Modélisation élémentaire du traffic routier
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Modélisation élémentaire du traffic routier
Modélisation élémentaire du traffic routier Frédéric Coquel [email protected] Le sujet est motivé par la modélisation mathématique du flot routier et de diverses questions de simulation numérique associées à cette problématique. Par simplicité, on se restreint à des tronçons routiers rectilignes et constitués d’une voie unique. On désigne par ρ(t, x) la densité de véhicules en un instant t et à une position x sur le tronçon considéré. Le nombre de véhicules à la date t circulant entre les positions x et x + ∆x, avec ∆x un pas d’espace fixé, est donné par Z x+∆x N (x, ∆x, t) = ρ(t, y)dy. (1) x Soit u(t, x) la vitesse des véhicules, celle-ci est comptée de manière positive dans les sens des x croissants. Un modèle de trafic routier consiste à écrire une loi liant la densité ρ des véhicules à leur vitesse u. Une modélisation intuitive est de considérer que les conducteurs adaptent instantanément leur vitesse en fonction de la densité locale des véhicules qui les précèdent : plus la densité à l’aval du trafic est importante, plus les conducteurs ont tendance à ralentir à l’amont. Une loi élémentaire est de postuler que la vitesse u est une fonction de la densité ρ que l’on notera u(ρ), qui décroı̂t depuis une vitesse maximale constante um > 0 (la limite légale autorisée) obtenue pour une densité nulle de conducteurs, jusqu’à une vitesse nulle atteinte pour une densité maximale ρm > 0 correspondant à la saturation du tronçon routier. Un modèle simpliste mais célèbre est celui de Lighthill-Whitham-Richards (LWR) défini par : ρ u(ρ) = um 1 − . (2) ρm Notons que cette loi n’a de sens que pour une densité ρ dans l’intervalle [0, ρm ]. On se propose d’écrire une équation aux dérivées partielles gouvernant la densité ρ(t, x). A cette fin, on introduit le flux de véhicules f (ρ) défini par f (ρ) = ρ u(ρ). Ainsi f (ρ(t, x)) représente le nombre de véhicules passant par le point x à la date t. Pour un pas de temps ∆t fixé suffisamment petit, le nombre de véhicules variant sur la portion [x, x + ∆x] entre les instants t et t + ∆t s’écrit N (x, ∆x, t + ∆t) − N (x, ∆x, t) alors que le bilan des véhicules entrants et sortants de la portion considérée peut être raisonnablement approché par −f (ρ(t, x + ∆x))∆t + f (ρ(t, x))∆t (pour ∆t petit). On exprime alors la propriété fondamentale de conservation du nombre de véhicules, à savoir : N (x, ∆x, t + ∆t) − N (x, ∆x, t) = {−f (ρ(t, x + ∆x)) + f (ρ(t, x))}∆t Z x+∆x =− ∂x f (ρ(t, y))dy∆t x 1 (3) soit après division par ∆t et passage formel à la limite ∆t → 0 Z x+∆x n o ∂t ρ(t, y) + ∂x f (ρ(t, y)) dy = 0. (4) x En divisant de nouveau par ∆x, un passage formel à la limite ∆x → 0 conduit à la loi recherchée : ∂t ρ(t, x) + ∂x f (ρ(t, x)) = 0, (5) où par construction, la fonction flux dépend non-linéairement de la densité : ρ2 , f (ρ) = um ρ − ρm ρ ∈ [0, ρm ]. (6) Il s’agit clairement d’une fonction strictement concave de la densité ρ, s’annulant en 0 et en ρm et présentant un maximum, le débit maximal, en un état noté ρ? vérifiant : f 0 (ρ? ) = 0, i.e. ρ? = ρm . 