Monsieur Francken, la réalité est de notre côté
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Monsieur Francken, la réalité est de notre côté
Monsieur Francken, la réalité est de notre côté ! Une opinion de Serge Noël-SOS Migrants D’après les chiffres fournis par Théo Francken, les demandes d’asile explosent depuis janvier. Francken invoque la situation internationale pour l’expliquer, avec près de la moitié des demandes (43%) issues de pays en guerre (Syrie, Irak, Afghanistan, Somalie). Ceci après deux ans d’une politique anti-asile forcenée. On nous rabâche les oreilles avec le fameux « appel d’air » à la moindre évocation d’une politique plus humaine. Nous disons que ce sont les conditions de (sur)vie dans les pays d’origine qui expliquent les tentations migratoires, et rien d’autre. Francken est bien forcé de ne pas dire autre chose. Annonçant aussi que les économies de plus de 20 millions d’euros prévues par le Secrétariat à l’asile et la migration il y a quelques mois ne seront pas possibles! Dans l’univers de Francken, fait de peur, de haine, d’égoïsme, les migrants sont des criminels venus en Belgique pour piller les comptes en banque et prendre les boulots. La seule réaction à leur opposer est de vider le pays de ses migrants, de dégoûter les autres d’y venir. Ces 20 millions d’économie, qui inquiétaient au premier chef les travailleurs de FEDASIL, signifiaient moins de moyens humains et matériels pour écouter, entendre, garantir ce qui reste de droits élémentaires et de procédure équitable aux futurs demandeurs d’asile. Or, après deux années de déclarations hostiles, de chasse aux migrants, de criminalisation de gens venus chercher la sécurité et la paix, de durcissement des conditions d’accès au territoire, l’échec de cette politique est cinglant. Et le ministre, à la fois champion du néolibéralisme et du flamingantisme d’extrême-droite, doit renoncer à « économiser » ces 20 millions sur le dos de l’Etat fédéral et des réfugiés. Les hommes et les femmes qui, depuis des mois, manifestent deux fois par semaine, marchent sur Anvers et Wavre, organisent de grandes démonstrations avec les syndicats, le 6 novembre passé comme le 7 octobre prochain, aux côtés des dizaines de milliers d’autres travailleurs; ou avec leurs seuls moyens, comme le 3 mai passé, appartiennent à cette réalité qui met en échec le ministre et toute son armée de fonctionnaires glacés, de flics et de médias aux ordres. Ces hommes et ces femmes qui sont considérés comme des moins que rien, qui vivent dans des conditions de précarité extrême, logeant dans des gourbis, se nourrissant au petit bonheur, se battent contre des adversaires puissants, qui détiennent le pouvoir politique, policier, médiatique, et défendent les intérêts de gens qui monopolisent les richesses. Ils et elles luttent pourtant, criant leur dégoût de l’injustice et leur foi en eux-mêmes. Depuis des mois de mobilisation, de proposition de dialogue… rien n’a été obtenu. Pourtant ils continuent. D’abord parce qu’ils n’ont pas le choix : c’est la lutte ou le désespoir, et parfois le suicide. Mais surtout, parce qu’ils sont dans le camp de la réalité. Réalité des chiffres : après deux ans de dissuasion et de répression, les chiffres des demandes d’asile démontrent que les vraies motivations des migrants c’est de fuir la guerre, la misère, et non d’être «attirés » par un pays aussi « sexy » que la Belgique made in NVA et MR ! Que le principal représentant de cette politique soit amené à le reconnaître, et à renoncer à ses projets criminels d’affaiblissement des moyens d’accueil, est en soi une victoire pour nous. Une raison majeure de continuer à se battre. Même si les conditions de la lutte doivent nous amener, tous, sans-papiers organisés dans les collectifs et la Coordination, soutiens rassemblés avec eux dans le Front d’actions et la plateforme de concertation, à réévaluer notre action, pour ne pas permettre le découragement. Pour cela, il importe de renforcer parmi nous la conscience que nous sommes du côté de la réalité, du bon sens, en même temps que du bon droit, comme le montrent aussi de nombreuses études sur l’apport y compris économique des migrants. Non, les migrants ne sont pas un fardeau ! Oui, la migration est une chance économique, humaine, culturelle ! Une réflexion s’amorce dans les rangs des migrants et de leurs amis. Après plusieurs mois de mobilisation, qui ont permis le mûrissement des organisations de migrants et de leurs amis, il faut aujourd’hui définir de nouveaux horizons de combat, surmontant les impasses où l’obstination aveugle du pouvoir veut nous enfermer, de manière à remporter des succès accessibles par nous-mêmes et ne dépendant que de nous-mêmes. Et nous permettant d’envisager la lutte à moyen terme : départ de ce gouvernement, aux côtés des millions de travailleurs qui lui sont opposés ; et à court terme : former les militants, à tous les niveaux, aller à la rencontre de l’opinion publique et de ces milliers de sans-papiers qui rasent les murs, et ainsi élargir chaque jour un peu plus la base d’un rapport de forces transformé… Consolider nos liens avec les travailleurs, non comme un « soutien » aux sans-papiers, mais comme une solidarité mutuelle contre un adversaire commun, porter notre discours réaliste et humaniste vers les citoyens, qui ne nous connaissent pas assez, qui sont gavés des mensonges du pouvoir. Il nous faut apprendre à mieux connaître les réalités d’une société travaillée par la question centrale de la migration, apprendre à parler à tous ces gens, jeunes, travailleurs, habitants des quartiers, sans-papiers « invisibles », avec nos arguments, nos valeurs, et les simples faits…