le langage à la maternelle

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le langage à la maternelle
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ANNEXES
Annexe XIII. Un corpus de livres pour entrer dans
la culture écrite et se développer à l’école maternelle.
Des objectifs : quels livres pour les atteindre ?
Rendre chaque enfant familier de l’espace du livre
La phase de découverte suppose la relation duelle aussi souvent que possible, ou
le très petit groupe, car il faut bien cadrer l’attention, orienter le regard quand on
s’arrête sur une page, sur une image. Les livres pour tout-petits recourent à des
dispositifs favorables pour retenir l’attention du lecteur sur une page :
– des couleurs vives et contrastées organisées, une composition qui guide le lecteur
vers l’élément central, par exemple la série des Papa d’Alain Le Saux, rééditée en
trois coffrets « La boîte des papas » (L’École des loisirs, 2010) ;
– des formes d’animation et, en particulier, celles qui mobilisent l’interactivité et
sollicitent assez vite l’anticipation parce qu’elles renvoient à des expériences réelles,
par exemple la série des Petit ours brun de Danièle Bour (Bayard Jeunesse depuis
1979) ; Qui te regarde ? de Carla Dijs (Albin Michel Jeunesse, 1998) ou Coucou ! Caché dans le jardin de Nathalie Pautrat (Le Sablier, 2000, réédité en 2002 avec CD).
Mais ce qui fait le livre, c’est la succession des pages et l’unité du propos. Le saut
de page constitue pour certains enfants non initiés un problème même si la voix
de l’enseignant organise la continuité, par la lecture ou le commentaire. Certains
ouvrages pour les plus petits facilitent cette compréhension en établissant une relation entre le geste de tourner la page et la progression dans l’histoire :
– jeux d’empilement comme dans Alboum de Christian Bruel et Nicole Claveloux
(Être, 1998) ;
– de construction/déconstruction comme Va-t’en, grand monstre vert d’Ed Emberly
(Kaléïdoscope, 1996) ;
– de composition progressive d’une scène complexe ou d’avancées dans une exploration spatiale comme Chhht ! de Sally Grindley, Petter Utton et Paul Beyle (Pastel,
1991).
Initier aux codes de l’album : une forme et un genre complexes
Cas de l’album sans texte
On désigne par « album sans texte » une forme littéraire constituée d’un système
d’images à interpréter. Plusieurs genres sont représentés :
– les imagiers comme Tout un monde (2000), Au jardin (2003) chez Thierry Magnier ;
– des récits de fiction en bande dessinée ou en images : Éléphants de Sara (Thierry
Magnier, 2006) ; À la mer de Germano Zullo et Albertine (La Joie de lire, 2008) ;
Clown, ris ! de Jacques Duquennoy (Albin Michel Jeunesse, 2000) ;
– des séquences documentaires : L’Arbre, le loir et les oiseaux d’Iela Mari (L’École
des loisirs, 1973) ; L’Œuf et la Poule d’Iela et Enzo Mari (L’École des loisirs, 1994) ;
– des mises en scène d’œuvres d’art comme Ah ! et Oh de Josse Goffin (Réunion des
Musées Nationaux, 2003).
Dans le cas de l’imagier Tout un monde, le lecteur doit rechercher ce qui motive l’enchaînement des images, quelle idée, quelle ressemblance ou quelle complémentarité les relie. Dans le cas d’images narratives, le lecteur construit une progression à
partir de la situation initiale qu’il identifie et des éléments de l’image qu’il sélectionne pour « raconter ». Cette lecture interprétative s’appuie sur la verbalisation et les
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ANNEXES
interactions guidées par le maître qui oriente l’attention des élèves sur les relations
logiques nécessaires à la compréhension et sur les référents ou connaissances du
monde à convoquer. Il est parfois très pertinent d’organiser un parcours de lecture
associant album sans texte et album « écrit », l’un éclairant l’autre.
