et des internautes baptisé « construire
ensemble un doit à l’oubli numérique » 137 afin d’avoir une réflexion complète sur ces
questions.
La multiplication exponentielle des traces numériques se heurte à la réalité numérique car
même avec l’effectivité d’un droit à l’oubli, comment avoir la certitude que l’information
diffusée un jour ne ressurgira pas ?
133
En France, la CNIL
http://ec.europa.eu/avservices/video/player.cfm?ref=I072122 (consulté le)
135
Le monde, 4 juin 2013, Article Très chères données personnelles, Yves Eudes
136
Le monde, 4 juin 2013, Article Très chères données personnelles, Yves Eudes
137
http://www.cnil.fr/linstitution/actualite/article/article/construire-ensemble-un-droit-a-loubli-numerique/
(consulté le 9 juin 2013)
134
45
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
2) La technologie au service de l’oubli numérique
Le droit des personnes à bénéficier de la protection de leurs données à caractère personnel
pourrait être envisagé dès la conception technique des objets.
Il s’agit d’un concept à mi-chemin entre le droit et la technique, il se traduit par « la prise en
compte de la vie privée dès la conception ». Le privacy by design permet « de placer a priori
la protection des données à caractère personnel au cœur de la conception du produit et non
pas de proposer une solution a posteriori, souvent imparfaite »138. L’adoption de standards
techniques qui permettent en amont à l’utilisateur de contrôler la diffusion de ces données
permettrait une effectivité. Certaines sociétés américaines suivent déjà ces principe139. Si le
cyber-harcèlement met en évidence un problème de comportement, il pose également le
souci des traces et de leur pérennité. L’effectivité du droit à l’oubli ne se réalisera que si le
caractère globalisé d’internet est pris en compte.
Dans cette hypothèse, le droit à l’oubli semble ne pouvoir s’appliquer qu’aux réseaux
sociaux. Il n’est alors qu’un « concept prometteur pour réduire le décalage entre une
technologie qui connait un rythme de développement très rapide et les moyens de protection
de la vie privée des individus, dont le niveau a toujours un temps de retard »140.
138
139
140
alexandrie.droit.fundp.ac.be/GEIDEFile/6818.pdf?Archive=192879191005&File=6818_pdf (consulté le 15
mai 2013)
Le navigateur internet de Microsoft internet Explorer 8 permet la navigation anonyme via le mode « in
pivate ».
Rapport d’information n° 3560 de l’Assemblée Nationale sur les droits de l’individu dans la révolution
numérique présenté par MM. Patrick Bloche et Patrice Verchère, députés (page 178)
46
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
PARTIE 2 :
LE CYBER-HARCÈLEMENT, UN
PHÉNOMENE À COMBATTRE DANS
LE RÉEL
La lutte contre le cyber-harcèlement combine des actions juridiques et des actions
techniques. Mais quelles lois, quelles sanctions et quelle protection de l’individu face au
cyber-harcèlement ? Quels sont les outils actuels ? Les fondements légaux de la lutte contre
le cyber-harcèlement sont à considérer (chapitre 1) mais la réponse ne saurait être complète
sans évoquer la prévention qui se révèle indispensable (chapitre 2).
47
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
CHAPITRE 1 : DES RESPONSABILITÉS RÉELLES
Il nous faut évacuer ici l’éventualité du référé prévu par l’article 145 du code de procédure
civile, « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de
faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement
admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en
référé ». Ces mesures d’instruction, dites in futurum, permettent aux parties de s’assurer une
meilleure connaissance des éléments du conflit et sont également de nature, parfois, à éviter
ou prévenir un procès.
Il s’agira ici de s’interroger sur la réaction juridique face au cyber-harcèlement contre
l’auteur du comportement (section 1). Toutefois, au vu des pouvoir exorbitants octroyés par
les conditions générales des réseaux sociaux, il convient de s’interroger sur la place et les
outils mis en place (section 2).
SECTION 1 : LES TENTATIVES DE POURSUITES PÉNALES CONTRE LE
CYBER-HARCELEUR
Le cyber-harcèlement n’existe pas en tant que qualification infractionnelle propre (I). Pour
autant, est-il nécessaire de légiférer ? (II).
I.
L’absence de répression et innovation pénale
La qualification propre de « cyber-harcèlement » n’existe pas dans les textes codifiés
français (A). Néanmoins, constat d’absence ne permet pas de prôner la création d’une
infraction par la voie législative (B).
48
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
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A. Qualification légale du cyber-harcèlement
Dans l’univers numérique, la législation n’a pas pu suivre le train d’enfer imposé par
l’innovation. Si le harcèlement existe dans les textes (1). Le cyber-harcèlement n’est pas un
terme inclus, cité ou envisagé dans le code pénal, ni dans aucune texte normatif français (2).
1) La qualification légale de harcèlement
Dans l’arsenal répressif actuel, seul deux délits sont visés : le harcèlement via la sphère
professionnelle ou suite à des contacts physiques directs.
Dans un premier temps, le harcèlement moral est réprimé par le Code du travail141 et par le
Code Pénal142. Dans les deux codes, le harcèlement moral est défini en termes voisins. Le
Code du travail cantonne les faits de harcèlement à la sphère du travail en visant « les
salariés », tandis que le Code Pénal réprime plus largement l’action de « harceler autrui ».
Le harcèlement moral se traduit par des « agissements répétés ayant pour objet ou pour effet
une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droit et à sa
dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir
professionnel ». Aussi, dans l’hypothèse d’un harcèlement dans la sphère professionnelle via
un support numérique, la répression est envisageable mais reste cantonnée à la sphère
professionnelle et à la dégradation des conditions de travail.
De plus, depuis la loi n°2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel, les peines
encourues en matière de harcèlement moral ont été alourdies : deux ans d’emprisonnement et
15 000 euros d’amende (au lieu d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende).
Ce même texte pose une double définition au délit de harcèlement sexuel143.
Dans un second temps, le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon
répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui portent atteinte à sa dignité
en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, et qui créent à son encontre une situation
141
Article L1152-1 du Code du travail
Article 222-33-2 du Code Pénal
143
Article 222-33 et suivants du Code Pénal
142
49
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
intimidante, hostile ou offensante. En outre, le harcèlement sexuel est le fait d’user de toute
forme de pression grave, dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle,
pour soi-même ou pour un tiers même non répété.
Le cyber-harcèlement pourrait dans certaines hypothèses, notamment pour les sex tape être
réprimé sous cette qualification. De nombreux comportements restent alors non visés.
2) L’intérêt de la qualification pénale
L’absence de reconnaissance législative témoigne de la placidité du législateur à s’emparer
des nouvelles évolutions des comportements des NTIC dans la sphère répressive. Une
protection légale contre le cyber-harcèlement ne semble néanmoins pas sans intérêt.
Pourquoi s’appuyer sur une pénalisation du harcèlement virtuel ? La procédure devant les
juridictions pénales est souvent présentée comme longue - estimée à cinq ans entre les faits
et le jugement - lourd et parfois même inefficace - le risque de classement sans suite est
présent. Toutefois, le droit pénal, par ses trois fonctions embellissent cette voie. Par sa
fonction répressive, cette branche a pour première mission de punir les auteurs. En même
temps que le droit pénal réprime les atteintes qui sont portées à la société, il en exprime les
valeurs essentielles. Les infractions ont une dimension expressive en ce qu’elles témoignent
de l’importance qui est accordée par la loi et par notre communauté à certaines valeurs.
Enfin, le droit pénal, par la peine remplit deux missions essentielles : la prévention, par son
effet dissuasif et la réinsertion des prévenus à l’issue de l’exécution de la peine.
Le silence du code pénal sur le cyber-harcèlement implique-il un vide juridique, synonyme
d’absence d’incrimination et de répression ?
50
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
B. Les solutions envisageables
A première impression, la précipitation pourrait conduire à encourager l’innovation
législative (1). Néanmoins, face à la montée de l’inflation législative, une autre piste pourrait
être examinée (2).
1) Création législative
L’élaboration d’une loi et sa mise en application arrive en réaction à l’apparition de la
technologie. C’est ici l’éternelle réaction du droit face à un constat d’échec. Elle pourrait être
réalisée par la création d’un délit pour reconnaitre ce phénomène. Le Canada a réagi dans ce
sens, un projet de loi d’initiative parlementaire vise à amender le code criminel pour
reconnaitre le cyber-harcèlement comme un délit autonome.
Témoignage de la limitation du pouvoir d’interprétation du juge, il précise qu’il n’a y a pas
de peine ou d’infraction sans loi. Il met spécialement en avant l’avancée constante du
progrès technique qui fait apparaître des situations non prévues par le législateur. La légalité
des délits et des peines d’un comportement évolue avec la société et ses mœurs. Ce principe
n’est pas un frein à l’évolution législative, mais une garantie fondamentale des droits de
l’individu.
2) Circonstance aggravante
Le législateur français doit-il intervenir par l’élaboration d’une incrimination spécifique pour
garantir une répression ? La rédaction d’un texte pénal est risquée. En effet, les situations
sont autant de variables qu’il y de raisons ambiguës de passer à l’acte. Une nouvelle
intervention du droit pénal pourrait être une solution non adaptée.
L’utilisation d’un terminal technologique pourrait être envisagée comme une circonstance
aggravante à une qualification existante aux actes matériels qui vont être étudiés. A notre
sens, cette idée permettrait une pleine prise en compte des répercussions des NTIC sur ce
nouveau comportement sans recourir à la création d’une nouvelle loi. Ainsi, l’éventualité
51
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
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d’une création de la circonstance aggravante pour l’utilisation des NTIC dans les infractions
que nous allons étudier apparaît être une mesure à prendre en compte.
II. L’effectivité de la réponse pénale
Le cyber-harcèlement fait l’objet de poursuites à partir des qualifications classiques. Au vu
des multitudes de comportements éventuels, les sources de la loi pénale semblent apporter
des réponses (A). Les difficultés de la réponse pénale sont amplifié dans la mesure où elle se
conjugue avec les problématiques inhérentes au numérique (B).
A. Les sources de la protection pénale
A cet égard, le cyber-harcèlement fait l’objet de poursuites à partir des qualifications
classiques. Sans être exhaustif au vu des multitudes de comportements et formes que peut
revêtir le cyber-harcèlement, il convient de rappeler qu’il est susceptible de constituer des
blessures morales, des menaces144, des violences volontaires avec préméditation145 ou le délit
d’atteinte à la représentation de la personne146. Il est choisi, d’étudier la tentative d’extorsion
(1). Puis, seront étudier deux catégories d’infractions. Le premier groupe vise des infractions
anciennes, les infractions dites de presse (2). Le second vise un délit nouveau, l’usurpation
d’identité en ligne (3).
