Les mutilations génitales
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Les mutilations génitales
TENTATIVE DE MISE AU POINT SUR LA QUESTION DES MUTILATIONS GÉNITALES FÉMININES AU QUÉBEC Par Luce CLOUTIER et Andrée YANACOPOULO au nom de PDF Québec 1. Introduction générale . Définitions . Fréquence et répartition . Signification 2. Notre recherche . Généralités . Conclusions 3. Nos recommandations . Rapport sur notre travail . Recommandations sur le plan légal . Recommandations sur le plan social . Recommandations sur le plan médical - I - INTRODUCTION GÉNÉRALE Chaque jour, environ 6000 femmes sont excisées dans le monde, soit en gros près de 3 millions chaque année. Autrement dit, où que ce soit, une petite fille est victime de mutilation génitale. toutes les 10 secondes, Autrement dit encore, depuis que vous avez commencé à lire ce rapport, 6 nouvelles excisions ont été pratiquées. Préoccupées de défendre dans quelque domaine que ce soit le droit des femmes et d’abord et avant tout leur droit à l’intégrité physique, nous avons choisi d’axer nos recherches sur la question des mutilations génitales féminines (MGF). Et plus particulièrement soucieuses avant tout de la situation des femmes immigrées au Québec et de la défense des petites filles, citoyennes québécoises, nées et éduquées au Québec, épousant d'autres valeurs ou traditions que celles de leurs parents, nous avons choisi de faire prendre conscience de l'état de la situation qui prévaut au Québec. Il ne s’agit pas de stigmatiser certaines populations immigrantes en sol québécois, mais de favoriser leur intégration sur un territoire qui défend des valeurs différentes et qui ne peut accepter la perpétuation de coutumes aussi cruelles. Les Québécois et Québécoises, une fois instruit-e-s de ces pratiques, ne sauraient en accepter la continuation. Définition Le sigle «MGF » renvoie à un certain nombre de mutilations, chacune étant susceptible de variations diverses selon l’ethnie considérée – tout en ayant toujours pour objet l’ablation totale ou partielle des organes génitaux de la femme, et cela, sans aucune intention médicale. Notons que l'appellation de ces pratiques est stigmatisée et contrôlée : rectitude politique oblige, le terme générique de MGF est banni en milieu universitaire, et l’on parle d’ « altérations des organes génitaux de la femme ». D’où certaines difficultés de communication. Aussi reprenons-nous ici, par souci d’uniformisation, l'appellation de MGF utilisée par les Nations Unies, l'OMS et de nombreux autres organismes internationaux1. Selon Erlich, « les mutilations sexuelles sont des altérations morphologiques et/ou fonctionnelles affectant les structures corporelles participant à l'épanouissement de la sexualité2 ». Donc, toute altération définitive et irrémédiable d'un organe sain est une mutilation. Sinon, il n'existe aucune motivation médicale, morale ou esthétique au retranchement de tout ou partie des organes génitaux externes (G. Zwang)3. L'OMS distingue quatre types de MGF: • La clitoridectomie (type 1) : ablation partielle ou totale du capuchon du clitoris et/ou du clitoris; • L’excision (type 2) : ablation partielle ou totale du clitoris et des petites lèvres, avec ou sans excision des grandes lèvres; Haut Commissariat des Nations-Unies aux Droits de l’Homme (HCDH), Organisation mondiale de la Santé (OMS), Programme commun des Nations-Unies sur le Sida (ONUSIDA), Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD), UNCEA (?), Organisation des Nations-Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), Fonds des Nations -Unies pour les populations (UNFPA), Haut-commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés (UNHCR), Fonds des NationsUnies pour l’Enfance (UNICEF), Fonds de développement des Nations-Unies pour la Femme (UNIFEM) etc. 2 ERLICH, Michel, Les mutilations sexuelles, Presses Universitaires de France, 1991: 4. 1 3 Référer au livre " Atlas du sexe de la femme, éditions La Musardine, 2001. 2 • L’infibulation (type 3) encore dite « excision pharaonique », qui représente 15% des cas et se pratique surtout en Afrique de l’Est : ablation du clitoris, des petites et des grandes lèvres, puis suture de la vulve (parfois à l'aide d'épines) pour ne laisser ouvert qu'un espace minuscule permettant d'uriner et d'écouler les flux menstruels; • Toutes autres interventions pratiquées sur les organes génitaux à des fins non thérapeutiques (type 4) : incisions, ponctions, cautérisations, percement, scarifications et autres. Il serait donc peut-être plus exact de parler d’excisions au pluriel. 