Jean-Samuel Beuscart _ Généalogies de l`écoute musicale

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Jean-Samuel Beuscart _ Généalogies de l`écoute musicale
Jean-Samuel Beuscart : Généalogies de l’écoute musicale « InternetActu.net
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Jean-Samuel Beuscart : Généalogies de
l’écoute musicale
Interviews
P2P
31/08/10 23:40
Usages
Par Hubert Guillaud le 05/01/05 | 1 commentaire | 4,794 lectures | Impression
Jean-Samuel Beuscart est sociologue, enseignant à l’Institut Français de Presse (Paris II) et
doctorant à l’ENS Cachan. Après avoir accompli un mémoire de DEA remarqué consacrée à «
Napster, communauté ou clientèle ? », il termine une thèse sur la construction du marché de la
musique en ligne.
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quoi et comment la “consommation” musicale s’est-elle radicalement transformée ces
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dernières années ?
Jean-Samuel Beuscart : Notre rapport à la musique ne s’est pas radicalement transformé depuis
l’apparition de l’internet. Les soubresauts de ces dernières années sont plutôt à replacer dans un
mouvement de fond qui commence avec ce qu’on appelle d’ailleurs le « boom musical » des
années 60. Les transformations actuelles sont plutôt en continuité qu’en rupture : on constate
certes des évolutions liées à l’apparition de nouveaux supports notamment, mais les
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d’heure d’anonymat [+]
caractéristiques générales de notre rapport à la musique continuent de s’affirmer depuis les
années 60.
Depuis les années 60, l’écoute musicale est passée d’une pratique sociale minoritaire et
ponctuelle à une pratique sociale de masse et quotidienne. Cet accroissement continu et très
marqué de l’écoute musicale sous toutes ses formes est incontestablement liée à des effets de
génération : depuis celle qui avait 15 ans dans les années 60, chaque nouvelle génération écoute
plus de musique que la précédente. Non seulement les nouvelles générations écoutent plus de
musique que les précédentes, mais elles continuent à en écouter plus, même en vieillissant.
Le deuxième trait de cette évolution de l’écoute musicale concerne la diversification des supports
et la désacralisation de la musique. On est passé d’une consommation artistique, liée à des lieux
d’écoute légitimes (salles de concerts), à une consommation quotidienne et ordinaire. L’évolution
vers cette consommation de masse est marquée par l’apparition de nouveaux supports (cassette,
Cd, MP3…) et par la portabilité de la musique (baladeurs, baladeurs numériques…). Les courbes
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: Lire d’une tout autre manière
Le 28/8/2010 à 8:00 de Nehemiah sur La fin du
management
de diffusion de ces nouveaux supports sont très classiques : dans un premier temps, ils sont
adoptés par une minorité d’innovateurs, avant de se connaître une phase de diffusion rapide
Les articles les plus lus
(courbe dite « en S »). La particularité est ici que chaque nouveau support est porté avant tout par
Les articles les mieux notés
les jeunes générations. Les effets de rattrapages entre générations sont faibles : la génération
d’avant le walkman ne l’a jamais vraiment intégré à sa pratique musicale. Autrement dit, l’effet de
Vous parlez de nous
génération est plus marqué que l’effet d’âge.
Revues de web
Alerte aux faux avis de consommateurs en plein
essor sur Internet - La Tribune (latribune.fr) [+]
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Jeux de mains, Jeux bienbienbien BienBienBien (bienbienbien.net) [+]
Nous sommes surdoués, mais crétins - Le blog
de Pierre Rabhi (pierrerabhi.org) [+]
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Les bonnes leçons du Bon Coin - La Social
Newsroom (benoitraphael.com) [+]
Les opérateurs téléphoniques de demain sont
Google, Apple, Facebook et Skype -
En 2000, Shuman Ghosemajumder a étudié la diffusion de nouvelles technologies
(télé couleur, lecteur de DVD, Caméras numériques, Napster…) qui montre la
AbriCoCotier.fr (abricocotier.fr) [+]
A voir ailleurs
courbe de diffusion des supports dans les foyers américains.