1) Le délit de tentative d’extorsion
Le cyber-harceleur s’appuie communément sur la naïveté de l’utilisateur-victime qui
encouragé accepte de se dévoiler sur internet. Il n’y a pas encore de décision d’espèce. Mais,
les États-Unis ont déjà condamné sur ce fondement. Un jeune homme de 19 ans du
Wisconsin a été jugé de chantage auprès d’une trentaine de ses camarades de classe. Il
144
Article 222-17 du code pénal
Article 222-13 du code pénal
146
Article 226-8 du code pénal
145
52
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
demandait à ses camarades de lui envoyer des photos ou vidéo, via une fausse page
Facebook où il se faisait passer pour une jeune fille.
En France, l’article 312-1 du code pénal définit l’extorsion comme « le fait d'obtenir par
violence, menace de violences ou contrainte soit une signature, un engagement ou une
renonciation, soit la révélation d'un secret, soit la remise de fonds, de valeurs ou d'un bien
quelconque ».
Punie de de sept ans d'emprisonnement et de 100.000 euros d'amende. Cette qualification est
celle retenue dans l’affaire tragique de Gauthier147.
En 2012, ce jeune de 18 ans s’est pendu à son domicile. Il décèdera une semaine plus tard à
l’hôpital, après s’être dénudé devant une fille par webcam interposées via Chatroulette148.
Gauthier s’était vu sommé de lui donner une somme de 200 euros s’il ne voulait pas qu’une
vidéo compromettante de lui soit diffusée sur le Net, et notamment à ses amis Facebook.
Les parents de Gauthier, jeune homme de 18 ans, ont porté plainte contre X suite au suicide
de leur fils. Une information judiciaire a été ouverte. L’enquête, protégée par le secret est en
cours, la piste de la Côte d’Ivoire a été avancée.
2) Les propos injurieux ou diffamatoires
La diffamation correspond à 49% des décisions judiciaires liés au web 2.0149.
La diffamation se définit comme l’ « allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à
l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé »150.
Mais dans l’hypothèse du cyber-harcèlement, il semblerait que l’acte matériel le plus
communément retenu soit celui de l’insulte soit « toute expression outrageante, termes de
147
http://www.pcinpact.com/news/78805-il-se-suicide-apres-chantage-sur-internet-ouverture-duneinstruction.html (consulté le 10 mai 2013)
148
Chatroulette est un site Web de messagerie instantanée et de visiophonie (par webcam) qui a la particularité
de mettre des internautes en relation de manière aléatoire
149
Crime 2.0 : le web dans tous ses états de Benoit Dupont, directeur du Centre international de criminologie
comparée, et Vincent Gautrais, titulaire de la Chaire de l’Université de Montréal, en droit de la sécurité et
des affaires électroniques, http://champpenal.revues.org/7782 ; DOI : 10.4000/champpenal.7782 (consulté
le 15 mai 2013)
150
Article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse
53
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure »151.
L’imprudence n’est pas compatible avec la diffamation ni avec l’injure. Ces deux infractions
sont intentionnelles par nature. À partir du moment où une personne a conscience de la
portée de ses mots alors il n’y pas d’erreur.
Une double problématique apparaît. D’une part, internet, et plus encore le réseau social est-il
un espace public ou privé ? La seule différence est qu’à défaut de publicité, c’est-à-dire
lorsque les propos poursuivis sont restreints à un groupe de personnes liées par une
communauté d’intérêts, seule la contravention de diffamation152 ou d’injure non publique153
peut être retenue154.
De plus, dans l’hypothèse où le caractère public est reconnu sur un réseau social, est-il alors
possible de soutenir qu’une communauté d’intérêts, cause exonératoire de responsabilité, est
retenue ?
Ici, la jurisprudence de la chambre civile de la Cour de Cassation a répondu à cette double
question 155 . Ainsi, en avril 2013, la Cour de cassation juge que, les propos tenus sur
Facebook sont privés et ne peuvent faire l'objet de poursuites pour injures publiques. Ainsi, il
n’est pas possible de condamner quelqu’un pour injure publique ou diffamation en se
fondant sur des propos tenus sur les réseaux sociaux. Principe tempéré par une condition :
« les termes employés ne doivent être accessibles qu’à des personnes agréées par le titulaire
du compte et fort peu nombreuses ».
Ce nouveau principe de droit établit qu’à partir du moment où on choisit sur Internet ses
contacts ou amis il y aurait une « communauté d’intérêts de personnes liées par des affinités
amicales ou sociales »156. Tout ce qui est dit au sein de ce groupe virtuel relève dorénavant
de la sphère privée.
151
Article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse
Article R. 621-1 du code pénal
153
Article R. 621-2 du code pénal
154
contraventions de 1re classe
152
155
156
Cass, Civ, 1ère, 10 avril 2013, pourvoi n°11-19530
Virginie BENSOUSSAN-BRULE, avocate spécialisée dans le droit des technologies de l’information
54
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
3) L’usurpation d’identité
La loi n°2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance
de la sécurité intérieure, dite LOPPSI 2, comble un vide juridique en sanctionnant l’usage
malveillant d’éléments d’identité d’un tiers sur un réseau de communication au public. Il
faut rappeler que cette infraction est punie des mêmes peines qu'elle soit commise sur un
réseau de communication au public en ligne ou non. .
L’article 226-4-1 du code pénal sanctionne d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros
d’amende « le fait d’usurper l’identité d’un tiers ou de faire usage d’une ou plusieurs
données de toute nature permettant de l’identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle
d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération. […] Cette infraction est
punie des mêmes peines lorsqu’elle est commise sur un réseau de communication au public
en ligne ». Cette infraction permet l’usurpation d’identité mais de manière plus vaste
« l’usage frauduleux de toute donnée à caractère personnel d’un tiers d’une manière qui
trouble sa tranquillité ou porte atteinte à son honneur et à sa considération ce qui est
courant sur internet »157.
Ce nouveau délit se caractérise par deux éléments indissociables. D’une part, un élément
matériel, qui réside dans le fait pour un cyber délinquant d’usurper l’identité d’un tiers ou de
à faire usage d’une ou plusieurs données de toute nature permettant de l’identifier sur un
réseau de communication au public en ligne, et qui vise directement et précisément les outils
participatifs du web 2.0, lie les « réseaux de communication au public en ligne ». D’autre
part, il y a l’élément intentionnel qui se caractérise par exemple par l’intention de troubler la
tranquillité, porter atteinte à l’honneur ou à la considération. Il n’est cependant pas aisé à
démontrer.
Pour dénoncer le comportement cyber-harcelant, la victime ou un de ses proches pourra
bénéficier d’une procédure simplifiée par la plateforme de signalement des contenus illicites
157
QUEMENER M., la loi n°2011-267 du 14 mars 2011 LOPPSI 2 au regard des nouvelles technologies
55
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
de l’internet. Les signalements sont traités par des policiers et gendarmes affectés à la
Plateforme d’Harmonisation, d’Analyse, de Recoupement et d’Orientation des Signalements
(PHAROS). Cette plateforme est intégrée à l’Office Central de Lutte contre la Criminalité
liée aux Technologies de l’Information et de la Communication (OCLCTIC) qui appartient à
la Direction Centrale de la Police Judiciaire, composante de la Police nationale. En 2012,
120.000 signalements158 par le formulaire de plainte en ligne159 ont été recensés. Cet outil
permettra à une victime de se signaler de façon anonyme 160 , et ce, via une procédure
simplifiée. Néanmoins, de nombreuses limites sont à considérer pour espérer aboutir à une
condamnation.
B. Les obstacles à la réponse pénale
Plusieurs obstacles demeurent pour une réponse pénale effective : la volatilité des données
numérique (1), l’opacité d’information-pivot (2) et le traitement judiciaire des plaintes (3).
1) Les obstacles liés à la volatilité des informations numériques
Le cyber-harcèlement implique que les preuves seront à découvrir dans l’environnement
virtuel. La sphère immatérielle d’internet ne semble pas être facilitée la preuve du cybercomportement : la visibilité à un instant T disparaîtra éventuellement ou ne sera plus
accessible. Malgré tout, ce comportement peut continuer. Ménager la preuve et la conserver
apparaît être une difficulté.
Parfois, les victimes organisent elles-mêmes la preuve des agissements subis, via des
captures d’écran. Néanmoins, quelle valeur donnée à la copie d’écran ou à l’impression
établie en tant que preuve à soi-même ? Le Code de procédure pénale consacre le système de
la liberté des preuves en son article 427 ainsi libellé : « Hors les cas où la loi en dispose
autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve ». La chambre
criminelle de la Cour de cassation rappelle souvent que, devant les juges du fond, la preuve
158
Valérie Maldonado, directrice de l’OCLCTIC
https://www.internetsignalement.gouv.fr/PortailWeb/planets/SignalerEtapeQuandEtOu!input.action?idSessio
nSignalement=23445419-25e5-4014-8b13-92bdb2864bf6 (consulté le 16 mai 2013)
160
Annexe 3
159
56
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
peut se faire par tout moyen161. En principe, il n’y a donc pas d’inconvénient à ce que des
preuves découvertes sur les réseaux sociaux soient utilisées dans le cadre d’une procédure
pénale.
Le moyen le plus sûr semble être la copie écran par un officier d’état public, spécifiquement
un huissier de justice. Ici, l’intervention d’un huissier qui permettra toute la procédure, sera
une preuve intéressante pour les poursuites et à fortiori lors de l’évaluation du cas devant
une juridiction.
Toutefois, les enregistrements effectués par un procédé quelconque de paroles prononcées
dans un lieu privé par une personne sans le consentement de celle-ci ne peuvent pas
constituer des preuves162.
2) L’opacité d’informations primordiales
La connaissance de l’auteur et le caractère transnational du réseau pose une double
problématique.
