La géochimie est actuellement une des plus - Lapadu
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La géochimie est actuellement une des plus - Lapadu
-1- INTRODUCTION ________________ La géochimie est actuellement une des plus actives parmi les disciplines de la géologie. Mais cette actualité, incontestable, n'empêche pas qu'il y a fort longtemps que les géologues se sont préoccupés de géochimie. En effet, la première fois que ce terme est apparu, officiellement, c'était en 1838, soit plus de 120 ans avant ce jour. C'est Christian SCHOEBEIN qui en fut l'inventeur. Il est vrai que sous ce terme, Ch. SCHOEBEIN recouvrait bien plus que la géochimie de ce jour puisqu'il avait le désir - et l'ambition - de grouper dans cette discipline, outre notre actuelle géochimie, la pétrographie et la minéralogie descriptive, et même la stratigraphie. Assez vite la géochimie a restreint son horizon assez démesuré, il faut l'avouer, à des proportions plus modestes. Déjà, à la fin du XIXe Siècle, des savants comme J. BERZELIUS, G. BISCHOF, J. ROTH, ramènent la géochimie vers ses buts présents. Mais il faudra attendre le début du XXe Siècle pour que les géochimistes, au sens strict du terme, fassent réellement apparition. Citons J. M. VOGT, W. C. BROGGER, V. M. GOLDSCHMIDT, H.S. WASHIGTON et F. W. CLARKE. Ces deux derniers pouvant être considérés comme les fondateurs en Amérique de cette science. En Russie, également, V. V. VERNADSKY et A. E. FERSMAN devaient être les chefs de file d'une école géochimique importante dont les travaux actuels font autorité. -2- C'est en 1935 que V, M. GOLDSCHMIDT a pu donner de la géochimie une définition vraiment moderne et depuis lors, les buts de cette discipline n'ont guère évolués. Pour cet auteur, la géochimie avait pour but essentiel, d'abord des mesures de distribution des différents éléments chimiques dans les différentes zones de la terre, dans ce qu'il a défini fort judicieusement comme les “différentes sphères géochimiques”, C'est là un premier travail de recherches analytiques et d'accumulation d'archives, Travail fait à partir des matériaux naturels roches, minerais, minéraux, recueillis à ces différents niveaux, donc dans ces “sphères géochimiques”. Ensuite, la géochimie se propose d'établir des parentés possibles sur le plan de leurs fréquences relatives dans la terre. Enfin, et c'est là son but ultime, la géochimie se proposait d'énoncer les lois régissant les proportions, fréquence et distribution de ces éléments. Nous pouvons tout de suite dire que si le premier point de ce programme est, à l'heure actuelle, en bonne voie de réalisation, et qu'ainsi on peut affirmer que nous disposons d'archives qui commencent à être largement fournies, il n'en est pas de même pour les deux points suivants, surtout pour ce qui e st des lois à dégager, Nous sommes encore bien loin de savoir exactement, ou même généralement, à quelles lois générales peuvent obéir les principes de la géochimie. Nous aurons l'occasion de revenir largement sur ce point, dans ce qui va suivre. -3- METHODES DE LA GEOCHIMIE _____________________________ Dans ce terme géochimie, il y a le préfixe géo qui indique les objets sur lesquels vont s'exercer les études et recherches, et le mot chimie qui indique que l'on aura recours à cette discipline pour ces mêmes recherches. Un géochimiste est donc à la fois un géologue et un chimiste. Les méthodes utilisées seront celles de ces deux disciplines. Méthodes géologiques, surtout pétrographiques, pour l'examen des échantillons, leur détermination et leur localisation, leurs conditions de gisement, le cadre tant stratigraphique que tectonique dans lequel ils se trouvent; tout ceci nous rappelle que la géochimie s'exerce sur ces matériaux de la terre et de ses différentes enveloppes. Avec plus ou moins de bonheur car si certaines enveloppes sont facilement accessibles, d'autres le sont bien moins et, en fait, il n'y a de géochimie un peu sûre que sur les enveloppes de notre habitat, lithosphère ou écorce, hydrosphère, basse atmosphère, biosphère. Les autres zones sont d'un accès bien plus malaisé, et leur connaissance, de ce chef, est bien moins poussée. Pour certaines même, on est davantage sur le plan des hypothèses que sur celui des certitudes. Les méthodes chimiques seront celles qui présideront à l'étude des matériaux recueillis et repérés. Et l'on peut dire que les méthodes de la géochimie étant c'elles de la chimie, celle-ci a fait, dans ce domaine, les mêmes progrès que la chimie, spécialement de la chimie analytique dont elle est une des modalités d'application. C'est vers 1880 que la chimie analytique a commencé à fournir des résultats à peu près constants, donc sûrs et utilisables, et c'est, en conséquence, à partir de cette époque, que la géochimie a commencé à pouvoir disposer également d'analyses utilisables. -4Les méthodes ont d'abord été les méthodes classiques de la séparation analytique, par voie humide principalement et celles-ci sont encore très largement utilisées. Il faut ajouter que ces méthodes qui font amplement appel aux réactions par voie humide, par ions entre autres, sont compliquées en géochimie par le fait qu'on s'adresse à des matériaux qui sont, comme nous le verrons, largement silicatés ; les édifices silicatés sont très énergiquement liés, Les disjoindre nécessite la mise en œuvre d'énergie élevée et les attaques utilisées - fusion, alcali, mélange d'acides violents, etc. - font appel à des moyens d'une grande énergie. Mais d'autres méthodes analytiques ont vu le jour qui ont permis à la chimie analytique d'atteindre à la fois plus de précision et une fidélité plus grande, Nous allons très rapidement citer les plus importantes parmi celles -ci. A/ La spectrophotométrie d'émission Mise en évidence par BUNZEN à la fin du XIXe Siècle, cette méthode, sans cesse perfectionnée, a connu un grand essor, Elle consiste essentiellement à mesurer l'intensité d'une raie émise par un élément donné qui est excité par une haute température, Dans ce cas, les éléments émettent une lumière complexe composée par un certain nombre de radiations lumineuses qui s'échelonnent dans le visible ou les domaines marginaux (infrarouge et ultra-violet surtout). Cette méthode a d'abord une incontestable valeur dans une recherche qualitative et bon nombre des éléments chimiques actuellement connus ont été ainsi décelés, mais on a pu ensuite, en photométrant telle ou telle raie judicieusement choisie et en comparant cette mesure à une mesure antérieurement faite sur des étalons, doser les quantités de cet élément contenues dans un produit à analyser, Cette cas méthode des a roches l'avantage ou d'une minéraux très haute principalement sensibilité, silicatés, mais dans le la fidélité est médiocre car on est obligé d'effectuer des évaporations dans un arc électrique avec électrodes de charbon - les silicates sont de très mauvais conducteurs ce qui multiplie les possibilités de variabilité dans les conditions expérimentales. -5Par contre, certains éléments comme les alcalins et certains alcalino-terreux, facilement excitables, émettent à température relativement basse, On peut utiliser un dispositif d'aérosol dans une flamme à partir d'une solution, ce qui donne une garantie bien plus grande de reproductibilité. B/ La spectrométrie par absorption atomique Bien plus récente, est promise à un fort brillant avenir, Dans la méthode précédente, on photométrait les radiations émises par les atomes excités de l'élément considéré, Ici, on mesure l'effet d'écran que les atomes de cet élément exercent sur une émission stable calculée à l'avance, (Phénomène dit du renversement des raies). Or, ce dernier effet, effet d'écran, est fonction des atomes non excités, Ces derniers existent dans une proportion bien plus élevée, 9 fois plus que les atomes excités, souvent davantage, L'effet mesuré est donc bien plus sensible, et est ainsi bien plus fidèle. Dans le cas d'une analyse de silicates, on peut en effet passer par l'intermédiaire d'une flamme de chalumeau dans laquelle la roche à analyser a été pulvérisée sous forme d'aérosol Ce qui simplifie énormément les conditions expérimentales. C/ La photométrie par absorption colorée Est très utilisée, Les éléments sont