Certains albums sont pratiquement sans texte et peuvent être utilement abordés
en petite section afin de centrer l’attention des plus jeunes sur la continuité narrative dans la double page et d’une double page à l’autre. L’œuvre de Donald Crews,
à L’École des loisirs, dont Le Port (1982), Le Manège (1986), Un train passe (1986),
En l’air (1987) est de ce point de vue exemplaire. De même Byron Barton dans
Construire une maison (L’École des Loisirs, 1982) ou Sur le chantier (L’École des
Loisirs, 1987) offre des séquences d’images permettant une explicitation de la progression narrative.
Le Delphinium contre le dentignac, Le Dondon contre le mochgnac, Le Griffognac
contre le grobidum, le Mochgnac contre le bisounon, quatre titres de Thierry Dedieu,
(collection « Les Nigaudosaures », Gallimard-Jeunesse Giboulées, 2009), à partir de
la MS. Avec ces albums, seuls les onomatopées et les titres relèvent du langagier.
En quelques pages, il s’agit de construire un récit à partir des images et d’un scénario récurrent, une poursuite au cours de laquelle un personnage veut dévorer
l’autre et où l’agresseur se fait piéger chaque fois. Après la découverte de ces quatre
histoires, le maître fera porter son étayage sur la structuration du récit oral dans
une situation de communication (raconter l’histoire à un autre groupe).
Le Petit Truc tout bleu de Catherine-Jeanne Mercier (Sarbacane, 2008), à partir de
la MS, raconte, en images pleine page, la découverte par un bébé d’un truc tout
bleu coincé sous une forme rouge. L’histoire se termine par l’image d’un truc rouge
coincé sous la forme bleue que le personnage a apprivoisée. Ce scénario s’apparente aux jeux de mime et se développe par les liens qu’entretient l’image avec la
précédente et la suivante, et la structuration en séquences : avec un bâton, je peux
faire croire que j’ai une épée, un cheval ou un balai en mimant une action.
La forme BD se décline sans texte dans Tom et l’oiseau de Patrick Lenz (Sarbacane,
2008). Le motif est celui de l’oiseau qui recouvre sa liberté grâce au geste d’un petit garçon qui, pour surmonter sa peine de perdre un compagnon, le sublime en
oiseau géant qu’il chevauche tel Nils Holgersson. Les différents codes de l’image
qu’il conviendra de faire repérer et interpréter par les jeunes lecteurs de GS permettent de structurer le récit.
De même, le maître aidera les jeunes élèves de GS à entrer dans Tout un monde, cité
précédemment, en isolant une suite d’images représentant une séquence dans laquelle les enchaînements seront explicités. Ils peuvent relever d’association d’idées,
de ressemblances visuelles, fonctionnant sur diverses figures rhétoriques et des
références culturelles.
Les imagiers : découpages et ordonnancement du monde
L’imagier consiste en une collection d’images souvent thématiques auxquelles est
parfois associée une collection de mots censés les désigner. Lire un imagier, c’est
interroger la mise en images, les choix techniques, les relations qu’elles entretiennent entre elles et avec le réel, et la mise en mots du monde. Les activités proposées
aux élèves visent à découvrir la polysémie de l’image et la permanence de l’écrit qui
l’accompagne (travailler avec caches…), ou à faire parler les imagiers « muets » pour
penser le monde : Image y es-tu ? de Pef (Gallimard Jeunesse, 1991) ; Zinz’imagier de
Jean-Loup Craipeau, Gérard Gréverand et Serge Bloch (Nathan Jeunesse, 2000) ;
Le Musée des animaux, choix de reproduction de tableaux de Caroline Desnoëtte
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ANNEXES
(Réunion des musées nationaux, 1997) ; Les Petits Bonheurs du pré de Pascale
Estellon, Marianne Maury et Anne Weiss (Mila, 2000).
