FORUM EUROPÉEN

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FORUM EUROPÉEN
FORUM EUROPÉEN
Sécucités
Drogues
Formation
pilote à la
prévention et
au traitement
des
toxicomanies
Pour élus et
acteurs locaux
de petites et
moyennes villes
FESU Publications
Sécucités Toxicomanies, Formation pilote à la prévention et au traitement des toxicomanies pour élus et
acteurs locaux de petites et moyennes villes
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RESEAU
SECUCITES
DROGUES
Formation pilote à la prévention et au traitement des toxicomanies pour élus
et acteurs locaux de petites et moyennes villes
Programme réalisé par Nicoletta Rattini avec le concours de Carla Napolano, Jean-Pierre
Catala et Sophie Neuforge.
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acteurs locaux de petites et moyennes villes
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Avec le soutien de la Commission Européenne, DG Justice et Affaires Intérieures.
«Ni la Commission Européenne, ni aucune personne agissant en son nom n'est responsable de
l'usage qui pourrait être fait des informations ci-après »
Achevé d’imprimer en juin 2004
par l’imprimerie Pérolle – Paris
N° ISBN 2-913181-24-4
FORUM EUROPEEN POUR LA SECURITE URBAINE
38, rue Liancourt 75014 – PARIS – France
tel. 0033 (0) 1 40 64 49 00 – fax 0033 (0)1 40 64 49 10
Internet : http://www.urbansecurity.org
E-mail : [email protected]
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Nos remerciements vont à toutes les personnes qui, par leur expérience et leur investissement
personnel dans la démarche, ont contribué à l'aboutissement de ce projet.
Les Maires, les Adjoints, et les Conseillers Municipaux:
M. Pablo ALONSO, Mme Catherine FRANÇOIS (Saint-Gilles, Belgique)
M. Denis LEROY (La Rochelle, France)
Mme Arlette BUNOUT (Conflans-Sainte-Honorine, France)
M. Jean-Louis CHAPPUT (Vandoeuvre-Lés-Nancy France)
M. Bernard RIVAILLÉ (Lormont France)
M Antonino LUPI, M. Sandro SESTILI (Monterotondo Italie)
Mme Donatella FERRARI (La Spezia, Italie)
Les professionnels qui les accompagnaient:
M. Claude SILVESTRO, Mme Stéphanie CLERC, M. Michel DELORS M. Michaël CAILLAUD,
Mme Anita PORCEL (La Rochelle France)
Mme Corinne ROBIN, M. Philippe GAFFET ( Conflans-Sainte-Honorine France)
Mme Laurence GERMAIN, M. Saad DOUKKALI , M. Mohammed MARRAKCHI (Vandoeuvre-LésNancy France )
M. Alain COQBLIN, M. Jacques PAVOT, M. Karine LOPEZ (Lormont France)
M. Giovanni FORTE, Mme Noemi COLOMBO, (Monterotondo Italie)
M. Porfidio MONDA (Scafati Italie), Mme Carmela PAUCIULO, M. Carmine ACCONCIA (Scafati
Italie)
M. Vico Rosolino RICCI, , M. Alberto PAGLIAI, Mr. Enrico POLLINA (La spezia Italie)
Mme Valérie OLIVERI, M. Roberto RESMINI, Mme Anne CLERX, M. Olivier GRISARD,( Fléron
Belgique)
Mme Véronique KAETELER, Mme Christelle VERSLUYS, M. Alain LUYPAERT (Saint Gilles
Belgique)
Mme Grace VAN EYCKEN, Mme ROOS DE VENTER, M. Robert DECOO, (Oostende Belgique)
Nous remercions aussi :
Monsieur Yves VAN DE VLOET, Secrétaire Permanent à la politique de prévention, Ministère de
l’Intérieur de la Belgique
Madame Pascale PEREZ Chargée d’études, IHESI Paris France
Monsieur Pascal TRABUCHET, Représentant de l’Association Carpe Diem, La rochelle France,
M. Michel DELORS Chef de Projet Toxicomanie DASS France
Madame Alessandra PACIUCCI, Madame Luisa POTENA, Luigi FILES Monterotondo Italie
Monsieur Salvatore COSTANTINO, Folias Italie
Monsieur Claudio CIPPITELLI Parsec Italie
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SOMMAIRE
Préface
1/ La consommation des drogues dans les pays européens et le plan d’action de la Commission
Européenne
1.1 Les données de l’Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies
1.2 Le plan d’action de l’Union Européenne en matière de lutte contre la drogue
1.3 L’importance des villes dans la mise en place des programmes de lutte contre la drogue
2/ SécuCités - Drogues: description générale du projet
2.1 Chronologie de la démarche
2.2 Le deuxième projet
2.3 Les objectifs pédagogiques
2.4 La méthodologie
3/ Ajustement du référentiel
3.1 Attentes des participants
3.2 La connaissance des cadres législatifs et des fonctions des élus locaux en matière de drogue
3.3 Le travail partenarial
3.4 Représentations
3.5 Récolte de données et réalisation d'un diagnostic
4/ Elaboration d'une politique locale concertée en matière de drogues Exemple de la Ville de
Liège – Belgique
4.1 Présentation de la politique locale globale de sécurité et de prévention
4.2 L'Observatoire local des drogues
4.3 Liège, ville pilote
4.4 Conclusion
5/ Conclusions
5.1 Considérations et préconisations
5.2 Les nouveaux membres de l’Union Européenne
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PRÉFACE
Réunir des intervenants de terrain venant de différentes villes d’Europe pour parler de leurs problèmes
actuels face à la toxicomanie est déjà une gageure, compte tenu des diversités juridiques et culturelles
existantes. Autant nous pouvons partager des débats théoriques sur la légalisation des drogues ou le lien
entre criminalité et drogues, autant la complexité est au rendez vous quand on veut aborder le terrain de
la pratique professionnelle en postulant le fait qu’une formation commune est possible.
Nous avions tenté le pari en 2000-01, où un groupe de villes avait élaboré un premier référentiel de
formation à destination de techniciens mais également d’élus. Le succès rencontré dans la diffusion du
référentiel nous a incité à affiner celui ci pour pouvoir le proposer à des petites villes européennes.
Tout nous indique aujourd’hui que les drogues ne sont pas un phénomène seulement urbain et
seulement des grandes villes.
Que peut-on faire quand on est élu d’une petite ville avec peu de moyens financiers et de ressources
humaines ? Au minimum, se former pour dissiper les fantasmes et les peurs qui planent autour de la
drogue, pour, à son tour, être pédagogue vis-à-vis de ses concitoyens. Apprendre à former la
communauté autour de la drogue pour développer une politique d’intégration et non d’exclusion des
toxicomanes.
Malgré les problèmes de langue, les participants à nos séminaires ont su partager leurs angoisses, les
exprimer et les rationaliser. J’espère que le discours politique des élus a évolué après ce programme.
Au Forum, nous croyons plus que jamais à cette Europe, ne serait ce que pour les formidables
aventures humaines de coexistence qu’elle propose.
Michel Marcus
Délégué Général FESU
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1- LA CONSOMMATION DE DROGUES DANS LES PAYS
EUROPEENS ET LE PLAN D’ACTION DE LA COMMISSION
EUROPEENNE
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1.1 Les données de l’Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies
Selon le rapport annuel de l’Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies (OEDT), le
cannabis demeure la drogue la plus fréquemment consommée dans l’Union Européenne (UE). Une
estimation prudente indique qu'au moins un adulte sur cinq a essayé cette drogue.
Après le cannabis, la drogue la plus fréquemment consommée dans les pays de l'UE est en général soit
l'ecstasy soit l'amphétamine.
Les données recueillies suites à des enquêtes indiquent que la consommation de cocaïne a augmenté au
Royaume-Uni et, à un degré moindre, au Danemark, en Allemagne, en Espagne et aux Pays-Bas.
La consommation de cocaïne et les augmentations de cette consommation semblent beaucoup plus
répandues parmi les jeunes qui vivent dans les zones urbaines.
Plusieurs indicateurs donnent à penser que les inquiétudes concernant l'importance de la consommation
de cocaïne et les problèmes qui lui sont liés sont justifiées. Ces indicateurs couvrent la demande de
traitement, les conclusions des examens toxicologiques pratiqués sur les victimes de surdose, les saisies
de drogue et les études sur les populations à risque. Sauf en 2000, où il a baissé, le nombre de saisies de
cocaïne augmente constamment depuis 1985.
Une place non négligeable parmi les inquiétudes de l’Observatoire est occupée par la consommation
des drogues illicites chez les jeunes de moins de 18 ans. Selon l’OEDT, cette population consomme de
plus en plus de drogues synthétiques qui connaissent, de façon générale, un succès croissant.
Il faut aussi souligner que, pour la première fois, l’Observatoire introduit l’alcool dans la partie du
rapport concernant les jeunes. Il met en évidence les préoccupations relatives aux modèles complexes
de consommation de drogue et de dépendance, aux dégâts sanitaires et aux comportements délinquants
qui y sont liés.
