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LE JOURNAL DE L’
PÉRIODIQUE DU
SECRÉTARIAT NATIONAL
20, rue de l’Association
1000 BRUXELLES
T: 02/ 219 68 88 - FAX: 02/ 219 39 72
E-mail: [email protected]
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N° d’entreprise : 418.719.207
Belgique-Belgie
P.P.
Bruxelles X
1/6083
ACTION
ET
RECHERCHE
CULTURELLES
ASBL
NE PARAÎT PAS
EN JUILLET-AOUT
BUREAU DE DÉPÔT BRUXELLES X
N° d’agrément : P701161
Celui qui se sent sûr, censure. A
moins que ce ne soient la peur et le
goût d'asservir qui excluent ainsi
ceux qui pensent différemment. La
maladie du dogmatisme guette depuis toujours les “autorités” de tous
ordres - politiques, religieuses ou
morales - qui décrètent à tous vents
au nom d'une vérité souveraine
qu'ils prétendent détenir en propre.
En témoignent à suffisance, “l'enfer” des bibliothèques d'antan ou
“l'index” qui listait les oeuvres interdites qui sont fort heureusement
tombés en désuétude de nos jours.
Péché consternant contre l'esprit
que cette réclusion, au plus caché de
ces lieux de culture, des écrits, souvent les meilleurs, des “dissidents”
de toute pensée unique. Dénonçons
donc ces dérives sectaires, où
qu'elles sévissent et lisons le
meilleur. Obstinément attentifs au
prosélytisme réactionnaire des nouveaux “intransigeants dogmatiques”,
tant les vieux démons risquent à tout
instant de resurgir.
Mais aujourd'hui ? Comment gérer
au mieux l'immense production de
toute encre qui déferle sur nos
rayons ? Comment donc, en “honnête homme” de son temps, à notre
modeste place d'acteur d'une démocratie ouverte qui laisse à chacun la
liberté de s'exprimer, se faire librement une opinion ? Faut-il alors
tout admettre, tolérer l'intolérable ?
Non bien sûr mais, comme on le
voit, rien n'est très simple.
Passeur de culture, le bibliothécaire
doit rester d'abord ce veilleur, modeste et quotidien, qui éveille à la
naissance du jour contre toutes les
nuits. Une mission forte qui doit guider sa réflexion et son action dans
cette problématique de la censure.
Gérard Durieux
Bibliothécaire au Centre Multimédia
Don Bosco / Arc-Liège
Activités de l’ARC
Pour vous tenir informés
de l’ensemble de nos activités,
consultez
notre site Internet :
www.arc-culture.org
CITOYENNETÉ
MARS - AVRIL 2009
À demi-mot
Censure, autocensure et politiquement correct
Si l'Article 10 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme garantit à toute personne le droit à la liberté d'expression,
il n'en demeure pas moins que cette liberté d'opinion - comme celle de recevoir ou de communiquer des informations ou des
idées - est, aujourd'hui encore, l'objet de diverses ingérences. Le penchant à la maîtrise, voire la restriction, de l'exercice de
ces libertés reste, bel et bien, un fait courant.
En février 2007 (1), André Berger,
Professeur à l'Institut d'astronomie
et de géophysique Georges Lemaître
(UCL), attira notre attention sur le
mépris que ses recherches, relatives
au réchauffement climatique, suscitèrent durant bon nombre d'années.
Était-ce le fait d'une incrédibilité ou
d'une sorte de censure ? L’interrogation
était d’autant plus légitime que
quelques mois plus tard, on apprenait, un peu stupéfait, que la communication finale du GIEC (Groupe
d'Experts Intergouvernemental sur
l'Évolution du Climat), alors réuni à
Bruxelles, avait été le fruit d'âpres
discussions afin d'atténuer l'impact
de certaines de ses conclusions.
Comme il était évident que toute vérité n'était pas bonne à dire, place fut
faite au politiquement et à l'économiquement correct, et à ce qu'il faut bien
nommer par son nom : une censure.
“La vraie tragédie de la vie” disait
Platon, “c'est lorsque les hommes ont
peur de la lumière.”
Vigilance
Hélas, si affligeant qu'il soit, l'exemple de ce rapport biaisé à dessein
n'en n'est qu'un parmi tant d'autres
qui illustrent les formes contemporaines de la censure : l'autocensure et
le politiquement correct. Les progrès
acquis, en matière de liberté d'expression, ne doivent pas nous illusionner :
en cette matière, rien n'est jamais acquis et la vigilance n'est jamais aussi
nécessaire que lorsqu'elle ne paraît
plus utile. Toute naïveté à cet égard
nous est, individuellement et collectivement, toujours préjudiciable tant
les états censeurs, jamais résignés, et
les kyrielles de lobbies privés veillent au grain.
Censure invisible
Dans un ouvrage récent (2), Pascal
Durant, professeur émérite à la Faculté de Philosophie et Lettres de
l'Université de Liège analyse les différentes formes de censures modernes. Ainsi, relève-t-il, entre autres, trois
formes récentes et récurrentes de la
censure. La première est d'autant plus
sournoise qu'elle agit dans et par
l'abondance, en surexposant certains
sujets ou discours au détriment d'autres, leur restreignant alors les possibilités d'exister et de voir émerger
une réelle diversité culturelle. La
deuxième de ces formes est relative
à l'imposition d'un mode de perception et de traitement de l'information
au bénéfice de l'information-spectacle
tion et d'action qui deviennent, chez
ses agents, une sorte de seconde nature.” Un processus qui abouti pour
Pascal Durant à des “actions et des
discours filtrant sans le savoir, à tra-
Creative Commons - Wikimedia
Creative Commons - Wikimedia
L’éditorial
N°101 BIMESTRIEL
L’expulsion d’Adam et Ève du Jardin d'Eden [fresque de Masaccio - détail]
Les feuilles de vigne furent ajoutées sur la fresque trois siècles après que
l'original eut été peint (1425 - 1428), probablement à la demande de Cosme III de
Médicis à la fin du 17e siècle, qui a jugé sa nudité comme “répugnante”. Pendant
sa restauration dans les années 1980, les feuilles de vigne ont été enlevées.
et au détriment de ce qui est moins
vendeur, moins séducteur. Enfin, la
troisième est celle qu'il nomme la
“censure invisible”. Elle “tient au
fait que toute sphère d'activité sociale, qu'il s'agisse du journalisme,
de l'enseignement ou de la magistrature, par exemple, façonne et porte à
incorporer des modes de représenta-
vers des normes, la perception et la
représentation du monde (3)”
Comment dès lors s'étonner de la
défiance d'un nombre croissant de
citoyens envers le discours des journalistes perçu comme une reproduction de la pensée dominante ?
