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LE JOURNAL DE L’ PÉRIODIQUE DU SECRÉTARIAT NATIONAL 20, rue de l’Association 1000 BRUXELLES T: 02/ 219 68 88 - FAX: 02/ 219 39 72 E-mail: [email protected] Site web: http://www.arc-culture.org N° d’entreprise : 418.719.207 Belgique-Belgie P.P. Bruxelles X 1/6083 ACTION ET RECHERCHE CULTURELLES ASBL NE PARAÎT PAS EN JUILLET-AOUT BUREAU DE DÉPÔT BRUXELLES X N° d’agrément : P701161 Celui qui se sent sûr, censure. A moins que ce ne soient la peur et le goût d'asservir qui excluent ainsi ceux qui pensent différemment. La maladie du dogmatisme guette depuis toujours les “autorités” de tous ordres - politiques, religieuses ou morales - qui décrètent à tous vents au nom d'une vérité souveraine qu'ils prétendent détenir en propre. En témoignent à suffisance, “l'enfer” des bibliothèques d'antan ou “l'index” qui listait les oeuvres interdites qui sont fort heureusement tombés en désuétude de nos jours. Péché consternant contre l'esprit que cette réclusion, au plus caché de ces lieux de culture, des écrits, souvent les meilleurs, des “dissidents” de toute pensée unique. Dénonçons donc ces dérives sectaires, où qu'elles sévissent et lisons le meilleur. Obstinément attentifs au prosélytisme réactionnaire des nouveaux “intransigeants dogmatiques”, tant les vieux démons risquent à tout instant de resurgir. Mais aujourd'hui ? Comment gérer au mieux l'immense production de toute encre qui déferle sur nos rayons ? Comment donc, en “honnête homme” de son temps, à notre modeste place d'acteur d'une démocratie ouverte qui laisse à chacun la liberté de s'exprimer, se faire librement une opinion ? Faut-il alors tout admettre, tolérer l'intolérable ? Non bien sûr mais, comme on le voit, rien n'est très simple. Passeur de culture, le bibliothécaire doit rester d'abord ce veilleur, modeste et quotidien, qui éveille à la naissance du jour contre toutes les nuits. Une mission forte qui doit guider sa réflexion et son action dans cette problématique de la censure. Gérard Durieux Bibliothécaire au Centre Multimédia Don Bosco / Arc-Liège Activités de l’ARC Pour vous tenir informés de l’ensemble de nos activités, consultez notre site Internet : www.arc-culture.org CITOYENNETÉ MARS - AVRIL 2009 À demi-mot Censure, autocensure et politiquement correct Si l'Article 10 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme garantit à toute personne le droit à la liberté d'expression, il n'en demeure pas moins que cette liberté d'opinion - comme celle de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées - est, aujourd'hui encore, l'objet de diverses ingérences. Le penchant à la maîtrise, voire la restriction, de l'exercice de ces libertés reste, bel et bien, un fait courant. En février 2007 (1), André Berger, Professeur à l'Institut d'astronomie et de géophysique Georges Lemaître (UCL), attira notre attention sur le mépris que ses recherches, relatives au réchauffement climatique, suscitèrent durant bon nombre d'années. Était-ce le fait d'une incrédibilité ou d'une sorte de censure ? L’interrogation était d’autant plus légitime que quelques mois plus tard, on apprenait, un peu stupéfait, que la communication finale du GIEC (Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Évolution du Climat), alors réuni à Bruxelles, avait été le fruit d'âpres discussions afin d'atténuer l'impact de certaines de ses conclusions. Comme il était évident que toute vérité n'était pas bonne à dire, place fut faite au politiquement et à l'économiquement correct, et à ce qu'il faut bien nommer par son nom : une censure. “La vraie tragédie de la vie” disait Platon, “c'est lorsque les hommes ont peur de la lumière.” Vigilance Hélas, si affligeant qu'il soit, l'exemple de ce rapport biaisé à dessein n'en n'est qu'un parmi tant d'autres qui illustrent les formes contemporaines de la censure : l'autocensure et le politiquement correct. Les progrès acquis, en matière de liberté d'expression, ne doivent pas nous illusionner : en cette matière, rien n'est jamais acquis et la vigilance n'est jamais aussi nécessaire que lorsqu'elle ne paraît plus utile. Toute naïveté à cet égard nous est, individuellement et collectivement, toujours préjudiciable tant les états censeurs, jamais résignés, et les kyrielles de lobbies privés veillent au grain. Censure invisible Dans un ouvrage récent (2), Pascal Durant, professeur émérite à la Faculté de Philosophie et Lettres de l'Université de Liège analyse les différentes formes de censures modernes. Ainsi, relève-t-il, entre autres, trois formes récentes et récurrentes de la censure. La première est d'autant plus sournoise qu'elle agit dans et par l'abondance, en surexposant certains sujets ou discours au détriment d'autres, leur restreignant alors les possibilités d'exister et de voir émerger une réelle diversité culturelle. La deuxième de ces formes est relative à l'imposition d'un mode de perception et de traitement de l'information au bénéfice de l'information-spectacle tion et d'action qui deviennent, chez ses agents, une sorte de seconde nature.” Un processus qui abouti pour Pascal Durant à des “actions et des discours filtrant sans le savoir, à tra- Creative Commons - Wikimedia Creative Commons - Wikimedia L’éditorial N°101 BIMESTRIEL L’expulsion d’Adam et Ève du Jardin d'Eden [fresque de Masaccio - détail] Les feuilles de vigne furent ajoutées sur la fresque trois siècles après que l'original eut été peint (1425 - 1428), probablement à la demande de Cosme III de Médicis à la fin du 17e siècle, qui a jugé sa nudité comme “répugnante”. Pendant sa restauration dans les années 1980, les feuilles de vigne ont été enlevées. et au détriment de ce qui est moins vendeur, moins séducteur. Enfin, la troisième est celle qu'il nomme la “censure invisible”. Elle “tient au fait que toute sphère d'activité sociale, qu'il