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Fourrages (2009) 199, 349-371 Maximiser la part du pâturage dans l’alimentation des ovins : intérêt pour l’autonomie alimentaire, l’environnement et la qualité des produits E. Pottier1, H. Tournadre2, M. Benoit2, S. Prache2 En élevage ovin allaitant, les déterminants majeurs du résultat économique sont la productivité numérique et les charges opérationnelles. Dans un contexte de volatilité du prix des matières premières, diverses expérimentations à l’échelle du système de production ont été développées dans l'objectif d’accroître l’utilisation de l’herbe par les animaux et de réduire les charges d’alimentation, tout en maintenant une productivité animale élevée. résumé les expérimentations menées à l’échelle du système de production montrent qu’une conduite économe des troupeaux qui privilégie le pâturage est compatible avec des performances animales élevées. les principales adaptations mises en œuvre pour atteindre ce résultat ont concerné le niveau de chargement, la répartition des mises bas, l’introduction de légumineuses fourragères, le pâturage hivernal et l’élevage des agneaux à l’herbe, dont les effets sur la qualité de la carcasse et de la viande sont résumés. Par ailleurs, combiner une productivité animale élevée avec une très bonne valorisation des prairies et une fertilisation azotée modérée concourt également à une faible consommation d’énergie non renouvelable par kg de viande produite. mots clés Agriculture biologique, analyse énergétique, aspect économique, autonomie, Auvergne, environnement, fertilisation, gestion du pâturage, Limousin, ovin, prairie permanente, production de viande, qualité des produits, système fourrager, système d’élevage. key-words Auvergne, économic aspect, energy analysis, environment, fertilisation, forage system, grazing management, Limousin, livestock rearing system, meat production, organic farming, permanent pasture, product quality, self-sufficiency, sheep. auteurs 1 : Institut de l’Elevage, Service Fourrages et conduite des troupeaux allaitants, Ferme expérimentale du Mourier, F-87800 Saint-Priest-Ligoure ; [email protected] 2 : Institut National de la Recherche Agronomique, INRA, UR1213 Herbivores, Site de Theix, F-63122 Saint-Genès-Champanelle 349 e. Pottier et al. ’agrandissement en surface des exploitations ovines observé à partir des années 1990, accompagné d’une désintensification des systèmes de production, a généré des questionnements relatifs à la conduite des surfaces et des animaux. Si ces évolutions sont des opportunités pour réduire les charges d’alimentation du troupeau et accroître l’autonomie alimentaire de l’exploitation, les adaptations envisagées doivent toutefois garantir la pérennité du système en assurant à la fois le maintien d’une productivité animale suffisante, qui conditionne fortement le revenu de l’éleveur, et le renouvellement de la ressource fourragère. L Au-delà des préoccupations zootechniques et économiques, de telles évolutions peuvent également répondre aux attentes des consommateurs et plus largement de la société en matière de conditions d’élevage des animaux et de leur bien-être, ainsi que d’environnement et d’entretien de l’espace. L’élevage ovin y revendique toute sa place comme le montre la dernière campagne de communication “Nos brebis font les paysages que vous aimez”. Afin d’évaluer les conséquences de ces évolutions à la fois sur les plans technique, économique et environnemental, des expérimentations à l’échelle du système de production ont été développées depuis la fin des années 1980 par l’Institut de l’Elevage et l’INRA sur les sites expérimentaux respectifs du Mourier (HauteVienne) et de Redon-Orcival (Puy-de-Dôme). Avec le même objectif général d’accroître l’utilisation de l’herbe par les animaux et de réduire les charges d’alimentation du troupeau, ces expériences ont testé diverses pratiques, dans des contextes pédoclimatiques et avec des types génétiques différents. Nous proposons d’analyser la pertinence de ces pratiques au regard des objectifs poursuivis, ainsi que leurs effets sur les aspects techniques, économiques, environnementaux et de qualité des produits. Concilier performances animales et conduites économes 1. Contexte En systèmes ovins spécialisés, les chargements varient entre 1,1 et 1,4 UGB/ha SFP selon les régions (Banque de données nationales des Réseaux d’Elevage, avril 2008), et les parcours représentent en moyenne de 70 à 80 ha par exploitation dans les zones pastorales, de causses ou de haute montagne. Dans les années 1990 puis dans une moindre mesure ensuite, les exploitations se sont agrandies en surface, pour partie au profit de la SFP. Ainsi, dans l’échantillon d’exploitations ovines suivi par l’INRA de Theix (BENOIT, comm. pers.), l’augmentation en surface a été de 44% en zone de plaine et 50% en zone de montagne. Malgré cela, on constate un accroissement des achats d’aliments concentrés. Sur ce même échantillon, ces achats ont ainsi augmenté de plus de 33% entre 1993 et 2007, résultat analogue à celui observé dans l’échantillon de 350 Fourrages (2009) 199, 349-371 maximiser la part du pâturage dans l’alimentation des ovins la Banque de données régionales Limousine. Dans un contexte de volatilité des prix des matières premières et d’aléas climatiques, la recherche de conduites plus économes et autonomes est devenue un enjeu majeur, et les études conduites au Mourier et à Redon depuis plus de 20 ans permettent d’illustrer les adaptations possibles et les résultats technico-économiques correspondants. Au travers de ces différentes études dans lesquelles les conditions de production ont été assez différentes (chargement, rythme et répartition des mises bas, mode de production conventionnel et biologique), nous décrivons les principales adaptations de conduite mises en œuvre et leurs effets sur les performances animales, l’autonomie alimentaire et les résultats économiques. 2. Les systèmes de production ■ Contextes pédoclimatiques, surfaces et animaux utilisés En situation herbagère, en Limousin : La ferme expérimentale du Mourier (M) est située au sud de la Haute-Vienne, à une altitude moyenne de 360 m. La pluviosité varie entre 950 et plus de 1 100 mm et la température moyenne annuelle est de 10,5°C. Les sols, principalement sur diorite, sont de type sablo-limoneux avec une teneur en argile peu élevée, entre 7 et 17%. Les potentialités des parcelles sont très diverses, avec une profondeur de sol variant de 20 cm à plus de 1 m et avec une large gamme de contraintes de portance ou de pente. Deux études ont été réalisées successivement entre 1995 et 2007 en intégrant à chaque fois une proportion importante de prairies permanentes (tableau 1). Deux races ont été utilisées, le Mouton Vendéen, relativement bien adapté à des conduites au pâturage y compris en plein air intégral, et le croisement Romanov - Ile-de-France pour son aptitude au dessaisonnement et sa prolificité au regard des objectifs du système à savoir une production d’agneaux jeunes au 4e trimestre (PERRET, 1986). TABLEAU 1 : Répartition des types de surfaces utilisées dans les différentes études. Dans les deux sites, les parcelles ont été réparties de façon homogène entre les systèmes d’un même essai. table 1 : Distribution of the types of areas used in the various trials. on both sites, the fields were distributed in a homogeneous way among the systems in a given trial. En situation de moyenne montagne, en Auvergne : Le site expérimental de Redon (R) est situé dans le Puy-de-Dôme à une altitude comprise entre 700 et 850 m d’altitude, sur terrains majoritairement granitiques peu profonds à superficiels. La pluviométrie et la température moyennes annuelles sont de 760 mm Lieu Le Mourier (Haute Vienne) Redon (Puy-de-Dôme) Etude M1 M2 R1 R2 R3 R4 Prairies temporaires (%SAU) dont trèfle violet Prairies permanentes (%SAU) dont fauchable dont en pente dont humide dont parcours Céréales et protéagineux (%SAU) 21 / 79 39 26 14 / / 14 9 69 20 36 13 / 8 25 / 75 40 15 / 20 0 / 100 49 29 / 22 0 / 95 47 30 / 18 5 27 7 65 20 25 / 20 8 Fourrages (2009) 199, 349-371 351 e. Pottier et al. et de 8,6°C. Les hivers sont plus longs et plus rigoureux qu’en HauteVienne avec une durée de végétation plus courte. La proportion de surfaces mécanisables représente de 49% à 65% de la SFP, celles ne pouvant être que pâturées de 35% à 51% (dont celles de parcours, de 18 à 22%) (tableau 1). Nous avons utilisé la race Limousine, rustique et adaptée aux situations de pâturage de moyenne altitude. ■ Objectifs poursuivis et description des études Les suivis pluriannuels mis en œuvre à l’échelle de systèmes de production avaient pour objectifs de préciser les adaptations possibles permettant de concilier une conduite économe et le maintien des performances animales élevées, et d’étudier leurs conséquences techniques et économiques. Les principales caractéristiques des systèmes étudiés sont décrites au tableau 2. En premier lieu, il s’agissait de préciser les conséquences d’une désintensification d’un système de production par la diminution du chargement (THERIEZ et al., 1997 ; LOUAULT et al., 1998 ; POTTIER et al., 2006). Cet objectif correspond aux études M1 (système V1 :1994-2000) et R1 (systèmes S1 et S2 :1988-1992). Pour M1, on cherchait avant tout à préciser les modalités de la conduite des surfaces et plus particulièrement du pâturage (pâturage hivernal, maîtrise de la production d’herbe au printemps, maîtrise de la hauteur de l’herbe offerte aux animaux) permettant d’assurer un maintien des performances zootechniques. Dans l’essai R1, deux systèmes ont été comparés (tableau 2). Le premier (S1) correspondait à un élevage conduit avec un chargement relativement élevé pour le contexte pédoclimatique (1,2 UGB/ha), ce qui nécessitait un recours important aux intrants (engrais chimiques et aliments concentrés). Le second système (S2) a mis à profit un agrandissement de la surface fourragère à effectif de brebis constant (le chargement est passé de 1,2 à 0,85 UGB/ha), pour réduire les charges tout en maintenant le niveau des performances zootechniques et en conservant la qualité de la ressource fourragère. TABLEAU 2 : Principales caractéristiques des systèmes étudiés dans les différentes études. Le second objectif visait l’entretien de la totalité du territoire par l’action des animaux (DEDIEU et al., 2008). Le système testé s’est placé à un niveau très faible de chargement de 0,6 UGB/ha (essai R2, système S3 ; 1996-1998). Dans cette situation, l’offre fourragère excédentaire peut entraîner une dégradation de la qualité des Lieu Le Mourier Etude M1 Système V1 Type génétique Mouton Vendéen Mode de production Chargement (UGB/ha SFP) Surface totale (ha) Effectif brebis (EMP*) * Effectif Moyen Pondéré 352 Redon M2 V2 table 2 : Main characteristics of the systems studied in the various trials. R1 F1 S1 R2 S2 Croisé Romanov - Ile-de-France S3 R3 S4 1,1 25,3 171(1) 1,2 25,2 192(1) 1 : Brebis de plus de 6 mois S6 Limousine Conventionnel 1,0 28,8 190(1) R4 S5 Biologique 1,2 17,5 126(2) 0,85 25 126(2) 0,6 27,2 115(2) 2 : Brebis de plus de 12 mois Fourrages (2009) 199, 349-371 0,8 24 118(2) 0,8 24 118(2) 0,8 24) 100(2) maximiser la part du pâturage dans l’alimentation des ovins prairies et une détérioration des performances zootechniques, potentiellement accentuée par les contraintes d’entretien de la totalité des parcelles. Un troisième objectif (essai R3 : 2000-2003) était d’évaluer en agriculture biologique (AB) l’intérêt technique et économique d’un système avec un rythme de reproduction accéléré de 3 agnelages en 2 ans (S4) par rapport à un système avec un seul agnelage par an et par brebis (S5). En élevage ovin conventionnel, les systèmes “accélérés” offrent un potentiel technico-économique important (BENOIT et al., 1999 ; BENOIT et VEYSSET, 2003) mais sont exigeants pour les brebis et fortement utilisateurs d’aliments concentrés. Comme la réglementation AB interdit l’utilisation des traitements hormonaux et limite l’utilisation des aliments concentrés et des traitements sanitaires allopathiques, la conduite d’un système accéléré en AB présentait une prise de risque importante (BENOIT et al., 2009). A l’issue des essais précédents, l’autonomie fourragère et alimentaire est apparue comme un élément déterminant de la performance économique des systèmes ovins allaitants, qu’ils soient conventionnels ou biologiques. Ainsi, le quatrième objectif a été d’optimiser l’autonomie de certains des systèmes testés précédemment. Cela a été réalisé dans les études M2 (système V2, 2004-2007) et R4 (système S6, 2005-2007) par l’introduction de cultures de céréales et de légumineuses. Enfin, alors que tous les systèmes précédents comportaient une proportion plus ou moins importante d’agnelages de printemps pour des lactations à l’herbe, le système F1 (essai M2) s’est intéressé à la production d’agneaux exclusivement en contre-saison, plutôt dévolue classiquement à des systèmes intensifs, afin de mettre au point des itinéraires techniques économes et compatibles avec les attentes de la filière d’une production d’agneaux jeunes à une période de déficit récurrent (4e trimestre). TABLEAU 3 : Modalités de conduite dans les études du Mourier et de Redon. table 3 : Management patterns in the trials at Le Mourier and Redon. ■ Modalités de conduite des systèmes En dehors du système S4, les brebis ont été conduites en un seul agnelage par an, avec deux périodes de mises bas pour sécuriser la fertilité, étaler la production et disposer de lots de brebis présentant des besoins différents, aptes à valoriser des parcelles de qualités différentes (tableau 3). Les deux périodes de mises bas retenues ont été Etude M1 Système V1 Chargement (UGB/ha SFP) Rythme de reproduction(1) Mois d’agnelage (% mises bas) M2 V2 R1 F1 1,0 1,1 1,2 1 1 1 Mars (60) Mars (50) Août (65) Nov. (40) Nov. (50) Nov. (35) Pâturage hivernal oui Agneaux produits à l’herbe (%) 37 oui 0 oui 0 S1 R2 S2 S3 R3 S4 R4 S5 S6 1,2 0,85 0,6 0,8 0,8 0,8 1 1 3 en 2 ans 1 1 Mars (65) Juin (50) Mars (33) Mars (50) Mars (65) Nov. (35) Nov. (50) Juin (33) Nov. (50) Nov. (35) Nov. (33) non oui non non non 65 62 51 72 53 63 1 : Nombre d’agnelages objectif par brebis et par an Fourrages (2009) 199, 349-371 353 e. Pottier et al. le printemps (entre mars et juin) et l’automne (novembre). Les mises bas de printemps ont visé la production d’agneaux à l’herbe pour V1 et S1 à S6, mais pas pour V2 (pour simplifier le travail). Pour le système F1, le choix s’est porté sur un agnelage principal d’août complété d’un agnelage sur novembre correspondant aux luttes des agnelles et au rattrapage des brebis vides de la période précédente. Les agnelles ont été mises en lutte tardivement, entre 12 et 20 mois d’âge, pour permettre une conduite économe au cours de la phase de croissance. Les brebis agnelaient en bergerie, sauf pour les agnelages de juin (S3 et S4) qui avaient lieu à l’herbe. Les lactations des brebis agnelant à l’automne se déroulaient en bergerie