Pourquoi s'étonner qu’ils tendent dé-
sormais à fuir un répertoire de mots
et de formules qui anesthésie leur réflexion, leur capacité de voir le
monde et d'agir afin de le changer.
Ainsi, au sein d'un grand nombre de
titres de presse, “ce que l'on appelle
neutralité n'est bien souvent qu'une
opinion si dominante qu'elle se fait
oublier comme opinion. (4)” Frilosité,
formatage, autocensure, contraintes
et servitudes commerciales conduisent tout droit à un mélange des genres (information/divertissements/infodivertissements) et à la volonté de se
conformer aux usages. Regrettable
constat : le journalisme critique concède, chaque jour, un peu plus de
terrain au journalisme de bienveillance mis sous la tutelle des décideurs économiques et industriels.
Cette emprise des logiques économiques ne cesse de croître et d'agir en
censeur. Il est loin le temps où le manifeste d'un journal tel que Libération déclarait : “Il n'y aura pas de
publicité car les annonceurs, en finançant la presse, la dirigent et la censure. (5)” L'audimat et les chiffres des
études médiamétriques sont aujourd’hui les seuls censeurs qui font et
défont les contenus des médias. Pour
le citoyen, les temps actuels sont à la
“vigilance critique”, la “réappropriation démocratique de l'information. (6)”
et l'autodéfense intellectuelle.
Contorsions verbales
La censure et l'autocensure sont toujours motivées par des peurs diverses.
Et, comme le souligne très justement,
Plantu, dessinateur-éditorialiste au
Monde et à L'Express : “L'époque est
à la trouille (7)”; on ne peut, malheureusement, s'attendre qu'à leur intensification. Le politiquement correct
et le renforcement des législations
nationales et européennes (8) garantissant un meilleur respect de chacun
ont, par delà leurs bonnes et justes
intentions, créé de nouveaux usages
en matière de parole, d'écrit et de
diffusion d'image. En conséquence,
la liberté d'expression s'exerce désormais de façon plus timorée et
prudente. Jouer la carte de la retenue,
user (abuser) d'euphémismes, de périphrases ou de contorsions verbales
pour désigner une personne, une si> Suite page 3
1
CULTURE
Héritage
Le patrimoine culturel mondial menacé
Le marché de l'art fait face ces dernières années à une demande grandissante pour les œuvres d'art non-occidental. Cet engouement alimente le commerce parallèle.
Les acheteurs ne sont pourtant pas uniquement des collectionneurs dont la passion élude les scrupules. Des salles de vente, des galeries et des musées prestigieux participent à ce trafic. Le coût n'est pas seulement monétaire, le patrimoine de l'humanité, et tout le savoir qu'il contient, est mis en péril par ces pratiques.
Les États-Unis, la France, la Suisse,
l'Allemagne, le Royaume-Uni et la
Belgique sont les principaux centres
de commerce illicite de l'art. Diverses caractéristiques de notre petit
Royaume expliquent pourquoi il fût
longtemps une des plaques tournantes dans le nébuleux négoce de l'art
africain. Une situation géographique à la croisée de frontières européennes, de bonnes relations post-coloniales avec l'Afrique, des experts
d'art reconnus et un grand vide juridique relatif au marché de l'art en firent le terreau idéal du trafic avant
la mise en œuvre d'une série de législations. Les divers niveaux de
pouvoir belge ont pris des mesures
pour s'attaquer à ce fléau. On peut
notamment citer la ratification en 2004
par la Communauté française de deux
conventions internationales fondamentales (Convention de l'Unesco
concernant les mesures à prendre
pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de
propriétés illicites des biens culturels de 1970 et la Convention de La
Haye pour la protection des biens
culturels en cas de conflit armé de
1999). Ces ratifications font suite à
une affaire qui a fait grand bruit. Le
futur musée parisien des Arts et des
Civilisations non-occidentales du
quai Branly aurait acheté deux statuettes de la civilisation ancienne et
méconnue “Nok” du Nigeria qui en
interdit pourtant l'exportation. Or,
elles auraient été acquises en 1998
en Belgique auprès d’un marchand
d'art. Suite au scandale, le gouvernement belge décidera de réguler ce
commerce parallèle jusqu'alors largement toléré (2).
Le trafic d'art n'est pas confiné aux
réseaux mafieux. Les objets dérobés
se retrouvent dans les galeries, les
musées, les salles de vente et chez
les collectionneurs de renom. Le
Metropolitan Museum of Art de
New York (Met) a acquis à la fin des
années 60 le trésor de Crésus, roi de
Lydie, c'est-à-dire, 360 pièces datant du VIe siècle avant J.-C. pour
1,7 million de dollars. Le trésor
avait été découvert par quatre paysans de la région d'Usak en Turquie.
Un trafiquant notoire, Ali Bayirlar,
2
les a achetées et revendues à un galeriste new-yorkais. Elles auraient
transité par la Suisse avant de franchir l'Atlantique. Le Met attendra
15 ans avant d'exposer 50 de ces
pièces. Le journaliste turc Özgen
Acar qui mène l'enquête depuis le
début fait alors éclater l'affaire au
grand jour. Le gouvernement d'Ankara intente un procès au musée devant la Cour fédérale de New York.
Six ans plus tard, le Met se voit
œuvres volées sont retrouvées.
Les conflits, les crises économiques,
l'instabilité politique sont autant de
facteurs néfastes à la protection du
patrimoine. Les pays fragilisés sont
des cibles faciles pour des marchands peu scrupuleux. Par exemple,
les œuvres dérobées dans le musée
de Bagdad lors de la guerre du Golfe
sont réapparues très rapidement sur
le marché de l'art. L'impavidité des
forces armées américaines et les
ou encore la Chine sont des pays
dont le patrimoine archéologique est
menacé par l'intensité des pillages.