D’une part, toute utilisation d’internet provoque des traces techniques. Dans le cyberespace,
aucun comportement n’est entièrement anonyme. Chaque accès à internet crée une adresse
de protocole IP, laissant une empreinte électronique, que les autorités peuvent retracer. Plus
encore, les opérateurs de communications électroniques, les fournisseurs d’accès à internet et
les hébergeurs sont même tenus de les conserver un an dans l’hypothèse des enquêtes
judiciaires163. Cependant, il est difficile de prouver le cyber-harcèlement. Si la police peut
retracer la source des messages harcelants, l’agresseur peut simplement les nier et avancer
une utilisation de son ordinateur par une personne tierce. Il convient de souligner que
l’identification de l’auteur d’une infraction est rendue possible par l’obligation de
conservation des données qui incombe aux fournisseurs de réseaux sociaux. Néanmoins, les
fournisseurs de réseaux sociaux ne communiquent ces informations que lorsqu’ils y sont
161
Cass. Crim., 13 octobre 1986, Rev. crit DIP 1987, p.731, note M. Revillard
Prohibés par l’article 226-1 du Code pénal
163
Obligations imposées par la LCEN et le code des postes et des communications électroniques modifié par la
loi n°2006-64 du 23 janvier 2006 sur la lutte contre le terrorisme
162
57
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
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contraints judiciairement. L’obligation de conservation des données s’impose aux
fournisseurs de réseaux sociaux. À ce titre, Twitter a été enjoint de communiquer les données
d’identification de l’auteur 164 sous astreinte de 500 € par jour de retard.
D’autre part, la difficile localisation de l’infraction peut devenir un obstacle à une réponse
pénale. Internet implique que l’utilisation du réseau numérique se déroule dans un lieu mais
avec des retombées dans un autre pays. En France, le principe de territorialité imposé par
l’article 113-2 du Code pénal prévoit : « la loi pénale française est applicable aux
infractions commises sur le territoire de la République ». Mais l’utilisation d’internet
entraine, inévitablement, l’aléa lié aux flux transfrontaliers de données internationalisant le
cyber-harcèlement. Une donnée créée ou réutilisée lors du cyber- harcèlement, reçue sur le
territoire français constitue l’élément indispensable pour rattacher la compétence
juridictionnelle et législative française.
Ce rattachement est-il suffisant ? La compétence passive de la victime permet de revenir vers
les normes nationales 165 . En revanche, même si la compétence est retenue, les autorités
judiciaires françaises pourront difficilement exercer les poursuites pénales. L’auteur du
cyber-harcèlement, national d’un autre pays, devra être extradé de son propre pays. Deux
obstacles se présentent : le premier est que la plupart des législations nationales refusent
d’extrader un ressortissant de leurs pays ; le second est la nécessité d’une double
incrimination des faits : de l’État requérant et de l’État requis.
« Le cyberespace défit les repères que sont les frontières des États, cadres privilégiés
d’élaboration et de mise en œuvre du droit »166 . Plus encore, la « carte géographique » 167 et
la « carte juridique » 168 ne correspondent plus dans ce monde virtuel, réduisant l’efficacité
de la régulation judiciaire face à la technicité du réseau.
164
Ordonnance de référé du 4 avril 2013 du TGI de Paris
L’article 113-7 du code pénal prévoit que « la loi pénale française est applicable à tout crime, ainsi qu’à
tout délit puni d’emprisonnement, commis par un Français ou par un étranger hors du territoire de la
République lorsque la victime est de nationalité française au moment de l’infraction ».
166
Pierre Trudel, La lex electronica, centre de recherche en droit public, faculté de droit, université de
Montréal
167
Deffains Bruni, Fenoglio Philippe
168
Deffains Bruni, Fenoglio Philippe
165
58
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
3) Le traitement judiciaire des plaintes
Les conséquences judiciaires sont la possibilité d’un classement sans suite par manque de
preuves, si les faits ne semblent pas revêtir une qualification pénale suffisamment marquée.
Peu de statistiques étatiques sont disponibles. En l’absence de délit de cyber-harcèlement, les
statistiques seront éparpillées dans d’autres infractions. Il n’y a pas, à l’heure de notre
rédaction, de décision de cassation tranchant un litige de cyber-harcèlement. Aux États-Unis,
une affaire a donné lieu à une condamnation169. Le coupable faisait chanter via un réseau
social ses camarades de classe. Sous un faux profil, il demandait des photos ou vidéos de
nus, il faisait chanter ses camarades de classe sous la menace d’une diffusion. Il a été
condamné à une peine de 15 ans de prison.
En France, quelquefois, les parents et les enfants portent plainte. « Et puis? Et puis rien. Pas
de nouvelles du commissariat. Pendant des semaines » 170 . Plusieurs affaires sont en
instruction actuellement.
SECTION 2 : LA RESPONSABILITÉ DU RÉSEAU SOCIAL
Pouvoirs exorbitants octroyés par les conditions générales des réseaux sociaux pour une
responsabilité limitée, les utilisateurs d’internet et de ces plateformes n’ont pas
nécessairement les mêmes aspirations (I). De plus, le réseau social est mis à contribution
pour le retrait de certains contenus (II).
169
170
http://www.zdnet.fr/actualites/15-ans-de-prison-pour-un-adolescent-coupable-de-chantage-sexuel-surfacebook-39713370.htm (consulté le 21 mai 2013)
Dossier du nouvel observateur « chantage sexuels, harcèlement... Les ados pris au piège du net » par Agathe
Logeart
59
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
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I. Réseaux sociaux et utilisateurs : des intérêts divergents
Les conditions générales des réseaux sociaux sont parfois qualifiées d’exorbitantes. Si ces
conditions ont une valeur contractuelle (A), les utilisateurs se retrouvent confrontés à des
clauses particulièrement lourdes (B).
A. Les limites à la qualification contractuelles
« La Cour de cassation reconnaît une valeur contractuelle à ces clauses dès lors que
l’utilisateur de la plateforme a été averti de l’existence de conditions complémentaires,
stipulées dans un document contractuel renvoyant aux conditions générales d’utilisation
(CGU) ».
Néanmoins, ces contrats sont peu lisibles et à peine survolés par les internautes. En ce sens,
les CGU de Facebook ne contiennent pas moins de 5 800 mots. De plus, le consentement
n’est qu’indirect puisqu’il suffit de cliquer sur le bouton « s’inscrire » pour accepter les
CGU. Il s’apparente à un consentement indirect. De plus, des jeunes de moins de 13 ans sont
présents sur les réseaux sociaux. Mais même le jeune de plus de 13 ans ne semble pouvoir
prétendre à un consentement « libre et éclairé ». Ici encore, la notion de consentement peut
être appréciée sous l’angle du droit français ou sous celui de la loi prévue par les CGU.
Enfin, elles font souvent l’objet de modifications sans même que les utilisateurs en reçoivent
la notification.
B. Les clauses exorbitantes des conditions générales d’utilisation
Les réseaux sociaux disposent expressément que le droit applicable est celui du droit d’un
État hors Union européenne.
L’article 16 des CGU de Facebook prévoit que la plainte doit être portée « exclusivement
devant les tribunaux d’État et fédéraux sis dans le comté de Santa Clara, en Californie. Le
droit de l’État de Californie est le droit appliqué à cette Déclaration, de même que toute
action entre vous et nous, sans égard aux principes de conflit de lois. Vous acceptez de
respecter la juridiction des tribunaux du comté de Santa Clara, en Californie, dans le cadre
60
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
de telles actions »171.
Twitter prévoit dans l’article 12 des conditions générales, sur le paragraphe des lois
applicables et compétence, que « toute action judiciaire engagée en relation avec ces
Conditions sont régies par les lois de l’État de Californie des États-Unis d’Amérique sans
considération et sans faire application des dispositions légales de votre État ou de votre pays
de résidence relatives aux conflits de lois. Toutes les réclamations, poursuites judiciaires ou
litiges en relation avec les Services seront portés exclusivement devant les tribunaux
fédéraux ou d’État situés dans le county de San Francisco en Californie, États-Unis. Vous
acceptez la compétence matérielle et territoriale de ces tribunaux et renoncez à toute
objection à ce titre »172. La loi française est évincée. Le droit international privé reconnaît le
principe d’autonomie contractuelle. Les règles de droit international privé demande une
étude approfondie. Sans prétendre pouvoir apporter une réponse tranchée, il semble
nécessaire de s’interroger sur la validité de telles clauses, exorbitantes, d’autant que
l’utilisateur social pourrait se voir conféré la qualité de « consommateur » au sens européen.
La responsabilité contractuelle semble donc devoir être écartée. Néanmoins, le réseau social
peut-il connaitre sa responsabilité engagée sur un autre fondement juridique ?
II. La responsabilité du réseau social, soumis au régime juridique de l’hébergeur
La qualité d’hébergeur est attribuée aux « personnes physiques ou morales qui assurent,
même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication
au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de
toute nature fournis par des destinataires de ces services »173.
Il est primordial de savoir si une plateforme telle que le réseau social répond à la
qualification d’hébergeur (A) pour savoir si les obligations de l’hébergeur sont à sa charge
(B).
171
172
173
https://www.facebook.com/legal/terms?locale=fr_FR (consulté le 20 mai 2013)
https://twitter.com/tos (consulté le 20 mai 2013)
Article 6-1-2° de la loi° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (ci-après
LCEN)
61
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
A. La qualification d’hébergeur au réseau social
Assurant de la mise à disposition de contenu à une communauté de personnes, le réseau
social semble répondre à la qualité d’hébergeur de contenus. Cette allégation se fonde sur la
jurisprudence qui a tranché en sens positif à la question alors posée. Le tribunal de grande
instance de Paris, par ordonnance de référé174 a reconnu que le réseau social Facebook en
tant qu’hébergeur avait l’obligation de retirer des contenus litigieux constituant une atteinte
au droit à l’image. Aussi, dans un litige de cyber-harcèlement, la victime pourrait opposer à
Facebook sa qualité d’hébergeur. Cette qualification est fondamentale puisqu'elle définit le
régime juridique qualifiable aux réseaux sociaux. Plus encore, le régime de responsabilité et
les obligations qui pèse sur l’hébergeur, pèse ainsi sur les réseaux sociaux.
B. Les obligations à la charge du réseau social
La procédure de notification de contenu illicite a été instaurée par la loi dans confiance dans
l’économie numérique175 (LCEN). Elle a pour but d’obtenir le retrait du contenu illicite ou le
blocage par l’hébergeur du site internet concerné, et ce, avant toute intervention de l’autorité
judiciaire176.
La LCEN prévoit un mécanisme dit de présomption par notification. Ce dispositif d'alerte
fonctionne en deux temps. Tout d’abord, il y a notification du contenu illicite à l'hébergeur
avec mise en demeure de le retirer promptement. Puis, il y a démonstration de la faute de
l'hébergeur concernant ledit retrait. En pratique, un internaute identifie un contenu illicite sur
internet. Il doit en informer l'hébergeur par le biais d'une notification de contenu illicite.