ainsi que l’engraissement des agneaux nés à cette saison ; ces agneaux disposaient alors de concentré à volonté, sauf pour les essais S4 à S6 où celui-ci était limité (600 à 800 g par jour et par agneau en moyenne) pour respecter le cahier des charges AB. L’utilisation et la conduite des parcelles ont été raisonnées selon les objectifs de chaque système. ■ Les adaptations mises en œuvre pour maximiser l’autonomie alimentaire - Le chargement : En dehors du système S1 qui constituait un témoin des pratiques rencontrées en élevages privés (THÉRIEZ, 1997), le niveau de chargement a été le premier facteur d’adaptation utilisé dans les systèmes V1 et S2 à S6 pour répondre aux objectifs de réduction des coûts de production. Ainsi, la baisse du chargement a été mise à profit pour produire davantage à partir de l’herbe et, pour V1, S2 et S3, réduire les apports d’azote. Pour les systèmes en agriculture biologique (S4 à S6), l’interdiction du recours aux engrais chimiques a conduit à adopter un chargement un peu inférieur aux références acquises en conventionnel. - La répartition des mises bas : Les périodes d’agnelage ont été adaptées aux projets d’élevage soit pour produire des agneaux à l’herbe avec un minimum d’apport de concentré (V1, S1, S2, S5 et S6), soit pour répondre aux besoins d’entretien de la surface (S3). Dans ce cas, les périodes de besoins élevés des brebis gestantes et allaitantes ont coïncidé avec les périodes de fortes disponibilités en herbe (mai-juin et octobre) pour limiter le plus possible l’accumulation de biomasse. Le cas du système S4 est particulier puisqu’il a associé les objectifs de produire des agneaux à l’herbe (mises bas de mars et juin) et de couverture par le pâturage des besoins de brebis en gestation et en lactation (mises bas de juin). Une autre adaptation a porté sur la répartition des agnelages entre les périodes : elle a visé soit à maximiser la production d’agneaux à l’herbe (S1, S2 et S6), soit à disposer de manière équilibrée de brebis à forts et faibles besoins pour gérer la diversité du territoire (S3), soit enfin à mieux étaler les ventes au cours de l’année (S4 et S5). - La finition des agneaux à l’herbe : La finition à l’herbe des agneaux nés au printemps avec un minimum d’apport de concentré nécessitait de disposer de prairies de bonne qualité de juin à septembre et de surfaces suffisantes. Pour y répondre, des prairies étaient systématiquement fauchées précocement dans toutes les études. 354 Fourrages (2009) 199, 349-371 maximiser la part du pâturage dans l’alimentation des ovins - Le pâturage hivernal : Dans l’étude V1, le pâturage hivernal, initialement limité aux brebis à faibles besoins (en début de gestation ou à l’entretien) et en bon état corporel (note ≥ 2,5), a ensuite été étendu à l’ensemble du lot de brebis agnelant au printemps. La rentrée en bergerie intervenait alors plus tardivement fin février. Conjointement, des pratiques de pâturage plus ras en hiver ont été mises en œuvre (hauteur de l’herbe en sortie de parcelle de 2 à 3 cm, mesurée à l’herbomètre). La distribution de foin a été supprimée et les apports de concentrés pour la préparation à la lutte ou en fin de gestation ont été progressivement diminués. Cette conduite hivernale a été reconduite en V2 et en F1 pour le lot agnelant à l’automne. Pour l’essai S3, le pâturage hivernal n’a été utilisé que dans un but d’entretien de l’espace et il a contribué à réduire les besoins en stocks récoltés. - Des légumineuses et des céréales : Dans l’essai F1, deux stratégies de conduite de la lactation du lot de brebis agnelant en été ont été testées au cours des 3 premières années : une moitié des brebis était alimentée en bergerie et l’autre moitié pâturait des repousses de trèfle violet (POTTIER et al., 2006). La dernière année, la totalité de ce lot de brebis allaitantes a été conduite au pâturage. Pour la finition en été des agneaux conduits à l’herbe, des prairies de mélange graminées - légumineuses ont été introduites (tableau 1 ; études M1, M2, R1 et R4). De plus, des cultures de mélange céréales - pois ont été introduites sur quelques hectares pour réduire les achats d’aliments concentrés et augmenter ainsi l’autonomie alimentaire (études M2, R3 et R4). - La fertilisation minérale azotée : La fertilisation minérale azotée a été adaptée selon les objectifs des systèmes, d’élevée pour S1 (chargement élevé en montagne) à nulle en S3 et S4 à S6 (systèmes sous-chargés ou en AB). Pour les autres études (V1, V2, F1 et S2), elle a été progressivement réduite, les apports étant alors limités aux parcelles destinées à être fauchées précocement au printemps. 3. Principaux résultats ■ Des systèmes productifs Dans tous les systèmes sans accélération du rythme de mise bas (V1, V2, F1, S1 à S3, S5 et S6), la productivité numérique a été maintenue à un niveau élevé (de 1,3 à 1,7 agneaux produits par brebis et par an) et très supérieur à celui observé dans les réseaux d’élevages (1,1 agneaux produits par brebis et par an en moyenne) pour des systèmes de production analogues (tableau 4). Le système accéléré S4 qui atteint 1,6 agneaux/brebis se situe dans la moyenne des résultats des élevages privés pratiquant 3 agnelages en deux ans (BENOIT et al., 2009). Ainsi, les pratiques de pâturage hivernal (essais M1, M2, R2), le rôle d’entretien du territoire dévolu aux animaux (R2), l’absence de recours aux traitements hormonaux (R3 et R4) ou la réduction des apports d’aliments concentrés ont eu peu d’incidence sur les performances zootechniques (fertilité, prolificité, croissance des agneaux). Cependant, le déroulement des agnelages Fourrages (2009) 199, 349-371 355 e. Pottier et al. Etude M1 Système V1 V2 F1 S1 S2 S3 S4 S5 S6 146 0,94 187 129 0,92 182 160 0,92 208 172 1,09 178 171 1,06 182 153 0,97 177 161 1,29 154 151 1,04 165 150 0,97 166 110 32 / 72 11 nd nd nd 92 56 / 58 7 nd nd nd 149 / 67 61 7 81 81 nd 108 23 / 37 67 81 81 59 79 8 / 23 18 87 87 74 71 12 / 32 0 88 88 79 156 43 / 50 0 69 76 59(5) 121 19 / 46 0 73 79 65(5) 93 24 / 58 0 86 90 65(5) Productivité numérique(1) Taux de mise bas Prolificité Concentrés consommés (kg brut) - par brebis(2) - par agneau né au printemps - par agneau né en été - par agneau né à l’automne Apport d’azote (kg/ha) Autonomie fourragère(3) (%) Autonomie alimentaire(4) (%) Marge brute / brebis (€ courant) M2 R1 R2 R3 R4 1 : Nb d’agneaux produits pour 100 brebis mises en lutte au Mourier (M1, M2) ou pour 100 brebis de + 6 mois à Redon (R1 à R4) 2 : Consommation du couple mère-agneaux : par brebis de + 6 mois au Mourier, de + de 12 mois à Redon 3 : Part des besoins UF du système couvert par les UF produites par la surface fourragère 4 : Part des besoins UF du système couvert par les UF produites par la surface fourragère et les cultures de céréales 5 : Avec PBC (Prime à la Brebis et à la Chèvre) découplée au pâturage s’est accompagné d’une mortalité plus élevée dans le système S3, mortalité liée aux prédateurs. Pour les systèmes S5 et S6 en agriculture biologique, la baisse de productivité numérique par brebis comparativement à l’essai R1 est essentiellement liée à la baisse de la prolificité (166% vs 181%), la fertilité étant meilleure (93,4% vs 81,5%). Le non-usage des traitements hormonaux n’a donc pas pénalisé la fertilité mais seulement la prolificité. Cela est également vrai en S4, où l’on constate qu’une conduite accélérée de la reproduction en race Limousine peut être compatible avec l’obtention de bons résultats de reproduction (taux de mise bas, productivité