"La surveillance de la tension artérielle, tout au long de la grossesse

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"La surveillance de la tension artérielle, tout au long de la grossesse
ÉVÈNEMENT
Pr. Djamel-Eddine Nibouche*, à Santé Mag,
"La surveillance de la tension
artérielle, tout au long de la
grossesse, est très importante "
L'hypertension est l'une des complications les plus redoutées de la grossesse. Non prise en charge, elle peut entraîner un risque
d'éclampsies, très dangereuses, pour la maman et le bébé. Dans ce sens, le professeur indique que les femmes enceintes, présentant une hypertension artérielle mal équilibrée, ou compliquée, doivent être prises en charge dans une maternité, en lien avec un
spécialiste de la prise en charge de l’hypertension (néphrologue, cardiologue).
Propos recueillis par Tanina Ait
rielle apparaît à partir de 20 semaines
de grossesse. Cette hypertension artérielle est due à la grossesse. Elle disparaîtra après la grossesse.
L’hypertension artérielle gravidique
est due à une insuffisance vasculaire
placentaire: le placenta assure mal sa
fonction d'échange entre la mère et le
fœtus.
Santé Mag: Quelle est la cause de
l’hypertension artérielle, au cours de la
grossesse?
Pr. D. Nibouche: L’hypertension artérielle, pendant la grossesse, est définie
par une pression artérielle systolique >
140 mm Hg ou une pression artérielle
diastolique > 90 mm Hg. (2 mesures
espacées de 6 heures).
Il existe deux situations où la pression
artérielle s’élève, au cours de la grossesse: l’hypertension artérielle préexistante avant la grossesse et l’hypertension artérielle gravidique.
Hypertension artérielle préexistante à la
grossesse:
On parle d’hypertension artérielle
préexistante à la grossesse si elle est
diagnostiquée avant 20 semaines de
grossesse, ou diagnostiquée, rétrospectivement, lorsque l’hypertension
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Santé-MAG
N°30 - Mai 2014
artérielle ne se normalise pas, dans un
délai de 12 semaines après l'accouchement.
Selon la Haute autorité de santé française, les femmes enceintes, présentant
une hypertension artérielle préexistante bien contrôlée et en l’absence
de signes de pré-éclampsie, peuvent
accoucher dans tout type de maternité,
sous réserve d'une surveillance (clinique, biologique, échographique) maternelle et fœtale adaptée à l'évolution.
Les femmes enceintes présentant une
hypertension artérielle mal équilibrée,
ou compliquée, doivent être prises en
charge dans une maternité en lien avec
un spécialiste de la prise en charge de
l’hypertension (néphrologue, cardiologue).
Hypertension artérielle gravidique:
On parle d'hypertension artérielle gravidique quand une hypertension arté-
L’hypertension artérielle, au cours de
la grossesse, représente-elle un risque,
pour la mère et l’enfant ?
Elle peut avoir des conséquences
graves, sur la mère et sur le fœtus, si
elle n'est pas traitée:
pour le fœtus, l'insuffisance de la
fonction placentaire provoque une
diminution de l'apport sanguin à son
niveau. Elle peut entraîner un retard
de croissance in-utéro, plus ou moins
important et pouvant aller jusqu'à la
mort in-utéro;
pour la mère, une HTA peut entraîner
la formation d'un hématome rétroplacentaire, avec un risque de fausse
couche, des troubles de la coagulation
sanguine, une insuffisance rénale aiguë
et une atteinte cérébrale, avec des
convulsions.
Que doit-on faire lorsque l’hypertension artérielle apparaît au cours de la
grossesse ?
La surveillance de la tension artérielle,
tout au long de la grossesse, est très
importante. Si une hypertension artérielle gravidique apparaît, la tension
sera prise plus souvent, la recherche
de protéines dans les urines se fera
régulièrement, des examens cliniques,
et des échographies fœtales seront
ÉVÈNEMENT
faites régulièrement, pour surveiller la croissance du fœtus et son
rythme cardiaque. Il est important, aussi, que la mère surveille
la fréquence des mouvements
du fœtus. Le traitement est difficile, parce que les médicaments
antihypertenseurs ne doivent pas
diminuer le débit sanguin utérin.
Pour autant, la mère doit retrouver une tension artérielle la plus
proche de la normale.
Si l'hypertension artérielle gravidique s’aggrave, par l'apparition d'une protéinurie (présence
de protéines dans les urines),
d'œdèmes et d'une prise de poids
brutale, on parle de «pré-éclampsie», ou anciennement appelée
«toxémie gravidique». En effet, il
existe, alors, un risque d'éclampsie
et le pronostic vital de la mère est
en jeu. C'est une urgence obstétricale où la mère doit être hospitalisée.
La présence de signes d'atteinte
neurologique, avec une somnolence, ou cardiaques avec des
troubles respiratoires, est un élément de gravité de l'hypertension
artérielle gravidique.
La pré-éclampsie est l’association
d’une hypertension artérielle (pression artérielle systolique > 140 mm
Hg et pression artérielle diastolique
> 90 mm Hg) à une protéinurie (supérieure à 0,3 g/24 h).