Les imagiers, dont le célèbre Imagier du Père Castor, peuvent être avec ou sans
texte, d’esthétiques variées ; leur usage n’est pas toujours explicite. En effet, les
auteurs contemporains créent des œuvres à interpréter avec des codes culturels
que les jeunes enfants ne maîtrisent pas la plupart du temps. Lire des imagiers
à l’école maternelle présente un double enjeu de représentation du monde et de
catégorisation. Le premier nécessite de dépasser progressivement les stéréotypes
et d’apprécier les décalages et clins d’œil et le second de diversifier les manières de
structurer le monde qui nous entoure. Souvent utilisés pour développer le lexique,
les imagiers ont un intérêt culturel plus large et une dimension esthétique, voire
poétique, qu’il convient de faire découvrir aux jeunes enfants.
Ainsi L’Album d’Adèle, de Claude Ponti, (Gallimard Jeunesse, 1986), est-il une réinvention de l’imagier qui répond aux besoins de désignation des objets du monde
mais dans un imaginaire conçu par l’auteur :
Plus proche de la forme canonique, les imagiers de La Joie de Lire, permettent
de construire l’univers d’un personnage comme Milton, le chat, avec L’Imagier de
Haydé d’Haydé Ardalan (2004).
Les imagiers de Tana Hoban, chez Kaléidoscope, sont souvent des scènes photographiées et l’intelligence du lecteur est sollicitée pour créer du lien entre ces images :
Des couleurs et des choses (1990), Ombres et Reflets (1991), Où précisément (1992),
Partout des couleurs (1993), Regarde bien (1999), Que vois-tu ? (2003).
Certains imagiers offrent la possibilité de faire l’expérience de diverses catégorisations :
– catégorisations thématiques, proches du réel ou fantaisistes, représentatives du
genre ou en décalage avec l’archétype comme Mon imagier de tous les animaux (collection « Jeux Toboggan », Milan, 2008), Zoo logique de Joëlle Jolivet et Emmanuelle
Grundmann (Seuil, 2002), Arche de Noé d’André Hellé (collection « Aux couleurs du
temps », Circonflexe, 1990), Tacalogue de jouets de Nathalie Lété (Thierry Magnier,
2006), Signes d’émotions de Régis Lejonc, Bénédicte Gourdon et Roger Rodriguez
(Thierry Magnier, 2001) ; sur le même thème Quelle émotion ?!, Comment dire ce que
j’ai sur le cœur de Cécile Gabriel (Mila, 2010) ;
– des imagiers qui enrôlent le lecteur en lui demandant de chercher dans une image
pleine page des détails listés sur les rabats qui fonctionnent comme imagier : Dans
les transports de Thierry Laval (collection « Cherche et trouve », Seuil Jeunesse,
2008) ; Autour de toi (2007) ; Autour du monde (2007) ; dispositif équivalent dans La
maison d’Honoré d’Iris de Moüy (Naïve, 2008) où fourmillent quantité de détails sur
le thème de la vie domestique repris en page de gauche au format imagier ;
– imagier inséré dans un jeu de langage associant le lecteur dans la collection « Mes
toutes premières découvertes », Gallimard Jeunesse : La Boîte à outils d’Anne Gutman et Daniel Moignot (2008) ;
– plus encyclopédique, Le Grand imagier (collection « Mes premières découvertes »,
Gallimard Jeunesse, 2007) ;
– jeux d’opposition : le travail sur la langue et sur les concepts de temps et d’espace
peut s’appuyer sur une catégorie d’imagiers florissante qui mettent en scène des
contraires ou des oppositions tels que Le Livre des contraires : Noir ? Blanc ! Jour ?
Nuit ! de Laura Vaccaro Seeger (Kaléidoscope, 2009) ; Sens dessus dessous de Dominique Philion, Eric Parizeau (Circonflexe, 2009) ;
– catégorisations alphabétiques avec Mon gros dico (Millepages, 1998).
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