numérique), y compris au printemps (TOURNADRE et al., 2009) ■ Des systèmes économes Les consommations d’aliments concentrés sont faibles à très faibles dans tous les systèmes : moins de 120 kg par brebis et par an pour les conduites en un agnelage par brebis et par an et mises bas principales au printemps, contre 157 à 177 kg dans les élevages privés en agriculture conventionnelle (BENOIT et LAIGNEL, 2009). Les pratiques de pâturage hivernal ont permis de diminuer la consommation de concentré par les brebis. Ainsi, pour V1, elle a été réduite de moitié entre 1995 et 2000 (64 vs 35 kg brut par brebis). Au final, sur la base des références de l’année 2000, la production de 1 kg de carcasse dans le système V1 a nécessité 5,3 kg de concentré contre 6,1 dans les exploitations des Réseaux d’Elevage pour le système de production le plus proche. En V2, où le pâturage hivernal a été pratiqué dès le début de l’étude, la consommation de concentré a atteint seulement 92 kg/brebis/an. De même, en S3, le pâturage hivernal s’est aussi traduit par une faible consommation de concentré. En parallèle, les consommations de fourrages 356 Fourrages (2009) 199, 349-371 TABLEAU 4 : Principaux résultats dans les études du Mourier et de Redon. table 4 : Main results in the trials at Le Mourier and Redon. maximiser la part du pâturage dans l’alimentation des ovins conservés ont été limitées : respectivement 90 kg et 111 kg de MS/brebis pour V1 et V2. De même, en S3, le pâturage hivernal a permis de réduire d’environ 25% le besoin annuel en fourrages conservés (BRELURUT et al., 1998 ; DEDIEU et al., 2008). Pour le système F1, les consommations moyennes de fourrage et de concentrés ont été respectivement de 165 kg de MS et 149 kg brut par brebis, ce qui reste modeste pour des systèmes avec une production principale de contre-saison. En 2007, les consommations de fourrages du système F1 ont été réduites de moitié principalement par l’adoption du pâturage pour toutes les brebis en lactation à l’automne. Dans le système S2, l’augmentation de la surface fourragère a permis d’accroître la part des fourrages dans l’alimentation du troupeau, en particulier via l’augmentation du nombre de jours de pâturage (THÉRIEZ et al., 1997). Elle a également été mise à profit pour réduire de façon importante les charges sur la surface fourragère et les quantités de concentré distribuées (respectivement 2/3 et 1/3 de moins pour le système S2 que pour S1), conditions essentielles à la réussite économique d’une extensification. En S3, aucun apport de fertilisation azotée n’a eu lieu compte tenu du chargement très faible. Enfin, l’adaptation du chargement au contexte de production de l’agriculture biologique et la production d’agneaux à l’herbe (S4 et S5) permettent ici encore de maîtriser les consommations de concentré (156 et 121 kg/brebis/an) ; en élevages privés elles atteignent en moyenne 185 kg/brebis/an en zone de moyenne montagne (BENOIT et LAIGNEL, 2009). Par ailleurs, une plus forte proportion de mises bas au printemps (S6 vs S5) permet également de réduire le recours aux aliments concentrés. ■ Des systèmes autonomes Exception faite de la première année (semis de printemps), le système vendéen (V1) s’est révélé systématiquement en surproduction fourragère (figure 1), y compris en 1997 malgré un début de printemps particulièrement sec. Sur la deuxième étude (systèmes V2 et F1), avec des chargements plus élevés, la balance Taux de couverture 450% FIGURE 1 : Taux de couverture annuel de la consommation de fourrages par les récoltes dans les études du Mourier et de Redon. 400% Figure 1 : Part of the annual forage consumption provided for by the harvests in the trials at Le Mourier and Redon. 100% 350% 300% 250% V1 V2 F1 S1 S2 S3 S4 S5 S6 200% 150% 50% 0% 1988 1990 1992 Fourrages (2009) 199, 349-371 1996 1998 2000 2002 2004 2006 357 e. Pottier et al. fourragère est un peu plus variable, l’autonomie étant toutefois atteinte 3 années sur 4. Le bilan fourrager a toujours été excédentaire pour les systèmes S2 et S3, mais seulement 5 années sur 8 pour les systèmes en agriculture biologique. Cependant, pour ceuxci, l’achat de fourrages n’a été nécessaire qu’en 2002 et 2003 (pluviométrie au premier trimestre inférieure de plus de moitié à la normale) ; en 2006, le déficit a en effet été couvert par les excédents de stocks récoltés en 2004 et 2005. Les adaptations mises en œuvre conduisent ainsi à des systèmes où l’autonomie fourragère est très élevée. Elle est comprise entre 81 et 88% pour les études en conventionnel, à comparer à 70% dans les élevages privés (BENOIT et LAIGNEL, 2009), et entre 69 et 86% pour les conduites en AB (61% en élevage privés). Ainsi, en l’absence de fertilisation minérale mais avec une part non négligeable de légumineuses fourragères, le système biologique S6 atteint une autonomie équivalente au système conventionnel S2. L’autonomie vis-à-vis des aliments est accrue par l’introduction de cultures de céréales (F1, S4 à S6), particulièrement intéressante en AB où le prix des concentrés est très élevé (BENOIT et al., 2009). Cela permet également d’implanter ensuite des prairies temporaires riches en légumineuses qui contribuent à l’apport d’azote dans le système et qui sont bien adaptées à la production d’agneaux d’herbe. ■ Des systèmes économiquement performants Dans toutes les études pour lesquelles nous disposons des données économiques, la marge brute moyenne par brebis a toujours été élevée par rapport à celle observée dans nos réseaux de fermes (THÉRIEZ et al., 1997 ; DEDIEU et al., 2008 ; BENOIT et al., 2009). Pour le système S2, le supplément de marge par rapport à S1 a permis de couvrir les charges de location et d’entretien du foncier et les charges sociales liées à l’agrandissement. Cependant, contrairement à ce qui est observé en élevage conventionnel, l’accélération du rythme de mise bas en AB n’a pas permis de générer une amélioration des résultats économiques en raison du coût des concentrés en agriculture biologique. ■ Des systèmes qui entretiennent le territoire Sur Redon, les excédents fourragers ont pu être gérés sans difficulté lorsque le chargement était de 0,8 (S4 à S6) à 0,85 UGB/ha (S2). En revanche, à 0,6 UGB/ha (S3), les conduites mises en œuvre n’ont pas permis de limiter totalement le développement des ligneux (+ 50%), ni la dégradation de la valeur pastorale des parcelles éloignées du siège d’exploitation (- 22%) (BRELURUT et al., 1998 ; DEDIEU et al., 2008). 