Or, ces rapines peuvent effacer à jamais le contexte de la découverte et
le témoignage historique précieux
qu'offrent ces objets. Après la chute
du régime irakien de Saddam Hussein,
les pillards ont saccagé en quelques
jours un patrimoine inestimable de
la civilisation mésopotamienne, berceau de l'humanité. Donny George
Temple Jaïn Adinatha, Ranakpur (Inde) - Photo : Marc Thomas
Un commerce juteux
Le trafic de l'art représente une part
importante de l'économie informelle.
Interpol a estimé à près d'un milliard d'euros le commerce illégal
d'art par an et à 300 millions le trafic illicite d'art africain. Ces chiffres
sont en hausse (1). Rien de bien étonnant dans cet état de fait. Le marché
de l'art a une tradition de confidentialité qui fait que les biens culturels
sont un des rares biens économiques
que l'on peut vendre et acquérir sans
transmettre le titre de propriété. Les
œuvres d'art sont dès lors des moyens faciles et anonymes de paiement. De plus, ce sont des valeurs
refuges car leur acquisition constitue un placement fiable.
L'Inde compte 22 sites culturels classés “patrimoine mondial” par l'Unesco. Si cette reconnaissance les préserve, il
reste des centaines d'autres sites menacés ou déjà soumis au pillage. Comme dans de nombreux pays, le patrimoine
culturel de l'Inde est ravagé par les fouilles clandestines. Les idol runners, les pilleurs de sites archéologiques indiens
- appelés tombaroli en Italie, tymborychoi en Grèce, esteleros au Mexique et Guatemala ou huaqueros au Pérou et
Bolivie- sont issus des populations locales vivant souvent une grande pauvreté. Ce commerce, aujourd'hui devenu
mondial, leur assure quelques maigres rentrées financières alors que les marchands d'art occidentaux en tirent de
substantiels bénéfices. Des millions de pièces sortent clandestinement de leur pays d'origine pour répondre au plaisir
d'esthètes peu scrupuleux ou aux demandes de spéculateurs avertis, au détriment de l'héritage culturel mondial.
contraint de restituer l'ensemble du
trésor qui est visible aujourd'hui au
musée des Civilisations anatoliennes
d'Ankara (3).
Les pillages et leur impact
La croissance de la demande des œuvres d'art non-occidental accentue
les pillages dans le monde. Au Mali,
près de 70 % des sites archéologiques ont été pillés. Ce chiffre atteint
90 % pour la région de Bura au
Niger! Les progrès technologiques
des moyens de communication et de
transport, la sophistication des réseaux de contrebande et l'argent que
ce commerce génère aiguisent les
pratiques illicites. Au Guatemala,
on sait qu'il existe une importante
ville maya dans la jungle car des
pièces de construction ont été retrouvées sur le marché mais les archéologues, ayant moins de moyens
que les trafiquants, ignorent encore
l'emplacement du site. En Chine, les
biens pillés sur des sites sont le
principal objet de contrebande du
pays. En général, seuls 5 à 10 % des
techniques de vols laissent supposer
un pillage organisé. Plusieurs experts ainsi que le directeur du
musée, Donny George, accréditent
la thèse d'un vol commandité par
des marchands d'art. Il aura fallu six
ans pour que le musée de Bagdad
puisse réouvrir ses portes, récupérant
6000 pièces sur les 15000 volées.
En Afrique, des soldats ou des civils
n'hésitent pas à vandaliser des sites
et revendre les œuvres pour gagner
un peu d'argent. Des lois ont été votées dans les pays africains pour
sanctionner le trafic illicite mais ces
réglementations sont incomplètes et
il manque souvent d'agents pour les
faire appliquer. De plus, ces fonctionnaires censés faire respecter les
lois sont parfois ceux qui les violent
car ils sont sous-payés ou corrompus. Ainsi, dans certains pays, les
musées sont les premières cibles des
pilleurs.
La Turquie, la Grèce, Chypre, l'Irak,
la Syrie, l'Iran, l'Inde, le Cambodge
avait qualifié ces actes de “crime du
siècle” tandis que Kofi Annan, alors
secrétaire général des Nations-Unies,
déclarait qu'il s'agissait d'une “blessure causée à l'humanité entière”.
Les objets jouent aussi un rôle pour
perpétuer une mémoire vivante. L'histoire des communautés non-occidentales étant généralement orale, les
objets rituels sont les témoins d'une
identité, de pratiques et de récits.
Par exemple, suite à la disparition
de ses masques sacrés vendus à l'étranger pour des sommes colossales,
l'ethnie Kô au Burkina Faso ne peut
désormais plus exécuter ses rituels.
Des avancées
Des textes juridiques de plus en plus
nombreux dans le monde entier punissent les pillages et le transfert
illicite de biens culturels. La presse
relaie les ravages culturels causés
par les pillages et les ONG en dénoncent l'aliénation culturelle. Ces
éléments ont favorisé l'éveil des
mentalités à l'importance de la pro-
tection du patrimoine. Comme le
soulignait Lyndel Prott dans une interview (4), alors directrice de la division du patrimoine culture de
l'Unesco, la mentalité “Indiana
Jones” n'est plus en vogue. Chercher des trésors de manière inconsidérée, sans scrupules pour les populations locales et pour l'intérêt
culturel et scientifique de l'objet n'a
plus la cote.
Mais ce n'est pas suffisant. Tant qu'il
y aura une forte demande, le problème persistera. Une prise de conscience internationale et une éthique
dans les transactions doivent prévaloir, en particulier chez les collectionneurs et les amateurs d'art.
L'adoption par beaucoup de musées
à un code déontologique sanctionnant l'acquisition et l'exposition de
biens sans origine de provenance et
de propriétaire; les ateliers internationaux mis en place par l'Unesco
pour rassembler tous les acteurs de
la protection du patrimoine; les formations données aux jeunes pour
les sensibiliser à la valeur de cet héritage; les campagnes d'information
menées par les pays soumis aux
pillages et surtout les procès de plus
en plus nombreux qu'ils intentent
pour récupérer des œuvres qu'on
leur a dérobées sont la preuve que
les choses bougent. Il s'agit de
mettre fin à un commerce qui n'est
ni légal ni éthique mais surtout de
sauvegarder des témoins essentiels
de l'humanité. La patrimoine culturel est la mémoire des générations
passées et nous avons le devoir de la
transmettre aux générations futures.
