Sexual life in ancient china - TRAN-B

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Sexual life in ancient china - TRAN-B
Pierre Huard
Ming Wong
R. H. van Gulik : Sexual life in Ancient China
In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 51 N°1, 1963. pp. 226-229.
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Huard Pierre, Wong Ming. R. H. van Gulik : Sexual life in Ancient China. In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome
51 N°1, 1963. pp. 226-229.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/befeo_0336-1519_1963_num_51_1_1586
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COMPTES RENDUS
R. H. van Gulik. Sexual life in Ancient China. Leiden, E. J. Brill, 1961. Format
20 X 27, 392 p., 22 fig. et 22 pi.
L'auteur bien connu des sinologues, par plusieurs ouvrages importants a pu
concilier les exigences de sa carrière diplomatique avec sa passion de l'orientalisme.
L'origine du présent ouvrage se situe en 1949, à Tokyo, où M. van Gulik alors
conseiller de l'ambassade néerlandaise découvrit chez un antiquaire une série
de planches xylographiées ayant servi à l'impression d'estampes erotiques,
réunies en album sous le titre de $► Ц J/jj Щ. Houa-ying kin-tchen (ca. 1570-1650)
ce qui veut dire « Tactiques bigarrées du Camp Fleuri ». Ce curio provenait d'une
famille de samouraï, en rapports commerciaux avec la Chine. Son acquisition
aurait été faite au XVIIIe siècle. M. van Gulik jugea intéressant de faire une nouv
elle édition des estampes à l'aide des bois gravés en sa possession, édition forc
ément limitée à 50 exemplaires étant donné le sujet des figures et précédée d'une
courte introduction manuscrite à la vie sexuelle des Chinois. Cette édition, hors
commerce, fut réservée à des instituts scientifiques ^'.
Malgré sa diffusion très restreinte, l'ouvrage attira aussitôt l'attention de
nombreux spécialistes tels que Kinsey aux U.S.A., Joseph Needham en GrandeBretagne, Mircea Eliade en France. M. Rolf Stein en donna une remarquable
analyse dans le Journal Asiatique, 1952 (p. 532-536).
Bientôt, des critiques et des suggestions faites à l'auteur l'amenèrent à
repenser le problème de la vie sexuelle en Chine et à continuer ses recherches.
La maison Brill lui ayant demandé un livre sur la sexualité et la société de l'a
ncienne
Chine, il décida de refaire complètement son introduction qui devint la
matière du livre que nous analysons. La réimpression des planches de la pre
mière édition s'avéra par contre impossible dans une publication destinée à un
vaste public. Son titre chinois est le suivant : ф Щ ^f f-Ç Щ ft\ Щ Tchong-kouo
kou-taï fang-nei k'ao (Étude de l'intérieur de la chambre dans la Chine an
cienne).
La vie sexuelle est étudiée de 1500 av. J.-C. à 1644 ap. J.-C.
Le qualificatif « sexuel » chez M. van Gulik ne désigne pas l'ensemble des
connaissances anatomiques et physiologiques support obligé de la sexologie,
mais surtout la littérature se rapportant aux manifestations sexuelles, sensu
lato. C'est-à-dire que le statut social féminin; le costume féminin; la réglement
ation
concernant le mariage et le divorce; la prostitution; les aberrations sexuelles
et l'acte sexuel lui-même sont successivement étudiés en quatre grandes époques :
1° Le royaume féodal des Tcheou (ca. 1500-222 av. J.-C);
2° La progression de l'Empire sous les Ts'in et les Han (221 av. J.-C. à 24
ap. J.-C); les Han postérieurs (25-220); les Trois Royaumes et les Six Dynasties
(221-590);
Dynasties
3° L'apogée
et lesdeSong
l'Empire
(908-1279);
sous les Souei (590-618); T'ang (618-907); les Cinq
4° Le règne des Mongols et la restauration des Ming (1279-1644).
Ces chapitres historiques sont suivis de deux appendices concernant :
1° Le mysticisme sexuel indien et chinois;
(1) Erotic colour prints of the Ming period, with an essay on Chinese sex life from the Han to the
Ch'ing Dynasty (B.C. 206-AD 1644), Tokyo, 1951; xvi-242 pages de texte anglais, 210 pages de texte
chinois, 24 pages de reproductions, 22 planches,
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2° La diffusion des estampes erotiques, en dehors de l'Extrême-Orient, c'està-dire dans l'Inde, l'Europe, l'Amérique du Nord et l'Australie.
Nous allons maintenant revenir en arrière pour reprendre l'évolution de la
vie sexuelle, époque par époque.
1. Tcheou. Sous les Tcheou postérieurs (770-222 av. J.-C), l'homosexualité
existe et le nom de Ш Ш Ж> Long-yang-kiun, ministre d'un prince de Wei
(ca. 400 ans av. J.-C.) est devenu le synonyme de pédéraste.
Les Eunuques sont également signalés dans le livre des Odes. Ils super
visent le harem. La position sociale des époux est réglée par le confucianisme
mais leurs relations sexuelles n'intéressent que le taoïsme. A signaler l'inceste
de $} ^ Nan-tseu, femme de §g Ling, prince de j§j Wei avec son frère
(494 av. J.-C).