4. Enseignements Ces études entreprises dans deux contextes pédoclimatiques différents confirment qu’une conduite économe des troupeaux s’appuyant avant tout sur le pâturage est compatible avec des 358 Fourrages (2009) 199, 349-371 maximiser la part du pâturage dans l’alimentation des ovins performances animales élevées. Ces résultats s’expliquent par la recherche d’une valorisation maximale de l’ensemble des potentialités disponibles, associée à des adaptations dans la conduite des surfaces et des animaux. ■ Adapter le système de reproduction et valoriser la diversité des potentialités Le choix des périodes de mises bas, tant sur le plan temporel que sur celui de la répartition des effectifs, est un élément clé pour accroître les quantités d’herbe prélevées au pâturage et ainsi réduire les achats d’aliments. Une forte proportion de mises bas au printemps associée à l’élevage des agneaux à l’herbe permet de diminuer les consommations de concentrés et de maîtriser le renouvellement de la ressource fourragère en situation de très faible chargement, en maximisant l’impact des troupeaux sur le territoire. Par ailleurs, le choix de plusieurs périodes d’agnelage permet de tirer avantage de lots d’animaux à besoins différents pour valoriser au mieux la diversité des ressources fourragères. De ce point de vue, l’espèce ovine présente des atouts indéniables, avec son cycle de production court, son gabarit réduit, sa forte capacité de tri et son aptitude à pâturer des végétations rases (PRACHE et PEYRAUD, 1997). ■ Pâturer en hiver L’allongement du pâturage sur la saison hivernale peut améliorer l’autonomie alimentaire par une meilleure valorisation de l’herbe produite sans pénaliser la production fourragère annuelle (POTTIER et al., 2002 ; ARRANZ et al., 1997). S’agissant principalement de valoriser des stocks sur pied, le chargement en période hivernale ne peut être élevé et dépendra de la rigueur et de la longueur de l’hiver. Les travaux réalisés en Limousin montrent qu’un chargement moyen de 2 à 4 brebis par hectare, selon l’altitude, est compatible avec un pâturage tout l’hiver. C’est pourquoi, exception faite de systèmes très extensifs, cette pratique ne peut concerner qu’une partie du troupeau dans les systèmes peu chargés. Dans les systèmes à plusieurs périodes d’agnelage, tels qu’ils se développent aujourd’hui, la valorisation de l’herbe en hiver par des brebis à forts besoins, en gestation, peut être envisagée sans complémentation compte tenu de la valeur alimentaire de l’herbe (POTTIER et al., 2001). Dans des milieux plus difficiles de landes ou de parcours, le recours à une complémentation est souvent nécessaire (GAUTIER et MOULIN, 2004). En conditions très extensives, cette pratique participe également à l’entretien des surfaces et au maintien de leur valeur pastorale. On constate toutefois qu’une certaine pression de pâturage doit être maintenue pour limiter l’envahissement par les ligneux (BRELURUT et al., 1998). ■ Cultiver des légumineuses fourragères L’implantation de légumineuses fourragères se révèle être un levier important qui présente plusieurs intérêts. Au printemps, ces Fourrages (2009) 199, 349-371 359 e. Pottier et al. surfaces permettent de récolter des fourrages de qualité qui contribuent à diminuer les apports en concentré aux brebis mais également aux agneaux (POTTIER, 2004). Mais, de façon tout aussi intéressante, leur meilleure tolérance aux températures élevées et à la sécheresse permet de sécuriser le pâturage d’été et d’automne, pour des brebis en lactation ou des agneaux en finition (PRACHE et THÉRIEZ, 1988 ; POTTIER, 2004). Par ailleurs, dans des systèmes s’interdisant le recours aux engrais chimiques, les légumineuses contribuent à l’équilibre azoté du système et au maintien du potentiel de production des prairies. ■ Finir un maximum d’agneaux à l’herbe La finition des agneaux à l’herbe contribue également à réduire fortement les besoins en concentré comme l’illustrent les résultats du tableau 4. Cependant, la réussite de ce type de finition nécessite la mise en œuvre d’un ensemble de conduites dont les principales ont été énoncées précédemment. En particulier, la conception du système doit garantir une ressource suffisamment abondante et de qualité, du printemps à la fin de l’été. La réussite est également conditionnée à un certain nombre de facteurs animaux, et tout particulièrement l’âge et le poids vif des agneaux au sevrage (PRACHE et al., 1986 ; PRACHE et THERIEZ, 1988). Les sécheresses de ces dernières années couplées à la volonté des éleveurs de simplifier le travail ont ainsi largement contribué à réduire la proportion d’agneaux finis à l’herbe (BELLET et al., 2008). Cependant, avec la forte augmentation du prix des concentrés constatée en 2007-2008, la finition des agneaux à l’herbe intéresse à nouveaux les éleveurs. Quels impacts sur l’environnement ? 1. Bilan énergétique ■ Exemple de systèmes ovins herbagers en zone de plaine Le Montmorillonnais, au sud de la Vienne, avec un potentiel agronomique relativement faible (terres de Brandes), est une région traditionnelle d’élevage ovin allaitant, même si l’effectif de brebis a fortement baissé depuis la réforme de la PAC de 1992. Une certaine diversité de systèmes d’élevage peut être observée, en forte évolution durant ces 15 dernières années (BENOIT et LAIGNEL, 2004). Une typologie a été élaborée en 2004 (20 exploitations) sur la base de 14 variables soit de structure (SAU, productivité du travail, part de l’activité d’élevage, part des ovins dans l’élevage, chargement de la SFP, charges de structure, main d’œuvre salariée, taux d’endettement), soit concernant l’atelier ovin (marge brute par brebis, frais fourragers, part de mises bas de contre-saison, part des agneaux engraissés à l’herbe, quantité de concentrés distribués par brebis) ou l’atelier de grandes cultures (marge brute par ha). Les 5 groupes identifiés dans cette typologie ont été reconstitués par modélisation avec le modèle OSTRAL (BENOIT, 1998 ; conjoncture 2006) 360 Fourrages (2009) 199, 349-371 maximiser la part du pâturage dans l’alimentation des ovins TABLEAU 5 : Caractéristiques des types d’exploitations étudiés par simulation en Montmorillonnais. table 5 : Characteristics of the farm types studied by simulation in Montmorillonnais. Type d’exploitation Mixte Ovin culture Surface agricole utile (ha) 130 165 dont Total cultures 37 113 dont Cultures pour ovins 9 5 Chargement (UGB/ha surf. fourragère) 1,08 0,74 Nombre de brebis (de + de 12 mois) 234 612 Productivité numérique par brebis 1,42 1,39 Indice de contre-saison(1) (%) 69 37 Poids de carcasse (kg/agneau) 17,8 18,4 Concentrés : total par brebis (kg) 187 137 dont achetés (% du total) 77 (56%) 95 (51%) Concentrés : total/kg carcasse (kg) 9,0 6,1 Autonomie fourragère (%) 78,2 65,4 Autonomie alimentaire (%) 82,0 88,5 Bilan azoté apparent (kg N/ha) 26 49 Efficacité énergétique - globale 1,80 3,90 - de l’atelier ovin 0,42 0,36 - des cultures de vente 5,40 4,90 Consommation d'énergie (EQF/kg carcasse) 2,18 2,54 Herbager Extensif + autonome cultures 120 3 3 0,90 623 1,47 10 19,1 73 50 (68%) 3,1 88,8 92,5 15 148 72 5 0,70 335 1,09 6 17,8 75 22 (29%) 4,7 86,0 95,7 12 0,62 0,62 - 3,40 0,54 4,50 1,47 1,75 1 : Reflète la part des mises bas en contre-saison (BENOIT et LAIGNEL, 2007) sur la base des caractéristiques initiales de fonctionnement et de performance des ateliers ovins et cultures, et en reconstituant a posteriori les bilans énergétiques sur la base d’itinéraires techniques calibrés dans le modèle (âge des matériels et bâtiments, structuration du parcellaire comparable...). Pour cela, le logiciel PLANETE de Solagro (BOCHU, 2002) a été couplé à OSTRAL. Les principales caractéristiques de 4 groupes typologiques seulement sont présentées au tableau 5. Le cinquième groupe (“Mixte moins autonome”) n’est pas présenté car peu enrichissant pour l’analyse. On observe une grande disparité de résultats entre groupes, avec une efficacité énergétique de l’atelier ovin qui varie presque du simple au double. La meilleure efficacité énergétique s’élève à 0,62 pour le type Herbager autonome contre 0,54 pour les Extensifs, 0,42 pour le type Mixte et seulement 0,36 pour le type Ovin - culture. En revanche, grâce à une importante activité de cultures de ventes (qui présentent des efficacités énergétiques de 4,5 à 5,4), ces deux derniers groupes affichent des efficacités énergétiques globales de leur exploitation supérieures à 1,8, atteignant 3,9 pour le type Ovin - culture contre seulement 0,62 pour le type