Bénédicte Martin
(1) “Restitution du patrimoine historique pillé
pour une renaissance culturelle africaine”
Diaminati Bourema in Canonical Works and
Continuing Innovation in African Arts and
Humanities. Special 30th Anniversary Humanities Conference of Codestria. Accra 17-19,
September, 2003.
http://www.codesria.org/Links/conferences/ac
cra/Diamitani.pdf
(2) Michel Hucorne: “La Belgique se réveille
enfin”. Courrier de l'UNESCO. Avril 2001.
http://www.unesco.org/courier/2001_04/fr/do
ss24.htm
(3) “Quand Özgen Acar enquête, les trésors
reviennent”. Propos recueillis par BESSIERES,
Michel. Courrier de l'UNESCO.
http://www.unesco.org/courier/2001_04/fr/do
ss27.htm
- Razzia sur l'art. Vols, pillages, recels à travers le monde. BOSC, Julien; DE ROUX,
Emmanuel & PARINGAUX, Roland-Pierre.
Paris, Fayard, 1999.
(4 ) “Indiana Jones n'a plus d'avenir” in
Courrier de l'Unesco. BESSIERES, Michel.
Avril 2001. http://www.unesco.org/courier
20_01_04/fr/doss11.htm
Cet article est tiré d'une analyse de l'ARC à
consulter sur notre site :
http://www.arc-culture.org/Trafic-desbiens-culturels.pdf
> Censure, autocensure et politiquement correct
(suite de la page 1)
Novlangue
Les meilleures intentions, comme
celles de ne plus véhiculer de stéréotypes et de respecter les différentes
communautés et minorités, se transforment, lentement mais sûrement,
en dépit de leur volonté première, en
de nouvelles formes de censure. Au
Etats-Unis, pays qui a donné naissance au concept du politically correct, la réécriture ou suppression de
chapitres d'œuvres littéraires, pour
cause d'incompatibilité au regard
des mœurs et des opinions dominantes, est déjà une réalité. Tout
comme la chasse aux sorcières visant à empêcher les auteurs qui n'appartiennent pas à une communauté
donnée (Afro-Américains, homosexuels, mormons, etc.) d'écrire sur
ou contre elle. A trop vouloir éviter,
à tout prix, toute offense ou stigmatisation de groupes minoritaires au
bénéfice d'une quiétude sociale et
morale (d'un endormissement ?), le
risque est sérieux qu'une partie de
notre liberté d'expression soit sacrifiée. L'adoption d'une telle langue,
permettant de ne plus froisser personne, pour peu que ses intentions
soient louables, n'est pas sans produire quelques effets pervers. L'écrivain anglais, George Orwell, dès
l'après-guerre, en pressentait les
abus et les dangers. Inventant, dans
son roman 1984, la “novlangue”
(newspeak) fondée sur une simplification lexicale et syntaxique, il
l'imagina ayant pour but de rendre
impossible l'expression d'idées subversives et la formulation de critiques. Qu'on ne s'y trompe pas, la
fiction a souvent valeur de prophétie
et l’usage du politiquement correct
tout comme de l'autocensure, en raison de leur haut degré de contamination, gagnent chaque jour du terrain. Si les médias, dans leur grande
majorité, se trouvent au cœur de ce
processus, à leurs dépens, ils en sont
aussi fréquemment les contributeurs. La libre pensée, la vigueur du
débat des idées et la bonne santé de
nos démocraties ont, sans aucun
doute, du souci à se faire.
“Ce qui est sûr, c'est qu'à vouloir
aseptiser le vocabulaire pour conjurer le risque d'irriter les épidermes,
on finit par réduire à néant ses plus
vives facultés d'expression. (10)” C'est
cette réduction du sens et de la valeur des mots que l'écrivain et poète
français, Bernard Noël, désigna
dans les années 70 par ce néologisme : la sensure. Cette privation
du sens des mots est la forme la plus
ingénieuse de la censure actuelle.
Cette aseptisation touche de plein
fouet de nombreux secteurs, la culture n'étant pas le moins épargné.
L'excès de bienveillance et prudence
langagière qui s'y pratique aujourd'hui tend parfois à l'absurde. Ainsi,
pour en citer un exemple révélateur,
ce qui fut appelé autrefois “Art primitif” ou “Art tribal” a été rebaptisé
Il commet l'erreur de travestir ou de
masquer plutôt que de valoriser. Et
ce n'est certainement pas en bannissant les mots, en les contorsionnant
de toutes parts, que l'on modifiera
notre considération à l'encontre de
ce qu'il désigne. Il y a quelques décennies de ça, Léopold Sédar Senghor et Aimé Césaire revendiquaient
fièrement leur “négritude” en tant
que fait et que culture ayant contribué, par l'intermédiaire d'artistes et
écrivains noirs (“personnes de couleur”…), aux grands courants universels de la pensée. Autres temps,
autres mœurs, Sartre définissait alors
Censure nazie en Belgique (1940-1944). Depuis 1926, le Ministère de l’Instruction publique bannissait les ouvrages qui prêchaient la haine entre les races et les peuples. Ce
Ministère rappelle encore ces consignes au début de l’Occupation et demande de ne
plus donner en lecture des manuels scolaires critiquant les Allemands. En octobre
1940, il crée la Commission pour la Révision des Ouvrages Classiques qui interdira
alors les auteurs juifs. De 1940 à 1943, 4999 ouvrages scolaires sont examinés: 141
livres sont interdits, 423 sont écartés provisoirement, 182 devront être modifiés et 4253
pourront rester en usage tels quels. L'occupant organise dès août 1940 l'épuration des
bibliothèques et des librairies. Les livres anti-allemands et anti-nazis sont interdits.
En septembre 1941, la Propaganda Abteilung publie une plaquette de 62 pages qui
énumère 1456 livres, auteurs et éditeurs interdits. Les bibliothécaires et les libraires
belges sont chargés de retirer les livres de la circulation sous peine de graves sanctions.
par le terme, aussi politiquement
correct que vide de sens, d'“Arts
premiers”. En vain puisque la controverse ne se fit pas attendre. Trop
évolutionniste et ethnocentriste !