susceptibles de constituer des combinaisons colorées, soit des anions ou cations, soit les combinaisons complexes minérales ou organiques, L'intensité de la coloration est fonction de la concentration de la combinaison colorée dans le milieu. Il suffira donc de photométrer, à la longueur d'onde correspondante, une solution inconnue et de la comparer avec des solutions étalons connues, photométrées dans les mêmes conditions. Cette méthode est peut-être un peu moins sensible que la précédente, mais elle est remarquablement fidèle et son champ d'application, très vaste, en fait un procédé très largement utilisé à l'heure présente. -6D/ Méthodes diverses Différentes méthodes peuvent être signalées qui font appel à certaines propriétés particulières des ions ou des atomes, La méthode par magnétométrie mesure les caractéristiques magnétiques de certains ions métalliques (Fe++ et Fe+++, Mn++, Cr+++, Ni++, CO++, etc.). Les méthodes polarographiques mesurent les potentiels électriques de certains ions. Toutes ces propriétés qui varient avec la concentration du milieu sont susceptibles d'être des méthodes d'analyses, Ce sont surtout des méthodes d'analyse de routine pour un élément donné (métaux dans les alliages, métaux dans les minerais, etc.) que des méthodes d'analyses générales. Mais elles donnent des résultats remarquablement constants. Certains atomes sont spontanément désintégrés, Ce sont les atomes à noyaux très gros et très complexes, par là peu stables, et à forte masse atomique. Les produits émis (rayonnements α, β et γ) peuvent être mesurés et par là, mesurée la quantité d'atomes, donc de matière correspondante, On peut étendre la méthode à des noyaux normalement stables en les irradiant eux-mêmes. C'est le cas du béryllium qui sous l'action du cobalt radioactif émet à son tour, et c'est là une des méthodes utilisées pour doser cet élément. Le rayonnement X peut aussi être mis en œuvre. On utilise en fait le rayonnement secondaire émis par tels éléments soumis à un rayonnement primaire, Dans ce cas, ces éléments réémettent un rayonnement secondaire X, de plus grande longueur d'onde, dont l'intensité est fonction de la quantité d'éléments intervenants, d'où une mesure possible. Un des dosages classiques de l'aluminium est réalisé selon ce procédé dit de fluorescence X, car ce transfert de radiation est du même type que la fluorescence lumineuse classique, transformant une émission ultra-violette, donc invisible, en une émission secondaire, de longueur d'onde plus grande, donc visible. -7On peut ajouter ici, dans ce relevé des méthodes possibles, la spectrométrie de masse. Un spectromètre de masse mesure les masses séparées et recueillies sur une cible disposée à l'avance et par là mesure la quantité correspondant aux masses atomiques considérées, pour un produit donné. En fait, ce procédé très fin et très sensible, est surtout utilisé en analyse isotopique c'est à dire, en analyse des différents isotopes qui rentrent dans la constitution d'un élément chimique donné. On doit enfin dire un mot d'une méthode, encore assez peu au point, sur le plan des applications, mais dont le champ d'application peut paraître a priori immense ; il s'agit de la résonance nucléaire magnétique. Le principe, fort simple, est basé sur le fait que chaque noyau possède des caractéristiques intrinsèques bien définies en particulier que soumis à un champ magnétique de définition donnée, il peut rentrer en résonnance et par là, amplifier l'intensité de ce champ à la manière d'une caisse de résonnance d'un instrument à corde par exemple. La mesure de ces pics d'amplitude dus à cet effet, pics dont la valeur est fonction du nombre de noyaux qui entrent en jeu, donc quantitative, permet une mesure de la quantité de matière existante. D'où une mesure possible. Procédé d'une grande élégance et d'une perfection théorique tout à fait séduisante, mais dont il faut dire qu'il se heurte actuellement à une mise au point très délicate. Mais il est fort possible. sinon probable, que cette méthode une fois mise au point, pourra être une des plus classiques et des plus parfaites parmi celles que la théorie moderne met à la disposition des analystes chimistes. -8- VALEUR ET SIGNIFICATION DE L'ANALYSE EN GEOCHIMIE ________________________________________________________ Par ces méthodes, le chimiste, en analyse, peut atteindre une précision considérable. Et par là, le géochimiste. On parle actuellement du ppm ou partie pour 1 million. Cette unité utilisée très couramment en géochimie représente 1 g sur une tonne de prise totale. 1 microgramme ou 1 γ pour 1 g de prise. On parle ainsi souvent, de façon un peu abusive de γ pour exprimer des teneurs ; on sous-entend alors qu'il s'agit d'une prise de 1 g à l'origine si bien que dans ce cas γ et ppm ont la même signification. La précision est sans doute très importante, mais la fidélité des résultats l'est encore plus car elle est la garantie d'une bonne reproductibilité, et par là permet ensuite au pétrographe de faire d'utiles comparaisons en utilisant une série d'analyses. Il va sans dire que pour que ces comparaisons aient une valeur, il est nécessaire que l'on ait des résultats qui, dans chacune d'entre elles, soient comparables. C'est là la condition première pour une recherche des lois et des règles qui règnent en géochimie. La recherche d'une précision très aigue est souvent faite au prix d'un travail important, donc coûteux et long. Elle est, en certains cas, fort utile, sans doute, mais il est aussi d'autres cas où il est souhaitable plutôt que d'avoir un résultat très fouillé sur un cas pétrographique d'en avoir toute une série, moins fouillés, sur un ensemble plus vaste, ce qui permettra l'amorce de comparaisons fort intéressantes. Un laboratoire d'analyses de roches ou de minerais doit être sans arrêt mené en tenant compte à la fois de ces impératifs de précision et de rendement, qui sont souvent inconciliables les uns avec les autres. -9ELEMENTS MAJEURS ET ELEMENTS TRACES ____________________________________________ On dispose ainsi depuis plus de 75 ans d'analyses de roches. Quels sont les résultats qui peuvent être tirés de ces analyses ? On doit tout d'abord remarquer que l'on peut, au moins théoriquement, retrouver dans les échantillons analysés les 92 éléments que la chimie traditionnelle nous enseigne comme étant les constituants “élémentaires” de la terre sur laquelle nous vivons. Mais une remarque s'impose : leur répartition est très inégale. Certains sont largement représentés, d'autres le sont à l'état de traces. On a ainsi les éléments majeurs et les éléments traces, ou encore oligoéléments. Mais il ne faut pas oublier que cette répartition si inégale entre les 92 éléments correspond en fait à l'ensemble des matériaux qui nous sont directement accessibles, c'est à dire aux matériaux constitutifs de ce que nous appellerons dorénavant : l'écorce terrestre. Faute d'une meilleure définition, nous nous contenterons pour cette écorce terrestre de la définition suivante : la partie la plus superficielle de notre planète, celle qui nous est pratiquement directement accessible. Elle correspond en fait au 25.000 m. comptés à partir de la cote moyenne de nos continents, soit qu'ils soient atteints de façon active par nos travaux, tels les tranchées, les mines, les sondages . . ., soit que les agents de la dynamique externe ou interne aient mis à jour des zones correspondant à des niveaux normalement plus profonds. Si l'on veut bien se souvenir que le rayon terrestre est de l'ordre de 6.400 km. - la valeur du grand axe de l'ellipsoïde de référence étant 6378,38 m. - on voit que l'investigation sûre permise à nos moyens classiques est de : 25 ------------6400 ce qui est très faible. 