2 (7) On complétera ultérieurement l’équation (5) par le choix d’une donnée initiale ρ0 (x) et de conditions aux limites dans le cas d’un tronçon de route borné, correspondant typiquement à l’intervalle [0, 1]. La loi d’évolution de la densité est ainsi une équation aux dérivées partielles nonlinéaire. L’objet du sujet est d’explorer numériquement les conséquence de la nonlinéarité du flux sur la prédiction du flot routier. Il sera bon de garder à l’esprit la signification physique du modèle afin d’expliquer les résultats obtenus. Il est dans un premier temps instructif d’examiner une version linéarisée du modèle. Soit une densité constante de véhicules ρ0 ∈ [0, ρm ], envisageons une solution perturbée ρ (t, x), résultante d’une petite perturbation d’amplitude autour de ρ0 : ρ (t, x) = ρ0 + ρ1 (t, x) + O(2 ). (8) – (i) Montrer que l’équation gouvernant au premier ordre en le correcteur ρ1 (t, x) est une équation linéaire de la forme : ∂t ρ1 (t, x) + a∂x ρ1 (t, x) = 0, (9) où la vitesse est définie par a = um (1 − ρ0 /ρ? ). En déduire qu’une petite perturbation va dans le sens du trafic pour les faibles densités alors qu’elle remonte en sens inverse de la circulation dans le cas d’une densité forte. Cette observation est-elle conforme à l’intuition ? On aborde désormais le régime non-linéaire du flot routier en examinant les propriétés élémentaires des solutions de l’équation (5) dans le cas de données initiales régulières mais d’amplitude quelconque dans [0, ρm ]. A cette fin, on introduit la notion de courbes caractéristiques associées à (5). Soit y un réel fixé correspondant à une position sur le tronçon considéré à l’instant 0, considérons une solution ρ(t, x) supposée différentiable en temps et en espace de (5) (et dite régulière dans la suite), associée à la donnée initiale régulière ρ0 (x). On introduit le problème d’équation différentiel ordinaire (EDO) suivant : Trouver la solution X(t, y) de dt X(t, y) = f 0 (ρ(t, X(t, y)), X(0, y) = y, t>0 (10) où f 0 (ρ) désigne la dérivée en ρ du flux f (ρ). La théorie élémentaire des EDO nous apprend qu’il existe une solution X(t, y) définie sur un intervalle de temps maximal [0, T ], avec T > 0 possiblement fini mais non nul. On se restreindra à cet intervalle de temps. Pour simplifier, on supposera le tronçon routier infiniment long, il n’y a donc pas de conditions aux limites. – (ii) Pour chaque y fixé, montrer par dérivation en temps que la fonction t → ρ(t, X(t, y)) est constante. En déduire que l’on a le long des courbes caractéristiques ρ(t, X(t, y)) = ρ0 (y). – (iii) Déduire de ce qui précède qu’une courbe caractéristique est nécessairement une droite, donnée par X(t, y) = y + f 0 (ρ0 (y)) t. – (iv) Les questions (ii) et (iii) permettent clairement de résoudre graphiquement le problème de Cauchy (5) pour une donnée régulière, sous l’hypothèse d’une solution régulière. Envisager le cas d’une donnée initiale décroissante ρ0 (x) en x prenant ses valeurs dans [0, ρm ], représenter graphiquement dans le plan (t, x) les courbes caractéristiques et les valeurs de la solutions associées en fonction de la donnée initiale. – (v) Envisager cette fois le cas d’une donnée initiale croissante ρ0 (x). Montrer qu’il existe nécessairement un temps critique fini Tc au delà duquel la solution ne saurait rester régulière. En d’autres termes, la théorie des caractéristiques ne fonctionne plus après le premier temps critique. Notre objectif est désormais d’étudier numériquement le comportement des solutions de (5) pour tout temps, que le temps critique soit fini ou non. Soit un pas de temps ∆t > 0 supposé également constant, et dont le choix sera précisé ultérieurement. Définissons les instants discrets tn = n ∆t. Soit N > 0 le nombre de cellules de discrétisation en espace de l’intervalle [0, 1], défini par un pas d’espace constant ∆x = 1/N . A ces N cellules sont associées (N + 1) interfaces, l’interface à droite de la cellule i, i ∈ {1, N }, est donnée par xi+1/2 = i∆x, son interface à gauche étant dès lors repérée par xi−1/2 = (i − 1)∆x. Notons que x1/2 = 0 et xN +1/2 = 1. Définissons le barycentre de la cellule i par xi = xi+1/2 − ∆x/2 pour i ∈ {1, N }. Les solutions discrètes de (5) sont alors recherchées sous la forme de fonctions constantes dans chaque cellule et à chaque instant tn , notées : ρ∆x (tn , x) = ρni , x ∈ [xi−1/2 , xi+1/2 [, i ∈ {1, N }. (11) On définit à l’instant t0 = 0 la solution discrète à partir de la donnée initiale exacte en posant : Z xi+1/2 1 0 ρi = ρ0 (x)dx, i ∈ {1, N }. (12) ∆x xi−1/2 On précisera les conditions aux limites en temps utile. Supposant connue la solution discrète ρ∆x (tn , x) à la date tn ; celle-ci est ré-actualisée à l’instant tn+1 = tn + ∆t à l’aide de deux schémas aux différences finies dont on propose d’explorer les propriétés distinctives. Puisque les méthodes utilisées sont explicites en temps, une condition de type CFL est nécessaire dans la définition du pas de temps ∆t : max |f 0 (ρ0 (x))| x∈[0,1] ∆t < 1. ∆x (13) Les deux schémas aux différences prennent la forme suivante ∆t n n n ρn+1 − F i ∈ {1, N }. (14) = ρ − F i i−1/2 , i ∆x i+1/2 n Pour le premier schéma, dit de Roe dans la suite, la fonction flux Fi+1/2 est donnée par n f (ρni ), si σi+1/2 ≥ 0, n = FRoe (ρni , ρni+1 ) = Fi+1/2 (15) n f (ρi+1 ), sinon avec ( n σi+1/2 = n f (ρn i+1 )−f (ρi ) si ρni n n ρi+1 −ρi f 0 (ρni+1 ) = f 0 (ρni ), 6= ρni+1 , (16) sinon. Le second schéma, dit de Engquist-Osher, est défini par n Fi+1/2 = FEO (ρni , ρni+1 ) = f (min(ρni , ρ? )) + f (max(ρ? , ρni+1 )) − f (ρ? ), (17) où ρ? est l’état défini en (7). Ici et pour tous réels a et b, min(a, b) (respectivement max(a, b)) est le minimun (resp. le maximum) de a et b. On observera que les fonctions flux proposées dépendent de deux états adjacents ρni n en x n et ρni+1 . A ce titre, les flux F1/2 1/2 = 0 et FN +1/2 en xN +1/2 = 1 ne sont pas définis à ce stade de la discussion puisque ρn0 et ρnN +1 ne le sont pas. Ce sera précisément le rôle des conditions aux limites. – (iii) Evaluer le flux d’Enquist-Osher (17) dans le cas où ρ? n’appartient pas à l’intervalle non-ordonné (ρni , ρni+1 ) puis dans le cas contraire. On distinguera l’ordonnancement ρni < ρni+1 et l’ordonnancement contraire. En déduire sous quelles conditions les flux (15) et (17) coı̈ncident. On se propose d’explorer numériquement les propriétés des solutions de la loi (5) à l’aide de (15) et (17) en privilégiant dans un premier temps des données initiales de la forme ρG , si 0 < x < a, ρG + (ρD − ρG ) x−a si a ≤ x ≤ b, ρ0 (x) = (18) b−a , ρD , si b < x < 1, où ρG et ρD sont des densités constantes. Ici, a et b avec 0 < a ≤ b < 1 désignent des positions centrées autour de x = 1/2. Pour chacune des simulations proposées aux trois prochaines questions, on choisira un temps final d’observation T > 0 tel que la solution discrète reste constante à chaque instant en x = 0 et x = 1, respectivement égale à ρG n = f (ρ ) et F n et à ρD . Dans ce cas, il est légitime de définir F1/2 G N +1/2 = f (ρD ) à chacun n des instant discrets t considérés. – (iv) Choisir ρG > ρD , comparer les méthodes (15) et (17) pour a < b. Tracer les solutions discrètes pour des instants différents. Les résultats sont ils conformes aux résultats issus de la théorie des caractéristiques ? Recommencer avec a = b = 1/2. Expliquer le résultat obtenu en comparant avec différentes paires de a et b de plus en plus proches, vérifiant a < b (un seul instant suffira). – (v) Même question pour ρG < ρD avec f (ρG ) 6= f (ρD ). – (vi). Choisir ρG et ρD , ρG < ρD , de sorte que f (ρG ) = f (ρD ). Comparer les méthodes avec différentes paires de a et b vérifiant a < b. Recommencer avec a = b = 1/2. Qu’en conclure ? Dans la suite, on utilisera exclusivement la fonction flux numérique (17) pour s’intéresser à des conditions aux limites générales. Commençons par x = 0. La vitesse u(ρ) étant positive, il semble légitime de vouloir prescrire en x = 0 une loi fonction du temps ρ0 (t) ∈ (0, ρm ) définissant la densité de véhicules entrants. Son implémentation est n = f (ρ (tn ), ρn ) dans (15) et (17) à chaque réalisée en définissant la fonction flux F1/2 0 1 n instant discret t . En x = 1, on souhaite modéliser l’observation pratique exprimant qu’une onde se propageant dans le traffic puisse sortir librement de l’intervalle [0, 1] sans parasiter artificiellement le flot routier. On admettra que cela revient à définir FNn +1/2 = f (ρnN , ρnN ) à chaque instant discret tn . – (vii) On fait choix d’une donnée initiale de la forme (18) avec a = b = 1/2 et ρG < ρD < ρ? . On s’intéresse à une loi en entrée ρ0 (t) périodique avec maxt ρ0 (t) < ρ? , dont la définition précise est laissée libre. Qu’observe-t’on ? – (viii) On fait choix d’une donnée initiale de la forme (18) avec a = b = 1/2 et ρ? = ρG < ρD . Reprendre la même loi périodique que précédemment. Qu’observet’on ? On pourra utiliser une interprétation non-linéaire des résultats de la question (i). On s’intéresse désormais à la modélisation élémentaire de dispositifs perturbant ou régulant le traffic routier. De tels dispositifs sont supposés être ponctuels, et seront par exemple localisés en x = 1/2. On s’intéresse soit à une barrière de péage, soit à un feu tricolore. Dans les deux cas, ils contraignent le flux maximal de véhicules à ne pas dépasser en x = 1/2 une loi de débit maximale qm (t) éventuellement fonction du temps. La modélisation numérique de ces dispositifs est simplement obtenue en corrigeant juste la définition du flux numérique (17) en x = 1/2 (avec dès lors N pair), afin de tenir compte de la contrainte de débit maximal, en substituant à Fin0 +1/2 la valeur limitée min(Fin0 +1/2 , qm (tn )) (19) pour l’indice i0 concerné. – (ix) On privilégie la cas d’une barrière de péage, modélisée par la définition qm (t) = q0 où q0 > 0 est une constante vérifiant naturellement q0 < f (ρ? ). Faire le choix d’une donnée initiale de la forme (18) et d’une condition aux limites périodique en x = 0 et de type sortie libre en x = 1. Commenter les résultats selon deux valeurs de q0 bien choisies. – (x) Même question mais dans le cas d’un feux tricolore pour lequel la fonction qm (t) passe de manière périodique et discontinue de la valeur 0 à la valeur non contrainte f (ρ? ). Commenter les résultats en fonction de deux périodes bien choisies dans la loi qm (t). – (xi) Même question mais avec deux feux tricolores respectivement localisés en x = 1/3 et x = 2/3. La donnée initiale sera supposée constante, les deux feux étant au vert à t = 0. On imposera une densité constante de véhicules en x = 0 et une condition de sortie de type sortie libre en x = 1. On privilégiera des lois de débit qm (t) de même forme mais décalées dans le temps. On pourra se contenter d’une seule simulation.