Herbager autonome, qui ne vend pas de céréales. La consommation d’énergie non renouvelable (en équivalent litres de fuel, EQF) par kg de carcasse produit atteint seulement 1,47 chez le type Herbager autonome (de 1,75 à 2,54 pour les autres types) grâce à i) une part importante de fourrages (dont de l’herbe pâturée) dans la ration (peu de concentrés), ii) une faible utilisation d’azote (apport de 13 unités N minéral/ha de SFP), iii) une faible consommation d’énergie indirecte, liée à un parc de matériel peu important et de puissance moyenne, et des surfaces de bâtiments (anciens) réduites, iv) une forte productivité pondérale (kg de carcasse produits) par femelle grâce à une forte productivité numérique et un poids élevé des agneaux à la vente. Fourrages (2009) 199, 349-371 361 e. Pottier et al. ■ Cas des études systèmes des sites du Mourier et de Redon Nous limitons ici l’analyse de l’impact environnemental à l’étude du bilan énergétique des études systèmes : - de Redon pour les années 2006 et 2007 qui peuvent être considérées comme relativement favorables d’un point de vue fourrager (pluviométrie correcte) et qui permettent de montrer le potentiel de ce système ; - du Mourier pour les systèmes V2 et F1 suivis entre 2003 et 2007. Afin d’évaluer de façon correcte le parc de matériel et les bâtiments qui correspondraient à une structure privée viable, l’ensemble des résultats techniques a été extrapolé pour des troupes ovines de 500 et 700 brebis respectivement pour Redon et Le Mourier. Pour cela, nous avons utilisé le logiciel OSTRAL qui permet de reconstituer le fonctionnement global du système de production, depuis le fonctionnement du troupeau et ses performances techniques et économiques (niveau de productivité numérique, valorisation des agneaux, produit et charges d’élevage, chargement de la SFP, céréales autoproduites...) jusqu’aux performances globales du système (revenu, bilan énergie). Les éléments “structuraux” (essentiellement le parc de matériel et les itinéraires techniques correspondants) ont été reconstitués sur la base des types et volumes de stocks nécessaires et des surfaces de céréales à cultiver. Nous disposons ainsi d’un ensemble de critères d’analyse, ceux concernant l’atelier ovin (critères à la brebis, autonomie fourragère) qui correspondent aux observations réalisées, et ceux non disponibles en expérimentation (en lien avec les éléments structuraux de la ferme) qui, eux, ont été estimés par simulation. - Caractéristiques des systèmes modélisés : La surface simulée du système herbager de Redon (S6) est de 113 ha, dont 5,5 pour la production de céréales autoconsommées, le chargement étant de 0,70 UGB/ha. La productivité numérique retenue est de 1,50, avec un poids de carcasse de 16,5 kg et un prix des agneaux de 5,1 €/kg. La consommation de concentrés (par les brebis et les agneaux) est de 72 kg (l’ensemble des agneaux de printemps étant engraissé à l’herbe avec en moyenne 25 kg de concentré par tête). Les autonomies fourragère et alimentaire atteignent 88% et 94%. Dans le cas des études réalisées au Mourier, ce sont les performances zootechniques moyennes obtenues sur les quatre années qui ont été retenues. - Principaux résultats : A Redon, l’efficacité énergétique est de 0,61 avec une consommation d’énergie de 1,49 EQF par kg de carcasse produit. Ces niveaux sont très voisins de ceux du type Herbager autonome du Montmorillonnais (respectivement 0,62 et 1,47), mais avec des profils de postes de dépenses énergétiques un peu différents (figure 2). Les éleveurs du type Herbager autonome pratiquent le pâturage hivernal, ce qui permet une charge de 362 Fourrages (2009) 199, 349-371 P Figure 2 : Main items of energy expenditure (direct and indirect) in 2 grassland-based systems : Redon (s6 system, organic farming); Montmorillonnais (nonorganic, self-sufficient grassland-based system). Consommation d'énergie (EQF/kg carcasse) 0,50 0,40 0,30 Redon Montmorillonnais 0,20 0,10 0 Fu el co ns Ac om ha m é ts d’ al im en M ts at ér ie ls Bâ tim en ts El ec t Au ri c Au ité tre tre s s pr ac od En ha ui gr ts ts ai pé s et tro am lie en rs de m e Se nt s m en En ce s er gi e Je / un ea es u Ph anim yt au os x an ita ire s FIGURE 2 : Principaux postes de dépense énergétique (directe et indirecte) pour 2 systèmes herbagers : à Redon (système S6 en agriculture biologique) et dans le Montmorillonnais (type “Herbager autonome” conventionnel). maximiser la part du pâturage dans l’alimentation des ovins bâtiment faible (d’un point de vue économique et énergétique) et limite l’utilisation du matériel. En revanche, l’utilisation d’azote minéral, même à faible dose, est significative dans l’élaboration du bilan énergétique. La part des céréales autoproduites est un peu supérieure à Redon, ce qui limite l’énergie indirecte liée à l’achat d’aliments mais contribue à l’augmentation de l’utilisation du matériel. L’essentiel du fuel consommé à Redon (69%) correspond à la récolte, au stockage et à la distribution du fourrage, paille de litière comprise. Le report de fourrage sur pied pour une utilisation en pâturage hivernal représente une économie d’énergie directe majeure, ce poste (fuel) étant le plus important en termes de dépense énergétique à l’échelle de l’exploitation. Les bilans énergétiques obtenus sur les systèmes du Mourier s’avèrent nettement moins bons avec une efficacité énergétique de l’ordre de 0,40 pour les deux études et des consommations d’énergie de 2,27 EQF par kg de carcasse produit. Dans le cas du système V2, ce résultat s’explique par 3 facteurs : i/ la productivité numérique du troupeau, inférieure à celle obtenue sur le dispositif de Redon, ii/ des poids de carcasse plus faibles, et iii/ une production d’agneaux à contre-saison plus importante. Dans le cas du système F1, ce sont avant tout les consommations de concentré plus élevées, associées à une plus faible autonomie (17%), ainsi que l’achat des agnelles de renouvellement qui pèsent sur l’énergie indirecte entrant dans le système. ■ Principales conclusions En élevage ovin viande, une efficacité énergétique supérieure à 0,60 et une consommation d’énergie inférieure à 1,50 EQF par kg de carcasse, telles qu’obtenues chez le type Herbager autonome, peuvent être considérées comme excellentes, le niveau moyen étant plutôt de l’ordre de 0,40 pour l’efficacité énergétique (BENOIT et BOISDON, 2003) et de 2,0 (entre 1,1 et 3,3) pour la consommation d’énergie (BOCHU, 2007). Dans ces systèmes herbagers, la gestion des prairies est fondamentale. Ces prairies Fourrages (2009) 199, 349-371 363 e. Pottier et al. représentent 98% de la SAU et sont régulièrement renouvelées (20% de la SFP tous les ans) par semis de printemps, sur la base de mélanges laissant une place importante aux légumineuses (trèfle violet et trèfle blanc, associés à du ray-grass). En première année d’utilisation, elles sont prioritairement destinées à l’engraissement des agneaux en été. En hiver, l’essentiel du troupeau est au pâturage. Les mises bas se déroulent principalement au printemps (90% entre mi-février et mai pour les agnelles) et seules les brebis sont entrées en bergerie, au moment de la mise bas, durant une quinzaine de jours. Les agneaux sortent le plus tôt possible avec les mères afin de consommer rapidement de l’herbe et sont principalement finis au pâturage. Seules des adaptations extrêmes des systèmes d’élevage (autonomie totale en concentré, absence totale d’apport d’azote minéral, production de fuel à la ferme et/ou élevage en plein air intégral, avec des matériels et bâtiments amortis) permettent d’approcher une efficacité énergétique de 1,0 et une consommation de 1,0 EQF par kg de carcasse (BENOIT et BOISDON, 2003 ; BENOIT et LAIGNEL, 2007). Les principaux facteurs déterminant une faible quantité d’énergie consommée reposent sur : - une forte part des besoins alimentaires couverts par les ressources fourragères via, en premier lieu, le pâturage ; - une autonomie alimentaire élevée (production à la ferme des UF et protéines non fourragères) ; - l’utilisation la plus faible possible d’azote minéral. Toutefois, l’efficacité du système repose également sur la performance animale et en premier lieu sur une productivité pondérale par brebis élevée (productivité numérique et poids des agneaux) au regard du type génétique. L’importance de la productivité numérique est toutefois soumise à la condition essentielle de disposer de brebis au potentiel laitier élevé, capables d’allaiter deux agneaux. 