Ainsi, la progression du nombre de jeunes, parfois pré-adolescents, qui sont impliqués dans des groupes
criminels pour la vente de substances illicites apparaît être un phénomène inquiétant
L’Observatoire, partant du présupposé que les jeunes se situent souvent à l’avant-garde des mutations
sociales, considère la tendance à la hausse de la consommation d’alcool et de drogues illicites dans
l’UE pour cette tranche d’âge comme une évolution importante et problématique.
Ces modèles de consommation de substances psychoactives constituent un défi particulier pour les
responsables politiques, qui doivent élaborer un éventail de solutions assez large pour des actions
efficaces.
Par conséquent, les objectifs de l’Union Européenne sont d’une part de réduire de façon significative,
sur une période de 5 ans, la prévalence de la consommation de drogue illicite ainsi que le recrutement
des usagers, particulièrement parmi les jeunes de moins de 18 ans, et d’autre part de développer des
approches innovantes en matière de prévention.
1.2 Le plan d’action de l’Union Européenne en matière de lutte contre la drogue
Le plan d’action de l’Union Européenne en matière de lutte contre la drogue pour les années 2000-2004
préconise une approche globale, pluridisciplinaire et intégrée afin de garantir son efficacité et sollicite
la prise en compte des liens entre usage de drogue, délinquance et criminalité.
La stratégie du plan d’action s’articule autour de trois grands axes :
- réduction de la demande, dont une priorité absolue doit être accordée, entre autres, à
l’enseignement, à la formation et à la lutte contre l’exclusion sociale ;
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réduction de l’offre, qui vise à doter l’Union de mesures permettant de combattre le trafic de
stupéfiants lié au crime organisé ;
coopération internationale, afin d’améliorer la politique de l’Union Européenne dans le domaine
de la lutte contre la drogue, d’exploiter pleinement les instruments de la politique étrangère et de
sécurité commune, de développer la coopération internationale en matière de justice et d’affaires
intérieures, de coopérer avec le Programme des Nations Unies pour le contrôle international de la
drogue.
Une attention particulière doit être apportée aux aspects sociaux et sanitaires liés à la drogue.
En effet, le traité d’Amsterdam fait obligation d’intégrer la santé dans toutes les politiques et actions de
la Communauté. De plus, la drogue figure en tant que priorité de l’action communautaire en matière de
santé publique
La Commission a aussi souligné comme nécessaire de prêter attention aux défis à relever dans le cadre
de la stratégie contre la drogue ainsi qu’aux priorités identifiées dans le plan d’action pour la période
2000-2004 :
- lutter contre la consommation et la production de cannabis, des amphétamines et de l’ecstasy;
- mettre au point des projets intégrés pour lutter contre la délinquance urbaine notamment parmi les
jeunes;
- identifier les actions en matière de santé (hépatite), d’exclusion sociale et de justice pénale;
- préparer l’élargissement grâce à une participation des pays candidats aux programmes de l’OEDT
et de l’Union Européenne dans le domaine de la toxicomanie et à des actions au sein du programme
Phare.
La plupart des priorités identifiées par le plan d’action engagent particulièrement les villes.
La santé des habitants, l’inclusion des plus démunis et la possibilité de vivre dans un espace de sécurité
et de liberté font partie des mandats des élus locaux.
Ces missions impliquent des méthodologies de travail innovantes et des réflexions continuelles sur les
fonctions, les rôles et les compétences des professionnels pour répondre d’une manière efficace aux
changements de la société.
Selon les données publiées par l’Eurobaromètre en avril 2002, 71% des Européens souhaitent que les
décisions dans le domaine de la drogue soient prises au niveau européen. Cependant, plus les décisions
en ce qui concerne les législations et les grands objectifs émanent d’un niveau supérieur, plus la mise
en place d’une coordination au niveau national et local devient nécessaire.
La connaissance approfondie et à large échelle d’un problème est indispensable pour mettre en oeuvre
des réponses innovantes à différents niveaux (législatif, sanitaire, social, organisationnel..).
L’échange des informations et de bonnes pratiques, en une chaîne de communication du bas vers le
haut et vice-versa, représente le moyen le plus efficace pour atteindre cette connaissance.
1.3 L’importance des villes dans la mise en place des programmes de lutte contre la drogue
Le problème de la consommation des drogues est encore aux premiers rangs dans les pays européens.
Certains gouvernements de l’Union Européenne ont présenté des propositions de loi visant à pénaliser
indistinctement les drogues dures et les drogues douces suite à des débats assez intenses sur la nécessité
de dépénaliser ces dernières.
Dans la plupart des pays candidats, les drogues sont illégales et la consommation est sévèrement punie.
Si la France a déclaré être le premier consommateur de drogues douces d’Europe, au même moment
tous les pays reconnaissaient une croissance de la consommation des drogues douces sur leur territoire.
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Les questions de politique publique posées par l’usage abusif de drogues relèvent de plusieurs
domaines : celui de la santé, celui de la sécurité, celui de l’action sociale, celui de l’éducation… Certes,
la part de l’Etat est largement prédominante dans ces domaines, mais les collectivités locales ont
toujours joué un rôle complémentaire pour assurer des fonctions de proximité et pour favoriser les
stratégies les plus adaptées aux caractéristiques locales.
Si l'irruption du SIDA au début des années 90 a imposé aux Etats une accentuation de la prise en
charge du problème de la toxicomanie, les villes ont dû élaborer ou encourager des politiques de
prévention et de soins plus actives, notamment pour la réduction des risques de transmission de
maladies liées à la consommation intraveineuse d’héroïne.
Or, c’est à cette période que les toxicomanes sont apparus avant tout comme des malades et que les
politiques à l’égard de la toxicomanie ont été placées entre santé publique et ordre public. La
responsabilité des instances municipales a alors été de plus en plus interpellée et certaines villes ont
développé de véritables stratégies dans le domaine.
Il ne s’agit pourtant pas de missions classiques ni de situations traditionnellement connues par les élus
et par les professionnels municipaux.
Les difficultés rencontrées pour aborder la toxicomanie et le toxicomane ont imposé un travail
interdisciplinaire, souvent nouveau, et ont permis aux divers professionnels de se confronter.
Il n’en reste pas moins que les villes restent assez négligées par le plan d’action alors même que leur
fonction est fondamentale.
L’Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanie déclare dans son rapport que les conditions
sociales des usagers (consommation d’héroïne par injection) pris en charge par les services de soins ont
empiré par rapport à celles de la population générale (bas niveaux de scolarité, taux de chômage de
55% contre 5% pour la même tranche d’âge). Alors que la consommation d’héroïne par injection chez
les jeunes augmente, il apparaît que les maladies comme l’hépatite ou le SIDA infectent les
consommateurs jeunes et les consommateurs au début de leur expérience (les taux d’infections
augmentent ces dernières années).
L’OEDT nous informe que les structures de soins se sont multipliées dans plusieurs pays de l’Europe et
considère la présence des structures thérapeutiques et l’utilisation des produits de substitution
(méthadone et Subutex®) comme nécessaires pour faire face au problème des toxicomanies en Europe.
La criminalité liée aux produits stupéfiants est toujours difficile à démontrer dans la mesure où les
données de la police concernant les arrestations pour crimes commis contre la législation en matière de
stupéfiants sont entachées par des normes juridiques, des priorités de polices nationales ou des moyens
disponibles différents.
En revanche, la perception des toxicomanes comme criminels et «producteurs» de sentiments
d’insécurité est une des raisons qui est à la base des conflits avec les citoyens.
L’utilisation des espaces publics et la cohabitation de différents groupes de population sont au coeur
des conflits qui existent entre les problèmes liés à la drogue et le développement local. Dans toutes les
villes d’Europe, les « scènes » liées à la drogue ou la mise en place d’un centre de soin pour
toxicomanes dans un quartier provoquent des réactions très agressives par les riverains.
Le débat démontre que les professionnels et les élus doivent encore gérer avec les habitants le conflit
entre la nécessité d'aborder ce thème et la peur de faire du prosélytisme, le partage entre la nécessité de
soigner les toxicomanes et le refus de le faire près de chez eux ou encore les sentiments ambivalents
vis-à-vis de toxicomanes : jeunes malades mais en même temps délinquants.
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Parfois, le même conflit a lieu entre professionnels et élus. Si les premiers sont libérés de la difficulté
de faire comprendre et accepter les choix aux citoyens, ils voient leur travail rendu plus difficile par les
stigmatisations et les refus des habitants. Quant aux élus, ils ont la responsabilité d'assumer le
sentiment d'insécurité des citoyens et de répondre à la demande (parfois impossible) d'élimination des
causes.
La ville peut être considérée comme le lieu qui doit à la fois équilibrer la santé publique et la sécurité
publique et chercher un compromis entre les besoins de la population locale et ceux des usagers de
drogues.
En général, au fur et à mesure que les délits liés à la drogue augmentent, les toxicomanes, déjà
marginalisés, sont exclus et perçus comme des non-citoyens. Cependant, l’élévation de la
consommation de drogues synthétiques ou de cocaïne posent de nouveaux problèmes.