Le baiser faisait partie du protocole de début de l'acte sexuel et n'était jamais
pratiqué en public.
Han. La bibliographie des Han a retenu les titres de huit traités de la chambre
à coucher (Щ ф Щ |^J fang-tchong fang-neï). L'un des rédacteurs est connu,
§ jj£ Yong-tch'eng. C'était un magicien taoïste de la fin des Han antérieurs.
Les relations sexuelles sont obligatoires avec les femmes et les concubines
jusqu'à soixante ou soixante-dix ans suivant les auteurs. Seul le deuil interrompt
ce devoir. A partir de cet âge (60 ou 70 ans) les époux peuvent mettre, dans le
même coffre, leurs vêtements, jusque-là serrés isolément. Les trois premiers
empereurs Han Kao-tsou, Houei-ti et Wen Ti furent des bisexuels, tiraillés par
des favoris des deux sexes. Les Han postérieurs sont célèbres par leurs débauches.
;
Souei. Les traités de sexologie sont assez nombreux, surtout si l'on retient
les passages des classiques taoïstes consacrés à ce sujet. Ils ont tous été perdus,
mais des extraits ont été conservés dans le Щ fo -ff I-shin-pô de ffi jjf£ ^ |f§
Tamba Yasuyori (982-984) dont les transcriptions se sont avérées très correctes.
Par ailleurs, il existe des éditions ultérieures mais mutilées et expurgées : le
Ш ~ÈC Ji Sou-niu-fang (Recettes de la fille de simplesse) réédité par ffi, Ш. fr
Souen Sing-yen (1753-1818).
^t ils] ;£ Li Tong-hiuan, directeur de l'École impériale de médecine (ca.
VIIe siècle) a rédigé un texte important, Tong-hiuan-tseu (Ars amatoria de Maître
Tong-Hiuan). Ce texte et le Щ fc ~ýj Yi-sin-fang ont été édités par ЗЦ f|» $|Г
Ye To-houei (1864-1927).
M. van Gulik a donné une traduction de VArs amatoria et du chapitre 28 du
Yi-sin-fang, intitulé -ff j^j f^ Fang-nei-ki. Cette traduction, anglaise pour les
phrases courantes, et latines, quand il faut braver l'honnêteté, demande un grand
effort d'attention au lecteur et ne remplace pas les planches de la première édition.
L'inceste, très sévèrement puni était devenu très rare. Le sadisme, le maso
chisme, le saphisme, la bestialité, la pédérastie et la masturbation dans les deux
sexes sont passés en revue. Certaines techniques telles que le mien ling sont passées
au Japon sous le nom de Щ ;£ 3l rin-no-tama et ensuite en Europe; elles
montrent que le saphisme était très répandu dans les harems et dans les cercles
d'actrices.
Tang. La prostitution est parfaitement organisée en associations payant des
taxes au gouvernement. Elle est le support d'une haute classe de courtisanes
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poétesses et musiciennes (comme 4Ш ^ jjf| Yû Hiuan-ki, ca. 844-871) qui était
invitée aux cérémonies publiques.
La littérature sexologique est représentée par la réédition des traités de l'époque
précédente et par certains chapitres des grands traités médicaux. L'art de la
chambre à coucher est devenu une branche de la médecine. A ce point de vue
la grande encyclopédie «Mille recettes de grand prix» de Щ ,§, jfjj Souen Sseu-mo
(601-682) contient une section Fang-tchong-pou-yi (13 chapitres) ou Fang-nei
pou-yi.
En dehors des ouvrages médicaux, et des traités exposant sérieusement les
sujets sexuels, apparaît une littérature pornographique inconnue jusqu'alors.
Elle est représentée par certains ouvrages tels le ^ Щ Щ Ta-lo-fou (Essai
poétique sur la jouissance suprême) et le Sou-niu-king (Classique du coït). Le
premier traité porte le titre exact d'« Essai poétique sur la suprême joie de l'union
sexuelle du Yin et du Yang, du Ciel et de la Terre». Il est attribué à [=j fj f^j
Po Hing-kien (f 826) frère du fameux j=j jg J!, Po Kiu-yi. Une copieuse
analyse en est donnée en anglais et en latin.
Song. L'absence de pruderie et l'intérêt pour les manuels de comportement
sexuel destinés à la vie conjugale reste grand. C'est à cette époque que le bois
gravé ou imprimerie xylographique prend un grand développement.
Yuan. Alors que l'alcoolisme et la débauche régnaient à la cour, s'installe
dans la littérature une pruderie qui va étendre sur la vie sexuelle le manteau
du silence. Cette tendance se manifeste par des traités (Щ Щ; j$j j[$ Щ Kingche-kong-kouo-ko) caractérisant les actes de la vie pratique (y compris les actes
de la vie sexuelle) par des tables de mérite et de démérite. Elle s'exprime aussi
par un respect quasi religieux pour tout ce qui est écrit. Néanmoins la voix
populaire accuse les nonnes bouddhistes et taoïstes de corruption des mœurs
féminines.