1 = --------------256 - 10 Le relevé des roches ou minerais de différentes natures ainsi rassemblés dans cette zone corticale a permis d'établir une moyenne de composition de celle-ci. Voici les résultats obtenus, en 1916 par F. W. CLARKE, en 1926 par W. M. GOLDSCHMlDT. Les deux résultats sont, en fait, fort voisins. I - (CLARKE) II - (GOLDSCHMIDT) ____________ ___________________ O 47,5 46,6 Si 28,8 27,7 Al 8,0 8,1 Fe 4,6 5,0 Ca 3, 5 3,6 Na 2,4 2,8 K 2,5 2,7 Mg 2,2 2,1 On a fait figurer ici que les éléments représentés à des teneurs supérieures à 1 %. En effet, tous les éléments autres que les 8 ici représentés ne figurent dans cette répartition à des teneurs supérieures à 1 %,. Ce sont les oligoéléments ou éléments traces. Ces 8 éléments étant, en revanche, appelés les éléments majeurs. On peut ainsi constater que près de 100 %, de la matière de l'écorce terrestre est constituée à partir de 8 éléments chimiques sur 92 existants, et que trois d'entre eux : 0, Si, Al, constituent à eux seuls près de 84% de celle-ci ! D'une façon très brève, mais non inexacte, on peut enfin définir l'écorce terrestre comme constituée par un silico-aluminate. La part de l'oxygène, en masse, est considérable. Elle est près de 50 %, de l'ensemble. On doit constater, ce qui est très surprenant, a priori, qu'il y a davantage d'oxygène dans la terre que nous foulons que dans l'atmosphère que nous respirons. Cette dernière, en effet, n'en contient en moyenne que 20 %, en masse, approximativement. A côté de ces éléments, dits majeurs, existent les autres éléments à des teneurs moyennes inférieures à 1 % : ce sont les éléments traces, ou oligo-éléments. - 11 Trois éléments : Ti, P et Mn ont des teneurs comprises entre 1 et 0,1 %. Une dizaine S, C, Cl, Rb, Sr, Ba, Zr, Cr, V, et Zn, entre 0, 1 et 0,01 % soit 1. 000 et 100 ppm. Trois éléments Ni, Cu et Li, ont leur teneur moyenne comprise entre 100 et 50 ppm, 9 entre 50 et 10, soit dans l'ordre décroissant : Ce, N, Sn, Nd, Cb, Co, La, P, et Ga. Ceci nous amène au total de 25 éléments traces dont la valeur moyenne des teneurs varie entre 0,001 et 1,0 %. Il reste finalement 59 éléments pour lesquels la représentation moyenne dans l'écorce terrestre est inférieure à 0,001 %, soit 10 gr par tonne de Matériau considéré . . . Signalons au passage les teneurs moyennes calculées respectivement pour l'or (Au) et l'argent (Ag) : Au = 0,005 soit 0, 005 gr par tonne Ag = 0,10 soit 1/10 de gr par tonne. Les métaux qui font l'essentiel de notre actuelle civilisation, autres que le fer et l'aluminium, tels le cuivre, le zinc, le plomb, le nickel, le chrome, l'argent, etc. sont, on le voit, à des teneurs moyennes très basses. Il est hors de doute que si des circonstances tant physiques que chimiques particulières n'étaient pas intervenues pour fabriquer ces roches tout à fait exceptionnelles, en fait, des monstres, que sont les minerais constituant, les éléments pétrographiques des gîtes métallifères, il nous aurait été bien difficile de nous les procurer de façon aussi courante que nous le faisons maintenant. Cette constatation devrait être toujours présente à l'esprit, toutes les fois que l'on traite de géologie appliquée aux mines. - 12 - DISTRIBUTION DES ELEMENTS DANS L'ENSEMBLE DE LA TERRE _______________________________________________________________ En fait, cette composition moyenne est celle de l'écorce terrestre, mais non nécessairement celle de l'ensemble de la terre. Et nous avons toutes sortes de raisons indirectes de penser que la constitution de l'ensemble des différentes zones du globe terrestre doit varier, soit sur le plan de l'état physique, soit dans le domaine des constituants chimiques, soit même sur l'un ou l'autre de ces deux plans. Une première constatation s'impose à nous. Nous connaissons bien, grâce à la géodésie, le volume du globe terrestre, nous savons, grâce aux considérations liées à différentes conditions d'attraction auxquelles est assujettie la terre, la masse de notre planète. Pour ces deux éléments on trouve en effet : V = 1,083.1027 cm3 M = 5,977.1027 g. On trouve donc comme masse spécifique moyenne de la terre, soit M ---- = 5,517 g/cm3 V Or, la masse spécifique moyenne des différentes roches rencontrées sur l'écorce terrestre correspond à 2,705 g/cm3. Il s'ensuit que l'on est obligé d'admettre une différence de nature soit physique, soit chimique, dans les matériaux internes. Nous reviendrons sur ce point fort important en traitant, ci-après, des hypothèses qui ont pu être faites sur la nature et la composition des différentes enveloppes qui constituent l'ensemble de notre globe terrestre. - 13 - LES ENVELOPPES DU GLOBE TERRESTRE _________________________________________ La géophysique, science qui traite de tous les phénomènes physiques qui ont pour siège le globe terrestre en tant que tels, vient nous apporter des renseignements fort intéressants sur cette question. Sans entrer dans les détails de ceux-ci, nous nous contenterons de noter les faits suivants : Les séismes qui sont des phénomènes quasi constants au sein de la terre sont générateurs d'ondes qui se propagent soit superficiellement, soit en traversant la sphère terrestre. Elles peuvent ainsi être reçues, enregistrées et analysées en différentes stations du globe équipées à cet effet, ce qui a pour premier but, par recoupement, de localiser le lieu d'où ce séisme est parti. Mais d'autre part, ces ondes renseignent fort bien sur l'état, sur le plan mécanique, du milieu traversé, soit un secteur plus ou moins important du globe selon l'éloignement respectif du point de naissance du séisme et du point où se trouve située la station d'observation. Les conditions de propagation, vitesse, etc. étant liées à l'état physique du milieu traversé. Or, on montre ainsi que la terre est découpée en couronnes sphériques concentriques séparées par des surfaces de discontinuité très nettes. Classiquement, on peut imaginer, dans son ensemble, les enveloppes concentriques successives. Une zone corticale, l'écorce terrestre, très pelliculaire, dont l'épaisseur totale serait de 60 km. Elle-même se découpant en deux parties, une externe de 20 km, une interne de 40 km. Une zone médiane, le manteau, d'une puissance comprise entre 2.500 et 3.000 km. - 14 Une zone interne, le noyau, de 3.400 à 3. 500 km de puissance. A ces trois grandes enveloppes internes de la terre, on doit ajouter une enveloppe extérieure, l'atmosphère. Celle-ci qui commence à être spécialement bien connue peut elle-même se subdiviser en parties suivantes : La partie basse ou Troposphère, en contact avec l'écorce terrestre. Sa puissance, variable selon la latitude, oscille de 6 (pôles) à 17 km. (Equateur). Rappelons que la constitution de cette Troposphère est la suivante : - N : 18 % - O : 21 % - A : 0,9 % - Gaz rares (Ne, He, Xe, Kr) et CO2, H20, H, à l'état de traces 0,1 % La Stratosphère lui succède qui s'étend jusqu'à 50 km. Au-delà de 50 km, on entre dans la Mésosphère qui s'étend jusqu'à 85 km. Ces trois zones où se trouvent associés à des teneurs absolues décroissantes, mais relatives constantes, N et O, groupées sous le nom d'Homosphère. Au-delà s'étend l'Hétérosphère, subdivisée en Thermosphère où, contrairement à l'Homosphère, la température est très élevée (1000°), et une Exosphère, mal connue, ou déjà les caractéristiques de l'espace interstellaire se manifestent. Au contact de cette atmosphère s. l. gazeuse et de l'écorce terrestre, solide, s'étend une couche mince et discontinue, riche en eau, dont les océans sont les représentants les plus typiques. C'est l'Hydrosphère. Cette hydrosphère est le siège actif des actions de la dynamique interne étudiées en géologie, et où se manifestent les phénomènes dits actuels, érosion, transport, sédimentation. Elle est aussi le support nécessaire de la matière vivante, en masse négligeable, mais dont l'activité, même sur le plan géochimique, peut être considérable. Aussi a-t-on souvent parlé d'une Biosphère, terme qui sera conservé plus tard, car dans l'étude des cycles géochimiques des éléments, cette biosphère a son rôle à jouer, rôle souvent important. - 15 Tel est, finalement, le schéma qui est proposé pour une tentative d'explication de la constitution de l'écorce terrestre. D'autres variantes ont pu être proposées. Elles sont, soit très voisines de celle-ci, soit basées sur des conceptions totalement différentes qui sont loin d'être universellement admises, telles celles avancées par W. KUHN et A. RITTMANN en 1941, conceptions selon lesquelles le centre de la terre serait composé d'un matériel du type solaire indifférencié. Pour ce qui est de la nature réelle des zones internes du globe terrestre (manteau et noyau), aucune indication directe ne peut être donnée, mais on