3 Photo Pinson, SIPA Extraite de Femmes en cause, de Anne Raulin, Centre fédéral, 1987 4 Les conséquences de ces pratiques Lors de l'intervention des MGF, la douleur est intense et insupportable. Linda Weil-Curiel, avocate et militante engagée depuis 25 ans dans la lutte contre l'excision en France, écrit que "cette soufrance s'inscrit dans le psychisme de la victime avec un refoulé puissant sans lequel il lui serait impossible de survivre. Plusieurs militantes africaines disent qu'elles sont des survivantes"4. Combien de femmes rencontrées ici même au Québec ne nous-ont elles pas affirmé que jamais, au grand jamais, elles ne pourraient oublier ce jour! Effectivement, la douleur est indicible : le clitoris possède une une vascularisation abondante qui le rend érectile: c’est l’organe le plus sensible qu’on puisse trouver chez l’être humain avec ses huit mille terminaisons nerveuses ; en comparaison le gland du pénis en possède six mille. Au nombre des conséquences les plus fréquentes, mentionnons que la mort peut survenir dans l’immédiat, à la suite d’hémorragies incontrôlables ou, dans les jours qui suivent, du fait d’infections variées. Bien souvent, la lame de rasoir ou le couteau utilisé n'est pas bien aseptisé. L'opération peut aussi, dans environ 15% des cas, être suivie d’hémorragies secondaires, parfois fatales. Des infections telles le tétanos peuvent se répandre vers les ovaires, l'utérus ou le vagin. Si la jeune fille survit, elle est exposée à des complications parfois très graves : lésions à l'urètre ou à l'anus, infections secondaires susceptibles de gagner la vessie WEIL-CURIEL, Linda, L'excision en France", in Le livre noir de la condition des femmes, dirigé par Christine OCKRENT, coordonné par Sandrine TREINER, postface de Françoise GASPARD, XO éditions, PARIS, 2006:161-176. 4 5 et d’entraîner à long terme la stérilité ou des fistules vésico-urinaires accompagnées d’incontinence urinaire ou fécale. À l’accouchement, des complications gynécologiques et génito-urinaires peuvent se présenter: déchirures ou lacérations périnéales, retard dans le travail, inertie utérine, lésions cérébrales importantes affectant le fœtus, voire mort fœtale. Parfois surviennent un accolement involontaire des petites lèvres, la formation de chéloïdes, de kystes dermatoïdes, d'infections pelviennes chroniques, qui peuvent entraîner des cas de dyspareunie et apareunie, et des fissures anales. Enfin existe une contamination particulièrement fréquente par le virus du sida. Au plan de la sexualité, on note, selon le type d’intervention utilisé, une diminution du plaisir psychologique, des douleurs lors des rapports et, plus globalement, un retentissement possible sur le sentiment d’identité féminine. Pierre Foldès, médecin et inventeur, en collaboration avec l'urologue Jean-Antoine Robein, d'une méthode chirurgicale permettant de réparer les dommages causés par l'excision, parle du clitoris comme un organe. Il souligne que le clitoris n'existait pas dans la bibliographie mondiale: pas plus dans les bouquins d'anatomie que dans les manuels de physiologie et encore moins du point de vue des techniques chirurgicales. « Nous avions mille techniques de réparations différentes du sexe masculin et du pénis, et rien sur le clitoris comme s'il n'existait pas dans l'esprit même des scientifiques. Personne ne considérait que le clitoris pouvait être un organe, ce qui est significatif et symbolique »5. Fréquence et répartition Les statistiques données plus haut concernent 29 pays d'Afrique et du MoyenOrient, mais il faut savoir que les MGF se pratiquent également en Inde, au Kurdistan6, en Asie du Sud-Est, à savoir l'Indonésie et la Malaisie. En gros, on retrouve cette pratique essentiellement en Afrique sub-saharienne, dans des communautés chrétiennes ou musulmanes, et dans la communauté juive des Falashas, en Éthiopie, jusqu’à il n’y a pas tellement longtemps. Par ailleurs, en Afrique, il semble y avoir une nette régression de ces rites: la situation est donc changeante. Depuis juillet 2010, l’excision est légalement interdite. Des parents et des exciseuses ont été condamnés et emprisonnés dans les pays suivants : tous les États ouest-européens, l’Égypte, l’Éthiopie, l’Australie, le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, Djibouti, l’Érythrée, le Ghana, la Guinée, le FOLDÈS, Pierre, "La chirurgie contre l'excision", in in Le livre noir de la condition des femmes, dirigé par Christine OCKRENT, coordonné par Sandrine TREINER, postface de Françoise GASPARD, XO éditions, PARIS, 2006: 177-187. 