Quel est le risque d`infraction pénale? - forum
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PAGE 14. INDICES | | Septembre 2012 | Gestion indépendante EN DROIT BENOÎT DORMOND, AVOCAT, BCCC AVOCATS SÀRL Les GFI sous la loupe des banques dépositaires Quels sont les critères de sélection dont une banque doit tenir compte dans le cadre de ses relations d’affaires avec des gérants indépendants? Depuis quelques années, les intermédiaires financiers suisses offrant des services ou des produits financiers à une clientèle domiciliée à l’étranger ont vu les risques juridiques et de réputation liés à ces activités transfrontières s’accroître considérablement. En réalité, ces risques ont certainement toujours existé; ce qui est nouveau, c’est l’application stricte et méthodique de la réglementation prudentielle et fiscale notamment par les autorités étrangères. Forte de ce constat, l’Autorité Fédérale de Surveillance des Marchés Financiers (la FINMA) publiait le 22 octobre 2010 sa position à propos des risques juridiques et de réputation dans le cadre des activités financières transfrontières, forme de piqure de rappel destinée aux prestataires soumis à sa surveillance – à laquelle les gérants de fortune indépendants (GFI) échappent – concernant ses attentes en matière d’identification et de mesures propres à limiter et à contrôler les risques auxquels les activités transfrontières les exposent. S’agissant des banques en particulier, la FINMA précisait notamment qu’il leur incombait d’apprécier les risques juridiques et de réputation inhérents à leurs relations d’affaires avec les gérants de fortune indépendants et, sur cette base, de collaborer avec ceux agissant dans le respect de la réglementation étrangère. Récemment, la FINMA a publié quelques précisions utiles concernant les critères de sélection dont une banque doit tenir compte dans le cadre de ses relations d’affaires avec des gérants indépendants. Première confirmation: un gérant indépendant ne peut agir en contradiction avec la politique commerciale d’une banque, au risque pour cette dernière de violer la garantie d’une activité irréprochable dont tout établissement bancaire suisse doit faire montre en tout temps. Ainsi, une banque doit clairement expliquer au gérant indépendant avec lequel elle envisage de collaborer sa politique commerciale en matière d’activités financières transfrontières. Elle vérifiera que les prestations offertes par son partenaire commercial à sa clientèle domiciliée à l’étranger concordent avec la ligne de conduite qu’elle s’est fixée en la matière. Il en va de même de la politique de gestion des risques. A cet effet, l’accord de collaboration conclu entre la banque et le gérant indépendant doit contenir une clause par laquelle ce dernier s’engage à respecter les politiques commerciales et de gestion des risques de la banque dans le cadre de ses activités. Lorsqu’une banque soupçonne un gérant indépendant de violer cet accord, elle doit s’en assurer et, au besoin, prendre les mesures propres à rétablir le respect de sa politique commerciale, quitte à refuser des clients présentés par le gérant indépendant ou à mettre un terme à sa collaboration avec ce dernier. De même, une banque sélectionne un gérant indépendant avec lequel elle entend entrer en affaires sur la base de critères précis, formalisés dans ses règlements internes. Ils doivent notamment permettre à la banque d’évaluer les risques potentiels que présente pour elle-même la nature des activités transfrontières déployées par le gérant indépendant. Ainsi, une banque doit en particulier déterminer si elle peut se voir imputer les activités transfrontières de ses partenaires commerciaux et de ce chef encourir elle-même le risque de se soumettre à la surveillance d’une autorité étrangère ou de voir sa responsabilité en matière civile, pénale ou fiscale engagée auprès de tribunaux étrangers. Une banque vérifiera encore l’organisation du gérant de fortune, en particulier l’efficience de son système de contrôle interne de ses propres risques juridiques et de réputation ou encore s’il a fait l’objet de procédures judiciaires ou administratives, en Suisse comme à l’étranger, et leurs conséquences. Maîtriser les risques juridiques et de réputation est une nécessité. Néanmoins, à imposer des devoirs de sélection et, dans une certaine mesure et même si la FINMA s’en défend, d’instruction et de surveillance, le droit prudentiel doit se garder de faire des gérants indépendants des auxiliaires, au sens du droit civil, des banques, auquel cas c’est l’effet inverse à celui escompté qui pourrait se produire et amener les banques à répondre des agissements des gérants indépendants. Enfin, en attendant l’assujettissement des gérants indépendants à la FINMA, les organismes d’autorégulation, auxquels les gérants indépendants sont affiliés en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, adopteront-ils de nouvelles règles de conduite en matière d’activités transfrontières similaires à la position de la FINMA? GESTION D’AVOIRS NON DÉCLARÉS Quel est le risque d’infraction