En effet, les usagers de ces produits ne se considèrent pas comme faisant partie des «drogués» ni
comme des personnes ayant besoin d’une prise en charge. D’ailleurs, la plupart d’entre eux est bien
intégrée, ils ont des hauts revenus et leur consommation de drogues ne mine pas leur condition sociale.
Cette nouvelle catégorie de consommateurs rend perplexes les professionnels et pose des problèmes
déontologiques et moraux : faut-il mettre en oeuvre des coercitions ou faut-il respecter leur point de
vue ? Est-il correct de s’acharner sur les toxicomanes «typiques» (ceux que l’OEDT appelle les usagers
problématiques) pendant que d’autres usagers (eux aussi consommateurs de produits illégaux) peuvent
vivre librement leur condition ?
Est-ce que les professionnels soignent des malades ou sont-ils devenus tout simplement des contrôleurs
sociaux des catégories réputées être source d’insécurité?
Pour sortir de cette impasse, il est nécessaire d’élargir le débat, de partager les analyses à l’intérieur de
partenariats multidisciplinaires et de dialoguer avec tous les représentants de la société civile, y compris
les usagers eux-mêmes. Or, c’est aux élus locaux que revient la légitimité de promouvoir et conduire
ces actions.
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2- SECUCITES - DROGUES: DESCRIPTION GÉNÉRALE DU
PROJET
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2.1 Chronologie de la démarche
En 2000, le FESU a obtenu de la Commission Européenne « Justice et Affaires Intérieures » le
financement d’un projet intitulé SécuCités-Drogues "Créer l'amorce d'un réseau de petites et moyennes
villes en Europe pour former élus et acteurs locaux à la prévention et au traitement des toxicomanies".
Dans le cadre de ce projet, cinq séminaires de formation ont été conduits par le FESU tout au long de
l’année. Les partenaires étaient des petites et moyennes villes de quatre pays européens (Belgique,
Espagne, France, Italie).
Les travaux ont débouché sur l’élaboration d’un référentiel de formation reposant sur l’identification de
11 étapes chronologiques d’élaboration et de conduite de politiques de prévention et de suivi dans le
champ des toxicomanies (SécuCités Drogues «Formation pilote à la prévention et au traitement des
toxicomanies pour élus et acteurs locaux de petites et moyennes villes», FESU 2000, pages 39 à 57).
Le projet reposait sur l'hypothèse que les petites villes, tout comme les grandes, sont confrontées à la
présence des drogues sur leur territoire. En d’autres termes, la consommation de la drogue et les
changements de comportements qui en découlent font désormais partie des problèmes à gérer au
quotidien.
Cette hypothèse a été confirmée tout au long des séminaires au cours desquels les professionnels et les
élus participants ont déclaré, avec étonnement, qu’aucune différence aujourd'hui n’existait entre les
grandes et petites villes, même en milieu rural, en ce qui concerne la consommation de drogues.
En effet, d’un côté, le progrès dans les infrastructures de transport facilite les déplacements et
transforme de plus en plus les grandes villes en pôles d’attraction pour le travail, les loisirs, les
approvisionnements, et ce, particulièrement pour les jeunes.
Mais d’un autre côté, la difficulté de faire face aux prix des grandes villes contraint les personnes, y
compris les plus démunies, à déménager aux marges des petites villes, où la vie est moins chère et le
contrôle moins agressif.
Les trafiquants, quant à eux, ont élargi leur clientèle aux habitants de petites villes car ils se sont
aperçus bien vite que le deal est plus aisé par l’existence d’un grand nombre de lieux peu surveillés.
De plus, la consommation de nouveaux produits a touché aussi les jeunes des villes de petite taille dans
la mesure où la diffusion de formes de fêtes étroitement associées à la consommation de drogues est
générale chez les jeunes, urbains comme ruraux.
Les professionnels se sont donc vus chargés d’une tâche nouvelle : comment mettre en place des
programmes de prévention adressés à une population qui ne considère pas dangereuse la consommation
occasionnelle de nouvelles drogues ?
La dimension des petites villes permet une proximité plus grande entre les différents acteurs du terrain,
que sont les élus et les citoyens. De même, le fait que souvent ils soient liés par des rapports de
voisinage et que les élus aient une connaissance directe des habitants constitue une richesse pouvant
colmater l’insuffisance des structures et des moyens de prévention, d’accueil, de soin et l'insuffisance
de moyens humains et matériels.
Il fallait alors offrir aux villes de cette dimension une méthodologie qui leur permis de mieux
rentabiliser cette richesse et de partager les expériences et les pratiques.
Un réseau pilote d’élus et de professionnels de divers domaines a été mis en place par le FESU. Au
cours de toute une année, celui-ci a produit une série de réflexions sur les thèmes de fond qu'élus et
professionnels doivent aborder, entre eux et avec autrui, afin de mettre en place et de veiller au
déroulement des actions de prévention de toxicomanies et de suivi de toxicomanes.
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Il s’agissait à terme d’aboutir, avec leur contribution, à l’élaboration d'un programme de formation
spécifique.
Pour respecter le principe du FESU selon lequel les villes doivent aider les villes, la participation aux
séminaires de quatre grandes villes "marraines" a été demandée.
Leur présence a permis aux partenaires de connaître les actions plus importantes, les méthodes de
travail et les réflexions qui ont été mises en place et éprouvées au fil du temps. Les villes marraines ont
pu, elles aussi, connaître des actions innovantes que les petites villes, incitées à l'imagination par le
manque de ressources, ont élaborées.
Grâce à l'engagement de tous les partenaires et à la contribution d'une experte en formation, un
référentiel de formation a été élaboré, référentiel qui a été validé par tous les participants pendant le
dernier séminaire et qui a fourni les éléments pour l'élaboration d'un modèle de formation susceptible
d’être démultiplié.
2.2 Le deuxième projet
A partir de l’expérience du premier projet Sécu Cités drogues, le FESU a proposé à d’autres villes le
modèle de formation mis au point. De nouveaux partenaires ont adhéré à la proposition de formation et
un autre projet a été soumis à la Commission.
L’expérience précédente a permis de définir et d’analyser les étapes fondamentales pour la mise en
place de politiques de prévention et de lutte contre la drogue.
Pour réaliser cet objectif, trois séminaires de 2 jours ont été mis en place, chacun coordonné, organisé
et suivi par le chef de projet et par un comité de pilotage formé d’un expert et d’un représentant de la
ville de Liège.
Tous les membres du comité de pilotage étaient experts dans les thèmes qui ont été abordés au cours de
ces
séminaires.
A l’origine, chaque ville partenaire s’engageait à participer au projet initial avec un élu, un
fonctionnaire territorial, un représentant de la police ou de la justice, un représentant d’une association
ou un acteur local (socio-sanitaire).
Force a été de constater que la disponibilité des élus est limitée de par les différentes obligations de
leurs fonctions ou de leurs délégations, rendant alors difficile la participation assidue de certains à
l’ensemble des séminaires.
Aucun membre du personnel judiciaire ne s’est inscrit. En effet, d’une façon générale la justice
entretient des relations complexes avec les pouvoirs locaux. De plus, la diversité des fonctions des
magistrats relevant des différents pays participants, de par le fonctionnement des institutions de chaque
pays ne facilite pas leur participation à de tels projets.
Cette absence n’a pas permis de confronter les échanges d’idées, de réflexions, d’actions dans la
diversité cherchée et souhaitée par les différents acteurs.
2.3 Les objectifs pédagogiques
Le projet a visé, à travers un travail collectif d’analyse des étapes de construction d’une politique locale
concertée, à la création d’un esprit de travail (reconnaissance et confiance réciproque, capacité de
suspendre les jugements sur les actions des autres, capacité de contribuer à la recherche d’un sens
commun tout en gardant les différences…) et des moyens de diffuser ce dernier au niveau local.
Les formateurs partaient du présupposé que les participants étant des experts dans leur secteur, ils
possédaient chacun un savoir et un savoir-faire en matière de drogue.
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En revanche, plongés dans un quotidien et dans des problèmes concrets et souvent à résoudre dans
l’urgence, professionnels et élus n’ont pas toujours l’occasion d’analyser et de formaliser, dans leurs
pratiques, tous les enjeux, les freins et les éléments facilitateurs de la mise en place d’une politique en
matière de drogue.
Tel a été l’enjeu de l’encadrement pédagogique du projet ; donner aux partenaires la conscience qu’il
est toujours nécessaire d’établir premièrement une méthodologie de travail partagée.
Rendre sensibles les élus au fait que ces prémices sont extrêmement importantes et que le temps
dépensé pour obtenir ces objectifs ne doit pas être vécu comme du temps utilisé au détriment des
actions, a été une des préoccupations majeures.
Les séminaires ont été organisés autour de deux axes de travail: d’une part, il s’agissait de stimuler la
réflexion sur la problématique des drogues à partir des différents points de vue et connaissances
apportées par les divers partenaires et, d’autre part, d’expérimenter le décloisonnement et
l’enrichissement qui en découlent lors de multiples débats.
Il ne s’agissait pas, malgré les attentes des participants, de donner des recettes mais d’impulser un
processus collectif de réflexion visant la production de réponses propres au groupe et adaptées au
contexte.
