Henning Köhler, Helmut Kohl. Ein Leben für die Politik. Die Biografie

Transcription

Henning Köhler, Helmut Kohl. Ein Leben für die Politik. Die Biografie
Francia­Recensio 2016/2
19.‒21. Jahrhundert ‒ Époque contemporaine
Henning Köhler, Helmut Kohl. Ein Leben für die Politik. Die Biografie, Köln (Quadriga Verlag) 2014, 1001 S., zahlr. Abb., ISBN 978­3­86995­076­1, EUR 32,00.
rezensiert von/compte rendu rédigé par
Florent Delporte, Vanves
Deux ans après celle de Hans­Peter Schwarz1, l’historien Henning Köhler publie une biographie complète de Helmut Kohl. Comment justifier la nécessité de ce travail qui se rajoute à une quantité importante de publications sur l’ancien chancelier? Pour Köhler, il est temps de poser un regard d’historien sur l’œuvre politique de Kohl et de s’interroger sur sa place dans l’histoire de la RFA et de l’Allemagne. Aucune grande révélation n’est à attendre. Il part du fait que le chancelier serait mésestimé et souffrirait d’une image négative dont les causes seraient multiples. Depuis la fin de son règne, Kohl alimente les gazettes: scandale financier de la CDU, règlements de comptes au sein de la CDU, relations houleuses avec Angela Merkel, drame personnel après le décès de son épouse Hannelore (2001), engendrant des scandales familiaux suite à son remariage avec Maike Richter et sa brouille avec ses deux fils. Depuis 2014, la publication d’entretiens non autorisés par Heribert Schwan et Jens Tilman avec l’ancien chancelier défraye la chronique2. Bien qu’il consacre à ces questions les cinquante dernières pages de son travail, Köhler déplore que ces polémiques prennent le pas sur l’analyse historique. Il veut également dépasser l’image réductrice de »plus grand pragmatique parmi les pragmatiques«, formule du premier biographe de Kohl, Klaus Dreher3. Il ne nie pas qu’il soit un animal politique, ayant très tôt nourri l’ambition de parvenir à la fonction suprême. Il décrit son habileté à gravir les échelons du parti, à le manœuvrer, sans se laisser emprisonner dans les lourdeurs bureaucratiques, à choisir le meilleur poste susceptible de satisfaire ses ambitions, à mener des campagnes, à éliminer ses adversaires directs, à prendre le pouls de la population et à cultiver des réseaux, sachant s’entourer (on pense ici au rôle majeur joué par Horst Teltschick). Ses qualités de tacticien ne doivent cependant pas occulter une œuvre politique hors­
norme. Köhler concède que Kohl est aussi responsable de cette image écornée: un goût pour l’ironie mordante ou une tendance à la négociation secrète, sans oublier quelques épisodes malheureux, comme la visite controversée de Ronald Reagan au cimetière de Bitburg en 1985 ou la maladroite formule de la »grâce de la naissance tardive«. Mais la responsabilité principale incomberait à la presse allemande. Köhler dénonce tout au long de son texte des campagnes à charge, parfois 1
Hans­Peter Schwarz, Helmut Kohl. Eine politische Biographie, Munich 2012. 2
Heribert Schwan, Tilman Jens, Vermächtnis. Die Kohl­Protokolle, Munich 2014.
3
Klaus Dreher, Hemut Kohl. Leben mit Macht, Stuttgart 1998.
Lizenzhinweis: Dieser Beitrag unterliegt der Creative­Commons­Lizenz Namensnennung­Keine kommerzielle Nutzung­Keine Bearbeitung (CC­BY­NC­ND), darf also unter diesen Bedingungen elektronisch benutzt, übermittelt, ausgedruckt und zum Download bereitgestellt werden. Den Text der Lizenz erreichen Sie hier: https://creativecommons.org/licenses/by­nc­nd/4.0/
instrumentalisées par des adversaires politiques.
Henning Köhler tente de cerner les lignes de force de ce personnage exceptionnel à ses yeux. Le récit diachronique de sa carrière permet de se rendre compte que Kohl n’est pas un opportuniste mais, au contraire, qu’il a été fidèle à des convictions. Politiquement, n’hésitant pas à être à contre­courant de son parti, il est resté fidèle à une ligne »au centre«. Il a toujours accordé de l’importance à un volet social. Il a ouvert la CDU aux jeunes et aux femmes, lui permettant de se moderniser. Kohl a toujours été respectueux des valeurs démocratiques. Il entretient des rapports cordiaux avec ses adversaires politiques comme Willy Brandt ou Herbert Wehner. Son souci de marquer l’opposition gauche­droite, indispensable à toute démocratie, explique son refus des grandes coalitions et son souhait de ne sceller une coalition qu’avec le FDP, à défaut d’obtenir une majorité absolue.