s'agisse du journalisme, de l'enseignement ou de la magistrature, par exemple, façonne et porte à incorporer des modes de représenta- vers des normes, la perception et la représentation du monde (3)” Comment dès lors s'étonner de la défiance d'un nombre croissant de citoyens envers le discours des journalistes perçu comme une reproduction de la pensée dominante ? Pourquoi s'étonner qu’ils tendent dé- sormais à fuir un répertoire de mots et de formules qui anesthésie leur réflexion, leur capacité de voir le monde et d'agir afin de le changer. Ainsi, au sein d'un grand nombre de titres de presse, “ce que l'on appelle neutralité n'est bien souvent qu'une opinion si dominante qu'elle se fait oublier comme opinion. (4)” Frilosité, formatage, autocensure, contraintes et servitudes commerciales conduisent tout droit à un mélange des genres (information/divertissements/infodivertissements) et à la volonté de se conformer aux usages. Regrettable constat : le journalisme critique concède, chaque jour, un peu plus de terrain au journalisme de bienveillance mis sous la tutelle des décideurs économiques et industriels. Cette emprise des logiques économiques ne cesse de croître et d'agir en censeur. Il est loin le temps où le manifeste d'un journal tel que Libération déclarait : “Il n'y aura pas de publicité car les annonceurs, en finançant la presse, la dirigent et la censure. (5)” L'audimat et les chiffres des études médiamétriques sont aujourd’hui les seuls censeurs qui font et défont les contenus des médias. Pour le citoyen, les temps actuels sont à la “vigilance critique”, la “réappropriation démocratique de l'information. (6)” et l'autodéfense intellectuelle. Contorsions verbales La censure et l'autocensure sont toujours motivées par des peurs diverses. Et, comme le souligne très justement, Plantu, dessinateur-éditorialiste au Monde et à L'Express : “L'époque est à la trouille (7)”; on ne peut, malheureusement, s'attendre qu'à leur intensification. Le politiquement correct et le renforcement des législations nationales et européennes (8) garantissant un meilleur respect de chacun ont, par delà leurs bonnes et justes intentions, créé de nouveaux usages en matière de parole, d'écrit et de diffusion d'image. En conséquence, la liberté d'expression s'exerce désormais de façon plus timorée et prudente. Jouer la carte de la retenue, user (abuser) d'euphémismes, de périphrases ou de contorsions verbales pour désigner une personne, une si> Suite page 3 1 CULTURE Héritage Le patrimoine culturel mondial menacé Le marché de l'art fait face ces dernières années à une demande grandissante pour les œuvres d'art non-occidental. Cet engouement alimente le commerce parallèle. Les acheteurs ne sont pourtant pas uniquement des collectionneurs dont la passion élude les scrupules. Des salles de vente, des galeries et des musées prestigieux participent à ce trafic. Le coût n'est pas seulement monétaire, le patrimoine de l'humanité, et tout le savoir qu'il contient, est mis en péril par ces pratiques. Les États-Unis, la France, la Suisse, l'Allemagne, le Royaume-Uni et la Belgique sont les principaux centres de commerce illicite de l'art. Diverses caractéristiques de notre petit Royaume expliquent pourquoi il fût longtemps une des plaques tournantes dans le nébuleux négoce de l'art africain. Une situation géographique à la croisée de frontières européennes, de bonnes relations post-coloniales avec l'Afrique, des experts d'art reconnus et un grand vide juridique relatif au marché de l'art en firent le terreau idéal du trafic avant la mise en œuvre d'une série de législations. Les divers niveaux de pouvoir belge ont pris des mesures pour s'attaquer à ce fléau. On peut notamment citer la ratification en 2004 par la Communauté française de deux conventions internationales fondamentales (Convention de l'Unesco concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriétés illicites des biens culturels de 1970 et la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé de 1999). Ces ratifications font suite à une affaire qui a fait grand bruit. Le futur musée parisien des Arts et des Civilisations non-occidentales du quai Branly aurait acheté deux statuettes de la civilisation ancienne et méconnue “Nok” du Nigeria qui en interdit pourtant l'exportation. Or, elles auraient été acquises en 1998 en Belgique auprès d’un marchand d'art. Suite au scandale, le gouvernement belge décidera de réguler ce commerce parallèle jusqu'alors largement toléré (2). Le trafic d'art n'est pas confiné aux réseaux mafieux. Les objets dérobés se retrouvent dans les galeries, les musées, les salles de vente et chez les collectionneurs de renom. Le Metropolitan Museum of Art de New York (Met) a acquis à la fin des années 60 le trésor de Crésus, roi de Lydie, c'est-à-dire, 360 pièces datant du VIe siècle avant J.-C. pour 1,7 million de dollars. Le trésor avait été découvert par quatre paysans de la région d'Usak en Turquie. Un trafiquant notoire, Ali Bayirlar, 2 les a achetées et revendues à un galeriste new-yorkais. Elles auraient transité par la Suisse avant de franchir l'Atlantique. Le Met attendra 15 ans avant d'exposer 50 de ces pièces. Le journaliste turc Özgen Acar qui mène l'enquête depuis le début fait alors éclater l'affaire au grand jour. Le gouvernement d'Ankara intente un procès au musée devant la Cour fédérale de New York. Six ans plus tard, le Met se voit œuvres volées sont retrouvées. Les conflits, les crises économiques, l'instabilité politique sont autant de facteurs néfastes à la protection du patrimoine. Les pays fragilisés sont des cibles faciles pour des marchands peu scrupuleux. Par exemple, les œuvres dérobées dans le musée de Bagdad lors de la guerre du Golfe sont réapparues très rapidement sur le marché de l'art. L'impavidité des forces armées américaines et les ou encore la Chine