La pré-éclampsie sévère est une
pré-éclampsie avec, au moins,
l’un des critères suivants:
une HTA sévère (pression artérielle systolique ≥ 160 mm Hg et/
ou pression artérielle diastolique
≥ 110 mm Hg);
une atteinte rénale avec oligurie
(diurèse < 500 ml/24 h) ou créatininémie > 135 μmol/L, ou protéinurie > 5 g/j;
un œdème aigu pulmonaire, une
barre épigastrique persistante,
un syndrome hémolyse, cytolyse
hépatique, thrombopénie (HELLP
syndrome);
une éclampsie, ou des troubles
neurologiques rebelles (troubles
visuels, réflexes ostéo-tendineux
poly-cinétiques, céphalées);
une thrombopénie inférieure à
100 Giga/L;
un hématome rétro-placentaire
(HRP), ou un retentissement fœtal
(retard de croissance intra-utérin,
ou mort fœtale in utero).
Selon la gravité de l'état de
pré-éclampsie et de l'âge de la
grossesse, les décisions thérapeutiques à prendre sont les suivantes:
Repos strict à l'hôpital, en position allongé-couchée sur le côté
gauche, tant qu'il n'y a pas de
signes de gravité,
Extraction par voie basse, ou par
césarienne (si le fœtus est viable),
Interruption thérapeutique de
grossesse, si le fœtus n'est pas
viable, ou si des signes de gravité
apparaissent et que le pronostic
vital de la mère et de l'enfant sont
en jeu.
Après l'accouchement, tout rentre
dans l'ordre; mais, la mère doit
être surveillée, pendant la semaine qui suit. Une hypertension
artérielle peut apparaître, par la
suite. Le risque d'avoir, à nouveau,
une hypertension artérielle gravidique, au cours d'une grossesse
ultérieure, est possible, si l'hypertension gravidique a été sévère
et qu'une pré-éclampsie était
associée. Le nouveau-né pourra
être prématuré et hypotrophique;
c'est-à-dire, avec un poids de
naissance inférieur à la normale.
Que doit faire le médecin, lorsque
l’hypertension artérielle existe
avant la grossesse ?
L’hypertension artérielle, préexistant avant la grossesse, peut
être un réel souci. En effet, elle
pourra être responsable de complications cardiaques, ou neurologiques, graves. Lorsque l’hypertension artérielle existe avant la
grossesse, il faut, d’abord, limiter
le nombre de grossesses. Ensuite
préconiser un traitement efficace,
par des antihypertenseurs autorisés au cours de la grossesse. Le
plus utilisé est l’alpha-méthyl-dopa; ensuite, les bêtabloquants, ou
les inhibiteurs calciques. Il ne faut
pas faire baisser trop la tension
artérielle et maintenir un niveau
de moins de 140/90, pour assurer
une bonne perfusion placentaire.
Le régime hyposodé ne doit pas
être préconisé, chez la femme hypertendue enceinte, afin d’éviter
l’hypotrophie fœtale
* Pr Djamel-Eddine Nibouche,
chef de service cardiologie,
CHU Parnet
Grossesse
et tension artérielle
LES SYMPTÔMES DE L'HYPERTENSION ARTÉRIELLE
La tension artérielle est supérieure, ou égale à
14/9, de façon permanente;
Des oedèmes (mains, pieds, visage...) apparaissent;
Une prise de poids brutale et importante est
constatée;
De l'albumine est détectée dans les urines;
D'autres signes physiques comme des bourdonnements, une photosensibilité (sensibilité à la lumière), des "mouches" devant les yeux... Peuvent
apparaître, selon les femmes.
Dans tous les cas, si au moins un de ces signes est
repéré, vous serez surveillée de près et éventuellement, hospitalisée brièvement, pour un bilan plus
complet.
A savoir: certains profils sont plus susceptibles que
d'autres d'être atteints de toxémie : si vous avez
plus de 40 ans ou moins de 18 ans, si vous attendez
des jumeaux ou plus, si vous êtes diabétique (mais
vous êtes, alors, surveillée d'office !)... On observe,
également, davantage de cas de toxémie gravidique, pour une première grossesse.
LES RISQUES
Un RCIU (retard de croissance intra utérin);
Des dysfonctionnements rénaux, ou du foie, chez
la mère;
Un hématome rétro-placentaire;
Une éclampsie.
Ces deux derniers risques sont les plus graves
mais, n'apparaissent que rarement. Ils sont, en effet, liés à une mauvaise surveillance de la tension !
L'hématome rétro-placentaire est un décollement
prématuré du placenta. L'éclampsie se caractérise
par des crises de convulsions. Dans les deux cas, la
santé et la vie de l'enfant et de la mère sont en jeu !
LE TRAITEMENT
Si vous êtes, déjà, diagnostiquée hypertendue,
votre traitement sera adapté à votre grossesse.
Si une hypertension gravidique apparaît, vous
serez, tout d'abord, mise au repos strict, avec hospitalisation, si besoin. Vous et votre bébé serez
surveillés de très près : bilans sanguins et urinaires
réguliers, monitoring, échographies et doppler,
médicaments...
Si votre toxémie est sévère, vous serez dirigée
vers une maternité de niveau III, où le gynécologue
pourra décider de déclencher votre accouchement
et/ou de procéder à une césarienne. Les symptômes de la toxémie gravidique disparaissent de
quelques jours à quelques semaines après l'accouchement
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