Les traités de la chambre à coucher sont réédités et |g ^ зЦс| Tchao Meng-fou
(1254-1322), calligraphe et peintre réputé, peint des séries d'estampes erotiques
représentant les 36 positions du coït.
Le traité d'hygiène de ,2g ,§, Щ Hou Sseu-houei (1330) préfacé par J| |Ц
Yu Tsi (1272-1348) contient un court chapitre d'hygiène sexuelle.
Les Mongols adoptèrent le Bouddhisme lamaïste et le Tantrisme, dans lequel
la vénération des couples divins représentée par des statues s'accouplant servaient
de modèles aux participants à des cérémonies orgiaques. Elles jouaient le rôle
des estampes reproduites dans les curios.
Ming. Ce dernier chapitre ne comprend pas moins de 75 pages.
Les ouvrages consacrés à la vie sexuelle et erotique sont moins nombreux
qu'auparavant. Leurs éditions furent très limitées et la censure des Ts'ing en
diminua encore le nombre ultérieurement. Seuls quelques exemplaires parvenus
au Japon ont pu être conservés. L'ouvrage le plus significatif paraît être le
Ш ]£с Ш Ш Sou-niu miao-louen (Admirable discours de la fille de simplesse)
dont on connaît deux copies. L'une illustrée (ca. 1592-1596) avec des bois gravés
parut au Japon sous le nom de Д \Щ Щ ife Ningen-rakuji (Les joies de l'homme)
ou de Jîç Щ j$ Щ Kôso-myôron (Admirables discours de l'empereur Jaune
et de la fille de simplesse) ; l'autre est un manuscrit, daté ca. 1880. Aucune tr
aduction
complète en langue occidentale n'est encore connue. Les thèmes déve-
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loppés sont l'importance du coïtus reservatus et les aspects thérapeutiques et
hygiéniques de l'acte sexuel.
Le second traité important de cette époque est le $£ [Щ j^ j£ ^ |Ç ^ 1э
Ш, Щ Д íM Tch'ouen-yang yen-tcheng feou-you-ti-kiun ki-tsi tchenking (Traité
classique de la complète union par le seigneur du pur yang) dont on connaît
aussi des adaptations japonaises. Quelques extraits avec traduction latino-anglaise
sont données.
Le troisième traité sexologique Ming est le ^^ f ^i; f[ij Ш M Ш Щ
Ts'eu-king-kouang-yue-ta-hien-sieou-tchen-yen-yi. Le texte est reproduit dans
trois ouvrages japonais dont le plus important est un manuscrit daté de 1598,
propriété de M. K. Shibui à Tokyo.
On connaît aussi quelques albums erotiques de la fin de l'époque Ming (Houaying kin-tchen) dans lesquels les descriptions obscènes sont systématiquement
faites à l'aide du vocabulaire canonique bouddhique ou confucianiste. La tra
dition
erotique n'était plus connue, à la fin de l'époque Ming, que par des cercles
taoïstes et des studios littéraires de Nankin, bref par un public assez restreint
qui possédait encore le vocabulaire technique des anciens traités de la chambre
à coucher. Mais il existait une littérature pornographique usant du langage courant.
L'étude de celle-ci donne de bons renseignements sur l'idéal de la beauté féminine
et masculine, le costume des amants, etc. Il semble également que la tradition
de la gravure erotique japonaise ait une origine chinoise datant de cette période.
Les curios avaient un triple but : éducation sexuelle; satisfaction de la libido;
protection d'ordre talismanique, grâce au yang dont l'acte sexuel est la plus
puissante représentation. Suivent le long commentaire sur les gravures erotiques
en noir ou en couleurs et les techniques sexuelles.
Tel est assez sommairement résumé, et nous nous en excusons, cet ouvrage
qui fera époque, et témoigne d'immenses lectures sur un sujet jusqu'ici très
mal défriché. Il intéressera les médecins, les anthropologistes, les sociologues,
les sexologues, les phonéticiens, les philosophes et en général, tous les sino
logues.
Ils auront tous à puiser dans la somme énorme de renseignements que
leur apporte l'extraordinaire érudition de M. van Gulik, sérieuse mais légère,
passionnée mais objective.
P. Huard et M. Wong.
Centre de Recherches
de Sciences et Technologie extrême- orientales
de l'École française d'Extrême-Orient.
Barnard Noel. Bronze casting and bronze alloys in Ancient China. Published
jointly by the Australian National University and Monumenta Serica. (Monumenta Serica. Monograph XIV) 18 X 25 cm, 336 pages, 54 planches,
290 figures, 4 cartes, 16 tableaux, Tokyo 1961.
La fascinante question des bronzes chinois a suscité surtout des études archéo
logiques et épigraphiques et quelques rares études techniques. L'auteur de ce
beau livre, Research Fellow en Histoire extrême-orientale à l'Université nationale
australienne (Canberra) a essayé de nous donner cette double étude, jusqu'ici
rarement entreprise, bien qu'il nous précise dans la préface ne pas être historien
de la science et de la technologie et avoir seulement une expérience personnelle
de la fonte du bronze au Japon.