Un autre objectif du projet était celui de créer un effet démultiplicateur et de solliciter les villes
partenaires à se relier aux villes qui avaient participé au premier projet pour entamer un réseau national
susceptible d’être élargi.
2.4 La méthodologie
Le choix d’un partenariat formé par des élus et des professionnels de terrain de villes européennes
différentes nous a permis de créer un véritable petit «laboratoire» composé d’un panel représentatif.
La rencontre de personnes issues de secteurs et de villes différentes a favorisé un échange plus ouvert,
moins empreint de préjugés. Les partenaires ont pu mener un débat ouvert sur les rôles et les fonctions
de chacun, plus fructueux qu’au sein d’une même ville où la question reste trop souvent axée sur le
partage ou non de l’information entre, par exemple, le policier et l’éducateur.
La dynamique d’un groupe de travail au sein d’une ville est comparable à celle du groupe mis en place
dans le cadre du projet.
Dans un premier temps, la méconnaissance des uns et des autres n’a pas favorisé l’ouverture et la
confiance réciproque.
Au fur et à mesure que le groupe a évolué, souvent soutenu par un agent facilitant la communication, la
confiance s’est installé, puis les acteurs ont accepté d’exposer leurs limites et de travailler dans un
cadre ne proposant aucune « recette miracle ».
Les méthodes pédagogiques développées se sont appuyées sur une alternance de témoignages,
d’apports méthodologiques et conceptuels, de mises en situations et de débats structurés autour
d’échanges, de perceptions, d’analyses et d’expériences.
L'organisation du travail en séminaires nous a permis de mettre en place des discussions collectives
ainsi que des jeux de rôle, des travaux en sous-groupes, des exercices individuels. La possibilité
d'expérimenter des rôles divers par les élus et les professionnels a aussi permis de "voir l'autre côté" du
problème, de se mettre dans "la peau de l'autre" et de mieux comprendre les responsabilités de chacun.
Les partenaires ont pu confronter leurs réalités, voir que les problèmes à affronter étaient les mêmes et
que certaines solutions apportées, qui apparemment appartiennent à des réalités nationales, peuvent
aussi être exportées, adaptées et devenir peut-être plus "européennes".
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3- UN REFERENTIEL DE FORMATION
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Au cours de ce nouveau projet, le modèle théorique proposé par le référentiel de formation élaboré lors
du premier projet a été mis en cohérence avec la réalité des villes présentes aux séminaires.
Les éléments essentiels constitutifs de l’élaboration et conduite des politiques publiques locales
concertées en matière de drogue ont été extraits pour être remaniés dans une optique transversale et
circulaire plus adaptée pour des villes dans lesquelles un processus linéaire est parfois de mise.
Il s’agit :
- de la légitimité des villes dans le champ des toxicomanies;
- des représentations;
- de la coordination locale;
- du processus de réalisation d’un diagnostic (les enjeux de la récolte des données);
- de la prise de décisions;
- des enjeux de la formulation des objectifs et du choix des actions;
- de l’évaluation.
Grâce à ce travail, nos partenaires nous ont permis d’enrichir le résultat du premier projet en soulignant
l’importance des variables telles que les valeurs, la philosophie et les relations interpersonnelles qui
jouent un rôle fondamental dans la construction des politiques locales.
Le respect des contributions de nos partenaires nous a conduit à revoir le référentiel et à y intégrer
toutes les questions qui ont émergé lors des séminaires.
3.1 Attentes des participant
La façon dont le référentiel de formation a été conçu s’est trouvée confirmé naturellement par nos
partenaires. En effet, ces derniers ont exprimé leurs attentes par rapport à l’apprentissage en terme de
savoir, notamment concernant :
ƒ la connaissance du contexte urbain ;
ƒ la mise à jour des connaissances entre villes de dimensions égales ;
ƒ l’échange d’informations sur les problématiques locales ;
ƒ la définition d’une procédure en trois étapes : diagnostic, action et évaluation.
Le besoin en terme de savoir-faire, différencié du besoin de savoir, porte sur les pratiques telles que:
ƒ l’échange entre villes et acteurs de secteurs différents ;
ƒ la démocratie participative (implication des usagers de drogues) ;
ƒ la méthodologie pour mettre en place une politique de prévention ;
ƒ l’implication des citoyens ;
ƒ l’analyse des pratiques qui ont échoué en vue d’éviter les erreurs ;
ƒ la coordination intra et intersectorielle ;
ƒ
ƒ
la création d’un réseau à l’intérieur d’une ville et/ou entre petites villes ;
l’expérimentation de nouvelles pratiques (aidant naturels, médiateurs de nuit …).
Il convient d’ajouter le besoin d’une définition partagée de certains concepts tels que la prévention, les
drogues y compris les drogues synthétiques et la réduction des risques.
3.2 La connaissance des cadres législatifs et des fonctions des élus locaux en matière de drogue
Au long du premier séminaire ont été abordées les connaissances nécessaires et préalables pour une
réflexion collective sur le thème de la drogue : les lois nationales, les compétences des élus locaux, les
éventuelles actions qui peuvent en découler.
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Ainsi, chaque partenaire a développé les politiques en matière de drogue dans son pays afin de mettre
en évidence les différences et les similitudes existantes au niveau européen.
Cet exposé des villes sur les politiques nationales a débouché sur une réflexion quant à l’influence des
politiques sur la pérennité des programmes. De plus, est apparue la conscience du fait que les services
publics sont soumis à des règles et des principes nécessairement stables et déterminés par des cadres
légaux et réglementaires (constitution, accès au droit…) non aléatoires.
En tout état de cause, il ne s’agissait pas ici de présenter un exposé académique sur la politique
nationale, régionale ou locale de son pays pour savoir qui sait quoi, mais plutôt de se poser les
questions fondamentales suivantes :
ƒ
ƒ
ƒ
comment et par qui est-on informé sur ces politiques ?
comment cherche-t-on à s’informer sur ces dernières ?
comment cherche-t-on à comprendre les enjeux politiques et comment les intègre-t-on dans la
pratique ?
La mise en place d’une politique en matière de drogues nécessite, selon les participants, un
questionnement sur les éléments fondamentaux suivants :
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
Comment et pourquoi établir un modèle de coopération entre le secteur du social et le secteur
policier et judiciaire dans la mesure où ils rencontrent parfois les mêmes usagers ?
Comment travailler avant le passage à l’acte délinquant et après le passage à l’acte délinquant ?
Est-il possible de concilier intérêts de santé publique et intérêts de sécurité publique ?
A qui une politique de réduction des risques s’adresse-t-elle et pour quel(s) risque(s) ?
Comment répondre et agir face à l’insécurité des citoyens non-usagers de drogues ?
Comment mettre en œuvre des politiques diversifiées adaptées aux trajectoires individuelles ?
Comment connaître et comprendre les besoins des usagers afin de leur apporter des réponses
adaptées ? Comment les services sont-ils organisés pour rester proches des besoins, en d’autres
termes, est-ce le service qui va vers l’usager ou l’usager vers le service ?
La prévention peut-elle constituer un équilibre entre gestion des risques (faire avec) et
prosélytisme (parler de la drogue, est-ce en favoriser l’usage ?) ;
Comment instaurer une cohérence entre le discours, la législation et les actions menées ?
Faut-il inclure toutes les drogues (alcool, médicaments, tabac, drogues illicites…) ?
Existe-t-il des drogues dures et des drogues douces ou bien des usages durs et doux de
drogues ?
Ne doit-on pas conjuguer approches politiques, scientifiques et pragmatiques ?
A partir de quel moment la puissance publique doit-elle intervenir en matière d’usage de
drogues ?
3.3 Le travail partenarial
Les expériences relatées par les participants ont aussi permis de mettre en évidence le fait que la
toxicomanie rassemble des acteurs de différents secteurs ayant une représentation partielle de la
problématique.
C’est pourquoi, la complexité du thème suppose la mise en réseau et l’articulation de diverses réponses
complémentaires ainsi que l’intégration des différentes approches.
Comme mentionné ci-dessus, la toxicomanie est un problème qui concerne les acteurs de plusieurs
domaines: la police, les services de soin, la justice, l'école, la municipalité, la santé, les services
sociaux, etc.
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Chacun de ces acteurs a pris conscience que son intervention est partielle et que la mise en place d’une
politique de prévention des toxicomanies et la prise en charge des toxicomanes, implique l’articulation
de différentes réponses complémentaires.
Ainsi, les différents professionnels concernés ont accepté l’approche inter-disciplinaire expérimentée
depuis le début des années 90. Par ailleurs, la reconnaissance mutuelle des acteurs et des métiers qui se
sont diversifiés a permis de partager des visions et de s’exprimer sur des limites. Enfin, et cela est le
plus important, cette approche a permis d’opérer un décloisonnement entre les secteurs tout en
respectant leurs spécificités.
Dans le but de partager les responsabilités et de définir des objectifs communs, le dialogue doit être
établi, par exemple sur la base d’un inventaire des ressources et obstacles à la gestion des problèmes.