Troisième caractéristique de cette évolution est plus qualitative : la dimension identitaire de
l’écoute et des choix musicaux s’est affirmée ou est devenue plus visible. Toutes les études sur
les genres musicaux le montrent : les nouvelles musiques ne sont pas seulement des formes
artistiques, elles véhiculent aussi des visions du monde, des formes d’identité. Il y a une
dimension de sociabilité identitaire très forte dans la participation aux nouveaux genres musicaux.
Antoine Hennion, dans Figures de l’amateur, a une belle expression pour désigner ce phénomène
: il qualifie la musique de “technique collective de fabrication de soi”. D’ailleurs, là encore, le choix
des genres musicaux ne se transforme pas avec l’âge, mais dépend surtout de la génération à
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laquelle vous appartenez. Le rock n’est pas la musique des jeunes, comme le pensaient au début
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les chercheurs, mais celle de la génération des années 60 ! Ce qui est certain, c’est que l’écoute
musicale est investie d’une dimension identitaire importante, certes pas autant que le niveau
d’étude ou la profession exercée, mais non négligeable.
semaine.
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Le dernier trait de l’évolution, mis en évidence depuis une quinzaine d’année, c’est la tendance à
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l’éclectisme des goûts musicaux. Jusqu’aux années 70-80, quand on faisait des enquêtes, on
trouvait une correspondance générale entre catégorie sociale et degré de légitimité culturelle des
oeuvres écoutées : pour schématiser, les classes supérieures écoutaient plutôt du classique et du
jazz, les classes populaires de la variété. Depuis 15 ans ce marquage social de la musique se
dilue. Chez les classes supérieures et sans doute dans l’ensemble de la population on observe
une tendance à la multiplication des genres musicaux écoutés simultanément. La question
demeure de savoir si cet éclectisme est un mouvement général ou une nouvelle façon de se
distinguer…
InternetActu.net : A vous écouter, on peut dresser des différences générationnelles dans
les modalités d’écoute de la musique. Que nous apprennent-elles ?
Jean-Samuel Beuscart : Pour résumer l’évolution de l’écoute musicale : depuis presque 50 ans,
les gens écoutent plus de musique, issues de genres plus variés, sur des supports plus diversifiés,
de manière toujours moins sacralisée. Le facteur générationnel est essentiel dans ces mutations,
car ces évolutions sont clairement portées par les différentes générations. Sans compter que les
nouvelles caractéristiques des générations ne se perdent pas avec l’âge : il reste des différences
dans l’appropriation des supports, l’intensité de l’écoute et les genres musicaux écoutés.
A priori cet effet de génération est encore plus net dans le cadre de l’utilisation des outils
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informatiques pour écouter de la musique. Dans son étude économétrique, Music Sales in the
Age of File Sharing, Eric Boorstin différencie justement des classes d’âges pour apprécier le rôle
du P2P dans la baisse des ventes de disque. D’après ses conclusions, le P2P a un effet négatif
sur les ventes pour les 15-24 ans mais positif pour les générations plus âgées. Pour les plus
jeunes, le téléchargement de MP3 se substitue à l’achat de musique et entre dans un réseau de
consommation musical très intensif alors que pour les plus âgés, le P2P est avant tout un moyen
de découvrir la musique et les amène à acheter les supports de leurs générations : le disque.
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Dominique Cardon
Government
Daniel Lathrop
Bernard Préel, chercheur au Bipe dans une communication (.pdf) faite en mars 2004 à
l’Ecole nationale supérieure des télécommunications, mesurait le taux d’écoute de la
musique enregistrée en France par génération.
La génération est bien une dimension tout à fait pertinente de l’analyse de l’écoute musicale.
InternetActu.net : Quel rapport les gens ont-ils avec leur musique sous forme numérique ?
Que font-ils de leurs fichiers ? Que dit l’évolution du rapport des “consommateurs” aux
supports ?