peut, indirectement, sien faire une image, ceci grâce aux renseignements apportés par les météorites. Les météorites sont, rappelons-le ici, des corps extra terrestres qui sont attirés sur la terre lorsqu'elles se trouvent placées dans son aire d'attraction. En fait, bien peu de ces corps atteignent la surface de notre globe car ils ont à traverser toute l'atmosphère. Or, en raison de leur vitesse de chute, le frottement sur les éléments gazeux de cette atmosphère les porte très vite à une température élevée, si bien que peu d'entre eux atteignent le sol. Mais au moins sous forme de poussière, cette chute de matière n'est pas négligeable, il s'en faut, et sur ces corps planétaires appauvris en atmosphère ou même privés de celle-ci, les chutes incessantes constituent un phénomène géomorphologique important, et tel est le cas de la lune. On classe les météorites en 3 types selon leur constitution : A/ Les Sidérites, à peu près exclusivement métalliques, avec environ 98 % de Fe lié à Ni et Co. B/ Les Lithosidérites, où l'on rencontre une constitution qui rappelle celle de nos péridots, tels les olivines, de formule : (Si O4) (Fe. Mg)2 C/ Les Aérolithes, encore appelées météorites pierreuses, dont la constitution et la masse spécifique rappelle de façon très remarquable celle des silicates classiques de l'écorce terrestre. - 16 - S'il est admis, comme il semble légitime de le faire, que l'origine de ces corps extra terrestres serait due aux restes d'une ancienne planète satellite du soleil et proche de la terre, ou plus généralement, serait le modèle de la constitution matérielle d'une planète, on voit que les aérolithes proviendraient d'une zone corticale, les lithosidérites, d'une zone analogue au manteau, et les sidérites d'une zone nucléaire. De là, l'assimilation du manteau et du noyau à des zones de constitution de péridotites et d'alliages métalliques. Les masses spécifiques correspondantes, soit, sensiblement, 3,6 d'une part, et 8 à 10 d'autre part, rendraient également facilement compte de la différence observée entra la masse moyenne 5,52 et celle calculée pour l'écorce terrestre, soit 2,70. On a également une confirmation possible de cette hypothèse dans le fait suivant. Certains basaltes, dans les coulées observées, contiennent des enclaves constituées par une roche en péridot-olivine. Ce sont les basaltes à nodules d'olivine. On explique ce fait de la manière suivante les basaltes, d'origine très profonde, de la base de l'écorce terrestre, auraient arraché et entrainé lors de leur ascension vers la surface, des éléments de la zone du manteau avec lequel ils auraient été en contact. Ainsi ces nodules d'olivine seraient bien les témoins de ce manteau véhiculés au jour par le fait de l'éruption de ces magmas basaltiques. L'écorce terrestre elle-même, soit les premiers km, serait séparée en deux couches, une couche superficielle de 20 km de puissance où le type moyen des roches représentées correspondrait au granite, une couche profonde de 40 km, à composition basaltique. - 17 LA TERRE DANS L'ENSEMBLE DES CORPS CELESTES ____________________________________________________ On sait maintenant que la terre appartient, avec 8 autres corps, au système des planètes satellites du soleil. Les diamètres, d, et distance au soleil, l, de celles-ci sont données dans le tableau suivant, en se rappelant que l'on a pris pour unité soit 1, le propre diamètre de la terre, soit 12.742 km et la distance de la terre au soleil 149.675.000 km, ou 150 millions de km, plus généralement, d l ______ _____ Mercure 0,39 0,39 Vénus 0,97 0,72 Terre 1,00 1,00 Mars 0,53 1,50 Jupiter 10,97 5,00 Saturne 9,03 9,45 Uranus 4,00 19,5 Neptune 3,50 30 Pluton 1,0 39,5 Les planètes peuvent posséder elles-mêmes des satellites, telle la lune, satellite de la terre, isolés ou groupés en amas (anneau de saturne), Enfin, circule également dans une zone donnée, une poussière de petites planètes et des débris de toutes tailles dont la chute due à l'attraction des grandes planètes, comme c'est le cas de la terre, provoque ce phénomène des météorites. Or, si les planètes ont à peu près à coup sûr une constitution qui est, sinon identique, du moins comparable à celle de la terre, il n'en est pas du tout de même pour l'astre - 18 dont dépend tout cet ensemble, le soleil. Ce dernier est une étoile, c'est à dire une masse composée beaucoup plus simplement que les planètes, sauf dans le cas d'étoiles ayant subi une évolution très poussée, donc d'un âge déjà avancé. Le Soleil, étoile jeune, est formé de 90 % de H, 8 %, de He, 1 % de C, N, O, et 1 % de métaux tel Fe, etc. C'est une constitution tout à fait différente de celle des planètes. Une étoile comme le soleil est le siège d'un cycle de réaction nucléaire de fusion déterminé par R, ALKlNSON et F. HOUTERMANS et codifié par H. BETHE. Sous une température supérieure à 3.000.000° et en présence de traces d'éléments légers tels C. N. O., H se fusionne en donnant de l'hélium et en perdant une certaine masse, cette perte de masse se transformant en énergie selon l'équation classique E = mc2 . La température extérieure du soleil est de 6.000° environ, mais croît très vite dès que l'on atteint les zones internes. On doit arriver vers l'intérieur aux alentours de 20,000.000°. Cette température qui témoigne d'un très haut niveau d'énergie est indispensable pour maintenir la stabilité du soleil qui sans cela s'écroulerait sous son propre champ de pesanteur, et est responsable des émissions de radiations émises par cet astre, infrarouges, lumière visible, ultra-violets, rayons X mous, puis durs, rayons γ, rayons cosmiques ? Heureusement pour nous, l'atmosphère terrestre arrête tout ce qui est de plus courte longueur d'onde que le très proche ultra-violet, si bien que l'effet hautement nocif de ces derniers est pratiquement aboli sur la terre. Il peut arriver que le niveau d'énergie de l'intérieur de l'étoile augmente, l'astre alors se dilatera, géante rouge et super-géante, il peut diminuer (super-géante écroulée). L'écroulement d'une super-géante par baisse occasionnelle du niveau d'énergie interne entraîne des condensations de matière souvent considérables qui relèvent alors spectaculairement la température. Ce nouvel état fait repartir de nouvelles réactions de fusion qui, elles, aboutissent à des noyaux correspondant à des éléments chimiques moyens ou lourds, précisément ceux trouvés dans les planètes et sur la terre (naine blanche, novae et supernovae). C'est sans doute à partir de processus de ce genre, se terminant quelquefois par un événement catastrophique explosif, que se sont élaborées les matières dont - 19 les planètes sont constituées. Certains auteurs, tel Fd. HOYLE, vont jusqu'à imaginer que le cortège planétaire du soleil serait le résidu d'un ancien compagnon du soleil étoile double, à l'origine, dans cette hypothèse - dont l'évolution aurait été ultraaccélérée et qui, dans un stade catastrophique final de supernovae, aurait terminé sa carrière dans une gigantesque explosion. Les géophysiciens, comme les géologues, admettent que la terre a un âge voisin de 4,5 milliards d'années. Si l'on considère, ce qui semble logique, que les autres corps planétaires ont pu naître au même moment, on peut placer cette explosion, dans ce cas, à cette période. Ainsi, les planètes ont un schéma de constitution chimique fondamentalement différent de celui des systèmes d'étoiles, et beaucoup plus complet; schéma de constitution exceptionnelle et, si l'on considère la masse relative des planètes - du système solaire ou des autres systèmes dans l'ensemble céleste - et des étoiles, d'importance nulle ou très négligeable-. La grande masse du monde, c'est de l'hydrogène, et de l'hélium, en fait. Sur le plan physique, l'état de la matière, au niveau des planètes est également tout à fait spécial. Les trois états de la nature - fluides (gazeux et liquides) et solides - sont très peu répandus. Hors des planètes, c'est un état très particulier - à nos yeux - mais très général en l'absolu, qui semble la règle, l'état plasmatique ; association d'atomes - ou d'ions - portée à une très haute température et par là susceptible de réactions tout à fait inhabituelles sur la terre - des réactions de fusion au niveau