Pour aboutir à un état des lieux préalable à la mise en place d’un partenariat local il faudrait se poser
quelques questions afin de mieux analyser la situation de départ.
Ainsi, quelques-unes des éventuelles questions à se poser peuvent être les suivantes :
La connaissance du partenariat :
- quels acteurs sont impliqués ?
- lesquels devraient l’être ?
- quelles relations : nature, intensité, méthodes ?
- quelles articulations entre les divers acteurs ?
- quelle cohérence d’offres dispersées ?
- quel moteur ?
- quel pilote ?
- quels résultats au partenariat ?
- quelle implication des citoyens ?
3.4 Les représentations
Le thème des représentations et de leurs influences dans la mise en place de nos actions a aussi été
abordé à l’occasion du premier séminaire.
Il ressort que ces représentations sont, dans le domaine de la drogue, souvent liées au sentiment de peur
et d'insécurité, ce qui rend difficile le travail des professionnels et les choix des politiques.
La drogue, selon plusieurs spécialistes, engendre, des peurs personnelles qui, le plus souvent, ne
peuvent être reliées à un danger identifiable et réel dans l'expérience des personnes. Ces peurs
s’appuient pourtant sur une part de réalité (les toxicomanes existent et sont en augmentation). Elle
engendre aussi la peur du délitement de la cohésion sociale et d'une perte de repères.
L'exercice consistant à associer des mots à la toxicomanie ("à quoi associez-vous le mot
toxicomanie ?") nous a permis de souligner ensemble la nécessité de travailler sur nos représentations
(qui sont aussi les représentations de la plupart des autres) n’ayant, peut-être, pas encore intégré des
changements d'habitudes, de produits, de problèmes de santé chez les usagers de ce nouveau siècle.
Il faut donc s'efforcer de pas tomber dans le cliché «toxicomane = jeune, seringue, rave party» ou
«toxicomane = dépendance, sevrage, violence, isolement» mais au contraire être toujours dans la
recherche d'informations pour pouvoir comprendre l'évolution du marché et des produits qui
engendrent des changements de style de vie et d'habitudes. De la même façon, il faut comprendre le
lien entre changements sociaux, changements d'utilisation et de produits.
Cet exercice est un bon outil pour vérifier l'état de nos représentations et, dans certains cas, pour
démarrer une réunion avec des partenaires non habituels.
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Nos partenaires nous ont aussi rappelé, à travers cet exercice, que, s’il est toujours vrai que la
toxicomanie traverse plusieurs champs, comme celui de la santé, de la loi, de l'éducation comme nous
le savions déjà, il est aussi vrai qu'elle touche le champ du pouvoir à travers l'argent, le deal, la
criminalité organisée et qu'il faut travailler en coordination avec tous les acteurs du terrain, avec les
habitants et avec les élus et qu'en ces moments de travail en commun, il faut aussi tenir compte des
représentations que nous avons d'autrui, de ses rôles, des images qu’il suscite chez nous et vice-versa.
Habituellement, pendant les rencontres multidisciplinaires, nous ne parlons jamais de la manière dont
nos représentations des autres et nos attentes jouent un rôle dans la discussion, alors même que celles-ci
peuvent être tronquées ou partielles. Aussi, par exemple, on peut espérer beaucoup trop de la justice et
des tâches qu'elle doit accomplir ou encore, percevoir l'élu comme quelqu'un qui exerce un grand
pouvoir mais qui n'a pas de liens étroits avec les citoyens.
Si nous ne trouvons pas le moyen d’identifier nos a priori et de pouvoir en discuter avec les autres, des
conflits ou des méconnaissances peuvent naître.
Au contraire, si nous abordons ce sujet, la possibilité d’atteindre des éléments d'analyse plus profonds
et de chercher des véritables buts communs sera possible, tout en gardant ses spécificités
Au-delà des représentations individuelles ou collectives des drogues et de la toxicomanie, il y a un
élément réel et très important qui souvent est négligé dans les analyses au niveau
local : celui des énormes intérêts économiques et des enjeux qui constituent les premiers maillons d’une
chaîne dont le consommateur n’est que le dernier et le plus faible.
Nous avons souhaité représenter ces intérêts économiques et enjeux à nos partenaires pour rétablir le
sens des proportions et rappeler la conscience de l’effort qui constitue la lutte contre la drogue à tous
les niveaux.
3.5 : Récolte de données et réalisation d'un diagnostic
Restitution des éléments principaux mis en évidence lors du séminaire par les participants
I. La récolte de données (nature et objectif)
-
-
-
-
Chaque secteur possède ses données qui répondent à des objectifs spécifiques
Les acteurs ont parlé des données recueillies et des données dont ils auraient besoin pour
atteindre leurs objectifs
Rapport entre données et objectifs : des données peuvent servir à définir des objectifs; des
données récoltées ne visent aucun objectif particulier et enfin, il y a des objectifs qui ne sont
pas définis sur base de données
Il y a des données subjectives et objectives
Il y a des données qualitatives et quantitatives
La récolte de données peut viser plusieurs objectifs : construire des politiques; élaborer des
plans d'actions; fixer des priorités parmi ces actions; anticiper des réponses ou encore analyser
les problèmes
La législation peut modifier le lien entre les données et l'objectif
Lorsqu'il s'agit d'un thème général, la nature des données recueillies reste vague (exemple : le
diagnostic d'un territoire)
Certains acteurs doivent s'adresser à d'autres acteurs plus spécialisés pour obtenir des
informations et à l'inverse, certaines structures se donnent pour objectif d'informer les services,
les organismes ou les autorités compétentes
Parfois, une ville ne possède pas d'informations car ses propres structures ne peuvent les
fournir et celles-ci doivent être recherchées dans une autre ville
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La récolte de données est sensible car elle peut être sous-tendue par des enjeux divers
(exemple : analyser un problème, c'est déjà le nommer et lui donner son caractère de réalité)
Importance du caractère évolutif du diagnostic qui présente des limites s'il est figé et nécessité
de multiplier les angles de vue (pluridisciplinarité ou intersectorialité)
Nécessité de classer les indicateurs en fonction d'un objectif particulier
Besoin de données croisées pour conjuguer sécurité des individus et droit à la santé
Les données qui relèveraient de faits précis permettent de comparer insécurité subjective et
réalité de terrain (rassurer la population par rapport à ce qui se passe sur le terrain)
Difficulté pour les élus de recueillir des informations auprès de certains publics (jeunes,
associations privées,…)
Certains participants souhaitent élaborer une banque de données en vue d'une utilisation plus
globale
Parfois, le choix des données récoltées est lié à la reconduction d'un budget (moins de
toxicomanes = moins d'argent)
La question du destinataire est primordiale (à qui diffuser les données et dans quel but)
Besoin de connecter les données de terrain avec les décisions prises par le politique
Sur un ensemble de données, certaines d'entre elles s'adressent à des acteurs ou des institutions
particuliers (épidémiologie vers le Ministre de la Santé, budget vers les pouvoirs locaux,…)
Les mêmes données peuvent être interprétées différemment selon les différents acteurs,
secteurs,…
Il existe des données d'évaluation internes au service, de processus et de résultat
Le partage de données nécessite la mise en place et le respect de règles légales, déontologiques
et éthiques
II. La réalisation d'un diagnostic
- Dans un partnenariat, il est important de mener un travail de décloisonnement tout en
respectant, voire en renforçant, les spécificités de chacun
- Une réponse collective ne constitue pas nécessairement un diagnostic
- Il existe des points d'intersection entre acteurs ou secteurs mais il faut du temps pour les
découvrir (travailler dans ces interstices se fait dans la durée)
- Difficulté de mener un travail de concertation au niveau local car confrontation à une absence
de volonté politique, institutionnelle, …
- Un diagnostic comporte le risque de reposer sur un compromis qui le rend très général et
vague
- Le but d'un travail commun peut être soit de faire la somme des réponses individuelles
(juxtaposition des spécificités de chacun), soit de trouver le plus petit commun dénominateur,
soit d'obtenir une vision globale grâce à la somme des différents points de vue (élargissement
de la vision de chacun)
- Un diagnostic collectif implique ou nécessite une ouverture sur les valeurs et les croyances
afin de comprendre comment celles-ci influencent les pratiques
- Le risque de travailler sans cesse avec le même noyau d'acteurs, fût-il intersectoriel, est de
réduire le champ de vision
- Il est important de stimuler de nouveaux partenariats pour éviter un phénomène d'habituation
dans un système qui tournerait sur lui-même
- Pour effectuer une analyse globale, il faut faire la part des choses entre le discours de
l'institution que la personne représente et celui de la personne elle-même
- Il faudrait relier les questions soulevées à l'objectif poursuivi (la question est : "Quel
diagnostic voulons-nous faire et dans quel but ?")
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Les éléments "les plus objectifs possibles" sont-ils les seuls susceptibles de favoriser la
compréhension d'une problématique ? Qu'est-ce que l'objectivité ?
Mieux vaut un petit outil applicable au niveau local qu'une étude décontextualisée
(comparaison des données au niveau européen)
Les données sont-elles comparables entre villes ?