6 HENNION, Cécile, "L'excision au Kurdistan, Un secret de famille et de guerre", in Le livre noir de la condition des femmes, dirigé par Christine OCKRENT, coordonné par Sandrine TREINER, postface de Françoise GASPARD, XO éditions, PARIS, 2006: 184- 187. 5 6 Yémen, le Kenya, la Mauritanie, le Niger, la Nigeria, la Nouvelle-Zélande, le Sénégal, le Soudan, l’Afrique du Sud, la Tanzanie, le Togo, le Tchad, l’Ouganda, les États-Unis d’Amérique, la République centrafricaine (état: juillet 2010). Le mouvement tend à s’amplifier, mais bien évidemment rencontre des oppositions. Notons que la situation évolue pour ainsi dire de jour en jour. Signification Les vraies raisons de ces pratiques sont liées aux environnements socioculturels, économiques et politiques. Elles sont l'expression et la manifestation de la réalité idéologique et historique des sociétés où elles sont pratiquées. À l'origine, se trouve un système patriarcal qui a imposé un seul mari à une femme tout en laissant l'homme libre de prendre plusieurs épouses ainsi qu'une limitation à la sexualité des femmes dans le but de perpétuer le lignage. Ces pratiques entraînent également la limitation de l'intimité sexuelle entre époux. Les raisons économiques et culturelles ainsi que les croyances liées aux réalités de la vie s'entremêlent avec les thèmes de la sexualité, de la fécondité et de la fertilité. Ces pratiques inscrivent la différenciation sexuelle de manière à rendre femmes et hommes aptes à assurer le statut social qui leur est réservé en raison de leur sexe. L’excision joue donc un rôle éducatif et de respect des normes sociales afin d'éviter la stigmatisation. Les MGF sont donc un marquage. Elles ont une valeur d'inscription, sur leur corps même, de la féminité des fillettes ou des femmes. Le plus souvent est invoquée la tradition sous forme d’un rituel initiatique : ainsi purifiée, la jeune fille devient aux yeux de tous véritablement membre de sa société. Elle fera une bonne mère et une bonne épouse. Non excisée/infibulée, elle est considérée comme impure et frappée d’exclusion sociale ; en conséquence de quoi, elle ne trouvera pas à se marier. L’excision adonc aussi pour but de préserver la virginité de la jeune fille et d'assurer le contrôle de sa sexualité. Il s'agit de réduire l'appétit sexuel des femmes ou encore de diminuer leurs exigences. Paradoxalement, le clitoris apparaît comme un organe de pouvoir et il représente un danger: c'est un renversement idéologique du plan social au plan biologique. On mettra de l’avant des raisons esthétiques ou hygiéniques (purification), voire religieuses : or, aucune religion monothéiste, la musulmane y compris, ne prescrit ces pratiques, qui sont, par ailleurs, antérieures aux trois grandes religions. 7 Ainsi, « parce qu'on le considère comme appartenant aux hommes ou à la société, le corps des femmes reste soumis, dans de nombreuses régions du monde, à des violences liées à leur sexe » (2006:159)7. -II- NOTRE RECHERCHE Généralités Pour nous féministes, les MGF reflètent sans aucun doute possible la volonté de contrôler l’autonomie des femmes, et tout particulièrement leur sexualité, et de diminuer le désir. Elles constituent un traitement cruel, inhumain, dégradant, pour tout dire inacceptable. C’est pourquoi nous avons entamé cette enquête dans l’intention de: 1o Travailler à assurer la pleine intégration et le plein épanouissement personnel des femmes immigrantes au Québec en mettant fin aux pratiques nuisibles à leur santé ; 2o Identifier et éradiquer la pratique des MGF sur les Québécoises de quelque origine qu’elles soient. Même limité au Québec, le champ à prospecter est vaste, mais plus encore difficile à pénétrer, car la loi du silence prévaut : on peut même parler de sujet tabou. La population québécoise est, dans l’ensemble, peu au courant de ces questions d’excision et d'infibulation, et il en va de même de la plupart des professionnel-le-s de la santé et du corps médical. Par contre, la chose est connue des anthropologues ou encore de ceux qui ont vécu en Afrique, au Moyen Orient ou dans certaines zones spécifiques de l'Asie – autrement dit, dans les pays où elles se pratiquent. C'est par le biais de l'immigration d'Africain-e-s ou de populations issues