des noyaux d'éléments très légers. Pour nous, humains, la terre nous parait tout à fait normale et familière, mais dans le cadre du monde, c'est un milieu tout à fait exceptionnel. - 20 - LES ELEMENTS DE L'ECORCE TERRESTRE - DISTRIBUTION ET AFFINITES _______________________________________________________________________ L'écorce terrestre est donc constituée par 8 éléments majeurs dont la teneur se trouve présente à plus de 1 % dans une constitution moyenne, et dont les 84 autres sont présents à des teneurs inférieures à 1 %, et qui s'échelonnent pratiquement entre 1.000 et 0,01 ppm. Mais par ailleurs, ce que nous savons des teneurs de l'atmosphère en les différents éléments chimiques, ce que nous pouvons supposer assez indirectement des éléments constitutifs du manteau ou du noyau, montre que la répartition des éléments chimiques est assez différente selon l'enveloppe terrestre à laquelle on s'adresse, et peut même varier au sein de celle-ci. La haute stratosphère doit être assez différente de notre troposphère et la partie profonde de l'écorce terrestre, à affinité basaltique, est probablement assez différente de la partie superficielle, à tendance granitique. Si bien que l'on doit admettre que les éléments chimiques se trouvent groupés dans les différentes zones en groupes chimiques assez bien caractérisés, témoignant ainsi une certaine spécificité de ces groupes d'affinité chimique, Un classement géochimique des éléments a été tenté et en 1937, V. M. GOLDSCHMIDT a mis sur pied une classification, considérée comme l'une des plus classiques, et la plus généralement admise en géologie ou géochi.ie. C'est cette classification que l'on adoptera, compte tenu des retouches ou plutôt des compléments qui ont pu y être apportés ultérieurement. Selon cet auteur, trois classes étaient établies, soit les éléments dits sidérophiles, chalcophiles et lithophiles. A ces trois classes ont été adjointes deux autres classes - 21 - groupant les éléments biophiles et ammophiles. Soit au total 5 classes pour les éléments constitutifs de l'écorce terrestre, extensibles sans doute à l'ensemble du globe. L'examen des éléments qui rentrent dans ces cinq classes montre que certains de ceux-ci sont typiques de la classe à laquelle ils appartiennent et dont ils sont ainsi tout à fait caractéristiques. Mais d'autres sont moins nettement cantonnés et peuvent participer, surtout par leur cycle d'évolution à plusieurs classes. Ils sont donc beaucoup moins caractéristiques. A/ Les éléments sidérophiles Ces éléments sont d'abord des métaux à affinité moyenne ou faible pour l'oxygène, et peu marquée pour le soufre ou ses compagnons. Ce seront donc fer, cobalt, nickel, platine et métaux voisins dits de la mine du platine. Or, molybdène, étain et wolfram sont aussi, au moins en grande partie, des éléments sidérophiles. Le phosphore et le carbone sont enfin, à leur origine, fondamentalement sidérophiles. Ces éléments seraient, pour certains d'entre eux, les éléments du noyau de l'écorce terrestre. B/ Les éléments chalcophiles Un élément chalcophile est caractérisé par son affinité pour le soufre et les éléments voisins, arsenic, antimoine, bismuth, sélénium et tellure. Ces éléments sont donc, par essence même, chalcophiles, Les métaux tels le cuivre, le zinc, l'argent, le plomb, le mercure, le cadmium, sont les principaux parmi les représentants de ce groupe. Le manganèse également semble-til. Mais à côté de ceux-ci, qui sont les vrais représentants, on peut signaler comme pouvant également montrer quelques affinités pour ce groupe, le fer et le molybdène qui sont pourtant des sidérophiles typiques par ailleurs. - 22 C/ Les éléments lithophiles Ce sont aussi les éléments oxyphiles, en raison de leur forte affinité pour l'oxygène qui naturellement, sera lui aussi, de son côté, l'élément le plus caractéristique de ce groupe. On y notera, à côté du silicium et de l'aluminium, les métaux alcalins, les métaux alcalino-terreux et les terres rares. Comme autres éléments on doit signaler l'ensemble des halogènes. A titre d'éléments appartenant plus particulièrement à d'autres groupes, Mais dont l'importance dans ce groupe peut être assez notable, on doit remarquer le wolfram et l'étain, ainsi également que le Manganèse. Le titane et le zirconium, ainsi que le chrome, sont placés le plus souvent dans ce groupe, encore que pour ce dernier élément on puisse se poser la question d'un groupement avec les éléments sidérophiles, aux réactions classiques desquels il participe volontiers. Enfin, on classe maintenant dans la zone corticale, donc avec les éléments lithophiles, l'uranium et le thorium ainsi qu'une partie de leur descendance naturelle. D/ Les éléments biophiles . Ce sont les éléments constitutifs de la matière vivante ou participant activement ou passivement au cycle de cette dernière. Ainsi donc, seront représentés azote, carbone, oxygène et hydrogène, associés au phosphore et au soufre. Le chlore joue aussi un rôle notable. Parmi les métaux, sodium, potassium et calcium sont prépondérants. Fer et magnésium jouent aussi un rôle notable. E/ Les éléments atmophiles Ce sont les éléments de l'enveloppe gazeuse qui entoure la terre. Soit finalement azote, oxygène, gaz rares, hydrogène et carbone. - 23 Les tableaux joints par ailleurs rassemblent l'ensemble des données acquises sur les éléments géochimiques et leurs classements divers. Cette classification, mise au point par V. M. GOLDSCHMIDT, a pu être établie à la suite de l'observation des phénomènes pratiquement réalisés lors du traitement métallurgique du minerais extrait du gîte de Mansfield, dans le Harz, en Allemagne. C'est un gros gisement, typiquement de cuivre, à tonnage notable puisque ses réserves sont évaluées à 50.000.000 T. de minerais, dont 1 à 2.000.000 de T. sont à teneurs actuellement intéressantes, soit 2 à 3% de Cu. Le gîte, sédimentaire, appartient au Permien Supérieur qui forme la couverture du massif hercynien du Harz sur son rebord sud-est. La coupe de ce Permien Supérieur ou Zechstein est la suivante : Sup. Dépôts salifères - sel gemme, sel de potasse, anhydrite, emballés dans 500 m. d'argiles. Moy. Schistes (40 m.) avec bancs discontinus d'anhydrite et de sel gemme. lnf. Grès dit du Weissliegende - 1m. Kupferschieffer - 0,4 à1 m. Calcaire de base - 5 m. Les Kupferschieffer ou niveaux à cuivre sont des schistes riches en débris organiques animaux ou végétaux, témoignant d'un faciès très littoral Les minéraux sont principalement la bornite et la chalcosine. On trouve les éléments suivants : Cu, Ag, et Fe, et plus accessoirement : Ni, Co, Se, Mo et V. On a beaucoup discuté de l'origine (métasomatique ou purement sédimentaire ?) de ce gîte. Une première opération, effectuée à partir du minerais préalablement enrichi par voie purement mécanique, donne deux fractions nettement distinctes un laitier d'une part, et un concentré métallique d'autre part. Le concentré métallique est repris à son tour et une deuxième opération métallurgique aboutit à scinder celui-ci en deux éléments : d'une part une fonte, - 24 d'autre part une matte cuprifère, Par deux opérations successives se sont ainsi individualisées 3 fractions : Dans le laitier est concentré l'ensemble des éléments suivants issus principalement de la gangue, soit : Si, Al, Ca, Mg, en combinaisons fortement oxygénées, donc avec O. La matte cuprifère recueille le Cu, le S. les traces d'Ag, de Pb et de Zn, contenues par ailleurs et une petite fraction de Fe entrainée avec le Cu. La fonte recueille la quasi totalité du Fe et, avec lui, les traces de Mo, Ni, et Co qui sont liées. Un peu de C est aussi associé. Voir une telle répartition ainsi réalisée expérimentalement dans cet exemple appliqué est un bon modèle d'une répartition plus générale des éléments, répartition qu'il est plausible d'admettre dans les diverses profondeurs à partir de l'écorce terrestre. - 25 - CAUSES DES REPARTITIONS GEOCHIMIQUES _____________________________________________ Cette répartition est-elle purement fortuite ? Il ne le semble pas et un certain nombre de schémas explicatifs ont été avancés pour tenter d'expliquer les raisons de cette répartition. Très vite a été admis le fait que les masses atomiques des éléments devaient