Importance du recueil et de l'analyse des données en temps réel
Face à un phénomène complexe, accepter d'être en insécurité par rapport aux réponses et gérer
l'insécurité des différents acteurs concernés qui attendent un modèle, des réponses et des
solutions
Tenir compte du temps nécessaire pour négocier, récolter, analyser
Maintenir la permanence du processus
Dans la conduite d'un partenariat, la question du "leader légitimé" qui possède l'expérience, les
compétences, voire parfois le pouvoir de décision, est primordiale car il doit pouvoir susciter
l'engagement, l'intérêt et l'implication des partenaires
Le diagnostic doit rester en mouvement
Il n'existe pas de modèle unique car il est important que les acteurs concernés s'approprient un
grille de lecture afin d'être capables de la porter et de lui donner du sens. Le meilleur des outils
ne sera pas bien utilisé s'il n'est pas partagé et pas durable.
L'évaluation du processus de travail collectif est essentielle (identification des partenaires,
manière dont le processus est mis en place, planification, attribution des tâches,…)
Un protocole définissant les règles d'échange de l'information doit comprendre des règles de
communication légales, éthiques, déontologiques qui conduiront à un secret partagé
La contribution d'un expert externe nécessite des précautions préalables (Qui passe commande
? Quel est son mandat ? …) pour éviter l'instrumentalisation des techniciens dans une
recherche qui ne leur appartiendrait pas. Cette contribution peut favoriser une analyse critique
dégagée des contraintes du quotidien
La question du rôle des médias qui donnent la température et l'image d'une problématique
locale doit toujours rester posée
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4- Elaboration d'une politique locale concertée en matière de drogues
Exemple de la Ville de Liège - Belgique
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4.1 Présentation de la politique locale globale de sécurité et de prévention
Contexte
La Ville de Liège s'est trouvée comme d'autres grandes villes dans les années 1985-1990 face à une
augmentation d'actes délictueux. Ceux-ci furent attribués en grande partie à des personnes tombant sous
le générique "toxicomanes", usagers de drogues illicites.
Autant l'insécurité de la population que les situations rencontrées par les professionnels de terrain par
rapport à cette nouvelle problématique figurèrent, pour le pouvoir local, parmi les priorités d'action du
Contrat de sécurité de la Ville de Liège dès sa création en 1993.
Ainsi, une politique intégrée de réduction des risques a été élaborée, et ce, en collaboration avec le
large réseau d'intervention existant qu’il soit préventif ou répressif, public ou associatif.
Le volet toxicomanie du Contrat de sécurité s'est développé en étroite collaboration avec les acteurs de
terrain (contrat et hors contrat) afin d’assurer la gestion de la problématique de la drogue sous ses
aspects sécuritaires, préventifs, sanitaires et sociaux.
L’atelier Toxicomanie, sous-groupe de travail du conseil consultatif de prévention dévolu à l'étude et
l'analyse de la toxicomanie sur Liège, créé en 1992, est l’une des clés de voûte de cette approche
globale puisqu’il a favorisé une approche spécifique et novatrice des problèmes. En effet, tout en
opérant un décloisonnement des secteurs, il a permis de renforcer la reconnaissance des compétences
de chacun et de concentrer les actions là où les besoins se faisaient sentir.
Un inventaire des ressources, mais également des obstacles, effectué dès 1993 avec tous les acteurs
concernés par la problématique a permis d’établir le constat suivant : une partie de la population
toxicomane n’est pas prise en charge au sein des dispositifs classiques existants. Ce public présente des
attitudes antisociales et des aspects déficitaires tels qu’il ne relève pas des modalités habituellement
offertes par les organismes de soins.
Une assistance à bas seuil visant la stabilisation et la réduction des risques pour cette partie de la
population marginalisée et/ou en rupture de liens sociaux et familiaux qui n’est pas réductible à une
démarche médicale et de réinsertion fait défaut. Ces facteurs, favorisant le développement de
comportements à risques, non seulement sur le plan de la santé publique mais également dans le
domaine des différentes formes de criminalité et de nuisances liées à la drogue, ont conduit à la
création de dispositifs de prévention, d'aide et d’accueil : c’est ce que nous appelons la première ligne.
Pour construire cette première ligne, le Contrat de sécurité a pris le parti de fonctionner sur le mode de
la subsidiarité institutionnelle et de déléguer la gestion des projets à certaines institutions ainsi
renforcées.
Cette phase de réalisation a largement tenu compte du contexte local et de ses dimensions sociales,
sanitaires, économiques, culturelles, géographiques, administratives, sécuritaires et judiciaires.
Liège, comme de nombreuses grandes villes, mais peut être plus que d’autres par sa situation
géographique, est fortement touchée par la toxicomanie que ce soit en termes de santé publique, d’ordre
public, de prévention ou de criminalité. L’agglomération liégeoise de 500.000 habitants est placée au
centre d’un carrefour de voies de communication en Europe tant au niveau routier, ferroviaire
qu’aérien.
A l’instar de la ville d’Anvers, elle est sans conteste au centre de la problématique du trafic de
stupéfiants.
Liège est aussi la première ville belge a avoir démarré l’expérience des programmes de substitution à la
méthadone, à s’être dotée d’un centre de première intervention, à mettre en place un système de
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récupération et d’échange gratuit des seringues usagées. Enfin, la Ville possède un protocole clinique
de délivrance d'héroïne sous contrôle médical dont la mise en œuvre dépend d'une décision
gouvernementale.
Le réseau d’aide mis en place à l'époque par le Contrat de sécurité et de société pour accueillir et
accompagner la population toxicomane ou non la plus marginalisée, comporte 8 dispositifs, spécialisés
ou non, rattachés à différentes institutions liégeoises (le Centre Public d'Aide Sociale, le Centre
Hospitalier Psychiatrique, la Police et le Centre Hospitalier Régional "la Citadelle"). Il s’agit de :
START/MASS, le service d’Urgences Psycho-médico-sociales, le Service d’Orientation et de Relais en
Toxicomanie, l’Urgence Sociale, l’Abri de Nuit, la Coordination des Logements d’Urgence, la
Coordination Santé Précarité et l’Abri de jour.
D’une manière globale, leurs missions se déclinent comme suit : accueil d’urgence
24/24 inconditionnel ; prévention, assistance et réinsertion psycho-sociale ; stabilisation des états de
crise ; orientation vers le secteur traditionnel d’aide et de soins.
Coordination
Depuis 1995, la Coordination des Actions en Toxicomanie, articule l'ensemble de ces dispositifs sur le
plan pratique et sur le plan de la réflexion plus globale à propos du phénomène de la toxicomanie et des
nuisances liées à celui-ci.
Ce service, mis en place par l'autorité locale, est le garant de la cohérence de l'approche de la
problématique des drogues dans la Ville. Il a pour objectif de mettre en place et d'encadrer une
politique locale globale et intégrée visant la réduction des risques pour la sécurité des personnes à deux
niveaux. D’une part, la réduction des risques sociaux, psychologiques et de santé pour l’usager de
drogues et, d’autre part, la réduction des risques, pour l’environnement, d’être confronté aux nuisances
et à la criminalité liées à la drogue.
La Coordination vise à articuler les différentes logiques des acteurs concernés par la drogue (politique,
sécuritaire et répressive, sanitaire, préventive et socio-éducative). Le service constitue un dispositif de
régulation qui permet à la fois concertations et ajustements réguliers entre secteurs.
Il s’agit plus particulièrement de consolider la coopération entre la justice, la police, la prévention et la
santé afin de rendre convergentes les politiques d’amélioration de la santé et celles de protection de la
sécurité tout en respectant leurs spécificités.
C'est pourquoi l'autorité locale, dans le cadre de sa politique communale globale de sécurité et de
prévention souhaite continuer à développer et à soutenir une politique intégrée en matière de drogues
associant tous les opérateurs et visant la prévention des nuisances et de la criminalité liées à la drogue
ainsi que le rétablissement de la qualité de vie dans les quartiers.
Tout ce travail pluri-disciplinaire, pluri-sectoriel, et pluri-institutionnel mené avec les acteurs du
secteur associatif et du secteur public permet de s’accorder sur le constat suivant : les situations
extrêmes de certaines personnes toxicomanes sont telles que nous pouvons comparer le phénomène à
celui bien connu de la « patate chaude », dans la mesure où les institutions se renvoient les usagers
marginalisés, d'un service à l'autre.
La toxicomanie, par la force de l’expression de sa détresse et bien sûr, par la puissance de l’écho que
celle-ci trouve en chacun de nous est un excellent révélateur de ce phénomène tout comme,
aujourd’hui, la violence chez les jeunes.
Même si les nuisances liées à la drogue subsistent, même si trop souvent, les citoyens ont le sentiment
que l’insécurité liée à cette dernière ne diminue pas, l'autorité locale sait que tous ces dispositifs
participent à la gestion d’une problématique multi-factorielle et aux multiples visages qui dépasse de
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loin la circonscription locale. Elle reconnaît l'utilité de leur ancrage comme maillon de prévention de la
petite criminalité et des nuisances.