Pas assez politiquement correct !
Ainsi, à Paris, l'appellation “Musée
des Arts premiers”, initialement proposée, a été abandonnée pour le nom
inexpressif de “Musée du quai
Branly”. “Musée du quai Branly” !
Il suffisait d'y penser ! La solution
est là, afin d'éviter le malaise lié à
l'utilisation de certains mots : ne
plus employer de mots pour désigner les choses ! George Orwell, luimême, en resterait pantois... Ainsi,
sur la page d'accueil du site du
musée, pas un mot pour qualifier le
type d'œuvres qu'il accueille ! Le
politiquement correct est un constat
d'échec, celui de l'incapacité de
rendre compte, avec justesse et sans
lâcheté, du monde dans sa diversité.
Texte et document : Dr Michel Fincœur
tuation, un fait semble ainsi devenu
une obligation si l'on veut éviter de
choquer le mode de pensée dominant
(ne dites pas…, dites plutôt…) et le
coût d'un procès judiciaire. Pour paraphraser François-Bernard Huyghe,
chercheur en Sciences de l’Information et Communication, l'époque est
à “la langue de coton qui a le triple
mérite de penser pour vous, de paralyser toute contradiction et de garantir un pouvoir insoupçonné sur le
lecteur ou l'auditeur. (9)” L'époque est
à la pensée unique, au principe de
précaution et à ce qui rassure, quitte
à laisser aux extrémistes de tout poil
le monopole du “parler vrai.” Un
parler désinhibé qui prolifère, sous
ses formes les plus viles et brutales,
sur Internet et ce, quelles que soient
les lois en vigueur. Pour autant, être
en conformité avec le “bien penser”
ambiant serait-il devenu une preuve
du degré de citoyenneté de chacun ?
la négritude comme : “la négation de
la négation de l'homme noir.” Aujourd'hui, qui oserait employer le
terme d'“Arts nègres” ? En supposant
que quelqu'un en connaisse encore
la juste signification et la richesse...
Culturellement correct
Pour créer du conformisme et de
l'ordre social, la censure, l'autocensure et le politiquement correct jouent
toujours de leurs bonnes intentions
afin de s'exercer. L'exposition “La
Ville blanche, le mouvement moderne à Tel-Aviv”, qui devait avoir
lieu - à partir de ce 20 février - dans
les locaux du CIVA (11) à l'Espace
d'architecture - La Cambre, fut soudainement déprogrammée (“suspendue”) à une vingtaine de jours du
vernissage. La raison : un contexte
lié “à ce que l'État d'Israël était en
train de faire à Gaza et de la charge
d'émotion liée à cette intervention
militaire.(12)” Une décision qui, outre
le jugement que l'on peut porter sur
la politique de l'État israélien et sa
funeste opération “Plomb durci”
(sic), opta pour la confusion des
genres, cédant à l'hypocrisie et au
politiquement correct. Quels liens,
en effet, entre l'œuvre d'architectes
utopistes et idéalistes, classée au patrimoine mondial de l'Unesco, et les
agissements actuels de l'État israélien ? Aucun ! Sinon, fallait-il, en ce
cas, aussi retirer des rayons des libraires les œuvres d'auteurs israéliens ? Et quid, à vouloir suivre cette
logique, du futur 22e festival Europalia dédié à la Chine, un État qui a
causé la mort de plusieurs centaines
de milliers de Tibétains et qui s'efforce à la destruction de leur culture ?
Et enfin, comment comprendre l'actuelle présentation de cette exposition, moins de deux mois après son
annulation et en dépit du récent durcissement des représentants politiques israéliens ?
Choquant
Autre lieu, mêmes pratiques loufoques. A Londres cette fois, la société responsable du métro a interdit
en février, puis, sous un tollé de protestations provenant de milieux culturels, a fini par autoriser l'affichage
d'une Vénus nue peinte au XVIe
siècle. Annonçant l'actuelle exposition du peintre et graveur Cranach
l'Ancien, à l'Académie royale des
Beaux-arts, l'affiche avait été jugée
trop explicite au vu des responsables
de la société Transport for London.
“Nous devons tenir compte de toutes les catégories de voyageurs et essayer de ne pas choquer”... En l'espèce ce qui apparaît comme shoking
est l'excès de zèle et les dérives du
politically correct. En août 2008 encore, des conseillers de Silvio Berlusconi, ont fait voiler le sein d'une
peinture de Giambattista Tiepolo qui
sert de toile de fond à la salle de
presse de la présidence du Conseil…
au motif d'épargner la sensibilité de
certains téléspectateurs ! On ne frise
plus le ridicule, on atteint ses sommets et ceux de la niaiserie ! Prenant
pour prétexte le multiculturalisme et
le multicultualisme, on assiste, ça et
là, à un nivellement par le bas de la
liberté d'expression. La censure et
l'autocensure sont aujourd'hui souhaitées sinon encouragées afin de
contribuer au “mieux vivre ensemble”. Apres l'instauration du concept
d'exception culturelle, en matière de
droit international et de politique
culturelle, faudra-t-il instaurer celui
d'exception artistique en matière de
droit à la liberté d'expression ?
Vive la liberté !
“Lorsqu'un homme crie : “Vive la liberté !”, il pense évidemment à la
sienne” disait Georges Bernanos.
Dans l'affaire, toute récente, de l'interdiction de la conférence-spectacle (?)
de Dieudonné au Marignan à SaintJosse, interdiction prise à l'initiative
du bourgmestre Jean Demannez, le
Conseil d'État a estimé que “le Collège des bourgmestre et échevins
(…) n'a pas reçu pour mission de
veiller préventivement à la correction politique ou morale, voire même pénale, des spectacles et moins
encore à celle, supposées, des ar-
tistes qui en donnent la représentation.” Dieudonné, accoutumé aux
polémiques et aux propos à connotations antisémites (13), fut donc autorisé
à monter sur scène... Horripilant ?