du Moyen Orient ou de l'Asie que le Québec s’est trouvé confronté à la question des mutilations génitales féminines. Les prises de position quant à la reproduction de telles pratiques sur notre territoire divergent : • d'un côté, les tenants d'un relativisme culturel mal compris, parlent d'ingérence, de stigmatisation, d'imposition de valeurs autres, du respect des traditions perpétuées par de telles pratiques, de l'ignorance de l'interdit légal. Ce sont ceux qui célèbrent les pratiques ou rituels des autres peuples sous prétexte qu’on est en présence d’une tradition en harmonie avec leurs valeurs de pureté, de beauté et de congruence. • de l'autre, les opposant-e-s à la perpétuation de ces pratiques, démontrent qu'elles ont des conséquences graves et même souvent néfastes pour la santé des in Le livre noir de la condition des femmes, dirigé par Christine OCKRENT, coordonné par Sandrine TREINER, postface de Françoise GASPARD, XO éditions, PARIS, 2006:159. 7 8 fillettes et des femmes, qu'elles nuisent à leur intégrité physique, psychologique et morale. De plus, ces pratiques entravent l'intégration des fillettes à la société d’accueil, elles les marginalisent : n’oublions pas que les enfants d’immigrants vivent et grandissent dans une culture différente de celle de leurs parents. • Mais quelles qu’elles soient, la situation est claire : nous nous trouvons devant un corps médical très peu au fait de ces pratiques et donc mal préparé, et des immigrant-e-s incomprises, voire humiliées. Rapport sur notre travail a) Dans un premier temps, nous nous sommes demandé si les MGF se pratiquaient ici. À noter que, pour des raisons de commodité qui nous sont propres, nous nous sommes limitées à la sphère africaine. Nous avons rencontré des Africaines de toutes origines, qui travaillaient au sein d’associations vouées entre autres à sensibiliser leurs compatriotes immigrées à la question. Elles nous ont dit se douter que des exciseuses étaient à l’œuvre, généralement sans doute, une membre de la famille, mais que si l’opération se faisait, elle se réalisait de façon clandestine. Quoi qu’il en soit, le silence prévaut, cette pratique est taboue. Le silence vaut pour les deux camps, car nous avons également subi des refus de la part d’individus dont nous avions à juste titre le droit de penser qu’ils pourraient nous aider et travailler dans notre sens. Il semblerait qu'une certaine peur de parler de ce sujet existe et qu'elle agisse comme un frein à toute forme d'intervention. D'ailleurs, ne souligne-t-on pas que c'est dans l'univers familial et conjugal que les femmes sont le plus en danger? Les raisons évoquées pour perpétuer cette opération sont d’abord et avant tout le respect de la tradition. Les arguments reviennent comme un leitmotiv: • l’excision et l’infibulation sont une marque de respect envers les coutumes et les traditions. Elles ont une fonction structurante sur plan social, car elles assoient la distinction entre hommes et femmes; • la souffrance est une condition inhérente au sexe féminin: la femme est donc naturellement faite pour souffrir; • certaines religions imposent les mutilations sexuelles féminines ; • les mutilations sexuelles féminines rendent les femmes plus fécondes ; • une femme qui n’est pas excisée ou infibulée n’est pas pure. Chose certaine, les hôpitaux de Montréal reçoivent des petites filles qui ont été excisées, et des femmes qui y accouchent ont été ré-infibulées, mais les membres du personnel médical et infirmier refusent de témoigner pour des raisons de déontologie. 9 Par ailleurs, pendant les vacances scolaires d’été, des petites filles sont envoyées en Afrique pour aller voir leur famille restée au pays. Et subir une excision? Bref, il semblerait que cette alternative soit privilégiée par les ressortissants de plusieurs pays africains malgré l'interdiction légale qui prévaut. Aussi faut-il mentionner que la loi n'est pas appliquée et que de plus, rien n'est prévu pour appuyer les personnes qui s'opposent à la continuité de ces pratiques. b. Dans un second temps, approfondissant nos recherches et élargissant nos contacts, nous avons pu constater que, selon les personnes interviewées : - Des nouveaux migrants, en perte de repères culturels, insistent pour pratiquer cette opération, car cela les conforte dans leur identité. On ne peut nier les pressions de la famille d’origine restée au pays, témoin d’une dynamique familiale qui transcende les frontières et que la