pénale? La prochaine réglementation en matière de blanchiment d’argent pourrait imposer un devoir de diligence accru aux gérants indépendants. JEAN-LUC BOCHATAY Avocat, FBT Avocats, Genève L’ arsenal répressif de certains États voisins ou plus lointains à l’encontre de leurs contribuables non diligents, en particulier ceux qui se rendent coupables de «soustraction fiscale» (contravention punissable d’une amende en droit suisse), peut avoir, comme on le sait, des incidences sur les gestionnaires de fortune indépendants établis en Suisse. CERTAINES juridictions érigent en effet toute participation à une «soustraction fiscale» au rang de complicité d’un acte délictueux voire criminel avec, comme conséquence logique, une solidarité par rapport au paiement de l’impôt éludé. La participation à la commission d’une telle infraction peut revêtir de nombreuses formes, telles que l’établissement de structures interposées, la mise en place de mécanismes renforçant l’anonymat, ou encore le transfert de fonds vers d’autres entités ou d’autres juridictions. Le même comportement des participants tenus pour complices ou co-auteurs peut par ailleurs être qualifié d’acte constitutif de l’infraction de blanchiment d’argent, également sanctionnée par des dispositions pénales. Alors que la poursuite des complices ou coauteurs de «soustraction fiscale» n’était pas jusqu’alors une priorité pour ces États, elle le devient soit pour des motifs politiques, soit, plus prosaïquement, pour réduire des dettes publiques colossales et combler par tous les moyens des déficits budgétaires béants. Le gérant de fortune indépendant devra faire face non seulement à cette problématique délicate, puisqu’il peut être incriminé dès qu’il pénètre dans le territoire des États au bénéfice d’un tel arsenal législatif (ou dans ceux des États qui accordent l’assistance internationale en matière pénale également pour les infractions fiscales), mais aussi à des modifications législatives importantes en Suisse dans le domaine du blanchiment d’argent, sous l’impulsion du GAFI. Aujourd’hui, l’infraction pénale de blanchiment d’argent au sens du droit suisse suppose la commission d’un crime à titre d’infraction préalable, soit une infraction passible d’une peine privative de liberté de plus de trois ans. En matière fiscale, seule l’escroquerie qualifiée (l’auteur doit notamment avoir agi «en bande») concernant les impôts indirects est un crime; en matière d’impôts directs, l’infraction la plus grave est un délit (peine d’emprisonnement n’excédant pas trois ans). DEMAIN, la «soustraction fiscale» et a fortiori la «fraude fiscale» (qui implique l’usage d’un faux, mais qui ne constitue qu’un délit en droit suisse), risquent d’être érigées au rang d’infractions préalables au blanchiment d’argent. La mécanique de ce dispositif n’est pas encore connue. La fraude et la soustraction fiscales deviendront-elles un crime au sens du droit pénal ou, plus vraisemblablement, ces infractions deviendront-elles constitutives, en tant que telles, d’actes préalables au blanchiment d’argent lorsqu’elles impliqueront des montants conséquents? Quoi qu’il en soit, il LA SOUSTRACTION FISCALE SERA SANS DOUTE CONSIDÉRÉE COMME UNE INFRACTION PRÉALABLE AU BLANCHIMENT D’ARGENT. semble probable que la «soustraction fiscale», pour autant qu’elle résulte d’un état de fait qualifié ou qu’elle soit d’une certaine gravité, sera considérée comme une infraction préalable au blanchiment d’argent, avec pour conséquence l’obligation à charge des intermédiaires financiers – dont les gérants de fortune indépendants – de clarification au sens de l’art. 6 de la loi sur le blanchiment d’argent (LBA) et de communication au sens de l’art. 9 LBA. La LBA sanctionne la violation de ces dispositions par une simple amende; cependant, le Tribunal fédéral a jugé en 2010 que les manquements par les intermédiaires financiers à leurs obligations prévues par la LBA peuvent constituer un délit de blanchiment d’argent par omission. La nouvelle réglementation en matière de blanchiment d’argent pourrait donc bien imposer au gérant de fortune indépendant, en sa qualité d’intermédiaire financier, un devoir de diligence accru lorsqu’il sait ou aurait dû savoir que les avoirs qu’il gère ne sont pas déclarés. En cas de défaillance, il risquerait de commettre le délit de blanchiment d’argent par omission avec les conséquences pénales qu’entraîne un tel comportement. LA MISE EN ŒUVRE de cette obligation de diligence entraînera pour les gérants de fortune indépendants la nécessité de repenser, avec les moyens limités dont ils disposent, l’entrée en relation d’affaires et la poursuite de ces relations avec les clients dont les actifs ne sont pas déclarés. Ces nouvelles exigences, ajoutées aux problématiques cross-border auxquelles ils font déjà face, au resserrement de leurs obligations en matière de rétrocessions et au projet de les assujettir à une loi sur les services financiers, sont autant de nouvelles contraintes qui concourront certainement à une consolidation du secteur de la gestion de fortune indépendante.