Ce caractère « manifestement illicite » n’a pas été défini par le conseil constitutionnel. Les
juridictions ont, toutefois, retenu une interprétation extensive en qualifiant par exemple que
l’injure et la diffamation publiques constituent un trouble manifestement illicite, qui justifie
174
TGI Paris, ord. Réf., harcèlement. Giraud c/ Facebook France, le 13 avril 2010
la loi° 2004-575 du 21 juin 2004
176
Procédure inspirée de la procédure de notice and take down des États-Unis
175
62
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
le retrait des textes litigieux177. Ainsi, lorsqu’un contenu diffamatoire ou injurieux est notifié
à un fournisseur de réseau social, celui-ci doit agir promptement (en général sous 48 heures)
pour le retirer ou en rendre l’accès impossible.
Selon l’article 6-I-3 de ce texte, l’hébergeur bénéficie d’une limitation de responsabilité si,
une fois informé de l’existence d’un contenu manifestement illicite, il « a agi promptement
pour retirer ces informations ou en rendre l’accès impossible ».
Ce régime de responsabilité interdit donc d’imposer au réseau social une obligation générale
de surveillance ou d’imposer un système de filtrage généralisé, à titre préventif, à ses frais
exclusifs et sans limitation dans le temps. Du fait de l’interdiction du filtrage, la recherche de
l’infraction pèse uniquement sur la victime potentielle. Or, celle-ci peut se trouver
confrontée à des difficultés procédurales parfois insurmontables à défaut de réagir
promptement. Par exemple la courte prescription de trois mois qui s’applique en matière
d’infractions de presse, ne lui laisse que peu de temps pour réagir 178 . Le contenu
« manifestement illicite »
179
est ainsi visé par la LCEN. Néanmoins, cette approche ne
permet de viser que certaines hypothèses du cyber-harcèlement : celles où le contenu posté
est illicite, soit par exemple des contenus constituant des infractions pénales. Ainsi, pour les
menaces180 la difficulté n’apparaît pas. Mais d’autres situations peuvent échapper au champ
d’application de la LCEN, par exemple lors d’injure sur Facebook, lorsque la page sera
qualifiée de privé.
Le cadre juridique est une réponse partielle au cyber-harcèlement. Mais la répression n’est
qu'un constat de réaction d’échec à une atteinte. Plus encore, pour certains, « règlementer la
cyber- intimidation est l’équivalent d’arbitrer un match de soccer à l’extérieur du stade »181.
Une approche double de protection et de prévention semble alors indispensable. Si les règles
177
178
179
180
181
Paris, cyber-harcèlement. 14, sect. B, 21 janvier 2005, n°04/14975
En application de l’article 65 de la loi du 29 juill. 1881, passé le délai de 3 mois après la publication d’un
contenu diffamatoire ou injurieux, aucune action n’est plus envisageable sur le fondement de l’article 29 de
la même loi.
Le conseil constitutionnel dans la décision 2004-496 DC du 10 juin 2004 a estimé que l’hébergeur ne
pouvait pas juger du caractère illicite d’un contenu mais seulement du caractère manifeste de celui-ci.
Article 222-17 et 222-18 du code pénal
Jon Mitchell, chercheur à l’institut du mariage et de la famille canadien
63
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
de responsabilités offre une perspective préventive au sens où elle dissuade les
comportements, une simple réaction ne permet pas de prendre la pleine mesure de la
situation.
64
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
CHAPITRE 2 : UNE PRÉVENTION EN
CONSTRUCTION
La prévention a pour but d’améliorer l’état de santé de la population par un renforcement des
comportements individuels et collectifs, contribuant ainsi à réduire le risque. La prise de
conscience de la mesure du phénomène de cyber-harcèlement est récente. Elle s’insère dans
une politique de prévention au niveau institutionnel (section 1) mais aussi au quotidien par
les citoyens (section 2).
SECTION 1 : LA RÉPONSE INSTITUTIONNELLE
Les pouvoirs publics (I) et les plateformes privées (II) ont lancé des actions concrètes pour
le cyber-harcèlement impliquant des mineurs.
I. Une réaction dynamique pour la protection des mineurs
Ces actions se font l’impulsion de l’intervention publique (A), notamment via la CNIL (B).
A. La double impulsion de la prévention via les politiques publiques
La France (1) et l’Union Européenne (2) ont pris, dans une certaine mesure, des actions pour
prévenir le phénomène du cyber-harcèlement.
65
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
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1) La campagne pour la sphère scolaire
En 2012, sous le dynamisme du ministre Luc Chatel, l’Éducation nationale, en partenariat
avec l’association e-enfance et Facebook, a lancé une campagne pour mettre en avant les
outils de lutte contre le harcèlement entre élèves, notamment via l’usage d’internet.
Principal outil de cette campagne, le site agircontreleharcelementalecole.gouv.fr qui propose
des contenus informatifs, didactiques et pédagogiques pour reconnaitre et prévenir les
situations de harcèlement scolaire182.
Dans ce cadre, une page dédiée sur Facebook ainsi qu’une application ont été créées. Cette
page est accessible à toute personne y compris celle qui n’a pas de compte sur le réseau
social 183.
Ce partenariat a également abouti à la création d’un numéro national « Net Ecoute » en
France pour les victimes de cyber-harcèlement. En appelant le 08 00 20 00 00 (numéro
gratuit), une réponse humaine est apportée aux attentes des victimes. Les messages reçus
permettent de garder une traçabilité du comportement et pourront éventuellement constituer
des preuves.
De janvier à mai 2012, la cellule a reçu 1884 contacts (par mail, téléphone ou tchat) dont une
grande majorité touche une population de 12-14 ans. En 2010, 8,71 % des cas traités
concernait le cyber-harcèlement.
2) Le programme Safer internet
Le programme « Safer internet » a distingué comme catégorie de menace le
cyber-harcèlement. Ce programme communautaire184 vise à promouvoir une utilisation plus
sûre de l’internet et d’autres TIC, notamment au profit des enfants, et à lutter contre les
contenus illicites et les comportements préjudiciables en ligne.
182
Notamment des livres, en ce sens, http://www.agircontreleharcelementalecole.gouv.fr/wp-content/uploads/
2012/02/agir_contre_le_harcelement_a_l_ecole_fiche_outils_pedagogiques1.pdf (consulté le 28 mai 2013)
183
Cf. annexe 2
184
Décision 1351/2008/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 instituant un
programme communautaire pluriannuel visant à protéger les enfants lors de l’utilisation de l’internet et
d’autres technologies de communication
66
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
Cinquante-cinq millions d’euros de budget pour la période 2009-2013 ont été investis, pour
une action dans trente pays. Cela se traduit par exemple par la campagne « not funny, be fair
» au Luxembourg185.
En France, cela se concrétise par le site « internet sans crainte », placé sous l’égide de la
Délégation aux Usages de l’internet186. Dans ce cadre, elle anime le site de référence qui
présente des contenus tels que des animations ou des fiches de conseils aux parents,
destinées à sensibiliser les enfants, les parents et les éducateurs, à la sécurité et aux règles de
civilité, sur les ordinateurs, et désormais sur les terminaux mobiles (smartphones et
tablettes).
B. La dynamique relayée par la CNIL
La CNIL aide les personnes à obtenir la suppression des propos et photographies qui portent
préjudice si elle n’y sont parvenues en prenant contact directement avec le responsable du
site concerné notamment par une procédure disponible en ligne.
En outre, la CNIL a lancé une campagne de sensibilisation à destination des enseignants et
des jeunes afin qu'ils apprennent à mieux protéger leur vie privée. 500 000 euros ont été
dépensés pour informer comment se protéger contre ces actes de malveillance.
De plus, elle prend le relais et si la faute est d’ordre pénal, elle oriente les personnes
concernées vers un dépôt de plainte auprès du Procureur de la République.
Enfin, elle a su tisser un lien important, permettant un fort réseau associatif notamment en
partenariat avec l’association e-enfance qui accompagne les familles afin de consolider le
dépôt de plainte.
185
186
Cf. annexe 4
Chargée de proposer et de coordonner des mesures permettant la diffusion des technologies de l’Internet
auprès de l’ensemble des citoyens ainsi que d’accompagner les entreprises de l’Internet face aux mutations
du réseau.
67
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
L’action publique se concilie avec l’action des acteurs privés, qui sont les témoins privilégiés
du cyber-harcèlement.
II. Le rôle du réseau social
Les réseaux sociaux ont mis en place des outils pour prévenir et lutter contre le cyberharcèlement pour les mineurs (A), notamment par les conditions générales d’utilisation des
plateformes (B).
A. La procédure de signalement des réseaux sociaux face au bullying pour la
protection des mineurs
L’article 7 de la déclaration des droits et des responsabilités prévoit qu’il est interdit de
publier des « contenus incitant à la haine ou à la violence, menaçants, à caractère
pornographique ou contenant de la nudité ou de la violence gratuite ». L’article 6 du
paragraphe « sécurité » prévoit en son point 4 que l’utilisateur n’intimidera ou n’harcèlerait
pas d’autres utilisateurs187. Facebook va même jusqu’à qualifier de cauchemar « un garçon
ou une fille mineurs se retrouvent nus sur une page et que leur réputation soit ruinée »188.
Souvent mis en cause, Facebook a souhaité aussi sécuriser les pratiques. Ainsi, « si il y a des
problèmes, les internautes ne reviendront pas. Or, notre intérêt est précisément qu’ils
reviennent » 189 . Si aujourd'hui Facebook s'attaque au sexisme on peut espérer que cette
nouvelle politique puisse rapidement s'appliquer aux cas de
cyber-harcèlement.
D’autres réseaux ont aussi pris des initiatives, tel que Skyrock qui a développé un chat prisé
par les adolescents. Michael Stora190 a été chargé par le fondateur de la radio, de repérer les
blogs inquiétants, et d’en supprimer les contenus cyber-harcelants. Parfois, il oriente même
187
https://www.facebook.com/legal/terms?locale=fr_FR (consulté le 15 mai 2013)
Le monde, culture & Idées du 11 mai 2013, chaste Facebook de Frédéric Joignot
189
Michelle Gilbert, directrice de la communication de Facebook France
190
Psychologue conseil de Skyrock.com et membre fondateur de l'Observatoire des Mondes Numériques
188
68
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
les personnes vers des structures de soins191.
Les outils permettant de signaler le cyber-harcèlement sont visibles sur le réseau social, mais
il est permis de s’interroger sur les moyens effectifs humains, derrière les systèmes d’alerte
mis en place par le réseau. Par communiqué diffusé le 28 mai 2013, Facebook admet avoir «
échoué » dans la mise en place d’un « système fonctionnant de manière efficace pour
identifier et supprimer les contenus incitant à la haine ». Non seulement, le réseau social
reconnait le dysfonctionnement de son système de modération mais s’est également engagé à
prendre des mesures pour tenter d’y remédier. En ce sens, le site a annoncé qu’il allait revoir
ses règles de modération, actualiser la formation de ses équipiers et dialoguer avec des
experts.