Choquant ? Assurément ! Mais sachons aussi entendre ce que le
Conseil d'État nous rappela à cette
occasion, à bon escient. Un fait, un
droit, consacré par notre Constitution, et que le censeur, qui sommeille parfois en nous, a tendance à
trop vite oublier : “la liberté d'expression constitue l'un des fondements
essentiels d'une société démocratique, l'une des conditions primordiales
de son progrès et de l'épanouissement de chacun; qu'elle vaut non
seulement pour les informations ou
idées accueillies avec faveur ou
considérées comme inoffensives ou
indifférentes, mais aussi pour celles
qui heurtent, choquent ou inquiètent
les pouvoirs publics ou une fraction
quelconque de la population; qu'ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture sans lesquels il n'est pas de société démocratique.” Dont acte.
Marc Thomas
(1) “Réchauffement climatique. Le citoyen,
aussi responsable !” in Le Journal de
l'ARC n°90, janvier - février 2007
(2) “La censure invisible”, Actes Sud, coll.
“Un endroit où aller”, 2006
(3) Durant, Pascal, interviewé par De
Boeck, Philippe, in Le Soir (L'invité du
lundi), 18 septembre 2008
(4) Idem
(5) Premier manifeste de Libération rédigé
par “Pierre Victor” alias Benny Lévy, novembre 1972
(6) Durant, Pascal, “La censure invisible”,
Actes Sud, coll. “Un endroit où aller”,
2006
(7) in le mensuel Médias n°20, mars 2009
(8) Lois relatives au respect de la vie privée, l'intégrité physique ou morale, l'honneur, la réputation, le droit à la protection
de son image, lois réprimant la négation,
la minimisation, la justification ou l'approbation du génocide commis par le régime
national-socialiste allemand et lois tendant à réprimer certains actes inspirés par
le racisme et la xénophobie et interdisant
toute discrimination fondée sur l'âge,
l'orientation sexuelle, l'état civil, la conviction religieuse ou philosophique et autres
types de discriminations (loi belge du 10
mai 2007 modifiant celle du 30 juillet
1981)
(9) “La langue de coton”, F. B. Huyghe,
éditions R. Laffont, 1991
(10) Antoine, Gérald, (philologue et grammairien français, membre étranger philologue de l'Académie royale de langue et de
littérature française de Belgique), “De la
langue de bois au politiquement correct”,
www.asmp.fr/fiches_academiciens/textaca
d/antoine/languedebois.pdf
(11) Centre International pour la Ville,
l'Architecture et le paysage
(12) Burniat, Patrick, membre de la
direction de La Cambre Architecture,
“L'hypocrisie ensable Tel-Aviv”, in Le
Soir, 4 février 2009
(13) Dieudonné sera bientôt jugé par le tribunal correctionnel de Paris pour injures
antisémites à la suite de la remise du “prix
de l'infréquentabilité et de l'insolence” au
négationniste Robert Faurisson lors d'un
spectacle en décembre 2008 présenté au
Zénith de Paris
3
CITOYENNETÉ
Autocensure et frilosité ambiante
C
laude Javeau est docteur en
sciences sociales et professeur
émérite de sociologie à l’Université Libre de Bruxelles. Sa plume mêlant, avec aisance, pertinence et humeur
nous est connue au travers de nombreux
livres et chroniques médiatiques telles,
celles qu’il écrivit, hebdomadairement,
pour La Libre Belgique. Entretien.
Au cours de votre carrière avez-vous
été soumis à l'exercice d'une quelconque censure ?
Dans la pratique de mon métier de professeur de sociologie, je n'ai jamais été
censuré. En revanche, comme journaliste et chroniqueur, il est vrai que je n'ai
pas subi de censure pour la bonne raison
que j'ai veillé à ne pas me mettre en
porte-à-faux avec les journaux pour lesquels j'écrivais. J'ai pratiqué consciemment l'autocensure, tant dans le choix
des mots que dans celui des sujets. Une
certaine retenue est toujours nécessaire,
on ne doit pas se permettre de dire “tout
et n'importe quoi”. Le mensonge social,
l'édulcoration des propos, sont parfois
une nécessité. Pour ma part, lors de mes
interventions, je m'efforce avant tout de
jeter du poil à gratter...
Vous ne vous êtes donc pas senti libre
de tout dire, tel que vous le ressentiez…
On ne peut pas tout dire dans la presse
écrite et moins encore dans les médias
audiovisuels. Il est évident qu'il y a un
formatage. Lors d'interviews qui ne sont
pas en direct, quelle que soit votre liberté de parole, vous ne savez pas ce
qu'il en restera au montage. Lors d'interviews en direct, la situation est très différente. Dans ce cas, je suis parvenu à
dire des choses qui n'ont pas plu à tout le
monde. Notamment, le jour où j'ai dit
qu'un bon pédagogue était un pédagogue
mort... Heureusement, nous ne sommes
pas dans un pays où l'on vous met en prison pour des propos de ce genre. Vous
risquez seulement de ne plus passer à la
radio ou à la télévision, ce qui ne fut pas
mon cas ! Ceci dit, il est vrai qu'il y a
une espèce d'auto-surveillance qui règne
au sein des médias. Il est clair que, dans
La Libre Belgique, je ne pourrais pas attaquer de front la famille royale, ni
l'Eglise catholique. Ceci dit, où j'ai finalement connu des problèmes de mauvais
traitements, c'est dans la presse laïque.
Notamment dans Espace de libertés, le
magazine du Centre d'action laïque. J'y
tenais une chronique qui s'appelait Chacun porte sa croix. J'avais alors écrit un
article un peu narquois sur l'Abbé Pierre
qui venait de révéler qu'il avait eu des
relations charnelles quand il était jeune.
Mon propos était de dire : “qui cela
peut-il intéresser ?” J'avais écrit, entre
autres : “le petit vieux est devenu gâteux”. A la suite de la publication de l'article, le mensuel a reçu six lettres de protestation dont deux ont été publiées sans
me les montrer ! Là, j'étais très fâché
d'autant plus qu'on m'accusait d'avoir insulté l'Abbé Pierre alors que celui qui
avait dit qu'il était gâteux, ce n'était pas
moi, mais l'Archevêque de Rouen. Si on
m'avait montré ces lettres, j'aurais pu y
répondre. J'ai donc claqué la porte ! Ce
n'était pas, à proprement parler, une censure mais un manque total de courtoisie…
Censurer quelqu'un revient, aujourd'hui comme hier, à le mettre dans la
lumière. Le but recherché est rarement le but atteint, à l'image de l'interdiction du spectacle de Dieudonné
par le bourgmestre de Saint-Josse…
Dieudonné se place sur le terrain de la
défense de la liberté d'expression, il se
joue des frontières entre ce qui peut être
dit et ce qui ne peut pas l'être. Son spectacle a été autorisé mais, s'il avait tenu
certains propos, il aurait été poursuivi.