facilité des communications ne fait qu’amplifier. Par ailleurs, il existe aussi des immigrantes et des immigrants, aussi bien instruits qu’analphabètes, et même des Québécois-e-s, qui sont en faveur des MGF. - Depuis quelques années, les MGF sont pratiquées sur des enfants/fillettes de plus en plus jeunes, parfois même sur des bébés. - N’ayant pu véritablement acquérir la certitude que l’excision se pratique ici, nous n’avons pas pu non plus savoir si la méthode chirurgicale de réparation mise au point par le Dr Foldes était pratiquée au Québec. Le seul médecin dont on nous a assurées qu’il la pratiquait a refusé de répondre à nos demandes les plus insistantes. Cette méthode chirurgicale a été adopté par le groupe des Raëliens qui a entamé une lutte contre ces pratiques via le développement de son organisation humanitaire Clitoraid (Clitoraid.org). Un hôpital a été construit au Burkina Faso ayant pour but d'aider les victimes de mutilations génitales féminines à recouvrer leur dignité en pratiquant des opérations de restauration des parties génitales. Il a été malheureusement fermé à la suite de manœuvres politiques. En somme, les MGF sont des pratiques traditionnelles néfastes qui affectent près de 140 millions de femmes et de filles à travers le monde. Quelles que soient les formes empruntées, leur pratique viole de nombreux droits fondamentaux : - le droit à la non-discrimination ; - le droit à l'intégrité physique ; - le droit à la protection contre la violence physique et mentale ; - le droit de jouir du meilleur état de santé possible ; - le droit à la vie. c. Dans un troisième temps, nous nous sommes demandé par où, par quoi agir pour mettre fin à ces pratiques à la fois aliénantes en ce qui concerne l’autonomie 10 et les droits à l’intégrité physique de tout être humain, hautement nuisibles pour la santé physique et mentale tout autant, et handicapantes quant à l’intégration des immigrants à notre culture. Nous avons retenu trois angles d’action possibles : juridique, médical, social – trois modes d’action à mener en parallèle, car ils se renforcent mutuellement. Recommandations • Sur le plan juridique : Compte tenu que : - les MGF ont été mondialement interdites par l'Assemblée générale des Nations Unies, en vertu d’une motion adoptée le 20 décembre 2012, - le Canada a signé de multiples conventions internationales relatives aux droits des femmes, à leur protection et à l'élimination de toute forme de discrimination à leur endroit, - dans de multiples pays d'Afrique et d'Europe, ces pratiques sont maintenant et depuis plusieurs années, combattues et interdites, il va de soi que sans une stricte application de la loi interdisant les MGF au Canada, le gouvernement endosse tacitement une pratique néfaste qui viole les droits humains des femmes immigrantes à l'intégrité physique, à l'égalité et à l’absence de discrimination, et qui est contraire aux obligations nationales et internationales du pays. Plus précisément, au Québec et au Canada, on constate : - la non-application de l’article 273.3 8 du Code criminel du Canada ; 8 Art. 273.3 (1) Commet une infraction quiconque agit dans le but de faire passer à l’étranger une personne résidant habituellement au Canada et qui : a) est âgée de moins de seize ans, en vue de permettre la commission d’un acte qui, s’il était commis au Canada, constituerait une infraction visée aux articles 151 ou 152 ou aux paragraphes 160(3) ou 173(2); b) est âgée de seize ans ou plus mais de moins de dix-huit ans, en vue de permettre la commission d’un acte qui, s’il était commis au Canada, constituerait une infraction visée à l’article 153; c) est âgée de moins de dix-huit ans, en vue de permettre la commission d’un acte qui, s’il était commis au Canada, constituerait une infraction visée aux articles 155 ou 159, au paragraphe 160(2) ou aux articles 170, 171, 267, 268, 269, 271, 272 ou 273. 