Enfin, au Canada, une élève a été bannie de Facebook pour un an. Christian Ménard, député,
avait demandé fin 2011 la fermeture systématique des comptes des jeunes coupables
d’abus. Cette mesure est non seulement difficile à mettre en œuvre mais aussi ne semble pas
être optimale pour lutter contre le cyber-harcèlement.
191
http://www.skyrock.com/safety/parents.php (consulté le 23 mai 2013)
69
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
B. Synthèse récapitulative des conditions générales d’utilisation de trois réseaux
sociaux192
Viadeo193« en qualité de
Linkedin194
Nom du réseau et
professionnel, pour les besoins
« connecter les professionnels »
usage
de son activité professionnelle »
Modalités
d’inscription
Motif de
fermeture du
compte
Avoir plus de 13 ans mais simple déclarations
Majorité requise mais simple
Avoir plus de 18 ans mais simple
d’honneur (inscription impossible quand l’âge
déclaration d’honneur (Art 1.2) déclaration d’honneur
est inférieur à 13 ans195)
Site fait des contrôles (Art. 1.2) Pas de mentions de contrôle
Formulaire en ligne pour dénoncer un compte
d’un mineur inférieur à 13 ans196
« si la conduite nuit aux intérêts
d’une personne »
→ vision plus large que celle de
l’utilisateur
En cas de comportement abusif, graduation de
la sanction : avertissements, des blocages
temporaires et fermeture de compte telle que
l’utilisation de « Facebook pour malmener ou
harceler quelqu’un, ou se faire passer pour une
autre personne »
Article 2 prévoit de « ne pas
Utilisation du site diffuser des données »
Présence du
harcèlement ou
intimidation
Contact pour
signaler un abus
Décharge de
responsabilité
Facebook
En cas d’utilisation inappropriée
des services, Linkedin peut
suspendre ou supprimer le
compte (Article 7)
Article 10 prévoit de ne pas «
agir de manière malhonnête ou
« Nous respectons les droits d’autrui et nous
non professionnel en publiant un vous demandons de faire de même. »
contenu inapproprié ou inexacte »
Référence directe dans l’article
10 A NE PAS FAIRE « Harceler,
abuser ou causer un préjudice
quelconque à une autre
personne... »
Diverses mentions dans le site quand le mot clé
« harcèlement » est entré dans le moteur de
recherche du réseau social197
oui
oui
Oui, possible pour les utilisateurs mais aussi
pour les non-membres via la page signalement
d’une infraction des conditions d’utilisation de
Facebook198
le membre est seul responsable
de l’utilisation
« Linkedin n’est pas responsable
de l’utilisation abusive ou du
détournement du contenu que
vous publiez »
Non
Facebook n’est pas responsable du contenu ou des
informations transmis ni de la conduite, en ligne
ou hors ligne, des utilisateurs de Facebook.
192
Fait par Laetitia Taziaux
http://www.viadeo.com/downloads/cgv/cgu_fr.pdf (consulté le 10 mai 2013)
194
http://www.linkedin.com/static?key=user_agreement&trk=hb_ft_userag (consulté le 10 mai 2013)
193
196
https://www.facebook.com/help/contact/210036389087590?rdrhc (consulté le 10 mai 2013)
Annexe 5
198
http://fr-fr.facebook.com/help/116326365118751/?q=Harc%C3%A8lement+&sid=0NqyCs39SniPG8DZ5
(consulté le 10 mai 2013)
197
70
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
SECTION 2 : LES ACTIONS DE PRÉVENTION
Les adolescents représentent la catégorie de personnes la plus touchée par le cyberharcèlement. A cet égard, ils nécessitent un angle spécial pour prévenir ce résultat néfaste de
l’interaction sociale. Si elle est la plus touchée, la sphère scolaire est aussi le lieu où il est le
plus facile de sensibiliser ces jeunes. Chacun doit pouvoir reconnaître l’existence du
harcèlement et mesurer ses effets afin de pouvoir au mieux le prévenir, au pire le gérer. Le
système éducatif détermine la position qu’il veut adopter en tant qu’institution contre le
harcèlement. En son sein, chaque acteur doit soutenir la position et la défendre au travers de
situations concrètes. Le numérique existe en tant que support pour « décalquer
l’organisation pédagogique traditionnelle » 199 , mais peu de prévention semble être
concrétisés pour anticiper le cyber-harcèlement (I). Les instances de l’éducation ne peuvent
pallier la défense personnelle (II).
I. La prévention par la formation du mineur
Pionner dans l’étude et la prévention du harcèlement, le professeur Dan Olweus200 signale
que le harcèlement réclame une considération de toute la communauté scolaire : la direction,
les enseignants, les parents mais aussi les élèves. Il apparaît alors que la prévention doit se
concevoir dans l’approche « whole-school »201 que le phénomène du cyber-harcèlement doit
être prévenu. Répondre à cette attente, c’est observer si l’institution éducative a assimilé le
cyber-harcèlement (A). Puis, c’est considérer, comment les référents des mineurs se situent
dans cette nouvelle manifestation de danger (B).
199
Rapport AN précité, p.217
Professeur de psychologie à l’université de Bergen et premier théoricien du « school bullying »
201
Dan Olweus
200
71
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
A. Le rôle de la direction éducative : le renforcement du règlement
scolaire/universitaire
Lorsque le harcèlement se produit autour d’une relation scolaire ou universitaire, une double
question se pose. D’une part, quel encadrement de la part des établissements a été mis en
place face à ce comportement ? (1) D’autre part, l’école, en tant qu’institut de formation
s’impose t’il comme moteur d’éducation numérique (2).
1) Les lacunes actuelles des règlements intérieurs
La responsabilité éducative induit-elle que l’école doit réprimander un élève ou un étudiant
qui aurait commis un acte de cyber-harcèlement au sein de son école ou entre deux élèves
d’une école ? Aujourd’hui, les politiques internes des établissements scolaires et
universitaires ne semblent pas prendre en considération ces nouveaux risques.
A titre d’exemple, étudions le règlement intérieur de l’université Paris 1 Panthéon
Sorbonne 202 . L’article 4 prévoit que « l’appartenance à la communauté de l’université
engage, dans son enceinte, à la tolérance et au respect mutuel. Le comportement des
personnes - par leurs actes, leurs attitudes, leurs propos ou leur tenue - ne doit pas être de
nature à porter atteinte au principe de laïcité du service public de l’enseignement supérieur,
ni à la santé, l’hygiène et la sécurité des personnes et des biens. Il doit être respectueux du
bon fonctionnement de l’université et des règles de civilité et ne doit pas créer de
perturbation dans le déroulement des activités d’enseignement et de recherche, dans
l’exercice des activités administratives ainsi que dans toutes les manifestations autorisées
dans les locaux de l’université. ». Le mot « harcèlement » n’est cité qu’une fois, à l’article
74 relatif à l’objet de la commission de médiation : « La commission de médiation, qui n’est
pas une instance disciplinaire, a vocation à recevoir les réclamations concernant le
fonctionnement de l’université Paris 1 dans ses relations avec ses agents et les usagers
202
Http : //www.univ-paris1.fr/fileadmin/Service_juridique/textes/Reglement_interieur_Paris_1.pdf (consulté
le 10 mai 2013)
72
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
lorsque ces réclamations n’ont pas trouvé de réponse satisfaisante dans le cadre des
mécanismes réguliers normalement à leur disposition. Elle peut être saisie par tous et à tout
moment dans le but de régler un conflit ou de remédier à une situation de harcèlement ou de
discrimination ».
Alors, quel type de clause insérer dans le règlement intérieur?
Son régime juridique serait assimilable à celui d’une sanction disciplinaire. Il semble qu’elle
devrait alors être fixée en respectant tant la proportionnalité liée au fait et la proportionnalité
liée aux antécédents. Des sanctions doivent être prévues, à différents degrés allant de la
simple remarque au renvoi.
Les établissements se doivent de veiller à la sécurisation du réseau informatique et d’établir
des règles relatives à l’usage des téléphones et de l’ordinateur pendant les heures de cours. À
noter le dossier pédagogique du site click safe nommé « stop au cyber-harcèlement »203 qui
apparaît très enrichissant pour la communauté pédagogique.
Deux règlements intérieurs ont été analysés : le premier 204, d’un lycée, le second205 d’un
collège. Dans le premier document, il n’y a aucune référence à internet ou au téléphone, en
tant que moyen de communication utilisé par l’adolescent. Seuls sont invoqués les « appels
téléphoniques » en tant que justificatif dans l’article 6 relatif à l’assiduité et la ponctualité ou
dans les relations entre l’établissement et les parents206. Le règlement intérieur ne semble
prendre dans aucune mesure la révolution suscitée par les NTIC. Le second document
semble plus pertinent. Ainsi, dans la partie relative à la vie dans l’établissement, est précisé
que « conformément aux lois concernant le respect de la personne et le droit à l’image, il est
strictement interdit de : […] diffuser des images ou des propos injurieux, diffamatoires ou
dégradants sur tout membre de la communauté scolaire, sous quelque forme que ce soit y
compris par l’intermédiaire d’un blog ou des réseaux sociaux. Ces actes sont par ailleurs
203
Http://www.clicksafe.be/leerkrachten/uploads/connected/Dossier%20cyber-harcelement.pdf (consulté le 13
mai 2013)
204
http://www.clg-st-exupery-andresy.ac-versailles.fr/ (consulté le 10 mai 2013)
205
http://www.georgesguerin.com/rubriques/gauche/espace-eleves/reglement-interieur/reglement-interieur2012-2013-2.pdf (consulté le 13 mai 2013)
206
Article 16 : « un appel téléphonique ou un mail aux parents »
73
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
passibles de sanctions pénales. Ces droits et devoirs s’appliquent aussi aux personnels selon
la loi statutaire ».
Les sanctions disciplinaires de cette atteinte sont prévues dans « IV. Punitions scolaires et
sanctions disciplinaires ». De même, les sanctions disciplinaires des manquements graves
aux obligations des élèves
207
soit « l’avertissement, le blâme, la mesure de
responsabilisation, l’exclusion temporaire de la classe, l’exclusion temporaire de
l’établissement et l’exclusion définitive. À noter que ces sanctions peuvent être assorties
d’un sursis total ou partiel ». Ici, la mesure de responsabilisation est particulièrement
intéressante. Elle est définie comme la mesure qui « consiste à participer, en dehors des
heures d’enseignement, à des activités de solidarité, culturelles ou de formation ou à
l’exécution d’une tâche à des fins éducatives pendant une durée qui ne peut excéder vingt
heures »208.