sont des pays dont le patrimoine archéologique est menacé par l'intensité des pillages. Or, ces rapines peuvent effacer à jamais le contexte de la découverte et le témoignage historique précieux qu'offrent ces objets. Après la chute du régime irakien de Saddam Hussein, les pillards ont saccagé en quelques jours un patrimoine inestimable de la civilisation mésopotamienne, berceau de l'humanité. Donny George Temple Jaïn Adinatha, Ranakpur (Inde) - Photo : Marc Thomas Un commerce juteux Le trafic de l'art représente une part importante de l'économie informelle. Interpol a estimé à près d'un milliard d'euros le commerce illégal d'art par an et à 300 millions le trafic illicite d'art africain. Ces chiffres sont en hausse (1). Rien de bien étonnant dans cet état de fait. Le marché de l'art a une tradition de confidentialité qui fait que les biens culturels sont un des rares biens économiques que l'on peut vendre et acquérir sans transmettre le titre de propriété. Les œuvres d'art sont dès lors des moyens faciles et anonymes de paiement. De plus, ce sont des valeurs refuges car leur acquisition constitue un placement fiable. L'Inde compte 22 sites culturels classés “patrimoine mondial” par l'Unesco. Si cette reconnaissance les préserve, il reste des centaines d'autres sites menacés ou déjà soumis au pillage. Comme dans de nombreux pays, le patrimoine culturel de l'Inde est ravagé par les fouilles clandestines. Les idol runners, les pilleurs de sites archéologiques indiens - appelés tombaroli en Italie, tymborychoi en Grèce, esteleros au Mexique et Guatemala ou huaqueros au Pérou et Bolivie- sont issus des populations locales vivant souvent une grande pauvreté. Ce commerce, aujourd'hui devenu mondial, leur assure quelques maigres rentrées financières alors que les marchands d'art occidentaux en tirent de substantiels bénéfices. Des millions de pièces sortent clandestinement de leur pays d'origine pour répondre au plaisir d'esthètes peu scrupuleux ou aux demandes de spéculateurs avertis, au détriment de l'héritage culturel mondial. contraint de restituer l'ensemble du trésor qui est visible aujourd'hui au musée des Civilisations anatoliennes d'Ankara (3). Les pillages et leur impact La croissance de la demande des œuvres d'art non-occidental accentue les pillages dans le monde. Au Mali, près de 70 % des sites archéologiques ont été pillés. Ce chiffre atteint 90 % pour la région de Bura au Niger! Les progrès technologiques des moyens de communication et de transport, la sophistication des réseaux de contrebande et l'argent que ce commerce génère aiguisent les pratiques illicites. Au Guatemala, on sait qu'il existe une importante ville maya dans la jungle car des pièces de construction ont été retrouvées sur le marché mais les archéologues, ayant moins de moyens que les trafiquants, ignorent encore l'emplacement du site. En Chine, les biens pillés sur des sites sont le principal objet de contrebande du pays. En général, seuls 5 à 10 % des techniques de vols laissent supposer un pillage organisé. Plusieurs experts ainsi que le directeur du musée, Donny George, accréditent la thèse d'un vol commandité par des marchands d'art. Il aura fallu six ans pour que le musée de Bagdad puisse réouvrir ses portes, récupérant 6000 pièces sur les 15000 volées. En Afrique, des soldats ou des civils n'hésitent pas à vandaliser des sites et revendre les œuvres pour gagner un peu d'argent. Des lois ont été votées dans les pays africains pour sanctionner le trafic illicite mais ces réglementations sont incomplètes et il manque souvent d'agents pour les faire appliquer. De plus, ces fonctionnaires censés faire respecter les lois sont parfois ceux qui les violent car ils sont sous-payés ou corrompus. Ainsi, dans certains pays, les musées sont les premières cibles des pilleurs. La Turquie, la Grèce, Chypre, l'Irak, la Syrie, l'Iran, l'Inde, le Cambodge avait qualifié ces actes de “crime du siècle” tandis que Kofi Annan, alors secrétaire général des Nations-Unies, déclarait qu'il s'agissait d'une “blessure causée à l'humanité entière”. Les objets jouent aussi un rôle pour perpétuer une mémoire vivante. L'histoire des communautés non-occidentales étant généralement orale, les objets rituels sont les témoins d'une identité, de pratiques et de récits. Par exemple, suite à la disparition de ses masques sacrés vendus à l'étranger pour des sommes colossales, l'ethnie Kô au Burkina Faso ne peut désormais plus exécuter ses rituels. Des avancées Des textes juridiques de plus en plus nombreux dans le monde entier punissent les pillages et le transfert illicite de biens culturels. La presse relaie les ravages culturels causés par les pillages et les ONG en dénoncent l'aliénation culturelle. Ces éléments ont favorisé l'éveil des mentalités à l'importance de la pro- tection du patrimoine. Comme le soulignait Lyndel Prott dans une interview (4), alors directrice de la division du patrimoine culture de l'Unesco, la mentalité “Indiana Jones” n'est plus en vogue. Chercher des trésors de manière inconsidérée, sans scrupules pour les populations locales et pour l'intérêt culturel et scientifique de l'objet n'a plus la cote. Mais ce n'est pas suffisant. Tant qu'il y aura une forte demande, le problème persistera. Une prise de conscience internationale et une éthique dans les transactions doivent prévaloir, en particulier chez les collectionneurs et les amateurs d'art. L'adoption par beaucoup de musées à un code déontologique sanctionnant l'acquisition et l'exposition de biens sans origine de provenance et de propriétaire; les ateliers internationaux mis en place par l'Unesco pour rassembler tous les acteurs de la protection du patrimoine; les formations données aux jeunes pour les sensibiliser à la valeur de cet héritage; les campagnes d'information menées par les pays soumis aux pillages et surtout