11 - la clandestinité dans laquelle se font ces interventions ; - la loi du silence qui prévaut parmi les groupes où se pratiquent les MGF ; - la violence qui est associée à ces pratiques ; - les problèmes de santé des femmes en découlant ; - la non-existence d'une offre de chirurgie réparatrice au Québec ; - le manque de données qualitatives et quantitatives quant à la situation qui prévaut ici ; - l’absence de ressources pour assurer la prise en charge des femmes qui les réclament. S’y ajoute le fait que des Québécoises ou des Canadiennes souffrent en silence et ne savent pas où demander de l'aide afin d’être prises en charge, soignées, aidées, soutenues et entendues : cette loi du silence se répercute dans les communautés d'origine ainsi qu'au niveau gouvernemental sous prétexte de relativisme culturel ou de respect des coutumes autres. Aussi proposons-nous que les MGF soient considérées comme un PROBLÈME DE SANTÉ PUBLIQUE et suggérons-nous de mettre en place les éléments suivants : • Sur le plan légal : faire appliquer une solide législation interdisant les MGF et administrer de sévères sanctions aux contrevenants en renforçant l'arsenal juridique. • Sur le plan social : 1. Mener des enquêtes de type qualitatif et quantitatif au niveau national qui permettraient de connaître la situation existante au Québec et d'avoir ainsi une meilleure connaissance des conséquences sanitaires, sociales et psychologiques des mutilations sexuelles. 2. Mettre sur pied et à la grandeur du Québec un ou des mouvements de lutte contre les MGF dans le but de: • mener des campagnes de sensibilisation et de sensibilisation afin de changer les perceptions culturelles et les croyances relatives aux MGF, • faire reconnaître les MGF comme une violation des droits humains dont les conséquences sont extrêmement néfastes ; • développer des mécanismes de médiation avec la famille et les proches de la victime. 3. Mettre en place des programmes et des stratégies de prévention qui prendraient en compte la diversité des intervenants-e-s qui travaillent auprès des groupes ou des individus concernés, soit : • les agent-e-s du ministère de l’Immigration du Canada ainsi que du Québec; 12 • les intervenant-e-s des services médico-sociaux ; • les intervenant-e-s dans le domaine de l’éducation, des services des loisirs et des sports, etc. • etc., etc. • Sur le plan médical : • • • • • 1. Assurer la prise en charge sanitaire de ces femmes ayant subi une MGF, soit: proposer les services d’une chirurgie réparatrice pour les femmes qui le souhaitent, et que ces interventions soient remboursées par la RAMQ (les transexuels/lles bénéficiant de cette disposition, les mutilées devraient, en toute logique, y avoir également droit) ; interdire toute médicalisation de quelque forme que ce soit de MGF. 2. Briser le secret professionnel en obligeant les hôpitaux et les professionnels des secteurs médico-sociaux à répertorier les cas des patientes ayant subi une mutilation sexuelle ou à risque de la subir ; à divulguer la situation ; à refuser de reproduire la pratique. 3. Encourager le partage du secret professionnel entre divers-e-s intervenant-e-s des milieux médico-sociaux afin de protéger les victimes. ET POUR TERMINER Quelques exemples tirés de la France, de la Belgique, de l’Afrique : • Une leçon tirée de leur expérience : ne pas se limiter à affirmer de grands principes : travailler au quotidien. • Créer des associations de lutte, comme GAMS (Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles), INTACT (collectif liégeois contre les MGF) : ces associations sont autant d’aiguillons pour les politiques publiques, en matière de santé comme en matière d’égalité des chances. • Travailler le plus possible en synergie avec des groupes similaires : « Une seule main ne lave pas proprement un éléphant », dit un proverbe africain. 13 • Multiplier les organismes de soutien juridique facilement accessibles. • Rappelons la situation particulière des certificats d’intégrité sollicités par le Commissariat Général aux Réfugiés et aux Apatrides (CGRA): il sollicite annuellement un certificat médical d’intégrité de la fillette dont la famille a obtenu l’asile sur base d’une crainte de MGF de l’enfant en cas de retour au pays. Si le certificat médical constate que la fillette a fait l’objet d’une MGF, le CGRA estime qu’il peut mettre fin au statut de réfugié. • En France: en cas de risque, obligation de signalement aux instances légales et aux services sociaux et médico-légaux. ET ENFIN Selon une brochure de l'association INTACT de Belgique intitulée: Le secret médical face aux mutilations génitales: Il faut toujours le souligner avec force : ni le respect dû à des pratiques ancestrales, ni les résistances envers l’hégémonie culturelle occidentale ne peuvent légitimer quelque défense que ce soit de traitements qui doivent être qualifiés pour ce qu’ils sont : une forme de torture radicalement contraire aux droits humains et au respect de la personne. « Interdit » Alors, pourquoi ce silence au Québec ? 14