En complément d’une mise à jour des règlements intérieurs des établissements scolaires, la
prévention s’accomplira par l’introduction à la thématique du cyber-harcèlement.
2) Le cyber-harcèlement est-il traité dans les enseignements français ?
L’article L312-15 du code de l’éducation 209 prévoit ainsi que « dans le cadre de
l’enseignement d’éducation civique, les élèves sont formés afin de développer une attitude
critique et réfléchie vis-à-vis de l’information disponible et d’acquérir un comportement
responsable dans l’utilisation des outils interactifs lors de leur usage des services de
communication au public en ligne. Ils sont informés des moyens de maîtriser leur image
publique, des dangers de l’exposition de soi et d’autrui, des droits d’opposition, de
suppression, d’accès et de rectification prévus par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative
à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, ainsi que des missions de la Commission
nationale de l’informatique et des libertés ».
207
208
209
Décret n° 2011-728 du 24 juin 2011 relatif à la discipline dans les établissements d’enseignement du second
degré
Http://eduscol.education.fr/cid58093/la-mesure-responsabilisation.html, consulté le 14 mai 2013
la loi n°2011-302 du 22 mars 2011 portant diverses disposition d’adaptation de la législation du droit de
l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communication électroniques a complété
74
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
Des lacunes apparaissent comme par exemple de cours de technologie dans l’enseignement
secondaire ou les adolescents seraient sensibilisés aux réseaux sociaux, et notamment
comment bloquer l’action d’un harceleur sur Facebook.
Pour pallier ce constat, le B2I propose d’aborder les usages de l’internet dans le « domaine 2
: Adopter une attitude responsable »210 , notamment via un module « protéger ses données
personnelles »211. Le cyber-harcèlement y est même étudié. Il distingue comme objectif pour
l’élève d’identifier « les situations de cyber-harcèlement et demander de l’aide à un adulte
». De plus, « La notion de harcèlement doit être connue du personnel et des élèves, pour que
les comportements choquants, qui peuvent être renforcés par l’usage des nouvelles
technologies, puissent être dénoncés ». Les numéros permettant de demander de l’aide dans
et en dehors de l’établissement doivent être connus 212 . Il n’y a pas encore d’étude sur
l’appréhension du cyber-harcèlement dans le B2I.
Mais, il apparaît primordial que la prévention doit évoluer d’une campagne négative vers des
concepts positifs, tel que la cyber-amabilité. Le modèle suivi serait celui du programme
finlandais Kiva. Plus d’un millier d’enfants ont bénéficié de ce programme de prévention du
harcèlement en ligne. Pour les écoliers, Kiva prend la forme d’un jeu vidéo encadré par des
séquences menées en classe avec des matériaux concrets pour aider les victimes par
exemple. Au secondaire, le programme s’appuie sur un environnement virtuel en ligne où les
élèves recherchent des informations ou regardent des vidéos. Les parents disposent pour leur
part d’un guide de bonnes pratiques et le personnel de l’école de séances de formation et de
l’accès à un e-learning. Le programme, destiné aux élèves, aux parents et à l’ensemble des
personnels scolaires, veut inciter les observateurs des violences scolaires à ne plus être
passifs. Dix séances annuelles de sensibilisation sont assurées par les enseignants, avec des
débats, des projections de vidéos et des jeux de rôle.
Dans l’hypothèse où le cyber-harcèlement se produit, un dispositif de confrontation entre
l’agresseur et la victime se met en place. De plus, l’ensemble des camarades est inclus dans
210
211
212
http://www.education.gouv.fr/bo/2006/29/MENE0601490A.htm (consulté le 27 mai 2013)
http://eduscol.education.fr/cid61109/proteger-personne-ses-donnees.html (consulté le 27 mai 2013)
(Netecoute 0800 200 000)
75
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
le processus afin de les amener à réfléchir sur leur manque de réaction. L’évaluation du
programme sur plus de 30.000 élèves a montré une diminution significative des cas de
violence, une augmentation des élèves intervenants lorsqu’ils sont témoins de harcèlement,
une élévation du niveau de bien-être des élèves. Notons que ces effets sont plus importants
au primaire qu’au secondaire.
Sur ce modèle, l’académie de Paris expérimente actuellement un programme de recherche en
innovation sur le climat à l’école PRICE213.
Aussi, pour affronter et comprendre le phénomène du cyber-harcèlement, tous les acteurs ont
un rôle, et encore plus, les acteurs de l’éducation.
B. Le rôle des référents
Le dossier pédagogique « Stop au cyber-harcèlement » propose notamment de sensibiliser
les enseignants (1) et les parents (2).
1) Les enseignants
Le rôle des enseignants pour combattre le harcèlement est le plus essentiel. La littérature
scientifique214 remarque qu’environ la moitié des enfants qui signalent avoir été victime de
harcèlement à l’école ont également admis avoir été victime de harcèlement en ligne.
Comme cela existe pour la drogue, l’éducation sexuelle ou la prévention routière, des
séances de prévention seraient consacrées à l’usage des nouvelles technologies 215. Il est
proposé, à juste titre de « renforcer le contrôle parental via une campagne d’information et
de sensibilisation autour des usages du numérique »216 .
213
214
215
216
http://www.ac-paris.fr/portail/jcms/p1_258452/price-projet-global-d-amelioration-du-climat-scolaire-et-delutte-contre-le-bullying (consulté le 13 mai 2013)
Docteur Justin Patchin, Centre de recherche sur le cyberharcèlement, University of Wisconsin-Eau Claire,
Etats-Unis
Jean-Charles NAYEBI
Rapport d’information n° 3560 de l’Assemblée Nationale sur les droits de l’individu dans la révolution
numérique présenté par MM. Patrick Bloche et Patrice Verchère, députés, orientation 37
76
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
2) Les parents
Les jeunes obtiennent une indépendance vis-à-vis des parents217 par le développement des
usages du numérique. Ainsi, internet « est un terrain plus difficile à restreindre et beaucoup
de parents se sentent dépassés ». Les parents semblent être parfois complètement
désarçonnés de la réalité du cyber bullying.
Selon le chercheur français Yannick Chatelain, la génération numérique utilise et maîtrise
mieux la technologie que la génération qui est censée lui enseigner l’utilisation de ces outils.
Michel Serres a synthétisé avec brio la situation en énonçant que « la science, c’est ce que le
père enseigne à son fils. La technologie, c’est ce que le fils enseigne à son papa ». Mais,
même sans être dans une totale maîtrise de l’outil numérique, le parent a un rôle à jouer.
Ainsi, il doit être au fait de l’activité numérique de son enfant et être un appui face à cet
outil. Les parents du présumé « enfant-harceleur » devraient être informés. Mais, 43 % des
parents reconnaissent ne pas donner systématiquement de règles à leurs enfants pour l’usage
d’internet218. Autre difficulté : la recherche de docteur Patchin219 a illustré que la plupart des
enfants qui étaient victimes de harcèlement en ligne ne l’ont pas dit à leurs parents, leurs
enseignants ou à d’autres adultes : « nous avons découvert qu’ils avaient trop peur de parler
parce qu’ils ne voulaient pas perdre le privilège d’utiliser un ordinateur ».
Enlever l’accès à l’ordinateur ne semble pas être la réaction appropriée pour une double
raison. D’une part, dans la sphère traditionnelle, si un enfant rencontre du harcèlement à
l’école, il continuera la poursuite de sa scolarité. Le fait d’examiner la cyber-harcèlement
dans le contexte du harcèlement en général permet de mieux comprendre quelle serait la
réaction adéquate. D’autre part, les élèves seront demain des citoyens, et même des
professionnels, qui ne pourront se passer des nouveaux moyens de communication.
217
218
219
Rapport d’information n° 3560 de l’Assemblée Nationale sur les droits de l’individu dans la révolution
numérique présenté par MM. Patrick Bloche et Patrice Verchère, députés
Sondage IPSOS d’avril 2009 cité dans le rapport d’information n° 3560 de l’Assemblée Nationale sur les
droits de l’individu dans la révolution numérique présenté par MM. Patrick Bloche et Patrice Verchère,
députés
Du centre de recherche sur le cyberharcèlement, University of Wisconsin-Eau Claire, Etats-Unis
77
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
Les enfants sont plus susceptibles d’écouter la critique de leurs amis que celle d’adultes.
Faire du mineur un citoyen bien éduqué conscient des risques qu’il encourt et des
possibilités qui lui sont offertes par le numérique est la meilleure des protections 220 mais
même en tant qu’adulte, il faut se prémunir de ce danger.
II. La sensibilisation et la responsabilisation du majeur
Le « naturisme numérique »221 se définit comme la mise en avant, la surexposition de soi via
les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Dans une optique
adverse, la Facebook-phobie ou Réseau-phobie vise le rejet total d’une apparition sur un
réseau social. Pour être dans une optique où les risques sont réduits et limités, il apparaît
important d’osciller entre le naturisme numérique et la Facebook-phobie. Où se situe le juste
milieu, qui sans prétendre l’occultation du risque de harcèlement virtuel semble pouvoir en
limiter ses effets ? Il faut se souvenir que des précautions sont à prendre(A) pour les adultes
des risques du danger d’internet (B).
A. Un effort de sensibilisation
Le premier axe est d’informer et de sensibiliser les individus, davantage, traiter les risques
en fonction de la position, de la fonction et des rôles de chacun.
Pour mener une prévention complète et efficace, les acteurs publics doivent également
s'impliquer. Ils ne peuvent pas fermer les yeux sur la situation actuelle et nous estimons
qu'une campagne nationale de prévention est primordiale.
Favoriser la connaissance et le développement des « bonnes pratiques » de prévention,
promouvoir les incitations, lancer des opérations pilotes dans quelques services publics,
soutenir les organismes de prévention et de recherche déjà bien engagés dans le conseil aux
entreprises, explorer la spécificité du problème pour les petites entreprises, ces démarches
220
221
Rapport d’information n° 3560 de l’Assemblée Nationale sur les droits de l’individu dans la révolution
numérique présenté par MM. Patrick Bloche et Patrice Verchère, députés
Boris Manenti - blog Geek, c’est chic
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Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
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demandent de la volonté, la cohérence, et la mobilisation des moyens publics.
Nous préconisons une campagne d’information, peut-être sur un thème plus large, comme
les dangers de l’internet pour les personnes adultes, et non plus seulement à destination des
mineurs.