les procès de plus en plus nombreux qu'ils intentent pour récupérer des œuvres qu'on leur a dérobées sont la preuve que les choses bougent. Il s'agit de mettre fin à un commerce qui n'est ni légal ni éthique mais surtout de sauvegarder des témoins essentiels de l'humanité. La patrimoine culturel est la mémoire des générations passées et nous avons le devoir de la transmettre aux générations futures. Bénédicte Martin (1) “Restitution du patrimoine historique pillé pour une renaissance culturelle africaine” Diaminati Bourema in Canonical Works and Continuing Innovation in African Arts and Humanities. Special 30th Anniversary Humanities Conference of Codestria. Accra 17-19, September, 2003. http://www.codesria.org/Links/conferences/ac cra/Diamitani.pdf (2) Michel Hucorne: “La Belgique se réveille enfin”. Courrier de l'UNESCO. Avril 2001. http://www.unesco.org/courier/2001_04/fr/do ss24.htm (3) “Quand Özgen Acar enquête, les trésors reviennent”. Propos recueillis par BESSIERES, Michel. Courrier de l'UNESCO. http://www.unesco.org/courier/2001_04/fr/do ss27.htm - Razzia sur l'art. Vols, pillages, recels à travers le monde. BOSC, Julien; DE ROUX, Emmanuel & PARINGAUX, Roland-Pierre. Paris, Fayard, 1999. (4 ) “Indiana Jones n'a plus d'avenir” in Courrier de l'Unesco. BESSIERES, Michel. Avril 2001. http://www.unesco.org/courier 20_01_04/fr/doss11.htm Cet article est tiré d'une analyse de l'ARC à consulter sur notre site : http://www.arc-culture.org/Trafic-desbiens-culturels.pdf > Censure, autocensure et politiquement correct (suite de la page 1) Novlangue Les meilleures intentions, comme celles de ne plus véhiculer de stéréotypes et de respecter les différentes communautés et minorités, se transforment, lentement mais sûrement, en dépit de leur volonté première, en de nouvelles formes de censure. Au Etats-Unis, pays qui a donné naissance au concept du politically correct, la réécriture ou suppression de chapitres d'œuvres littéraires, pour cause d'incompatibilité au regard des mœurs et des opinions dominantes, est déjà une réalité. Tout comme la chasse aux sorcières visant à empêcher les auteurs qui n'appartiennent pas à une communauté donnée (Afro-Américains, homosexuels, mormons, etc.) d'écrire sur ou contre elle. A trop vouloir éviter, à tout prix, toute offense ou stigmatisation de groupes minoritaires au bénéfice d'une quiétude sociale et morale (d'un endormissement ?), le risque est sérieux qu'une partie de notre liberté d'expression soit sacrifiée. L'adoption d'une telle langue, permettant de ne plus froisser personne, pour peu que ses intentions soient louables, n'est pas sans produire quelques effets pervers. L'écrivain anglais, George Orwell, dès l'après-guerre, en pressentait les abus et les dangers. Inventant, dans son roman 1984, la “novlangue” (newspeak) fondée sur une simplification lexicale et syntaxique, il l'imagina ayant pour but de rendre impossible l'expression d'idées subversives et la formulation de critiques. Qu'on ne s'y trompe pas, la fiction a souvent valeur de prophétie et l’usage du politiquement correct tout comme de l'autocensure, en raison de leur haut degré de contamination, gagnent chaque jour du terrain. Si les médias, dans leur grande majorité, se trouvent au cœur de ce processus, à leurs dépens, ils en sont aussi fréquemment les contributeurs. La libre pensée, la vigueur du débat des idées et la bonne santé de nos démocraties ont, sans aucun doute, du souci à se faire. “Ce qui est sûr, c'est qu'à vouloir aseptiser le vocabulaire pour conjurer le risque d'irriter les épidermes, on finit par réduire à néant ses plus vives facultés d'expression. (10)” C'est cette réduction du sens et de la valeur des mots que l'écrivain et poète français, Bernard Noël, désigna dans les années 70 par ce néologisme : la sensure. Cette privation du sens des mots est la forme la plus ingénieuse de la censure actuelle. Cette aseptisation touche de plein fouet de nombreux secteurs, la culture n'étant pas le moins épargné. L'excès de bienveillance et prudence langagière qui s'y pratique aujourd'hui tend parfois à l'absurde. Ainsi, pour en citer un exemple révélateur, ce qui fut appelé autrefois “Art primitif” ou “Art tribal” a été rebaptisé Il commet l'erreur de travestir ou de masquer plutôt que de valoriser. Et ce n'est certainement pas en bannissant les mots, en les contorsionnant de toutes parts, que l'on modifiera notre considération à l'encontre de ce qu'il désigne. Il y a quelques décennies de ça, Léopold Sédar Senghor et Aimé Césaire revendiquaient fièrement leur “négritude” en tant que fait et que culture ayant contribué, par l'intermédiaire d'artistes et écrivains noirs (“personnes de couleur”…), aux grands courants universels de la pensée. Autres temps, autres mœurs, Sartre définissait alors Censure nazie en Belgique (1940-1944). Depuis 1926, le Ministère de l’Instruction publique bannissait les ouvrages qui prêchaient la haine entre les races et les peuples. Ce Ministère rappelle encore ces consignes au début de l’Occupation et demande de ne plus donner en lecture des manuels scolaires critiquant les Allemands. En octobre 1940, il crée la Commission pour la Révision des Ouvrages Classiques qui interdira alors les auteurs juifs. De 1940 à 1943, 4999 ouvrages scolaires sont examinés: 141 livres sont interdits, 423 sont écartés provisoirement, 182 devront être modifiés et 4253 pourront rester en usage tels quels. L'occupant organise dès août 1940 l'épuration des bibliothèques et des librairies. Les livres anti-allemands et anti-nazis sont interdits. En septembre 1941, la Propaganda Abteilung publie une plaquette de 62 pages qui énumère 1456 livres, auteurs et éditeurs interdits. Les bibliothécaires et les libraires belges sont chargés de retirer les livres de la circulation sous peine de graves sanctions. par le terme, aussi