Jean-Samuel Beuscart : Que ce soit de l’usage des fichiers numériques ou du P2P, force est de
constater qu’on dispose essentiellement d’études qualitatives ou déclaratives, qui donnent des
pistes d’analyse convergentes mais ne permettent pas forcément de quantifier les usages ; en
outre, les technologies n’étant pas stabilisées, pas plus que le contexte économique, les usages
continuent d’évoluer. Ceci dit, on peut tout de même repérer quelques traits saillants de ces
pratiques. Dans mon étude sur Napster – et l’on retrouve des éléments similaires dans d’autres
études, j’observe qu’il y a des interprétations ou des évaluations différentes des fichiers MP3 selon
les internautes. Pour reprendre une expression de la sociologie des usages, il y a une “généalogie
des usages”, c’est-à-dire que les gens interprètent le nouveau support à l’aune des supports
existants. Même s’il est difficile d’établir une typologie stable, on peut faire ressortir trois profils
d’utilisateurs :
- Il y a tout d’abord le collectionneur de fichiers numériques. Pour ce téléchargeur intensif, le MP3
est un objet de collection à grande échelle. Sa pratique se caractérise dans un premier temps par
une forte addiction au téléchargement pour enrichir sa collection. Les gens qui ressortent de ce
type de profil n’évaluent pas forcément le fichier MP3 par rapport au disque, mais pour lui-même.
Ils achètent peu de disques à côté de leur pratique (et en achetaient souvent peu auparavant) :
pour eux, le MP3 est un support légitime à part entière qu’ils classent, archivent sur disque dur et
écoutent directement depuis leurs ordinateurs. D’ailleurs, la diversité des techniques d’archivages
est très révélatrice des pratiques musicales.
- A l’opposé, il y a le cas très fréquent du téléchargeur pour qui le MP3 est un ersatz du disque.
Certains l’ont baptisé le « sampler », parce que son usage du peer-to-peer vise à échantillonner,
à goûter la marchandise : le support numérique permet d’écouter, de tester et est destiné à
valider un achat ou à être transformé en disque pour venir s’intégrer dans une discothèque déjà
existante. Pour ces internautes, le MP3 n’a pas la même valeur que l’album de musique. Le plus
souvent, ils stockent leurs morceaux un peu n’importe comment sur leur ordinateur, se
reconstituent un disque – pochette comprise – ou l’achètent et écoutent au final leur musique
plutôt sur leur chaîne hi-fi.
- A l’époque de mon enquête (2001), j’avais identifié un autre profil, plus minoritaire, de gens qui
assimilent plutôt le P2P à la radio : un outil qui permet d’avoir sous la main ce qu’on souhaite
écouter, mais qui en aucun cas ne sert vraiment à écouter ou collectionner de la musique. Ces
internautes ne classent pas beaucoup leurs morceaux et les effacent souvent. En tous les cas,
depuis 2001, les études identifient toujours au moins (avec des variantes) les deux premiers
profils : le collectionneur et le « sampleur ».
Maintenant que l’offre dite légale se constitue, et dans la mesure où elle est radicalement
construite sur le modèle du circuit de distribution physique, elle a tendance à renforcer
l’interprétation du fichier MP3 comme un équivalent du CD, et à marteler l’équation « un fichier
mp3 = une chanson de CD ». Mais l’incertitude de la définition et de la qualification d’un MP3
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persiste. Ce qui est amusant, c’est qu’on la retrouve aussi bien chez les téléchargeurs que chez
les acteurs de l’industrie musicale. Il y a par exemple un conflit entre la Sacem (Société des
auteurs compositeurs et éditeurs de musique) et le Snep (Syndicat National de l’Edition
Phonographique) sur la qualification juridique du fait de télécharger un MP3. Pour résumer, selon
le Snep, la distribution de MP3 doit fonctionner comme la distribution de CD physiques ; c’est
donc le producteur qui doit se charger de payer les droits d’auteur, et ces droit d’auteur doivent
être les mêmes que pour les CD. Mais pour la Sacem en revanche, on est plutôt sur un modèle
proche de la radiodiffusion : c’est le diffuseur final qui doit payer les droits, et ceux-ci doivent être
plus élevés que pour le disque car il y a aussi du droit de représentation.
InternetActu.net : Ces trois profils types évoluent-ils dans le temps ? Peut-on observer un
mouvement d’un profil vers un autre ?