intervenir. Les éléments chalcophiles et a fortiori sidérophiles devant correspondre aux éléments à masse atomique élevée. Les éléments lithophiles et atmophiles (et naturellement biophiles), aux éléments à faible masse atomique. En fait, cette première proposition, sans être totalement inexacte était loin d'être parfaitement satisfaisante. On sait maintenant qu'un classement périodique des éléments en fonction de leur numéro atomique est possible. En utilisant un tel tableau, dérivant toujours plus ou moins directement des principes de classification proposés par D. MENDELEEV, il peut être possible de voir un peu mieux comment géochimiquement les éléments chimiques se classaient. Un tel tableau, où ont été soulignés les plus marquants parmi les éléments chalcophiles ou sidérophiles, montre que les éléments lithophiles, au sens large du terme, ont à la fois une masse atomique faible, mais en même temps un groupement dans les périodes proches du groupe des éléments dits gaz neutres ou rares. Les sidérophiles sont, au contraire, groupés au sein des colonnes extrêmes du tableau, les chalcophiles se placent en position intermédiaire. - 26 Ainsi peuvent être mises en évidence d'étroites relations entre les propriétés chimiques fondamentales des éléments - que reflètent leur groupement en colonnes dans une classification périodique, et leurs affinités réciproques sur le plan géochimique - qui se traduit par les différentes classes définies par GOLDSCHMIDT et ses successeurs. Dans le domaine géochimique, la classification périodique de MENDELEEV est précieuse, autant qu'en chimie traditionnelle. Et c'est la raison pour laquelle c'est sur la base de cette classification que nous allons nous référer pour l'étude des éléments sur le plan géochimique. Mais si les caractéristiques chimiques sont importantes, elles n'excluent pas pour autant l'importance d'autres facteurs. Et ceux-ci vont également intervenir, à divers titres, pour expliquer les affinités géochimiques des éléments. Dans ce cas va intervenir plus précisément le facteur dimensionnel. Les dimensions propres des atomes, surtout des ions dérivant de ces atomes, ont ainsi une importance capitale. Géochimiquement parlant, au moins dans le domaine de l'écorce terrestre dont nous connaissons assez bien les caractéristiques physiques, les éléments chimiques sont groupés, associés et combinés. Nous avons le plus généralement affaire à des composés chimiques, avec des liaisons entre les différents éléments les constituant. Il convient donc maintenant, avant d'expliquer comment peuvent naître ces affinités géochimiques, d'examiner très rapidement quels sont les principaux types de liaisons qui peuvent se présenter dans les différents composés chimiques. - 27 APERCU SUR LES LIAISONS DANS LES COMPOSES CHIMIQUES _____________________________________________________________ Une combinaison chimique, plus généralement les espèces chimiques définies sont, autant qu'une formule chimique, un édifice. Les atomes des différents éléments qui la constituent sont associés les uns aux autres plus ou moins solidement, selon certaines règles qui régissent les dispositions spatiales réciproques. On les représente volontiers comme occupant une place donnée, situés à des distances relatives assez strictement définis par rapport à leurs voisins. De là les modèles figuratifs des différents types d'espèces chimiques et minéralogiques qui ont été proposés et établis. Si bien que la question se pose de la nature des forces de liaison qui peuvent exister entre ces différents éléments, forces de liaison qui donnent à cet édifice sa structure et sa stabilité. Quatre modes de liaison possibles des atomes dans un édifice de ce type ont pu être mis en évidence. En fait, le premier mode est de beaucoup le plus répandu et c'est celui que nous rencontrerons pratiquement lorsque, en géochimie, on considérera, dans le domaine de l'écorce terrestre, les roches, les minerais; en fait les minéraux qui les constituent. Aussi nous étendrons-nous surtout sur cette première force de liaison et passerons-nous beaucoup plus rapidement sur les suivantes. Ces types de liaison sont : La liaison ionique ou hétéropolaire La liaison homopolaire La liaison métallique La liaison de Van der Waals. - 28 A/ La liaison ionique ou hétéropolaire Chaque atome, selon le modèle classique, est constitué par un noyau, de structure plus ou moins complexe, et où se trouve concentrée la majeure partie de la masse de cet atome, et de particules périphériques disposées en couches périphériques, les électrons. Ces derniers sont chargés négativement. Leur nombre, variable pour chaque atome, correspond à la charge excédentaire positive du noyau, très solidement uni - en principe tout au moins - Ce nombre correspond au numéro atomique, précisément, et le classement de MENDELEEV est justement établi sur la succession des éléments selon ce numéro atomique. Ainsi, l'atome Na possède 11 électrons périphériques, en 3 couches de 2 + 8 + 1 électrons concentriques ; Mg possède 12 électrons, soit 2 + 8 + 2; le chlore (Cl), 17, soit 2 + 8 + 7 ; l'oxygène (O), 8, soit 2 + 6, etc. Ces atomes peuvent perdre ou acquérir des électrons supplémentaires, généralement de façon à réaliser des couches complètes; pour ce qui est des quatre éléments cidessus, Na va en perdre 1 et avoir ainsi 2 + 8 ; Mg va en perdre 2 pour donner également 1 + 8 ; Cl en acquérir 1 pour arriver à 2 + 8 + 8 ; O, 2, et donner ainsi 2 + 8. Mais les charges totales, sur le plan électrique, seront différentes. Perdre des électrons, c'est acquérir des charges positives qui ne sont plus équilibrées C'est le cas de Na qui devient (Na)+, Mg qui devient (Mg)++. Acquérir des électrons, c'est se charger négativement ; cas de Cl qui devient (CI)-, de O qui devient (O)-(NA)+, (Mg)++, (Cl)-, (O)-- sont des ions positifs ou négatifs selon le cas. De tels ions chargés électriquement vont pouvoir s'attirer ou se repousser selon l'état de leur charge. Les ions de charge opposée, de signes contraires, vont s'associer, obéissant aux lois d'attraction propres à leurs caractéristiques électrostatiques, mais cette attirance a une limite. - 29 En effet, arrivés à une certaine distance, les nuages électroniques négatifs qui les entourent vont avoir un effet, sur le plan local, supérieur à l'effet de la charge globale. Et lorsque ces deux effets, attraction globale et répulsion locale s'équilibreront, les 2 ions se stabiliseront autour d'une position relative moyenne stable. Ainsi l'action réciproque de ces deux effets pourra définir une distance moyenne, minimum pour deux types donnés d'ions associés. Ceci est important, et nous allons voir que de cette disposition va pouvoir découler la notion, très importante en géochimie - et ailleurs aussi - de dimension ionique. On appelle cette liaison, liaison ionique ou hétéropolaire parce qu'elle s'effectue par le jeu d'ions de nature nécessairement différente. C'est dans les composés banaux de la chimie minérale, le mode de liaison le plus habituel. En particulier c'est celui qui régit l'édifice de ces entités minéralogiques, les minéraux, éléments fondamentaux des roches et des minerais, donc de l'écorce terrestre. B/ La liaison homopolaire C'est un mode de liaison qui régit toute une catégorie de corps, en particulier beaucoup de complexes. Les composés de la chimie organique relèvent en particulier de ce type de liaison. Dans ce mode de liaison, les atomes de même nature, par exemple C, qui ont une couche externe non saturée, mettent en orbite commune les électrons de cette dernière couche si bien qu'ils tendent à réaliser des couches saturées par mise en commun de leurs électrons périphériques. Ainsi le diamant est un édifice où chaque atome de C s'associe à ses quatre voisins pour lui emprunter - et lui faire partager réciproquement un électron et ainsi, l'équipement électrique de C, qui est de 2 + 4, devient 2 + (4 + 4) = 2 + 8 et se complète ainsi. Ce mode de liaison est moins énergique que le précédent et les corps résistent mal, en général, à l'agitation thermique qui perturbe cet édifice assez laborieusement établi. Le domaine de stabilité des complexes - des composés organiques en particulier - est habituellement vite dépassé lorsque la