politiquement correct que vide de sens, d'“Arts premiers”. En vain puisque la controverse ne se fit pas attendre. Trop évolutionniste et ethnocentriste ! Pas assez politiquement correct ! Ainsi, à Paris, l'appellation “Musée des Arts premiers”, initialement proposée, a été abandonnée pour le nom inexpressif de “Musée du quai Branly”. “Musée du quai Branly” ! Il suffisait d'y penser ! La solution est là, afin d'éviter le malaise lié à l'utilisation de certains mots : ne plus employer de mots pour désigner les choses ! George Orwell, luimême, en resterait pantois... Ainsi, sur la page d'accueil du site du musée, pas un mot pour qualifier le type d'œuvres qu'il accueille ! Le politiquement correct est un constat d'échec, celui de l'incapacité de rendre compte, avec justesse et sans lâcheté, du monde dans sa diversité. Texte et document : Dr Michel Fincœur tuation, un fait semble ainsi devenu une obligation si l'on veut éviter de choquer le mode de pensée dominant (ne dites pas…, dites plutôt…) et le coût d'un procès judiciaire. Pour paraphraser François-Bernard Huyghe, chercheur en Sciences de l’Information et Communication, l'époque est à “la langue de coton qui a le triple mérite de penser pour vous, de paralyser toute contradiction et de garantir un pouvoir insoupçonné sur le lecteur ou l'auditeur. (9)” L'époque est à la pensée unique, au principe de précaution et à ce qui rassure, quitte à laisser aux extrémistes de tout poil le monopole du “parler vrai.” Un parler désinhibé qui prolifère, sous ses formes les plus viles et brutales, sur Internet et ce, quelles que soient les lois en vigueur. Pour autant, être en conformité avec le “bien penser” ambiant serait-il devenu une preuve du degré de citoyenneté de chacun ? la négritude comme : “la négation de la négation de l'homme noir.” Aujourd'hui, qui oserait employer le terme d'“Arts nègres” ? En supposant que quelqu'un en connaisse encore la juste signification et la richesse... Culturellement correct Pour créer du conformisme et de l'ordre social, la censure, l'autocensure et le politiquement correct jouent toujours de leurs bonnes intentions afin de s'exercer. L'exposition “La Ville blanche, le mouvement moderne à Tel-Aviv”, qui devait avoir lieu - à partir de ce 20 février - dans les locaux du CIVA (11) à l'Espace d'architecture - La Cambre, fut soudainement déprogrammée (“suspendue”) à une vingtaine de jours du vernissage. La raison : un contexte lié “à ce que l'État d'Israël était en train de faire à Gaza et de la charge d'émotion liée à cette intervention militaire.(12)” Une décision qui, outre le jugement que l'on peut porter sur la politique de l'État israélien et sa funeste opération “Plomb durci” (sic), opta pour la confusion des genres, cédant à l'hypocrisie et au politiquement correct. Quels liens, en effet, entre l'œuvre d'architectes utopistes et idéalistes, classée au patrimoine mondial de l'Unesco, et les agissements actuels de l'État israélien ? Aucun ! Sinon, fallait-il, en ce cas, aussi retirer des rayons des libraires les œuvres d'auteurs israéliens ? Et quid, à vouloir suivre cette logique, du futur 22e festival Europalia dédié à la Chine, un État qui a causé la mort de plusieurs centaines de milliers de Tibétains et qui s'efforce à la destruction de leur culture ? Et enfin, comment comprendre l'actuelle présentation de cette exposition, moins de deux mois après son annulation et en dépit du récent durcissement des représentants politiques israéliens ? Choquant Autre lieu, mêmes pratiques loufoques. A Londres cette fois, la société responsable du métro a interdit en février, puis, sous un tollé de protestations provenant de milieux culturels, a fini par autoriser l'affichage d'une Vénus nue peinte au XVIe siècle. Annonçant l'actuelle exposition du peintre et graveur Cranach l'Ancien, à l'Académie royale des Beaux-arts, l'affiche avait été jugée trop explicite au vu des responsables de la société Transport for London. “Nous devons tenir compte de toutes les catégories de voyageurs et essayer de ne pas choquer”... En l'espèce ce qui apparaît comme shoking est l'excès de zèle et les dérives du politically correct. En août 2008 encore, des conseillers de Silvio Berlusconi, ont fait voiler le sein d'une peinture de Giambattista Tiepolo qui sert de toile de fond à la salle de presse de la présidence du Conseil… au motif d'épargner la sensibilité de certains téléspectateurs ! On ne frise plus le ridicule, on atteint ses sommets et ceux de la niaiserie ! Prenant pour prétexte le multiculturalisme et le multicultualisme, on assiste, ça et là, à un nivellement par le bas de la liberté d'expression. La censure et l'autocensure sont aujourd'hui souhaitées sinon encouragées afin de contribuer au “mieux vivre ensemble”. Apres l'instauration du concept d'exception culturelle, en matière de droit international et de politique culturelle, faudra-t-il instaurer celui d'exception artistique en matière de droit à la liberté d'expression ? Vive la liberté ! “Lorsqu'un homme crie : “Vive la liberté !”, il pense évidemment à la sienne” disait Georges Bernanos. Dans l'affaire, toute récente, de l'interdiction de la conférence-spectacle (?) de Dieudonné au Marignan à SaintJosse, interdiction prise à l'initiative du bourgmestre Jean Demannez, le Conseil d'État a estimé que “le Collège des bourgmestre et échevins (…) n'a pas reçu pour mission de veiller préventivement à la correction politique ou morale, voire même pénale, des spectacles et moins encore à celle, supposées, des ar- tistes qui en donnent la représentation.” Dieudonné, accoutumé aux polémiques et aux propos à connotations antisémites (13), fut donc autorisé à monter sur scène... Horripilant ? Choquant ? Assurément ! Mais sachons aussi entendre ce que le Conseil d'État nous rappela à cette occasion, à bon escient. Un fait, un droit, consacré