Jean-Samuel Beuscart :Je n’ai pas de données précises pour vous répondre. A mon avis, les
profils évoluent peu, ou alors lentement avec l’âge et le revenu. C’est pourtant une question
centrale pour le marché du disque. Soit il y a un effet d’âge, et dans ce cas les jeunes qui
téléchargent beaucoup se mettent à acheter des disques avec l’âge, quand leurs revenus
augmentent et qu’ils ont moins de temps pour télécharger (ils se rapprochent alors des « samplers
») ; soit c’est un effet de génération, et alors les samplers/acheteurs de disques vont disparaître
progressivement.
L’industrie du disque craint – et essaie de prévenir – le second scénario. A ma connaissance,
aucune donnée ne permet de pencher dans un sens ou dans l’autre.
InternetActu.net : Comment ces innovations, ces nouveaux modes d’écoutes se propagentils ?
Jean-Samuel Beuscart : Ce qu’on peut retracer, c’est la diffusion des nouveaux outils, de P2P
notamment. Napster est un cas assez emblématique de la diffusion d’un outil qui induit de
nouvelles pratiques de choix musicaux. Shawn Fanning, son créateur, a mis à disposition sur un
serveur en mai 1999 sa version d’essai du logiciel (la bêta) en prévenant une centaine de
personnes seulement. En un mois, 3000 personnes téléchargent le logiciel. Très rapidement celuici se diffuse en prenant appui sur les communautés existantes de téléchargeurs qui se
rencontraient sur l’IRC (Internet Relay Chat). Il faut dire que le logiciel de Fanning répondait
exactement aux problèmes et limites que rencontraient les internautes dans leur pratique de
téléchargement sur l’IRC : des temps de recherche trop long, des relations sociales et des
négociations trop compliquées. La primo diffusion du logiciel continue sur le même modèle, de
proche en proche : il apparaît dès juillet 1999 sur la liste de diffusion alt.music.mp3 et le nombre
de discussion qui l’évoque croît de mois en mois. Il se diffuse ensuite aux listes généralistes.
Dans un second temps, des utilisateurs enthousiastes créent des sites pour expliquer comment le
logiciel fonctionne, comment il s’installe. Dès 2000, apparaissent les premiers articles dans la
presse professionnelle, puis généraliste, qui fournissent toujours une description du mode de
fonctionnement et d’utilisation de Napster. Au final, si Napster s’est diffusé aussi vite, c’est qu’il
existait déjà une communauté qui a pu en assurer la promotion et que le logiciel a abaissé les
barrières à l’entrée de la pratique du téléchargement : en simplifiant l’accès à la technique et en
facilitant la “négociation”.
Si on trace une courbe de la diffusion de Napster et qu’on la compare à celle d’innovations
comme le CD ou le DVD, on obtient quelque chose d’assez proche si ce n’est qu’elle décolle
beaucoup plus rapidement (3 à 4 fois plus vite) et réduit au minimum la phase de diffusion
restreinte à une petite communauté.
Maintenant, je ne connais pas vraiment d’études comparatives dans le domaine de la musique
pour voir pourquoi, au-delà des aléas juridiques et économiques, tel ou tel service devient un
standard et pas tel autre.
InternetActu.net : Qu’en est-il des comportements de coopération dans le fonctionnement
des réseaux P2P ? Apprend-t-on vraiment à écouter la musique des autres dans un réseau
P2P ? Ou bien s’agit-il d’une belle idée quantitativement marginale ?
Jean-Samuel Beuscart : Dans mon étude sur Napster comme dans l’ensemble des recherches
qualitatives, on voit qu’il existe des pratiques qui représentent une vraie innovation dans la façon
dont on découvre la musique. Certes, les comportements de coopération, quand on essaye de les
chiffrer, apparaissent minoritaires, très minoritaires pour certains. Comme le soulignait en 2000
l’étude Free riding on the Gnutella, moins de 50 % des utilisateurs du réseau Gnutella
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partageaient leurs fichiers et la majorité de ceux-ci étaient fournis par 3 % seulement des
utilisateurs.