température augmente. - 30 C/ La liaison métallique C'est celle que l'on trouve dans les métaux à l'état de pureté ou en alliage. Dans ce type de liaison, on est en présence d'atomes dont la dernière couche électronique, non saturée, est dispersée, l'atome étant ainsi épluché de son équipement périphérique et se trouvant de ce fait assez fortement chargé, positivement. Mais les électrons ainsi libérés constituent un nuage de charges négatives, le gaz électronique qui stabilise et cimente des atomes électropositifs. Les “ions” métalliques positifs s'agencent entre eux pour constituer un assemblage par empilement, généralement très compact, qui explique les qualités mécaniques souvent remarquables des métaux et des alliages. En outre, le gaz électronique est très favorable aux échanges thermiques et aux transferts de charges électriques, d'où les propriétés conductrices que l'on connait bien chez ces corps et que l'on utilise largement sur le plan pratique. D/ La liaison de Van der Waals Ce sont les liaisons de ce genre qui unissent entre elles de grosses moléculaires généralement dipolaires. Ces molécules de grande taille sont naturellement équilibrées sur le plan des charges lorsque l'on considère leur totalité, mais les différentes zones qui les constituent peuvent localement présenter des déficits ou des excédents. Si bien que chaque molécule se comporte en définitive tel un petit aimant, et des forces de liaison peuvent ainsi être réalisés, qui aboutissent à des chaînes, des anneaux, etc. On montre que ces forces de liaison sont en général faibles par rapport aux forces hétéro ou même homo polaires. Et c'est surtout dans les chaînes que constituent certaines macromolécules complexes que de telles forces se manifestent. (C'est la force classique qui intervient lors des polymérisations par exemple). En chimie minérale, leur importance est toujours très faible, sinon nulle. En définitive, en géochimie, spécialement dans le domaine de l'écorce terrestre où sont représentés fondamentalement les édifices cristallins que sont les espèces minérales, ce sont les forces de liaisons hétéropolaires ou ioniques qui sont la règle. Et ce sont à celles -ci que pratiquement nous aurons affaire. -31RAYONS ATOMIQUES ET RAYONS IONIQUES ____________________________________________ Dans le cadre, peut-être effectivement conforme à la réalité, peut-être simplement figuratif, du modèle qui nous a servi à représenter l'atome, avec son cortège d'électrons, nous devons nécessairement admettre que tout ceci a une certaine dimension. Certaines considérations nous permettent effectivement de calculer les dimensions qui correspondraient à de tels modèles pour les différents éléments chimiques. L'unité de mesure adoptée étant très classiquement l'angström - cette unité de longueur équivaut à 10-7mm; soit le 1/10.000.000 du mm - C'est l'unité habituelle des minéralogistes lorsqu'ils établissent les coordonnées spatiales des édifices cristallins. Je rappellerai à titre de comparaison, que les longueurs du spectre visibles s'échelonnent entre 3.900 angströms (en abréviation Å) pour la limite du violet visible et 8.000 Å pour le rouge. Les rayons X ont une longueur d'onde comprise entre 0,2 et 15 à 20 Å. Les atomes se transforment en ions lorsqu'ils perdent (ions positifs) ou acquièrent (ions négatifs) des électrons qui complètent leur couche extérieure électronique. Dans ce cas ils ont une “zone d'influence” en quelque sorte différente de celle qui correspondrait à leur dimension à l'état d'atome. On définit un rayon ionique, en général, de valeur plus petite lorsqu'il s'agit d'ions positifs, plus élevée lorsqu'il s'agit d'ions négatifs. Ainsi : O a pour rayon atomique 0,60 Å (O)2- a pour rayon ionique 1,32 Å Mg a pour rayon atomique 1,60 Å (Mg)2+ a pour rayon ionique 0,78 Å - 32 Certains éléments peuvent perdre (ou acquérir) un ou plusieurs électrons et donnent ainsi des ions de charges variables, qui correspondent en chimie à des ions d'électrovalences variables. A chaque état ionique différent correspond un rayon ionique différent et, en général, plus la charge positive est élevée, plus le rayon est faible, pour un même élément. Ainsi Fe qui a un rayon atomique égal à 1,25 Å nous donne pour (Fe)2+ : 0,83, et pour (Fe)3+ : 0, 67. Ces deux états correspondent aux combinaisons où le fer se trouve respectivement à l'état de bivalence et de trivalence. Dans le tableau général de classement des éléments qui est donné par ailleurs, chaque élément est accompagné de son numéro atomique, régulièrement croissant de 1 à 92, et de sa masse atomique, qui croît, sauf quelques inversion de 1,0080 pour H à 238,07 pour U. Sous cette valeur a été représenté enfin le rayon ionique usuel de ces éléments, correspondant à leur électrovalence normale. Pour certains corps, les gaz dits rares, colonne 0, c'est le rayon atomique qui a été représenté, puisque ces corps sont en principe non introduits dans des combinaisons chimiques. Pour les corps à valences multiples, différentes valeurs on pu être données. 2 le plus général (par exemple (Fe)2+ et (Fe)3+ dans l'ordre des électro valences croissantes. Pour Mn, on a figuré 3 valeurs qui correspondent, dans l'ordre de décroissance de ces valeurs, à (Mn)2+, (Mn)3+, et (Mn)4+. Les éléments 57 à 71 ont été groupés sous une seule case, indiquée T. R., ce sont les terres dites rares. Les deux valeurs 1,22 - 0,99 correspondent aux deux valeurs extrêmes des rayons ioniques trouvés chez ces éléments chimiques. - 33 La notion de rayon ionique est très importante et permet de donner une explication très satisfaisante de certains faits relatifs à la composition et la structure des composés ioniques, donc des espèces minérales naturelles que l'on rencontre en géochimie, puisque ce sont ces minéraux qui sont les constituants des roches et des minerais rencontrés et étudiés au niveau de l'écorce terrestre. Un minéral naturel est en fait autant un édifice qu'un composé chimique défini. Pour prendre un exemple plus concret, un péridot est un édifice silicaté, constitué à partir de tétraèdres (Si O4) isolés et répondant à la formule (Si O4) R2. Dans cette formule, R représente un élément bivalent. Mais quels seront les éléments chimiques susceptibles de représenter ce symbole général R. Ce seront des éléments dont la taille de l'ion sera de l'ordre de 0,60 à 0,90 Å. (Fe)2+, (Mg)2+, répondent à cette condition, et le péridot le plus banal, l'olivine, répondra à la formule : (Si O4) (Fe Mg)2 formule dans laquelle pratiquement Fe et Mg sont représentés en toute proportion réciproque. Sur le plan théorique, on devra donc considérer que l'on aura une série continue entre le type à 100 % de Fe, soit : (Si O4) Fe2, appelé fayalite, et le type à 100 %de Mg, soit (Si O4) Mg2, appelé forstérite. Entre ces deux types extrêmes, tous les intermédiaires peuvent être rencontrés. - 34 L'analyse précise d'un péridot montre que R2 dans la formule est représenté par Fe + Mg, sans doute, mais aussi, à l'état de trace par d'autres métaux divalents comme Zn, Ni, Co, Mn, éventuellement Cu. Mais Ca, Ba, Sr, Pb seront exclus. Leur rayon ionique respectif est en effet trop élevé pour entrer dans l'édifice d'un péridot. La règle de remplacement possible au sein d'un édifice minéralogique est telle que la condition de rayon ionique est plus impérative que celle d'électrovalence. En d'autres termes, on voit deux ions de même taille se remplacer assez aisément, même si la charge de ceux-ci n'est pas équivalente, alors que l'on voit deux ions de même charge, mais de taille différente, incapables de se remplacer. C'est ainsi que les 4 ions suivants, à savoir : (Na)+, (K)+, alcalins, (Ca)++ et (Ba)++, alcalino-terreux ne remplacent pas, ou mal, les uns les autres au sein de leur même famille chimique, mais par contre, on voit la substitution : (Na)+ <=> (Ca)++ et (K)+ <=> (Ba)++ se faire très aisément. Le critère de dimension ionique l'emporte sur celui de la charge électrique. Des types de substitutions peuvent ainsi être prévus et observés et selon K. RANKAMA et Th. G. SAHAMA, auxquels le tableau suivant est emprunté, nous pouvons reconnaître les types de substitutions ci-dessous : - 35 a) A charge électrique constante (K)+ (Rb)+ (Cs)+ (Tl)+ (Mg)2+ (Fe)2+ (Mn)2+ (Co)2+ (Ni)2+ (Zn)2+ (Ca)2+ (Sr) 2+ (Mn)2+ (Ba)2+ (Sr) 2+ (Pb)2+ (Al)3+ (Ga)3+ (Mn)3+ (Cr)3+ (Fe)3+ (V)3+ (Si)4+ (Ge)4+ (Ti)4+ (Zr)4+ (Hf)4+ (Th)4+ (P)5+ (V)5+ (As)5+ b) A charges croissantes ou décroissantes (OH)- (F)- (O)2_ (K)+ (Ba)2+ (Sr)2+ (Pb)2+ (Na)+ (Ca)2+ (Li) + (Mg)2+ (Mg)2+ (Al)3+ (Fe)3+ (Cr)3+ (Zn)2+ (Ga)3+ (In)3+ (Al)3+ (B)3+ (Si)4+ (Si)4+ (P)5+ (Ti)4+ (Cb)5+ (C)4+ (N)5+ (Ta)5+ (V)3+ - 36 Ces changements, à charges électriques variables se font souvent en associant des couples c'est ainsi que l'on a souvent le couple : Si4+ Na+ <=> Al3+ Ca2+ (cas des feldspaths plogioclases) qui représente une double substitution de ce type. On a aussi le cas de : 2 (Fe. Mg)2+ <=> que l'on retrouve dans le groupe des pyroxènes. (Al)3+ (Li)+ - 37 - POSITION DES OLIGOELEMENTS DANS LES ROCHES ET LES MINERAUX ______________________________________________________________________ La possibilité d'une substitution liée à des dimensions ioniques comparables permet donc l'introduction d'éléments-traces ou oligoéléments dans les roches de l'écorce terrestre. On peut grouper ces éléments en deux catégories fondamentales. Dans un premier groupe, on trouvera d'une part les éléments qui se trouvent sous forme de minéraux spécifiques, ceux-ci étant alors des minéraux accessoires de la roche ou du minerai. Comme exemples, nous pouvons citer le soufre, dans les sulfures, le fluor, dans les fluorines et apatites le zirconium dans les zircons, le phosphore dans l'apatite, le plomb dans les galènes, etc. Dans un second groupe, l'oligoélément se trouve sous forme de constituant accessoire dans un minéral plus banal, dans lequel il peut être présent à des concentrations plus ou moins anormales. Tel le baryum dans certains feldspaths orthoclases, le vanadium dans les apatites, le germanium associé à l'étain dans les cassitérites, etc. Certains éléments comme le béryllium sont tout spécialement représentés sous cette forme, et cette circonstance entraîne pratiquement de grandes difficultés sur le plan de l'existence ou de l'exploitation de ces éléments en tant que gîtes minéraux. Les éléments en espèces spécifiques se montrent en effet infiniment plus favorables que les autres, car ils peuvent réaliser des concentrations bien mieux définies et surtout plus élevées. V. M. GOLDSCHMIDT a défini trois types de dispositions des oligoéléments lorsqu'ils sont dispersés dans d'autres minéraux. - 38 a) Le camouflage (Tarnung) Dans ce cas l'oligoélément prend dans un édifice cristallin la place d'un élément majeur banal de même valence ; telle germanium prenant la place du silicium dans un silicate. Le nickel, celle du magnésium dans certains ferromagnésiens, etc. b) La capture (Abfangen) Ici, l'oligoélément prend la place d'un élément majeur de valence plus faible, tel le cas du plomb ou du baryum à la place du potassium dans un feldspath par exemple. Il s'ensuit que sur le plan énergétique, la nouvelle structure est plus stable que la précédente. D'où le nom de capture qui est proposé pour ce type. c) L'admission C'est le cas inverse du précédent, l'élément en trace étant de valence plus faible que l'élément majeur dont il occupe la place. C'est le cas du lithium remplaçant le magnésium dans des phosphates ou des silicates. Et, à l'inverse du cas précédent, l'édifice est moins énergiquement lié qu'auparavant. - 39 - LE CYCLE GEOCHIMIQUE _________________________ Un élément chimique se présente à des teneurs variables selon qu'il est recherché et analysé dans telle ou telle partie de l'écorce terrestre. Ceci découle de deux processus différents. C'est d'une part le fait que cet élément possède une localisation d'origine privilégiée, ce qui se traduit par le fait qu'il est qualifié d'atmophile, ou sidérophile, etc., c'est, d'autre part, les conséquences des dispersions ou concentrations ultérieures qui peuvent résulter de la transformation du milieu, c'est à dire de la roche ou du minerais, et ceci, selon que ce milieu subit l'action de divers agents, soit liés à la dynamique interne (cristallisation, pneumatolyse, hydrothermalisme, etc.) ou à la dynamique externe, (atmosphère, règne animal ou végétal, etc.). Ceci est valable pour chacun des éléments chimiques. On peut généraliser cette notion, et pour l'ensemble des matériaux constituant l'écorce terrestre, peut se définir un cycle géochimique général. Dans ce cycle sera représenté l'ensemble des modifications et transformations que ces matériaux subissent, au cours de leur genèse dans les zones profondes de cette écorce, - ou même plus bas - et au cours de leurs transferts dans les différentes zones qui forment cette écorce jusqu'à son contact avec l'atmosphère. Le tableau joint par ailleurs résume un de ceux qui parait être le plus généralement admis par la grande majorité des géologues, pétrographes et géochimistes. Dans ce tableau sont impliqués un certain nombre de postulats. Ils sont plus ou moins justifiés, sinon plausibles. Les hypothèses qu'ils résument sont, elles aussi, plus ou moins bien vérifiées. Signalons-en quelques unes au passage. - 40 Ce tableau représente un cycle ouvert. Il communique à la base avec les zones profondes sous-jacentes à la croûte terrestre, c'est à dire la zone corticale du manteau, Un cycle entièrement clos pourrait également être imaginé, cycle établi à partir d'un magma de base qui serait isolé, donc autonome. Certains faits, comme la présence d'enclaves de roche ultra basiques au sein de certains basaltes, l'existence de roches éclogitiques, etc. semblent, en toute impartialité, en faveur d'une communication probable, entre écorce et manteau. Inversement il peut exister des phénomènes d'érosion du magma, à sa base, par le manteau et par là, des retours de matière au sein de ce dernier. Dans ce cycle, on a également admis l'origine des roches dites ignées ou magmatiques à partir de la cristallisation de magmas, Ceci aussi bien pour les roches plutoniques que pour les roches volcaniques. Ce postulat semble maintenant - mais il n'en a pas été toujours ainsi bien admis par un très grand nombre de géologues, mais non par tous ; car l'hypothèse d'une origine de ces roches, au moins les plutoniques, par voie dite “métasomatique” compte encore quelques partisans. Il a été tenu compte de cette hypothèse par la voie dite “métasomatisme” qui fait passer les roches métamorphiques aux roches ignées sans utiliser l'intermédiaire d'un magma. Dans l'étude qui va suivre maintenant, nous allons nous efforcer de donner une idée de ces cycles pour les éléments chimiques. Essayer de comprendre le cycle appliqué à chacun des éléments chimiques est un des buts majeurs de la géochimie. Il faut donc, pour chaque élément chimique, tenter de décrire ses comportements divers selon les différents milieux où il est recherché, selon les différentes enveloppes thermodynamiques considérées, ceci grâce à l'analyse des constituants géologiques qui caractériseront ces enveloppes dans le cas de l'écorce terrestre, selon les différents types de roches. Et ainsi, en définitive, pour chaque élément, pourra être tracé son cycle géochimique, résumant ce que nous savons sur les teneurs et le comportement de l'élément au niveau de ces différents stades. Le cycle pourra être plus ou moins complet selon l'état des données que nous possédons sur cet élément, et ce sera, comme nous le verrons, très variable. - 41 Pour ceci, le classement de base sera celui qui est établi par les différentes colonnes de la classification périodique selon MENDELEEV. En effet, les caractéristiques chimiques de chaque élément vont intervenir, au moins pour une certaine part, dans la constitution du cycle. En suivant l'ordre ainsi établi par cette classification, nous aurons l'avantage de réunir les éléments qui ont, à l'origine, de part leur place dans ce tableau, des caractères communs. Mais il reste entendu que ces mêmes caractères peuvent être plus ou moins masqués par les propriétés plus originales de tel ou tel élément au sein de son groupe. Ceci se traduira par le fait que des variations plus ou moins importantes pourront se révéler pour ce qui est du comportement géochimique d'éléments appartenant, par ailleurs, à la même colonne dans le tableau de classification périodique.