par notre Constitution, et que le censeur, qui sommeille parfois en nous, a tendance à trop vite oublier : “la liberté d'expression constitue l'un des fondements essentiels d'une société démocratique, l'une des conditions primordiales de son progrès et de l'épanouissement de chacun; qu'elle vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent les pouvoirs publics ou une fraction quelconque de la population; qu'ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture sans lesquels il n'est pas de société démocratique.” Dont acte. Marc Thomas (1) “Réchauffement climatique. Le citoyen, aussi responsable !” in Le Journal de l'ARC n°90, janvier - février 2007 (2) “La censure invisible”, Actes Sud, coll. “Un endroit où aller”, 2006 (3) Durant, Pascal, interviewé par De Boeck, Philippe, in Le Soir (L'invité du lundi), 18 septembre 2008 (4) Idem (5) Premier manifeste de Libération rédigé par “Pierre Victor” alias Benny Lévy, novembre 1972 (6) Durant, Pascal, “La censure invisible”, Actes Sud, coll. “Un endroit où aller”, 2006 (7) in le mensuel Médias n°20, mars 2009 (8) Lois relatives au respect de la vie privée, l'intégrité physique ou morale, l'honneur, la réputation, le droit à la protection de son image, lois réprimant la négation, la minimisation, la justification ou l'approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand et lois tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie et interdisant toute discrimination fondée sur l'âge, l'orientation sexuelle, l'état civil, la conviction religieuse ou philosophique et autres types de discriminations (loi belge du 10 mai 2007 modifiant celle du 30 juillet 1981) (9) “La langue de coton”, F. B. Huyghe, éditions R. Laffont, 1991 (10) Antoine, Gérald, (philologue et grammairien français, membre étranger philologue de l'Académie royale de langue et de littérature française de Belgique), “De la langue de bois au politiquement correct”, www.asmp.fr/fiches_academiciens/textaca d/antoine/languedebois.pdf (11) Centre International pour la Ville, l'Architecture et le paysage (12) Burniat, Patrick, membre de la direction de La Cambre Architecture, “L'hypocrisie ensable Tel-Aviv”, in Le Soir, 4 février 2009 (13) Dieudonné sera bientôt jugé par le tribunal correctionnel de Paris pour injures antisémites à la suite de la remise du “prix de l'infréquentabilité et de l'insolence” au négationniste Robert Faurisson lors d'un spectacle en décembre 2008 présenté au Zénith de Paris 3 CITOYENNETÉ Autocensure et frilosité ambiante C laude Javeau est docteur en sciences sociales et professeur émérite de sociologie à l’Université Libre de Bruxelles. Sa plume mêlant, avec aisance, pertinence et humeur nous est connue au travers de nombreux livres et chroniques médiatiques telles, celles qu’il écrivit, hebdomadairement, pour La Libre Belgique. Entretien. Au cours de votre carrière avez-vous été soumis à l'exercice d'une quelconque censure ? Dans la pratique de mon métier de professeur de sociologie, je n'ai jamais été censuré. En revanche, comme journaliste et chroniqueur, il est vrai que je n'ai pas subi de censure pour la bonne raison que j'ai veillé à ne pas me mettre en porte-à-faux avec les journaux pour lesquels j'écrivais. J'ai pratiqué consciemment l'autocensure, tant dans le choix des mots que dans celui des sujets. Une certaine retenue est toujours nécessaire, on ne doit pas se permettre de dire “tout et n'importe quoi”. Le mensonge social, l'édulcoration des propos, sont parfois une nécessité. Pour ma part, lors de mes interventions, je m'efforce avant tout de jeter du poil à gratter... Vous ne vous êtes donc pas senti libre de tout dire, tel que vous le ressentiez… On ne peut pas tout dire dans la presse écrite et moins encore dans les médias audiovisuels. Il est évident qu'il y a un formatage. Lors d'interviews qui ne sont pas en direct, quelle que soit votre liberté de parole, vous ne savez pas ce qu'il en restera au montage. Lors d'interviews en direct, la situation est très différente. Dans ce cas, je suis parvenu à dire des choses qui n'ont pas plu à tout le monde. Notamment, le jour où j'ai dit qu'un bon pédagogue était un pédagogue mort... Heureusement, nous ne sommes pas dans un pays où l'on vous met en prison pour des propos de ce genre. Vous risquez seulement de ne plus passer à la radio ou à la télévision, ce qui ne fut pas mon cas ! Ceci dit, il est vrai qu'il y a une espèce d'auto-surveillance qui règne au sein des médias. Il est clair que, dans La Libre Belgique, je ne pourrais pas attaquer de front la famille royale, ni l'Eglise catholique. Ceci dit, où j'ai finalement connu des problèmes de mauvais traitements, c'est dans la presse laïque. Notamment dans Espace de libertés, le magazine du Centre d'action laïque. J'y tenais une chronique qui s'appelait Chacun porte sa croix. J'avais alors écrit un article un peu narquois sur l'Abbé Pierre qui venait de révéler qu'il avait eu des relations charnelles quand il était jeune. Mon propos était de dire : “qui cela peut-il intéresser ?” J'avais écrit, entre autres : “le petit vieux est devenu gâteux”. A la suite de la publication de l'article, le mensuel a reçu six lettres de protestation dont deux ont été publiées sans me les montrer ! Là, j'étais très fâché d'autant plus qu'on m'accusait d'avoir insulté l'Abbé Pierre alors que celui qui avait dit qu'il était gâteux, ce n'était pas moi, mais l'Archevêque de Rouen. Si on m'avait montré ces lettres, j'aurais pu y répondre. J'ai donc claqué la porte ! Ce n'était pas, à proprement parler, une censure mais un manque total de courtoisie… Censurer quelqu'un revient, aujourd'hui comme hier, à le mettre dans la lumière. Le but recherché est rarement le but atteint, à l'image de l'interdiction du spectacle de Dieudonné par le bourgmestre de Saint-Josse… Dieudonné se place sur le terrain de la défense