Ceci dit, les logiciels P2P offrent des possibilités d’échange et de coopération nouvelles – au-delà
du partage – effectivement plébiscitées par une partie des utilisateurs. Ces outils de coopération
induisent et permettent des formes assez originales d’accès à la musique, de choix musical ou de
développement du goût musical. Si l’on étudie le fonctionnement des recherches sur un réseau
P2P, on constate que les utilisateurs sont loin d’avoir toutes les informations dont ils peuvent
disposer sur des sites légaux ou dans les magasins de disques : les noms des fichiers sont
souvent incomplets, ils sont rarement classés par genre, aucun panneau ne vous invite à choisir
plutôt tel ou tel artiste… la plupart des signes qui permettent de se repérer dans l’univers
marchand sont absents. Néanmoins quand on regarde concrètement comment les utilisateurs font
pour évaluer la “qualité” des produits, ils ont à leur disposition plusieurs pratiques qu’ils jugent
efficaces. La première, c’est bien sûr l’usage complémentaire des sites musicaux et des autres
médias. La seconde, très répandue, c’est d’aller visiter les discothèques musicales des utilisateurs
dont on a identifié des signes de bon goût (je vais chez eux parce qu’ils ont téléchargé chez moi
un morceau que j’aime, ou parce que j’ai trouvé quelque chose de bien sur leur disque dur). Cette
technique très répandue est parfois systématisée par l’usage de la hotlist (liste des utilisateurs que
je connais, que je visite régulièrement). Dans mon enquête comme dans d’autres, cette source
d’information coopérative et non verbale est unanimement jugée efficace. Le dernier degré de
coopération qu’on trouve, c’est la conversation anecdotique pour se renseigner sur la qualité d’un
artiste ou d’un morceau. C’est dans ces échanges que de petites communautés se recréent à
l’intérieur du P2P.
Si l’on caractérise ces pratiques comme différents degrés de coopération, on peut parler d’une
progression de la coopération des individus qui arrivent sur les réseaux P2P. Une grande majorité
(sans doute, il est difficile d’avoir des chiffres valables) s’arrête au premier degré et pense que
c’est juste une façon de télécharger gratuitement de la musique. A l’inverse, une minorité voit sa
pratique de l’outil évoluer en même temps qu’ils se l’approprient. Ces utilisateurs expliquent alors
que l’outil a fait évoluer leur écoute musicale. Au moment de la mort de Napster, sur les forums,
beaucoup de témoignages montraient que bien des gens avaient appris à utiliser l’outil, avaient
découvert de nouveaux styles, approfondi leurs goûts musicaux…
Propos recueillis par Hubert Guillaud
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1 COMMENTAIRE
par Cyril Demaria
le 6/1/2005 at 22:29
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L’analyse de la courbe de diffusion et des pratiques communautaires appelle
plusieurs commentaires, et notamment celui concernant le modèle économique
que cherchent les producteurs de contenus.
Une base de clientèle potentielle qui croit aussi vite que celle des utilisateurs du
P2P à des fins de téléchargement de musique, dans tout autre domaine, aurait
donné des idées à n’importe quelle entreprise.
Or, il s’avère que les maisons de disque n’innovent pas pour tirer profit de ces
utilisateurs, ce qui est étonnant pour des multinationales disposant de moyens
financiers aussi importants, souvent adossées à des groupes de pointe (Sony par
exemple).
D’où la question : pourquoi ces groupes ne proposent-ils pas des services aux
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consommateurs ? S’il faut reconnaître le phénomène que décrit Daniel Kaplan,
celui du “bain audiovisuel”, alors ces entreprises devraient proposer des services
qu’autrefois le disquaire – aujourd’hui disparu – assurait : des conseils musicaux,
une découverte de nouveaux artistes, une navigation personnalisée parmi l’offre
pléthorique qui est proposée.
La prochaine étape serait donc la constitution d’une banque de donnée commune
de titres aux maisons de disques qui proposeraient des services spécifiques aux
consommateurs (contre un abonnement, par exemple). La chaîne de valeur évolue
et la rémunération des artistes reste assurée.
Les idées ne manquent pas, mais la volonté d’innover des producteurs, oui. C’est
très surprenant.
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