2. Bilans N-P-K Les bilans apparents réalisés sur les différents systèmes conduits au Mourier font apparaître des excédents concernant l’azote, de 21 à 51 unités/ha, mais également le phosphore et la potasse (tableau 6). Pour l’azote, les principales sources d’intrants Etude M1 Système V1 V2 F2 S6 N (kg N/ha) Avec fixation par les légumineuses Sans fixation par les légumineuses P (kg P2O5/ha) K (kg K2O/ha) 21 21 24 43 49 8 4 10 53 15 3 17 / 0 / / 364 M2 R4 Fourrages (2009) 199, 349-371 TABLEAU 6 : Bilan apparent des minéraux dans les systèmes expérimentaux du Mourier et de Redon. table 6 : Apparent mineral balances in the experimental systems of Le Mourier and Redon. maximiser la part du pâturage dans l’alimentation des ovins sont i) la fixation par les légumineuses qui représente 63% des apports totaux sur la période 2004-2007 avec l’introduction du trèfle violet, et ii) les aliments achetés, respectivement 65 puis 28% des entrées pour les périodes 1995-2000 et 2004-2007. L’apport de fertilisation minérale pèse de façon modeste sur le bilan (4%), compte tenu des faibles quantités épandues. Les bilans pour le phosphore et la potasse sont plus variables selon la période d’étude. Si, entre 1995 et 2000 des excédents ont été dégagés (respectivement 24 et 43 unités/ha pour P2O5 et K2O), les adaptations postérieures aboutissent à une diminution forte. Toutefois, ces excédents représentent la totalité des apports minéraux réalisés pour le phosphore et la moitié pour la potasse. Par conséquent, la suppression des achats d’engrais n’entraînerait pas de déficit de P et ne provoquerait qu’un léger déficit pour K. Les suivis des Indices de Nutrition de 2 parcelles (praires temporaires âgées, pâturées toute l’année et fauchées tous les ans en foin) ne révèlent pas d’évolution marquée concernant ces deux minéraux (rendement moyen annuel évalué à 6,5 t MS). 3. Biodiversité Au-delà de leur rôle majeur dans la production de ressources alimentaires pour les ruminants, les prairies sont aussi des éléments forts des paysages, des réservoirs de biodiversité floristique et faunistique et également des pièges à carbone. L’élevage doit ainsi de plus en plus répondre à des demandes relatives à la biodiversité prairiale, celle-ci pouvant également lui être utile (voir la synthèse de FARRUGGIA et al., 2008) en termes de valeur nutritive des prairies, de souplesse d’utilisation et de motivation des animaux à ingérer (CORTES et al., 2006). La synthèse de DUMONT et al. (2007) a fait le point sur les principaux facteurs déterminant la biodiversité prairiale, ainsi que sur des premiers résultats obtenus en pâturage bovin. En résumé, les résultats montrent que l’action du pâturage est essentiellement liée à la défoliation des animaux, qui crée de l’hétérogénéité et influence à terme la biodiversité. Le niveau de fertilisation des prairies, au-delà de ses effets sur le bilan énergétique et azoté de l’exploitation, ainsi que le niveau de chargement animal sélectionnent les espèces végétales présentes. De plus, la manière dont le chargement est appliqué, en particulier la durée de la saison de pâturage (avec la pratique ou non du pâturage hivernal), ainsi que le retrait du circuit de pâturage des parcelles au moment du pic de floraison ont des effets clairs sur la biodiversité des prairies. Ces premières études ont essentiellement concerné le pâturage bovin, mais des essais démarrent sur les effets de différentes modalités de pâturage par des ovins. Enfin, signalons que la biodiversité ne se raisonne pas seulement à l’échelle d’une parcelle mais, au-delà, dans la diversité d’utilisation des surfaces au sein d’une même exploitation et la diversité des types d’exploitations à l’échelle d’une petite région. Fourrages (2009) 199, 349-371 365 e. Pottier et al. Quels impacts sur la qualité des produits ? Une étude effectuée en Europe révèle que les consommateurs français de viande d’agneau accordent une très grande importance à la manière dont l’animal a été alimenté, ainsi qu’aux aspects de respect de l’environnement et de bien-être animal (BERNUES et al., 2003). Au-delà de l’image que les consommateurs peuvent avoir des systèmes d’élevage, des études montrent effectivement que la nature de l’alimentation influence fortement les qualités nutritionnelles et sensorielles de la viande d’agneau. 1. Qualités nutritionnelles de la viande Par rapport à l’alimentation en bergerie avec du concentré et du foin, l’élevage à l’herbe des agneaux est favorable à la valeur santé des acides gras déposés dans la viande, avec une moindre proportion d’acide palmitique (C16:0), réputé pro-athérogène, et une plus grande proportion d’acides gras de la famille des oméga 3 et du CLA (AUROUSSEAU et al., 2004). L’augmentation de la proportion de CLA est d’autant plus marquée que les conditions de pâturage sont favorables (herbe de bonne qualité disponible à volonté). Par ailleurs, en cas de finition en bergerie après une phase d’élevage à l’herbe, l’effet sur la composition en acides gras des lipides de la viande dépend de la durée de la finition : faible si la durée de finition est courte (3 semaines), auquel cas l’effet de l’alimentation à l’herbe sur les qualités nutritionnelles est globalement maintenue, ou fort si la durée de finition est plus longue (6 semaines), et dans ce cas la composition en acides gras des lipides de la viande se rapproche plutôt de celle d’agneaux de bergerie (AUROUSSEAU et al., 2007). 2. Qualités sensorielles de la carcasse et de la viande La proportion d’acide stéarique (C18:0) est plus élevée chez les agneaux d’herbe que chez les agneaux de bergerie (AUROUSSEAU et al., 2004), ce qui est favorable à la fermeté du gras sous-cutané (PRIOLO et al., 2002), critère important de qualité de la carcasse. La couleur du gras est très légèrement plus jaune chez les agneaux d’herbe, en lien avec les pigments caroténoïdes de l’herbe pâturée (PRIOLO et al., 2002), mais cet effet n’est souvent pas perceptible à l’œil. La viande des agneaux finis à l’herbe est en moyenne plus sombre et a une flaveur plus forte que la viande des animaux finis avec un régime à base de concentré. Cependant, la différence entre les deux types d’agneaux dépend beaucoup de leur vitesse de croissance et de leur âge à l’abattage : ainsi, la flaveur est peu augmentée chez les agneaux abattus jeunes alors qu’elle est beaucoup plus forte chez les agneaux âgés à l’abattage (ROUSSET -AKRIM et al., 1997). Pour ce qui concerne la nature de la prairie, plusieurs études montrent que la viande d’agneaux élevés au pâturage présente une flaveur plus intense et moins appréciée lorsque l’animal 366 Fourrages (2009) 199, 349-371 maximiser la part du pâturage dans l’alimentation des ovins consomme un régime riche en trèfle blanc par rapport à un régime riche en graminées. Ceci est lié à une concentration du tissu adipeux plus élevée en scatole et en acides gras courts (C8 et C9) ramifiés (SCHREURS et al., 2007 ; YOUNG et al., 2003). Ainsi, malgré leur intérêt pour la nutrition des animaux et la captation de l’azote de l’air, les prairies riches en trèfle blanc pourraient accroître le risque de défauts de flaveur, point à souligner pour l’élevage biologique où le trèfle blanc est particulièrement recherché dans les prairies (PRACHE et al.., 2009). 