Une opération, à l’image cette celles réalisée pour la sécurité routière ou anti-tabac pourrait
être menée au plan national. Une campagne nationale d'information et de sensibilisation dont
l'objectif est de donner au grand public les conseils de prévention, via des dépliants
disponibles dans des lieux ou se rendent les personnes qui travaillent, des affiches, une
campagne radio nationale pourrait être ainsi être menée à grande échelle.
B. Un effort de responsabilisation
Le pouvoir décisionnel de l’individu n’est pas anodin. Publier moins implique certes une
diminution du partage des données mais apparaît être indispensable.
Définir qui voit quelles publications - amis proches, simples connaissances, collègues,
changer son mot de passe fréquemment, se mettre dans la peau d’un ami pour apprécier son
propre profil semblent devoir s’imposer comme des réflexes. La gestion des règles n’est pas
une restriction ou une contrainte, elle est fonctionnelle, nécessaire à la survie et aux intérêts
des utilisateurs. Le choix des informations publiées n’est pas neutre. De plus, il faut ajouter à
ces conseils, celui de filtrer les publications du journal gérez l’accès aux informations de
votre mur. Par ailleurs, il faut s’attacher à limiter la diffusion des données personnelles. Il est
possible de considérer que si pour certains, il faut être vigilant vis-à-vis de cabinet de
recrutement, les informations diffusées sur internet y demeurent accessibles pendant des
années et qu’il est difficile d’effacer un lien devenu indésirable. Enfin, il faut réduire les
renseignements personnels en ligne : adresse, numéro de téléphone, nom de famille ou école
fréquentée.
Par ailleurs, il apparaît important d’éviter de laisser sa session ouverte au bureau ou sur un
ordinateur partagé. Ensuite, il ne faut pas nécessairement être dans une surenchère à la
publication ou à l’exposition de soi. Enfin, il faut éviter de partager des informations ou
contenus personnels avec un nombre important de contact ou publiquement et ne pas
79
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
communiquer son mot de passe.
C. L’antidote serait-il l’amnésie numérique ?
D’une part, il y a disparition anticipée de la donnée. L’informaticien américain Tadayoshi
Kohno222 a développé un service baptisé Vanish223 afin que les utilisateurs conviennent d’une
date de péremption de leurs données personnelles. L’information et le fichier sont détruits
par un cryptage irréversible à une date donnée, afin que le souvenir s’estompe. Même si dans
l’intervalle, les données peuvent être diffusées par un destinataire ou un tiers, et
sauvegardées ailleurs, l’utilisateur reste en mesure de décider. Dans l’hypothèse du
cyber-harcèlement, cette solution ne semble pas optimale dans la mesure où l’individu ne
sait pas nécessairement qu’il va être victime du comportement harcelant.
D’autre part, il y a l’élimination des traces. À noter, que pour de personnes disposant de
certaines ressources 224 , l’enfouissement numérique est possible. Le nettoyage du net,
proposé parfois par les compagnies d’assurance ou via un contrat de prestations, consiste à
s’adresser à un prestataire spécialisé dans la gestion de la réputation chargé de supprimer les
données ou de créer du contenu positif ou neutre sur la personne concernée, permettant de
rendre le contenu négatif, plus difficilement accessible. Le leader mondial de ce marché est
la société californienne Reputation defender au point qu’elle répond à la qualification de
Google insurance 225 contre la diffusion de données aux dépens de l’internaute sur les
moteurs de recherche, elle propose à ses clients de reprendre le contrôle de leur e-réputation.
L’idée est de créer un service de blanchiment de l’image virtuelle. En proposant divers
services à des prix variés 226 , tels qu’identifier et éliminer toutes les informations
embarrassantes concernant l’utilisateur, cette société offre la possibilité d’effacer toutes les
222
Université de Washington
http://vanish.cs.washington.edu/ (consulté le 16 mai 2013)
224
Le coût d’un nettoyage sur Internet commence à 100 euros et peut aller jusqu’à 1.000 euros
225
http://www.courrierinternational.com/article/2009/02/26/se-refaire-une-virginite-sur-la-toile-c-est-possible
(consulté le 20 mai 2013)
226
De 9,95 dollars par mois de l’option à 14,95 dollars
223
80
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
données personnelles diffusées par des banques de données ou des sites sur lesquels il s’est
précédemment inscrit (comme les réseaux sociaux)
.
81
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
CONCLUSION
Le cyber-harcèlement est un comportement parfois complémentaire au harcèlement mais qui
s’autonomise. La question des moyens pour engager une responsabilité est essentielle pour
tenter de lutter contre ce comportement. Un constat s’impose : il devient difficile d’ignorer
que ce risque constitue un problème réel, effectif, pressant, avec des enjeux lourds en termes
de bien-être social et de santé publique.
Clarifier les concepts, mesurer le risque, évaluer plus précisément ses conséquences sont les
étapes que doit dorénavant suivre la France.
Ty Smiley, 2010, 11 ans, Carl Walker Hoover, 2010, 11 ans, Tyler Clementi, 2010, 18 ans,
Amanda Todd, 2012, 15 ans…
La liste est longue, les noms deviennent plus nombreux, l’âge reste douloureusement jeune.
Ceci est une liste partielle des bullycides, conséquence la plus extrême, la plus violente du
cyber-harcèlement.
Les histoires sont déchirantes, les parents laissés pour compte sont rongés par la culpabilité,
la colère, le chagrin et l’espace absolu, noir, où aucune réponse n’est à venir. Le suicide,
comme toute conduite humaine, est adressé à autrui.
Plutôt que de capituler en se résignant, l’individu, jeune ou moins jeune, préfère envoyer un
signe à la communauté.
L’acte suicidaire apparaît alors tant comme une délivrance que comme un acte d’exemple.
Le public se représente parfois un sujet faible, fragile, considérant qu’il s’agit d’un problème
relevant intrinsèquement de l’individu.
La question sous-jacente au suicide à la suite d’un comportement cyber-harcelant pourrait
être de savoir si, en réalité, elle ne viendrait pas du collectif.
Le suicidé ou le suicidant n’est plus une personne isolée, éloignée de la communauté sociale,
82
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
mais d’un individu jusqu’alors intégré à sa communauté. Ceci, à l’image des Bonzes, prêtres
bouddhistes, qui, lors de la guerre du Vietnam, s’immolaient par le feu pour dénoncer la
violence de la guerre, ces jeunes ont-ils voulu que leurs actes servent d’exemple, pour
dénoncer le système, pour que d’autres ne soient plus contraints de vivre la même chose.
L’avenir dira quelle est l’efficacité des nouvelles politiques de responsabilité des acteurs du
numérique qui semblent se dessiner en matière de cyber-harcèlement.
En attendant, s’arrêter à la sur-médiatisation de quelques affaires portées à la connaissance
de l’opinion publique et qui n’offre qu’une mise en lumière provisoire ne semble pas être
optimale. Les médias n’abordent ce thème que soumis à l’émotion, sous le couvert de
l’actualité. Effet de mode, ou tendance lourde ?
L’erreur serait de se borner à estimer que le cyber-harcèlement est un phénomène marginal.
Société en transition, la protection première est de repousser les changements.
« Il a fallu plusieurs générations pour se rendre compte que l’intimidation en personne est
une mauvaise chose. J’espère qu’il ne faudra pas autant de temps pour que les gens se
rendent compte que la cyber- intimidation peut être tout aussi néfaste »227.
Face à ces dérives humaines, il apparaît immanquable de proposer une mobilisation générale
pour revenir à un monde virtuel plus sûr. Sécuriser ensemble pour diminuer les risques et
dangers demande l’implication de chacun ; les personnes, les entreprises, les institutions et
les pouvoirs publics. Il faut œuvrer pour une protection collective afin de préserver le
meilleur du numérique.
Finalement, il n’y a qu'ensemble que nous pouvons faire du numérique un monde plus sûr228.
227
Docteur Justin Patchin, Centre de recherche sur le cyberharcèlement, University of Wisconsin-Eau Claire,
Etats-Unis
228
Librement inspiré du slogan de SFR « Faisons ensemble du numérique un monde plus sûr »
83
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
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de la commission des lois, déposé le 27 mai 2009
Protection contre la cyber-intimidation, rapport du conseil fédéral (suisse), 26 mai 2011
5) Articles de presse
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Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
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Deffains Bruni, Fenoglio Philippe, Economie et ordre juridique de l’espace virtuel, Revue
économique. numéro Hors-Série, 2001
Dossier du nouvel observateur « chantage sexuels, harcèlement... Les ados pris au piège du
net » par Agathe LOGEART
Hors-série n°79, mai-juin 2013 01.net, le grand guide des réseaux sociaux
6) Travaux universitaires
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de droits de l’homme et droit humanitaire, Paris 2, 2011
7) Essai
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Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
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-
GLOSSAIRE
Cyberespace : Lieu imaginaire appliqué métaphoriquement au réseau internet. Le terme
anglais cyberspace a été créé par William Gibson dans son livre intitulé Neuromancer. Le
terme cyberespace est parfois utilisé dans le sens de monde « virtuel »
Directive : Une directive est une décision de droit communautaire visant à favoriser
l’harmonisation des législations nationales des États membres de l’Union Européenne
FAI : signifie littéralement fournisseur d’accès à internet, il est un service qui permet de se
connecter à internet
Facebook : regroupe les fonctionnalités et services rendu disponible par Facebook tels que
les modules sociaux.
Harcèlement :
enchaînement
d'agissements
hostiles
dont
la
répétition
affaiblit
psychologiquement l'individu qui en est victime. Il peut s'agit de harcèlement moral, comme
des insultes ou des menaces, ou d'agressions physiques chez un ou plusieurs individus. Ces
derniers étant parfois différenciés à cause de leur couleur de peau, leur religion, leur genre,
leur sexualité ou autres différences liées à leur capacité physique ou mentale
Hébergeur : entité ayant pour vocation de mettre à disposition des internautes des sites web
conçus et gérés par des tiers
Internaute : utilisateur du réseau internet
NTIC : acronyme qui regroupe les techniques utilisées dans le traitement et la transmission
des informations, principalement de l'informatique, de l'Internet et des télécommunications.