On ne peut cependant pas condamner
une personne avant qu'elle ne profère
des propos qui tombent sous le coup de
la loi. Je suis convaincu que le bourgmestre de Saint-Josse savait que le
Conseil d'Etat casserait sa décision mais
il se devait de marquer le coup. En agissant ainsi, il a, peut-être, fait la publicité
EN SAVOIR PLUS
> Sociologie critique
Pascal Durand est professeur émérite de
l'université de Liège où il enseigne la sociologie des institutions culturelles et les
théories critiques de l’information. Romaniste de formation, spécialiste de Mallarmé, il se situe au croisement de la sociologie, de la littérature et de l’analyse
des médias. Sa double maxime pourrait
être selon ses propres mots: “Le texte littéraire dit quelque chose du monde et le
texte journalistique dit quelque chose de
sa propre élaboration formelle.” Dans
son livre “La censure invisible”, il s’attache à décrire les restrictions partielles
ou totales de la liberté d'expression individuelle ou collective. Son constat : la
censure s'exerce aujourd’hui dans un
cadre défini par la loi et selon des modalités largement escortées par les médias.
Et comme il n'est pas possible - ni même,
au fond, souhaitable - de l'éradiquer,
mieux vaut néanmoins, pour en limiter
les effets, en démonter les mécanismes.
La censure invisible
Pascal Durand
Éditeur : Actes Sud, coll. “Un endroit
où aller”
4
> Visages de la censure
Dans un monde où l'art et l'information
connaissent de moins en moins de frontières, l’un et l’autre sont soumis, paradoxalement, à de plus en plus de restrictions, de censures. Comment les définir ?
Où s'exercent-t-elles ? Qui les impose ?
Et sous quelles formes ? Au fil de dix
parties couvrant des domaines aussi bien
“classiques” (les bonnes moeurs, le pouvoir, la religion) que contemporains (la
santé, les nouvelles technologies, la loi
du marché, les minorités, la jeunesse),
sans oublier l'autocensure grandissante,
le lecteur découvre les multiples visages
de la censure contemporaine. Au menu :
l'émergence des lobbies intégristes, la
mise en cause des humoristes et caricaturistes, le politiquement correct, le droit à
l'image, le “filtrage” du Net, la concentration des médias, ... Parmi le collectif
d’auteurs, on notera la présence de Béatrice Chapaux, magistrate belge, auteur
du chapitre consacré aux minorités.
Le livre noir de la censure
Collectif sous la direction d’Emmanuel
Pierrat
Éditeur : Seuil, coll. “Essais”
de Dieudonné. La censure est une lame à
double tranchant. Lorsqu'on se moque
de Michel Daerden, il est sans doute satisfait car sa popularité augmente…
Internet pousse-t-il la liberté d'expression dans ses derniers retranchements ?
Il est évident que circulent sur la toile
des quantités énormes de messages qui
sont attentatoires à l'encontre de nombreuses personnes. Lorsque, par exemple, en Belgique, le site hollandais de
dénonciation des pédophiles est interdit,
ce ne doit pas être considéré comme une
censure mais comme une mesure d'interdiction prise au nom de l'intérêt collectif. Concernant certains sites pornographiques et/ou ultra violents, j'estime
qu'il y a là une nécessité de les interdire
purement et simplement.
Hormis ces cas extrêmes, ne manquet-il pas d'impertinence dans les médias, d'un esprit plus polémiste ?
En Belgique, la tradition polémiste est
faible et, depuis une vingtaine d'années,
elle s'affaiblit plus encore. Quand, par
hasard, il se crée une polémique, cela
suscite un drame. C'est sans doute regrettable car les polémiques sont salutaires. Au sujet du canular de la RTBF, le
documentaire fiction sur la scission de la
Belgique, beaucoup de personnes, dans
un premier temps, ont hurlé au scandale,
y compris dans les milieux de la presse.
Les politiques, eux, étaient furieux également parce qu'on leur avait pris leur
jouet. Mais, dans un second temps,
quand les responsables de rédaction ont
pris connaissance des réactions des lecteurs et des téléspectateurs soutenant les
journalistes de la RTBF, le débat s'est
instauré et aucune sanction n'a été prise.
François De Brigode est toujours là !
Mais il faut admettre que l'esprit polémiste est rare chez nous à l'exception notoire du dessinateur Pierre Kroll, qui est
remarquable à cet égard. Vincent Peiffer,
dans les pages de Télémoustique, use
aussi d'un ton très libre. Cette liberté est
devenue rare. Le nombre de journalistes
> Censure et informations
Les hommes de pouvoir ont toujours
voulu contrôler la circulation de l’information, censurer les vérités qui mettaient
en péril leur domination. Paul Moreira,
auteur du livre “Les nouvelles censures”,
journaliste, reporter et enquêteur, nous
conduit tout au long de son ouvrage
“dans les coulisses de la manipulation de
l’information”. Il y est question du fréquent dévoiement de la démocratie, des
moyens et des méthodes mis en œuvre
par les dirigeants des pays démocratiques pour camoufler leurs mauvais
coups. Les temps de la censure brutale
étant révolus place à la liberté de la
presse et de l’information... sous le
contrôle des puissants afin qu’elle ne les
gêne en rien et qu’elle serve leurs intérêts ! Un regard sur les censures actuelles
multiples et terriblement intelligentes.
Un livre destiné à ceux qui croient aux
vertus de la démocratie et de la liberté
d’expression !
Les nouvelles censures,
dans les coulisses de la manipulation
de l’information
Paul Moreira. Éditeur : Robert Laffont
qui ont pris la porte ces derniers temps y
est sans doute aussi pour quelque
chose... Tout tend au conformisme, au
formatage et au consensus. Prenez, par
exemple, le magazine culturel d'Arte
Belgique, Cinquante degrés nord, tout y
baigne dans l'assentiment ! Ce qui ne
veut pas dire, par ailleurs, qu'il manque
de beaux esprits ou/et de belles plumes
chez nous mais il manque certainement
une volonté de se montrer davantage batailleur et incisif.