3. Authentification de l’alimentation de l’agneau à partir de mesures sur le produit Compte tenu des avantages nutritionnels de la viande produite à l’herbe et de l’image positive que les consommateurs en ont, des études ont été développées pour discriminer, sur le produit viande, les agneaux engraissés à l’herbe de ceux qui ont été engraissés avec un régime à base de concentré. Les méthodes d’authentification ainsi développées sont basées soit sur la quantification dans le gras ou la viande de composés traceurs dont la présence ou les proportions sont caractéristiques de l’alimentation (par exemple les caroténoïdes, les terpènes et les acides gras), soit sur les propriétés optiques de ces tissus (PRACHE, 2007 ; PRACHE et al., 2007). A titre d’exemple, la spectroscopie dans le proche infrarouge, qui est une méthode spectrale globale, a permis, sur une base de 120 agneaux d’herbe et 139 agneaux de bergerie de race Limousine, de reconnaître correctement 97,5% des agneaux d’herbe et 97,8% des agneaux de bergerie (DIAN et al., 2008). Ces méthodes sont maintenant testées dans des conditions d’alimentation moins contrastées, par exemple en cas de complémentation au pâturage ou lors d’une finition en bergerie (PRACHE et al., 2003 ; PRACHE et al., 2007 ) et en interaction avec les caractéristiques des animaux, en particulier la race. Ces différentes études montrent que l’élevage à l’herbe est favorable du point de vue des qualités nutritionnelles de la viande d’agneau, mais parfois défavorable du point de vue de ses qualités sensorielles pour les consommateurs français (flaveur, en particulier). Signalons cependant que, si les qualités sensorielles sont très importantes pour les consommateurs, le jugement peut varier sensiblement entre pays. Par ailleurs, ces différents critères de qualité sont plus variables chez les agneaux d’herbe que chez les agneaux de bergerie, ce qui peut nécessiter des contraintes de tri supplémentaires pour gérer cette variabilité au niveau de la filière. Enfin, il existe des méthodes assez simples d’utilisation qui permettent, sur la carcasse, d’authentifier le régime alimentaire de l’agneau. Conclusion Les systèmes herbagers testés dans ces études utilisent essentiellement des prairies permanentes et des parcours et ils montrent tout l’intérêt de ces surfaces dans le système d’alimentation de troupeaux performants. Fourrages (2009) 199, 349-371 367 e. Pottier et al. Face à la volatilité du prix des intrants, nos études proposent des pistes d’adaptations des conduites pour limiter les coûts de production. L’ajustement du niveau de chargement aux potentialités du milieu s’avère être un levier d’action majeur pour limiter les intrants. Il permet en effet d’augmenter la part des fourrages dans la ration, notamment celle de l’herbe pâturée, et en conséquence de réduire les achats d’aliments concentrés. Il permet aussi un moindre recours aux engrais minéraux, voire de les supprimer totalement. Cependant, la réduction des intrants, pour être effective, doit s’accompagner d’une modification des pratiques d’élevage (élevage des agneaux à l’herbe, réduction des apports de concentrés, organisation du pâturage, fauches précoces, cultures de légumineuses et éventuellement de céréales) qui impliquent des décisions d’anticipation importantes. D’autres adaptations permettent d’accroître encore la valorisation de la ressource herbacée, par exemple le pâturage hivernal, le choix des dates de mise bas et leur répartition dans l’année. Ces adaptations, appliquées sur plusieurs années dans nos études, démontrent que des niveaux élevés d’autonomie fourragère et alimentaire peuvent être obtenus durablement et que des performances technico-économiques élevées sont compatibles avec l’herbe pâturée comme aliment principal. Du point de vue de l’entretien du territoire, une diminution du chargement d’environ 30% par rapport à une conduite relativement intensive n’a pas induit de sous-exploitation de l’herbe produite, mais en deçà, la maîtrise du renouvellement de la ressource est devenue plus difficile. Par ailleurs, la part importante des fourrages dans la ration des animaux et le faible apport d’azote minéral, associés à une forte productivité pondérale des troupeaux permettent une très bonne efficacité énergétique et une faible consommation d’énergie non renouvelable par kg de carcasse produit. De manière plus générale, une productivité animale élevée dans des systèmes herbagers basés sur le pâturage permet de minimiser l'émission de gaz à effet de serre par kg de viande produite tout en permettant la séquestration du carbone dans les prairies. Enfin, malgré une plus grande variabilité de la qualité de la carcasse et de la viande et une flaveur plus forte lorsque l’agneau est élevé à l’herbe, une part importante d’herbe dans l’alimentation de l’agneau peut constituer un atout vis-à-vis des consommateurs, du fait d’une meilleure qualité nutritionnelle de la viande par rapport à une production en bergerie. Des méthodes sont actuellement développées qui permettent d’authentifier l’alimentation à l’herbe chez l’agneau et plus largement dans les produits laitiers et carnés. Intervention présentée aux Journées de l’A.F.P.F., “Des fourrages de qualité pour des élevages à hautes performances économiques et environnementales”, les 25-26 mars 2009. 368 Fourrages (2009) 199, 349-371 maximiser la part du pâturage dans l’alimentation des ovins réFérences bibliograPhiques ARRANz J.M, LAGRIFFoUL G., BoCqUIER F. (1997) : “L’importance du pâturage dans l’alimentation hivernale des brebis laitières en Pyrenées-Atlantiques et son incidence sur la production laitière (approche par enquête)”, rencontres recherches ruminants, 4, 156. AURoUSSEAU B, BAUCHART D., CALICHoN E., MICoL D., PRIoLo A. (2004) : “Effect of grass or concentrate feeding systems and rate of growth on triglyceride and phospholipid and their fatty acids in the M. longissimus thoracis of lambs”, meat sci., 66(3), 531-541. AURoUSSEAU B, BAUCHART D., FAURE X., GALoT A. L., PRACHE S., MICoL D., PRIoLo A. 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These experiments, developed at the level of the production system, demonstrate that economical sheep farming systems based on grazing are compatible with high animal performances. The main adaptations that have been implemented towards this objective concerned stocking rate, lambing distribution, introduction of forage legume, winter grazing and lamb production at pasture, which effects on lamb carcass and meat quality are summarized. Moreover, combining a high ewe productivity with a high pasture utilization and a moderate use of fertilisation contribute to a low use of non-renewable energy per kg of meat produced. Fourrages (2009) 199, 349-371 371