de la liberté d'expression, il se joue des frontières entre ce qui peut être dit et ce qui ne peut pas l'être. Son spectacle a été autorisé mais, s'il avait tenu certains propos, il aurait été poursuivi. On ne peut cependant pas condamner une personne avant qu'elle ne profère des propos qui tombent sous le coup de la loi. Je suis convaincu que le bourgmestre de Saint-Josse savait que le Conseil d'Etat casserait sa décision mais il se devait de marquer le coup. En agissant ainsi, il a, peut-être, fait la publicité EN SAVOIR PLUS > Sociologie critique Pascal Durand est professeur émérite de l'université de Liège où il enseigne la sociologie des institutions culturelles et les théories critiques de l’information. Romaniste de formation, spécialiste de Mallarmé, il se situe au croisement de la sociologie, de la littérature et de l’analyse des médias. Sa double maxime pourrait être selon ses propres mots: “Le texte littéraire dit quelque chose du monde et le texte journalistique dit quelque chose de sa propre élaboration formelle.” Dans son livre “La censure invisible”, il s’attache à décrire les restrictions partielles ou totales de la liberté d'expression individuelle ou collective. Son constat : la censure s'exerce aujourd’hui dans un cadre défini par la loi et selon des modalités largement escortées par les médias. Et comme il n'est pas possible - ni même, au fond, souhaitable - de l'éradiquer, mieux vaut néanmoins, pour en limiter les effets, en démonter les mécanismes. La censure invisible Pascal Durand Éditeur : Actes Sud, coll. “Un endroit où aller” 4 > Visages de la censure Dans un monde où l'art et l'information connaissent de moins en moins de frontières, l’un et l’autre sont soumis, paradoxalement, à de plus en plus de restrictions, de censures. Comment les définir ? Où s'exercent-t-elles ? Qui les impose ? Et sous quelles formes ? Au fil de dix parties couvrant des domaines aussi bien “classiques” (les bonnes moeurs, le pouvoir, la religion) que contemporains (la santé, les nouvelles technologies, la loi du marché, les minorités, la jeunesse), sans oublier l'autocensure grandissante, le lecteur découvre les multiples visages de la censure contemporaine. Au menu : l'émergence des lobbies intégristes, la mise en cause des humoristes et caricaturistes, le politiquement correct, le droit à l'image, le “filtrage” du Net, la concentration des médias, ... Parmi le collectif d’auteurs, on notera la présence de Béatrice Chapaux, magistrate belge, auteur du chapitre consacré aux minorités. Le livre noir de la censure Collectif sous la direction d’Emmanuel Pierrat Éditeur : Seuil, coll. “Essais” de Dieudonné. La censure est une lame à double tranchant. Lorsqu'on se moque de Michel Daerden, il est sans doute satisfait car sa popularité augmente… Internet pousse-t-il la liberté d'expression dans ses derniers retranchements ? Il est évident que circulent sur la toile des quantités énormes de messages qui sont attentatoires à l'encontre de nombreuses personnes. Lorsque, par exemple, en Belgique, le site hollandais de dénonciation des pédophiles est interdit, ce ne doit pas être considéré comme une censure mais comme une mesure d'interdiction prise au nom de l'intérêt collectif. Concernant certains sites pornographiques et/ou ultra violents, j'estime qu'il y a là une nécessité de les interdire purement et simplement. Hormis ces cas extrêmes, ne manquet-il pas d'impertinence dans les médias, d'un esprit plus polémiste ? En Belgique, la tradition polémiste est faible et, depuis une vingtaine d'années, elle s'affaiblit plus encore. Quand, par hasard, il se crée une polémique, cela suscite un drame. C'est sans doute regrettable car les polémiques sont salutaires. Au sujet du canular de la RTBF, le documentaire fiction sur la scission de la Belgique, beaucoup de personnes, dans un premier temps, ont hurlé au scandale, y compris dans les milieux de la presse. Les politiques, eux, étaient furieux également parce qu'on leur avait pris leur jouet. Mais, dans un second temps, quand les responsables de rédaction ont pris connaissance des réactions des lecteurs et des téléspectateurs soutenant les journalistes de la RTBF, le débat s'est instauré et aucune sanction n'a été prise. François De Brigode est toujours là ! Mais il faut admettre que l'esprit polémiste est rare chez nous à l'exception notoire du dessinateur Pierre Kroll, qui est remarquable à cet égard. Vincent Peiffer, dans les pages de Télémoustique, use aussi d'un ton très libre. Cette liberté est devenue rare. Le nombre de journalistes > Censure et informations Les hommes de pouvoir ont toujours voulu contrôler la circulation de l’information, censurer les vérités qui mettaient en péril leur domination. Paul Moreira, auteur du livre “Les nouvelles censures”, journaliste, reporter et enquêteur, nous conduit tout au long de son ouvrage “dans les coulisses de la manipulation de l’information”. Il y est question du fréquent dévoiement de la démocratie, des moyens et des méthodes mis en œuvre par les dirigeants des pays démocratiques pour camoufler leurs mauvais coups. Les temps de la censure brutale étant révolus place à la liberté de la presse et de l’information... sous le contrôle des puissants afin qu’elle ne les gêne en rien et qu’elle serve leurs intérêts ! Un regard sur les censures actuelles multiples et terriblement intelligentes. Un livre destiné à ceux qui croient aux vertus de la démocratie et de la liberté d’expression ! Les nouvelles censures, dans les coulisses de la manipulation de l’information Paul Moreira. Éditeur : Robert Laffont qui ont pris la porte ces derniers temps y est sans doute aussi pour quelque chose... Tout tend au conformisme, au formatage et au consensus. Prenez, par exemple, le magazine culturel d'Arte Belgique, Cinquante degrés nord, tout y baigne dans l'assentiment ! Ce qui ne veut pas dire, par ailleurs, qu'il manque de beaux esprits ou/et de belles plumes chez nous mais il manque certainement une volonté de se montrer davantage batailleur et incisif. La censure consiste aussi à sur-médiatiser certains pour faire de l'ombre aux autres… La mort du chanteur Bashung a fait des pages dans les journaux mais quand Julien Gracq ou Hugo Claus meurent, cela fait quelques lignes ! La mort d'un Prix Nobel ne prend guère plus de place… Récemment, André Gillain, qui travaille à Paris-Match, m'a fait commenter la liste des cent personnalités les plus connues depuis que ce magazine existe, j'ai été consterné de voir la présence de certaines de ces personnalités et l'absence d'autres, beaucoup plus importantes au regard de l'Histoire, à l'exemple de Watson et Crick à l'origine d'une découverte extraordinaire : l'ADN… Tous deux sont aujourd'hui oubliés semble-t-il. La presse se vend beaucoup mieux avec une photo de Bashung en couverture qu'avec une de Watson et Crick. Je ne suis pas certain qu'un journal comme La Libre Belgique gagne du lectorat à trop en faire sur Bashung ou sur des sujets sportifs par exemple. Si les gens achètent ce journal, c'est pour d'autres raisons. C'est regrettable que certains sujets prennent autant de place. Je crois qu'il manque un journal francophone qui serait ce que Le Monde a été et qu'il n'est malheureusement plus, pour de nombreuses raisons... Il manque un journal d'opinion, pas nécessairement en faveur d'un parti politique, mais un journal de débats et d'opinion libres. Cer- > Le poids des mots Couronné à Paris par le prix du Pamphlet 2007, “Les nouveaux mots du pouvoir. Abécédaire critique”, est un ouvrage collectif, rédigé sous la direction de Pascal Durand, qui rassemble près de 140 entrées et plus de 60 signatures. Différents spécialistes en sciences humaines, belges et français, nourrissent cet ouvrage riche de 450 pages. Aperçus étymologiques, contextualisation actuelle et analyse critique d’une série de termes propagés à travers tout le corps social. Que se cachet-il derrière toute une série de mots que nous employons à force de les entendre ? Des mots qui reviennent en boucle, quotidiennement, dans le discours politique et journalistique. Si présents, si fréquents qu'ils passeraient presque inaperçus de ceux qui les formulent, comme de ceux qui les reçoivent. Un ouvrage d’autodéfense intellectuelle et un outil indispensable pour tout citoyen voulant exercer son esprit critique. Les nouveaux mots du pouvoir. Abécédaire critique Pascal Durand Éditions Aden Editeur responsable : Eric Znamensky : 20, rue de l’Association - 1000 Bruxelles - Tél.: 02/ 219 68 88 - Fax: 02/ 219 39 72 - E mail: [email protected] - Responsable de rédaction : Marc Thomas Rédacteurs : Gérard Durieux, Michel Fincœur, Bénédicte Martin, Marc Thomas - Graphisme : Marc Thomas - L’ARC est soutenu par la Loterie nationale et reconnu par la Communauté française Tout courrier : [email protected] - Imprimerie : Van Ruys - Membre de l’Association des Journalistes de la Presse Belge et Etrangère et de l’Organisation Mondiale de la Presse Périodique tains journalistes de La Libre Belgique sont bien conscients de cette dérive. Ceci dit, ils ont réussi, par exemple, les pages “débats” qui sont nettement meilleures que dans Le Soir. Le Soir fait flèche de tout bois… Il y reste de bonnes choses mais il faut les trouver. Et ce n'est certainement pas au sein des pages “culture” qu'on risque de les trouver. De façon générale, au niveau culturel, la critique n'existe plus. On sert la soupe ! “Tout le monde il est beau” et il faut que tout se vende… Il n'y aurait plus de place ni pour la critique, ni pour les intellectuels ? Il y a une doxa non critiquée et non critiquable par les moyens dont les intellectuels disposent. Nous manquons cruellement de tribunes dans le paysage médiatique de la Communauté française de Belgique. Ainsi, en 2006, Le VifL'Express faisait une couverture ayant pour titre “Intellos, réveillez-vous !” Je veux bien qu'on se réveille, à supposer que nous soyons endormis... mais le problème est, qu'en dehors de quelques tribunes confidentielles, nous n'avons nulle part où nous exprimer. Pour cause de frilosité ambiante ? Dans notre pays, il y a effectivement une grande frilosité qui limite nos capacités d'intervention. Et dans le milieu académique, cette frilosité est plus grande encore. J'ai écrit dans un de mes livres : “Qu'est-ce qu'il y a de plus lâche qu'un professeur d'université ? Deux professeurs d'université.” Nous sommes, en Belgique francophone, quelques centaines d'universitaires à pouvoir prendre la parole mais combien le font ? Une poignée seulement et toujours les mêmes. Il n'existe pas, chez nous, de magistère intellectuel à l'image de la France. Propos recueillis par Marc Thomas [en coll. avec Marie-Hélène Boulanger] > Trafics culturels L'Unesco est un des organismes les plus actifs dans la lutte contre le trafic des biens culturels. Sur son site, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture reprend les différentes mesures qu’elle a mises en place avec ses partenaires et vous propose d’autres liens complémentaires. Vous y trouverez, en outre, les actions menées avec le Conseil International des Musées et les services de police et douanes; les textes intégraux et des explications sur les Conventions internationales applicables en la matière; les codes de déontologie en vigueur pour le commerce des biens culturels; des informations sur les comités d'action et le détail des actions menées sur le terrain comme les programmes de sensibilisation, les ateliers de formations, les bases de données des œuvres volées, les rencontres internationales et une bibliographie multi-lingue. Lien internet : http://portal.unesco.org/culture/fr/ev .php-RL_ID=35252&URL_DO=DO_ TOPIC&URL_SECTION=201.html