Eléments de freins
- Démultiplication des coordinations de terrain (formelles et informelles) qui entraîne parfois une perte
d'efficacité et de cohérence de la politique locale ainsi que des conflits d'intérêts.
- Difficultés de certains partenaires du secteur associatif d'adhérer à la politique intégrée locale dans
une perspective de service au public.
- Conflits d'intérêts entre les élus, les citoyens, les usagers de drogues et les professionnels de terrain
qui expriment parfois des attentes différentes. Cependant, les tensions entre ces différents pôles
permettent de maintenir des processus démocratiques essentiels.
- Difficulté d'orienter les usagers de drogues marginalisés vers les services de deuxième ligne en raison
de l'insuffisance de la capacité d'accueil ambulatoire et d'hospitalisation mais également, parfois, en
raison d'un manque de volonté de ce secteur de prendre cette population en charge.
- "Surcharge" de la Ville de Liège dans la gestion de sa propre problématique par celle d'autres
communes et en particulier par les communes avoisinantes qui ne possèdent pas d'infrastructure de
prise en charge.
- Manque, pour le groupe d'usagers (noyau dur), particulièrement marginalisés qui serait à l'origine de
troubles importants et qui requiert une prise en charge spécifique, de véritables passerelles entre le
système judiciaire et le système médico-psycho-social.
Eléments de réussite
- Reconnaissance par l'autorité locale du processus de coordination.
- Légitimité de l'autorité locale reconnue par la plupart des acteurs concernés comme compétente pour
l'organisation de la politique de gestion de la problématique des drogues.
- Stabilité des partenariats (noyau stable de partenaires présents à tous les niveaux de concertation).
- Reconnaissance du dispositif de coordination tant au niveau local qu'à l'extérieur.
4.2 L'Observatoire local des drogues
Contexte :
Dans le courant du mois de mars de l’année 2000, plusieurs incidents liés à l’usage de drogues, apparus
dans des conditions similaires, ont attiré l’attention de certains services sur la nécessité d’améliorer les
connaissances sur la nature, l’ampleur et le changement de l’usage de drogues. Dès le mois d’avril de
cette même année, à la demande du service d’urgence du CHR de la Citadelle, les partenaires liégeois
impliqués dans l’approche globale et intégrée des problèmes des toxicomanies ont été réunis par la
Coordination des Actions en Toxicomanie pour réfléchir à l’élaboration d’un système d’observation
réactif susceptible de détecter les phénomènes, de les interpréter et de les répercuter le plus rapidement
possible vers les secteurs concernés afin que ces derniers puissent adapter rapidement leur réactions.
En effet, il était apparu qu’il s’imposait d’urgence de s’organiser en vue de prévenir largement et
rapidement les services d’urgence, les médecins, les secteurs socio-sanitaire, préventif et policier de
l’apparition de drogues nouvelles, de nouveaux modes de consommation et de nouveaux
comportements mais aussi de prévenir les nuisances et l’insécurité liés à l’usage de drogues.
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Pour ce faire, la Coordination des Actions en toxicomanie était toute désignée, forte de l'expérience
accumulée durant ces cinq années d'exercice et compte tenu du pouvoir fédérateur qu'elle exerce au
niveau local.
Par conséquent, la création de l'Observatoire Liégeois des Drogues peut être considéré comme un
aboutissement concret de cette politique locale concertée. C'est à partir de là qu'une véritable plateforme participative s’est créée regroupant la majorité des autorités, organisations et initiatives prises
dans le domaine des assuétudes, à savoir :
• Service d'urgences psycho-médico-sociales du CHR de la Citadelle,
• Parquet Général,
• Parquet du Procureur du Roi,
• Institut de médecine légale de l’Université de Liège,
• Service de Santé publique et d’Epidémiologie de l’Université de Liège,
• Laboratoire de toxicologie clinique et médico-légale de l’Université de Liège,
• Maison d’Accueil Socio-Sanitaire (MASS),
• Pharmacien conseil de la MASS,
• Police locale,
• Police fédérale,
• Etablissement pénitentiaire de Lantin,
• Commission Médicale Provinciale,
• Inspection de la Pharmacie,
• Ordre des Pharmaciens de la Province de Liège,
• Ordre des Médecins de la Province de Liège,
• Service de Santé et de l’Environnement de la Province de Liège,
• Plate-Forme Psychiatrique de la Province de Liège,
• Expert indépendant,
• et Réseau psycho-médico-social.
Il a été prévu que les membres de l’Observatoire serviraient, à leur tour, de relais à d’autres institutions
et il est à remarquer que ce projet a été rendu possible grâce à la confiance qui s’est installée entre ces
différents professionnels, qui sont concernés et animés par un même souci et une volonté commune
d’action.
Le dispositif permanent, opérationnel depuis janvier 2003 est composé d'une psychologue, d'un
éducateur de rue et d'un pharmacien. Sa mission est d’apporter aux citoyens, aux professionnels et aux
politiques les informations nécessaires pour mener une action appropriée en matière de drogues, en
s’articulant aux différents partenaires qui constituent l’Observatoire Liégeois des Drogues.
Pour remplir sa mission, il a défini, au niveau local, trois axes de travail :
- développer un Système d’Alerte Rapide (SAR),
- diffuser un rapport de Tendances Emergentes (TE)
- impliquer les habitants dans la politique locale de gestion des phénomènes
Concernant l’axe SAR, l’Observatoire s’organise autour du concept d’observation réactive en matière
non seulement de santé publique mais aussi de délinquance et de criminalité. En effet, une politique de
réduction des risques globale et intégrée ne peut être réalisée si elle ne tient pas compte, simultanément,
de ces deux pôles d’action et de préoccupation. Il s’agit, sur un territoire donné, de pouvoir prendre
connaissance, dans les meilleurs délais, de tout changement significatif en matière d’usage de drogues
et des nuisances qu’il engendre et enfin d’enclencher un système d’alerte en trois directions :
- secteur sanitaire (hôpitaux, services d’urgence, médecins…)
- secteur socio-préventif (services de prévention, travailleurs de rue, …)
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- secteur policier et judiciaire (police, Parquet, prison…)
Le deuxième axe de travail porte sur la rédaction et la diffusion semestrielle d’un rapport
épidémiologique rendant compte des tendances émergentes afin d’obtenir une photographie exacte de
la situation au niveau local.
Enfin, pour assurer un impact positif et le succès des actions, il s'agit de promouvoir une prise de
conscience plus générale et d'informer directement le citoyen reconnu comme « expert » capable
d’exprimer les nuisances liées à la problématique de la drogue ainsi que l’inviter à participer
activement à l’élaboration de la politique locale en la matière. L’Observatoire s’attache également à
relever ce défi.
Eléments de freins :
- Selon les problématiques abordées, certains partenaires sont amenés à changer de niveau
d'implication (soit à titre personnel soit à titre institutionnel). Ces changements de "casquette" peuvent
avoir pour conséquence de fragiliser certaines prises de décision et/ou la reconnaissance du dispositif à
l'extérieur. Par ailleurs, le partage d'information peut être favorisé par le caractère informel de certains
échanges.
- La richesse du caractère inter-sectoriel de cet outil nécessite cependant la plus grande prudence quant
au respect des aspects légaux, éthiques et déontologiques dans le cadre du partage d'informations.
Eléments de réussite :
- Un organisme extérieur demande à la Coordination de la Ville de proposer des solutions, ce qui
renforce la légitimité de l'autorité locale.
- La Coordination élabore un outil qui sera défendu par Bourgmestre auprès du pouvoir subsidiant.
- Tous les organismes sont représentés par leur plus haut responsable hiérarchique.
- Réunion toutes les six semaines avec un taux d'absentéisme faible.
- Ambiance de travail : rire, confiance, climat convivial.
- Tous les membres demandent que la Ville coordonne le dispositif car elle est reconnue comme étant
mieux placée pour concerter toutes les autorités compétentes.
- Création d'un climat d'échange tel que chacun se sent naturellement responsable dans la gestion des
problèmes.
4.3 Liège, ville pilote
Contexte
En octobre 2002, le Bourgmestre de la Ville de Liège a sollicité l'aide du Premier Ministre afin de
trouver des solutions avec toutes les autorités concernées pour renforcer, grâce à l'intervention des
différentes fonctions de l'Etat, l'approche intégrée de la problématique des drogues développée au
niveau local.
En effet, l'Etat doit se pencher sur les racines de l'exclusion sociale tandis que la Ville, elle, doit gérer
"le théâtre" de l'expression de celle-ci. Malgré tout ce qui y est mis en œuvre, les citoyens restent
insatisfaits et certains usagers de drogues en souffrance. Ainsi, la Ville ne peut pas maîtriser seule
l'ampleur de ce phénomène de société.
En réponse à cet appel, le Premier Ministre a décrété que la situation spécifique de Liège nécessitait
une concentration de moyens et a proposé la mise en place d'une "Task Force Drogue".
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Ce projet pilote, sur lequel la Coordination des Actions en Toxicomanie travaille depuis, vise à mettre
en place, avec l'aide des différents Ministères concernés, un plan d'action intégré et expérimental. Selon
le Premier Ministre, ce dernier devra, par la suite, être transposé dans d'autres villes du pays.