Les traits d’une personnalité se révèlent tôt. Enfant de la guerre, né en 1930, souffrant de la faim et des bombardements, Helmut Kohl a la douleur de perdre son frère Walter en 1944. Bien qu’il ne puisse être taxé de pacifiste, entretenant avec la Bundeswehr, »son enfant chéri«, une relation privilégiée (p. 767), la paix est pour lui une valeur cardinale. Autre caractéristique fondamentale selon Köhler, Kohl possède un sens aigu de l’Histoire qui se manifeste par une thèse d’histoire soutenue en 1958 et notamment par la création des deux musées: la Maison de l’histoire de la République fédérale d’Allemagne à Bonn, ainsi que le Musée historique allemand à Berlin. Köhler affirme que toutes les polémiques qui accusent Kohl de pratiquer du révisionnisme historique sont des procès d’intention. Au contraire, ce souci historique permet de comprendre les fondements de la pensée politique d’Helmut Kohl: l’unité allemande a été sa priorité, il a toujours rejeté l’idée d’une partition définitive. Dès son accession au pouvoir, il a œuvré à perpétuer l’Ostpolitik de ses prédécesseurs, sans se départir d’une certaine méfiance envers l’URSS ni rien sacrifier des bonnes relations avec les Alliés américains, en particulier son amitié avec Ronald Reagan, paramètre essentiel de l’ancrage occidental de la RFA et condition de sa sécurité. Si la réunification allemande est son objectif, il n’en demeure pas moins que cette nouvelle Allemagne doit faire le choix de la démocratie occidentale en poursuivant son intégration à l’Ouest. Elle ne peut envisager son avenir qu’au sein de l’Europe au cœur de laquelle se trouve le couple franco­allemand. La phrase de Kohl que »l’unité allemande et l’unité européenne sont les deux faces d’une même médaille« ne doit pas être interprétée comme une formule de circonstances visant à rassurer les Alliés, mais comme l’expression d’une conviction politique profondément ancrée. Un des intérêts de cette biographie est qu’au fil des pages se dessine en filigrane un panorama de l’histoire de la RFA. Trois grands hommes scandent ces 45 ans: Konrad Adenauer, Willy Brandt et Helmut Kohl. Chacun, à sa manière, a œuvré à la démocratisation de la RFA, à son ancrage à l’Ouest, à son intégration dans la Communauté européenne et a contribué à maintenir vivace l’espoir d’unité, sans jamais se résigner à la séparation Est­Ouest. Köhler s’attache à mettre en évidence la Lizenzhinweis: Dieser Beitrag unterliegt der Creative­Commons­Lizenz Namensnennung­Keine kommerzielle Nutzung­Keine Bearbeitung (CC­BY­NC­ND), darf also unter diesen Bedingungen elektronisch benutzt, übermittelt, ausgedruckt und zum Download bereitgestellt werden. Den Text der Lizenz erreichen Sie hier: https://creativecommons.org/licenses/by­nc­nd/4.0/
continuité politique entre les trois, tout en spécifiant les particularités des uns par rapport aux autres. Il insiste sur la relation »emprunte de respect mutuel et d’attachement amical« (p. 794) qui s’est développée au fil du temps entre Willy Brandt et Helmut Kohl. Le choix de la photo qui clôt le livre représentant Helmut Kohl en plein discours au moment de la chute du Mur avec, à ses côtés, Walter Momper, alors maire de Berlin, et surtout en arrière­plan, Willy Brandt, exprime la volonté de Köhler de symboliser le lien entre ces deux pères de la réunification. Il insiste sur la capacité des deux hommes à dépasser les intérêts partisans quand les intérêts supérieurs de la Nation étaient en jeu. Kohl est un personnage complexe. Les multiples témoignages à son sujet, souvent contradictoires, le prouvent. Le mérite de Köhler est d’avoir cherché à sortir des querelles de personnes pour resituer l’œuvre de Kohl dans un temps historique plus long et retracer les grandes lignes d’un parcours exceptionnel qui n’a cependant pas été qu’une success story. C’est aussi peut­être la plus grande critique que l’on pourrait appliquer à ce texte qui donne une image de Kohl assez (»trop« diront assurément ses contempteurs) lisse. Au registre des critiques, on peut aussi faire une remarque sur la structure chronologique de la biographie. Si une telle forme est indispensable, elle donne ici l’impression de passer d’élection en élection, de campagne en campagne, ce qui renforce l’image d’un politique tacticien et opportuniste que Köhler cherche pourtant à gommer. On peut aussi regretter que la politique européenne de Kohl soit assez peu développée, alors que, pour l’historien, l’Europe est au centre des préoccupations du chancelier. Enfin, l’ère Kohl ne peut s’entrevoir sans la personne de Hans­Dietrich Genscher. Ce couple est relativement absent. On sait pourtant que les tenants de Genscher ont souvent accusé Kohl de s’arroger des mérites qui revenaient à son ministre des Affaires étrangères4.
Mille pages ne suffisent pas à épuiser un sujet aussi riche que Helmut Kohl. Carrière exceptionnelle, personnage incontournable, c’est un fait. Il faudra néanmoins encore attendre l’ouverture de nouvelles archives et considérer son œuvre avec le recul de l’Histoire pour parvenir à donner de lui une image encore plus précise et plus neutre.
Voir la biographie de Hans­Dietrich Genscher provenant de la plume de Hans­Dieter Heumann, où Kohl est accusé de s’accaparer les mérites de la réunification: Hans­Dieter
Heumann, Hans­Dietrich Genscher. Die Biografie, Paderborn 2012. 4
Lizenzhinweis: Dieser Beitrag unterliegt der Creative­Commons­Lizenz Namensnennung­Keine kommerzielle Nutzung­Keine Bearbeitung (CC­BY­NC­ND), darf also unter diesen Bedingungen elektronisch benutzt, übermittelt, ausgedruckt und zum Download bereitgestellt werden. Den Text der Lizenz erreichen Sie hier: https://creativecommons.org/licenses/by­nc­nd/4.0/