La censure consiste aussi à sur-médiatiser certains pour faire de l'ombre aux
autres…
La mort du chanteur Bashung a fait des
pages dans les journaux mais quand Julien Gracq ou Hugo Claus meurent, cela
fait quelques lignes ! La mort d'un Prix
Nobel ne prend guère plus de place…
Récemment, André Gillain, qui travaille
à Paris-Match, m'a fait commenter la
liste des cent personnalités les plus
connues depuis que ce magazine existe,
j'ai été consterné de voir la présence de
certaines de ces personnalités et l'absence d'autres, beaucoup plus importantes au regard de l'Histoire, à
l'exemple de Watson et Crick à l'origine
d'une découverte extraordinaire :
l'ADN… Tous deux sont aujourd'hui oubliés semble-t-il.
La presse se vend beaucoup mieux avec
une photo de Bashung en couverture
qu'avec une de Watson et Crick.
Je ne suis pas certain qu'un journal
comme La Libre Belgique gagne du lectorat à trop en faire sur Bashung ou sur
des sujets sportifs par exemple. Si les
gens achètent ce journal, c'est pour
d'autres raisons. C'est regrettable que
certains sujets prennent autant de place.
Je crois qu'il manque un journal francophone qui serait ce que Le Monde a été
et qu'il n'est malheureusement plus, pour
de nombreuses raisons... Il manque un
journal d'opinion, pas nécessairement en
faveur d'un parti politique, mais un journal de débats et d'opinion libres. Cer-
> Le poids des mots
Couronné à Paris par le prix du Pamphlet
2007, “Les nouveaux mots du pouvoir.
Abécédaire critique”, est un ouvrage collectif, rédigé sous la direction de Pascal
Durand, qui rassemble près de 140 entrées et plus de 60 signatures. Différents
spécialistes en sciences humaines, belges
et français, nourrissent cet ouvrage riche
de 450 pages. Aperçus étymologiques,
contextualisation actuelle et analyse critique d’une série de termes propagés à
travers tout le corps social. Que se cachet-il derrière toute une série de mots que
nous employons à force de les entendre ?
Des mots qui reviennent en boucle, quotidiennement, dans le discours politique
et journalistique. Si présents, si fréquents
qu'ils passeraient presque inaperçus de
ceux qui les formulent, comme de ceux
qui les reçoivent. Un ouvrage d’autodéfense intellectuelle et un outil indispensable pour tout citoyen voulant exercer
son esprit critique.
Les nouveaux mots du pouvoir.
Abécédaire critique
Pascal Durand
Éditions Aden
Editeur responsable : Eric Znamensky : 20, rue de l’Association - 1000 Bruxelles - Tél.: 02/ 219 68 88 - Fax: 02/ 219 39 72 - E mail: [email protected] - Responsable de rédaction : Marc Thomas
Rédacteurs : Gérard Durieux, Michel Fincœur, Bénédicte Martin, Marc Thomas - Graphisme : Marc Thomas - L’ARC est soutenu par la Loterie nationale et reconnu par la Communauté française
Tout courrier : [email protected] - Imprimerie : Van Ruys - Membre de l’Association des Journalistes de la Presse Belge et Etrangère et de l’Organisation Mondiale de la Presse Périodique
tains journalistes de La Libre Belgique
sont bien conscients de cette dérive.
Ceci dit, ils ont réussi, par exemple, les
pages “débats” qui sont nettement
meilleures que dans Le Soir. Le Soir fait
flèche de tout bois… Il y reste de bonnes
choses mais il faut les trouver. Et ce n'est
certainement pas au sein des pages “culture” qu'on risque de les trouver. De
façon générale, au niveau culturel, la critique n'existe plus. On sert la soupe !
“Tout le monde il est beau” et il faut que
tout se vende…
Il n'y aurait plus de place ni pour la
critique, ni pour les intellectuels ?
Il y a une doxa non critiquée et non critiquable par les moyens dont les intellectuels disposent. Nous manquons
cruellement de tribunes dans le paysage
médiatique de la Communauté française
de Belgique. Ainsi, en 2006, Le VifL'Express faisait une couverture ayant
pour titre “Intellos, réveillez-vous !” Je
veux bien qu'on se réveille, à supposer
que nous soyons endormis... mais le problème est, qu'en dehors de quelques tribunes confidentielles, nous n'avons nulle
part où nous exprimer.
Pour cause de frilosité ambiante ?
Dans notre pays, il y a effectivement une
grande frilosité qui limite nos capacités
d'intervention. Et dans le milieu académique, cette frilosité est plus grande encore. J'ai écrit dans un de mes livres :
“Qu'est-ce qu'il y a de plus lâche qu'un
professeur d'université ? Deux professeurs d'université.” Nous sommes, en
Belgique francophone, quelques centaines d'universitaires à pouvoir prendre
la parole mais combien le font ? Une poignée seulement et toujours les mêmes. Il
n'existe pas, chez nous, de magistère intellectuel à l'image de la France.
Propos recueillis par
Marc Thomas
[en coll. avec Marie-Hélène Boulanger]
> Trafics culturels
L'Unesco est un des organismes les
plus actifs dans la lutte contre le trafic
des biens culturels. Sur son site, l’Organisation des Nations Unies pour
l’éducation, la science et la culture reprend les différentes mesures qu’elle a
mises en place avec ses partenaires et
vous propose d’autres liens complémentaires. Vous y trouverez, en outre,
les actions menées avec le Conseil International des Musées et les services de
police et douanes; les textes intégraux
et des explications sur les Conventions
internationales applicables en la matière; les codes de déontologie en vigueur pour le commerce des biens culturels; des informations sur les comités
d'action et le détail des actions menées
sur le terrain comme les programmes
de sensibilisation, les ateliers de formations, les bases de données des œuvres volées, les rencontres internationales et une bibliographie multi-lingue.
Lien internet :
http://portal.unesco.org/culture/fr/ev
.php-RL_ID=35252&URL_DO=DO_
TOPIC&URL_SECTION=201.html