Un processus de consultation, effectué parfois en présence du Bourgmestre, a conduit à la mise en
évidence des besoins des différents secteurs concernés par la problématique de la drogue (santé, justice,
police, prison) ainsi qu'à la définition d'un plan d'action intégré local.
De décembre 2002 à mai 2003, un état des lieux a été élaboré et des échanges réguliers ont eu lieu au
Cabinet du Premier Ministre avec les Ministres compétents ou leur représentant.
Les lignes directrices du plan stratégique s'articulent autour des volets suivants :
- prévention,
- action thérapeutique et action sociale
- maintien de l'ordre et lutte contre les nuisances publiques
- politique criminelle
Eléments de freins
La mise en évidence des problèmes et des besoins des divers
secteurs concernés par la problématique de la drogue a renforcé le sentiment d'urgence d'agir au sein de
ces secteurs et donc la nécessité d'augmenter les moyens qui y sont consacrés. L'absence d'éléments de
réponse concrets aux demandes destinées à la réalisation de ce plan d'action intégré peut renforcer le
sentiment d'impuissance ressenti par les diverses autorités et institutions locales.
Eléments de réussite
Rapports de confiance et grande accessibilité des experts de tous les secteurs qui favorisent une récolte
rapide
d'informations
fiables,
contextualisées
et
en
rapport
avec
la
réalité ;
Implication des autorités locales et implication directe du Bourgmestre dans le processus de travail.
4.4 Conclusion
Il ne s'agissait pas d'exposer une méthodologie de travail en vue de construire une politique locale
concertée mais bien de dégager un ensemble d'étapes, de facteurs de frein et de réussite qui peuvent
concourir à l'élaboration de cette politique.
Pour parcourir toutes ces étapes, l'instauration et l'entretien d'un "esprit" de travail entre les partenaires
concernés apparaît incontournable.
C'est notamment la capacité à diffuser cet esprit qui peut faire de chacun des professionnels réunis lors
des séminaires organisés par le Forum Européen pour la Sécurité Urbaine un acteur-clé. Celui-ci
pourra, au niveau local, potentialiser les ressources disponibles et renforcer les atouts de ses partenaires
pour trouver un sens commun aux problématiques à résoudre.
Les expériences des autres villes partenaires du projet sont disponibles sur le site du FESU : www.fesu.org.
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5- Conclusions
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5.1 Considération et préconisations
Comme mentionné au chapitre 1 du présent document, le plan d’action de l’Union Européenne en
matière de lutte contre la drogue pour les années 2000-2004 préconise une approche globale,
pluridisciplinaire et intégrée.
Si, pour répondre à la demande d'une majorité de citoyens européens, des décisions législatives
relatives à la toxicomanie doivent être prises à ce niveau, elles requièrent la mise en place de
coordinations nationales et locales en vue de leur application.
Ainsi, par exemple, en matière de lutte contre le trafic des drogues, la criminalité et la violence qui y
sont liées, l’Organe International de Contrôle des Stupéfiants mentionne dans son rapport 2003 que
« (…) si elle ne tient pas compte des spécificités du contexte local, l’action menée à l’échelon local par
les administrations et les services de détection et de répression débouche sur des mesures inefficaces
qui peuvent être contre-productive et contribuer à terme à l’augmentation de la criminalité ».
C’est donc aux élus locaux que revient la légitimité de promouvoir et de conduire des politiques
intégrées en matière de drogues. Pour ce faire, ces derniers doivent pouvoir s'appuyer sur l'expertise
des acteurs de terrain concernés.
Les travaux menés dans le cadre du présent projet SécuCités-Drogues avaient pour but d’impulser,
avec la collaboration de tous les participants, une réflexion de fond englobant tous les aspects du
phénomène. Cette démarche constitue le point de départ indispensable à la prise de décision adéquate
en matière de prévention et de traitement des toxicomanies.
Le partage d’expertise et de vécu est un puissant catalyseur pour amorcer la réflexion sur un domaine
aussi complexe que celui de la toxicomanie par rapport auquel, les acteurs locaux, élus y compris, sont
souvent bien démunis.
Tout comme dans un "laboratoire urbain", les participants ont été placés au centre d’un processus
visant à faire émerger des aptitudes et une ouverture d'esprit nécessaire à la maîtrise de tous les enjeux
de la problématique.
Cette formation a permis de potentialiser des ressources existantes mais bien souvent ignorées par ces
professionnels qui, sans en avoir toujours conscience, possèdent dans leur ville, tous les ingrédients
pour la mise en place d’une politique de prévention et de traitement des toxicomanies.
La formation a également été une excellente occasion pour ces professionnels, plongés dans les tâches
quotidiennes, de formaliser leur propre méthodologie de travail.
Chaque étape de travail s’est clôturée par une phase de restitution destinée à synthétiser les éléments
essentiels mis en évidence, par ces professionnels de tous secteurs, lors des travaux.
L’implication des participants, leurs apports et la qualité de leurs questionnements montrent que la
formation a pleinement atteint ses objectifs. En dépit des demandes initiales de recevoir "un kit" de
solutions toutes faites, chacun a compris l’importance de soulever, au préalable, toutes les questions
nécessaires à la mise en place d’une politique globale et intégrée. Ainsi, chacun a pu se construire une
grille d'analyse à développer, à éprouver, à adapter en fonction de sa situation locale.
Au vu de ce qui précède, l'extension du projet SécuCités-Drogues à d’autres villes pourrait leur
permettre de s'inscrire dans un réseau et bénéficier ainsi de la richesse d’une telle approche.
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5.2 Les nouveaux membres de l’Union Européenne
L’entrée dans l’Union Européenne de dix nouveaux pays va modifier sensiblement le paysage
européen en introduisant une grande diversité de problématiques ainsi qu’une plus grande
hétérogénéité des stratégies mises en oeuvre.
Le rapport annuel 2003 de l’Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies mentionne que
si ces pays connaissent depuis plus de 20 ans des problèmes liés à l’abus de drogues, la consommation
grandissante de produits illicites est un phénomène assez récent.
Pour certains d'entre eux, ce phénomène est lié à la dislocation du bloc de l’Est et aux modifications
socio-économiques et politiques qui en ont découlé. Jusqu'au début des années 90, l’existence de
problèmes liés à la consommation de drogues illicites a été minimisée, voire niée, par les autorités de
ces pays empêchant la mise en place de stratégies ciblées et les laissant totalement démunis face à
cette problématique.
Les dix membres de l’Union ne sont pas égaux pour faire face aux problèmes liés à la toxicomanie. Si
des facteurs socio-économiques aggravants communs peuvent être identifiés, ces pays, selon leur
niveau de développement et leur degré d'indépendance par rapport au système soviétique, sont outillés
différemment pour lutter contre ce phénomène.
Aujourd'hui, chacun d'entre eux possède un plan national stratégique drogue propre et a mis en place
des politiques directement liées à leurs représentations particulières de la problématique.
D’autre part, si les nouveaux pays membres disposent de peu de données pouvant rendre compte de
leur réalité locale, ils souffrent également de la faiblesse de leur cadre conceptuel, ce qui handicape
l'analyse du phénomène.
D’une manière générale, bien que témoignant de la volonté d’agir sur les problèmes liés à la drogue,
ces pays éprouvent une réelle difficulté à mettre en œuvre les actions préconisées par leurs propres
plans nationaux.
Comme le mentionne le rapport de l’Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies, ces
pays comptent sur l’appui des autres pays membres pour les aider à mettre en place des stratégies
opérantes et pointent l'intérêt de construire ou de poursuivre les projets de parrainage entre pays.
De plus, en matière de prévention et de réduction des dommages pour la santé liés à la toxicomanie, le
Conseil de l’Union Européenne du 18 juin 2003 recommande aux états membres « d’encourager, en
collaboration avec la Commission, l’échange des résultats des programmes, de compétences et
d’expérience, au sein de l’Union européenne et avec les pays tiers, en particulier les pays candidats. »
Les travaux menés dans le cadre du projet SécuCités Drogues ont mis en évidence l’importance, au
niveau local, non seulement de pouvoir identifier les représentations par rapport au phénomène, mais
également, de connaître le cadre législatif propre à chaque contexte ainsi que d'identifier toutes les
ressources et les partenariats possibles. L’ensemble constituant l’arrière-fond sur lequel se tissent les
politiques en matière de drogues et les actions qui en découlent.
Le référentiel développé et éprouvé dans le cadre de ce projet pourrait contribuer à soutenir les villes
de ces nouveaux pays membres dans une démarche interprétative et explicative des phénomènes en
vue d'élaborer et d'appliquer des stratégies efficaces de prévention et de traitement des toxicomanies.
S'il est important que des parrainages puissent se mettre en place au niveau national pour soutenir
l'évolution des structures institutionnelles, il apparaît essentiel de poursuivre la constitution de réseaux
avec ces villes pour favoriser la mise en place de stratégies adaptées au contexte local par l'échange
d'idées et de pratiques.
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