89
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
INDEX
A
frontières, 3, 12, 27, 28, 56
adultes, 6, 20, 22, 23, 75
L
anonymat, 14, 19, 26, 30, 31, 32
lutte, 2, 22, 25, 46, 64, 81
C
CGU, 58
M
mineur, 21, 22, 75
chantage, 18, 50, 57, 83
CNIL, 4, 20, 21, 22, 24, 31, 33, 39, 42, 63,
P
preuve, 46, 54, 55
65
prévention, 2, 3, 46, 48, 61, 63, 69, 72, 73,
D
74
droit à l’oubli, 2, 25, 28, 33, 34, 35, 36,
37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 45
R
réseau social, 2, 17, 20, 21, 22, 29, 31, 33,
E
école, 4, 10, 17, 21, 31, 70, 72, 73, 74, 75,
35, 36, 37, 38, 39, 52, 57, 58, 59, 60,
61, 64, 66, 67, 76
77, 82
enseignement, 5, 70, 71, 72
T
terminal technologique, 2, 25
F
Facebook, 5, 6, 17, 21, 30, 31, 36, 42, 43,
51, 55, 58, 60, 64, 66, 72, 76, 78
V
vie privée, 9, 20, 22, 23, 24, 30, 37, 40,
41, 44, 45, 81
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Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
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ANNEXES
Annexe 1 : Chiffres des réseaux sociaux
Annexe 2 : Capture d’écran de PHAROS
Annexe 3 : Affiche de campagne de lutte luxembourgeoise contre le cyber-harcèlement
Annexe 4 : Test inscription mineur de moins de 13 ans sur Facebook
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Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
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ANNEXE 1. CHIFFRES DES RESEAUX SOCIAUX
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ANNEXE 2. TEST PHAROS ANONYME
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ANNEXE 3. EXEMPLE D’AFFICHES LUXEMBOURGEOISE DU PROGRAMME SAFER
INTERNET
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Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
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ANNEXE 4. TEST INSCRIPTION MINEUR DE MOINS DE 13 ANS SUR FACEBOOK
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TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS
SOMMAIRE
INTRODUCTION .................................................................................................................. 1
PARTIE 1 : LE CYBER-HARCÈLEMENT, UN COMPORTEMENT ISSU DU
VIRTUEL ................................................................................................................................ 7
CHAPITRE 1 : LA COMPLEXITÉ DES CONTOURS JURIDIQUES DU
HARCÈLEMENT VIRTUEL ........................................................................................... 8
SECTION 1 : UNE DÉFINITION AUTONOME ENCORE FLOUE ...................... 8
I.
Une multitude de définitions dans les sphères para-juridiques _______________ 8
A.
Les définitions institutionnelles........................................................................ 9
1)
En France ...................................................................................................... 9
2)
Au niveau européen ...................................................................................... 9
B.
II.
Des définitions plus abouties à l’international ............................................... 10
1)
L’apport de la définition du harcèlement classique .................................... 10
2)
Les autres définitions.................................................................................. 11
Une approche juridique à consolider autour d’une définition précise _________ 12
A.
La distinction harcèlement et cyber-harcèlement ........................................... 12
1)
Les critères classiques à réinterpréter sous le prisme du numérique .......... 12
2)
Les critères spécifiques au cyber-harcèlement ........................................... 14
B.
Appréciation négative du cyber-harcèlement ................................................. 14
1)
Distinction avec la cyber-taquinerie ........................................................... 15
2)
Distinction avec la cyber-dispute ............................................................... 15
3)
Distinction avec la cyber-attaque ............................................................... 15
SECTION 2 : DES COMPORTEMENTS MUTLIFORMES .................................. 16
I.
Cyber-harcèlement, un comportement aux multiples visages _______________ 16
96
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
A.
Un acte matériel déterminé par la diversité des pratiques existantes ............. 17
1)
Les comportements via la création de données .......................................... 17
2)
Les comportements via l’utilisation de données privées divulguées ......... 18
B.
II.
Les inspirations diverses ................................................................................ 18
1)
Qui est le cyber-harceleur ? ........................................................................ 19
2)
Les multiples motivations .......................................................................... 20
Une attitude poly-sphères __________________________________________ 21
A.
Une prédominance des conflits dans l’univers scolaire ................................. 21
1)
Les phénomènes de mineur à mineur ......................................................... 21
2)
Les relations élève-professeur .................................................................... 23
B.
Les relations entre adultes, terrain oublié du harcèlement virtuel .................. 23
1)
Le harcèlement virtuel dans l’accomplissement de son métier .................. 24
2)
Le divorce, déclencheur du comportement ................................................ 24
CHAPITRE 2 : LES PROBLÉMATIQUES AU CŒUR DU HARCÈLEMENT
VIRTUEL .......................................................................................................................... 26
SECTION 1 : LE HARCÈLEMENT DÉPASSÉ PAR LE CYBER ESPACE ........ 26
I. Le passage à l’acte facilité par la virtualité des échanges ____________________ 26
A.
Un comportement spécifique au cyberespace ................................................ 27
1)
Un comportement invisible ........................................................................ 27
2)
Un comportement incessant ....................................................................... 28
B.
Le cyber espace, vecteur de cyber-harcèlement ............................................. 29
1)
Un espace dépourvu de frontières .............................................................. 29
2)
Une nouvelle temporalité ........................................................................... 29
II. Le réseau social : une porte virtuelle ouverte sur le monde réel ______________ 30
A.
L’emblème du web 2.0 ................................................................................... 31
1)
Qu’est-ce qu’un réseau social ? .................................................................. 31
2)
L’internaute, acteur de l’internet ................................................................ 32
B.
Identité, anonymat et réseaux sociaux ............................................................ 33
1)
L’identité sur les réseaux sociaux ............................................................... 33
2)
Le rejet de l’argument du changement d’identité numérique ..................... 34
97
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
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SECTION 2 : CYBER HARCÈLEMENT ET DROIT A L’OUBLI ........................ 35
I. Enjeux de l’oubli pour le cyber-harcèlement ______________________________ 36
A.
Droit à l’oubli numérique et harcèlement virtuel ........................................... 36
1)
Une dépendance avec la notion de donnée à caractère personnel .............. 36
2)
Notion du droit à l’oubli numérique ........................................................... 37
B.
Les obstacles au droit à l’oubli numérique ..................................................... 37
1)
Vie privée et oubli, nouvelle interprétation ................................................ 38
2)
Une délicate appréhension de l’oubli numérique sur les réseaux sociaux . 40
II. Une présence hésitante du droit à l’oubli numérique _______________________ 41
A.
Une reconnaissance mitigée de ce droit ......................................................... 42
1)
Vers une consécration explicite du droit à l’oubli ? ................................... 42
2)
L’initiative de la charte du droit à l’oubli ................................................... 43
B.
Des perspectives visant au renforcement du droit à l’oubli numérique ......... 43
1)
Le renforcement et l’harmonisation des législations nationales européennes 44
2)
La technologie au service de l’oubli numérique ........................................ 46
PARTIE 2 : LE CYBER-HARCÈLEMENT, UN PHÉNOMENE À COMBATTRE
DANS LE RÉEL ................................................................................................................... 47
CHAPITRE 1 : DES RESPONSABILITÉS RÉELLES ............................................... 48
SECTION 1 : LES TENTATIVES DE POURSUITES PÉNALES CONTRE LE
CYBER-HARCELEUR ............................................................................................... 48
I. L’absence de répression et innovation pénale _____________________________ 48
A.
Qualification légale du cyber-harcèlement..................................................... 49
1)
La qualification légale de harcèlement ....................................................... 49
2)
L’intérêt de la qualification pénale ............................................................. 50
B.
Les solutions envisageables............................................................................ 51
1)
Création législative ..................................................................................... 51
2)
Circonstance aggravante............................................................................. 51
II. L’effectivité de la réponse pénale ______________________________________ 52
A.
Les sources de la protection pénale ................................................................ 52
1)
Le délit de tentative d’extorsion ................................................................. 52
2)
Les propos injurieux ou diffamatoires ........................................................ 53
98
Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
3)
B.
L’usurpation d’identité ............................................................................... 55
Les obstacles à la réponse pénale ................................................................... 56
1)
Les obstacles liés à la volatilité des informations numériques ................... 56
2)
L’opacité d’informations primordiales ....................................................... 57
3)
Le traitement judiciaire des plaintes ........................................................... 59
SECTION 2 : LA RESPONSABILITÉ DU RÉSEAU SOCIAL .............................. 59
I. Réseaux sociaux et utilisateurs : des intérêts divergents _____________________ 60
A.
Les limites à la qualification contractuelles, .................................................. 60
B.
Les clauses exorbitantes des conditions générales d’utilisation ..................... 60
II. La responsabilité du réseau social, soumis au régime juridique de l’hébergeur ___ 61
A.
La qualification d’hébergeur au réseau social ................................................ 62
B.
Les obligations à la charge du réseau social ................................................... 62
CHAPITRE 2 : UNE PRÉVENTION EN CONSTRUCTION .................................... 65
SECTION 1 : LA RÉPONSE INSTITUTIONNELLE ............................................. 65
I. Une réaction dynamique pour la protection des mineurs _____________________ 65
A.
La double impulsion de la prévention via les politiques publiques ............... 65
1)
La campagne pour la sphère scolaire ......................................................... 66
2)
Le programme Safer internet ...................................................................... 66
B.
La dynamique relayée par la CNIL ................................................................ 67
II. Le rôle du réseau social _____________________________________________ 68
A.
La procédure de signalement des réseaux sociaux face au bullying pour la
protection des mineurs............................................................................................ 68
B.
Synthèse récapitulative des conditions générales d’utilisation de trois réseaux
sociaux .................................................................................................................... 70
SECTION 2 : LES ACTIONS DE PRÉVENTION ................................................... 71
I. La prévesntion par la formation du mineur _______________________________ 71
A.
Le rôle de la direction éducative : le renforcement du règlement
scolaire/universitaire .............................................................................................. 72
1)
Les lacunes actuelles des règlements intérieurs ......................................... 72
2)
Le cyber-harcèlement est-il traité dans les enseignements français ? ........ 74
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Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
Mémoire de fin d’études– Année universitaire 2012/2013
B.
Le rôle des référents ....................................................................................... 76
1)
Les enseignants........................................................................................... 76
2)
Les parents .................................................................................................. 77
II. La sensibilisation et la responsabilisation du majeur _______________________ 78
A.
Un effort de sensibilisation ............................................................................. 78
B.
Un effort de responsabilisation ....................................................................... 79
C.
L’antidote serait-il l’amnésie numérique ? ..................................................... 80
CONCLUSION ..................................................................................................................... 82
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................... 84
SITOGRAPHIE .................................................................................................................... 87
GLOSSAIRE ......................................................................................................................... 89
INDEX ................................................................................................................................... 90
ANNEXES ............................................................................................................................. 91
TABLE DES MATIERES .................................................................................................... 96
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Les enjeux juridiques du harcèlement à l’ère du numérique : quand le cyber-harcèlement devient réel
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