Jochen Gerner — Perdre le nord 1er – 23 juin 2013
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Jochen Gerner — Perdre le nord 1er – 23 juin 2013
Jochen Gerner — Perdre le nord 1er – 23 juin 2013 Jochen Gerner — Perdre le nord 1er – 23 juin 2013 Jochen Gerner vit et travaille à Nancy, où il fut diplômé de l’École nationale supérieure d’art. Depuis le milieu des années 1990, il élabore une œuvre polymorphe aux références tout aussi nombreuses et éclectiques que peuvent l’être les territoires de l’art et de l’imprimé qu’il arpente. On le connaît d’abord pour ses livres d’images parus à l’Association, et aux éditions du Rouergue sous l’impulsion d’Olivier Douzou, alors directeur de la collection jeunesse. Parallèlement, ses dessins de presse, publiés dans Les Inrocks, Libération, Le Monde, le New York Times... lui valent rapidement une reconnaissance internationale. Au début des années 2000, son travail prend une nouvelle orientation, en particulier avec la publication du livre TNT en Amérique (chez L’Ampoule), exercice de caviardage de Tintin en Amérique qui élargit les possibles de son expression graphique et lui permet de mettre un pied dans le périmètre - alors encore assez hermétique aux auteurs de bande dessinée - de l’art contemporain, puisque cette série de dessins est acquise par le Fonds National d’Art contemporain, grâce au travail de la Galerie Anne Barrault qui le représente encore aujourd’hui. Depuis, c’est sans aucune retenue qu’il s’attaque aux icônes plus ou moins consacrées de l’album de bande dessinée (Spirou de Franquin, Lucky Luke de Morris, Tintin de Hergé...), aux cartes d’école, aux affiches de cinéma ou aux périodiques bon marché déjà jaunis (Panorama du feu, Abstraction (1941-1968)). C’est dans sa très grande diversité (illustrations pour l’édition jeunesse, dessins de bande dessinée, expérimentations graphiques – dont la série Marseille Panorama Polaire éditée par nos soins) que nous avions présenté son travail, en décembre 2008, lors de l’exposition Sciences plastiques à la galerie de l’École Supérieure des Beaux-Arts de Marseille. Ses dessins, qui s’assemblent fréquemment en séries, sont constamment exposés et font parfois l’objet de publications, chez L’Association en particulier. Sa démarche expérimentale enjambe ainsi allègrement les frontières et passe des allées de la Fiac aux rayons jeunesse des librairies avec une enthousiasmante facilité. — Studio Fotokino 33 allées Gambetta Marseille 1er [email protected] / 09 81 65 26 44 www.fotokino.org Leçons de ténèbres — Dans un grand nombre de dessins, Jochen Gerner met en place un même protocole : il utilise des supports imprimés (bandes dessinées, affiches, cartes scolaires, illustrations encyclopédiques, cartes postales...) pour les recouvrir d’une couche de peinture, parfois intégralement, ou le plus souvent en laissant des bribes de l’imprimé en réserve. D’un point de vue chromatique, l’utilisation d’un noir profond ou de quelques nuances de gris lui permet tantôt d’agir en démiurge et de figer le monde dans une nouvelle ère glaciaire, tantôt d’exploiter la capacité de ce camaïeu ténébreux à mettre en lumière les couleurs qui s’y frottent. Les teintes ardentes de l’affiche d’Autant en emporte le vent, par exemple, loin d’être éteintes par l’opération de caviardage, sont ranimées par celle-ci, et explosent en dizaines de foyers attisés par un mistral pyromane. L’original est dans un même mouvement de pinceau désincarné et ré-habité. On assiste ainsi à sa disparition tout en se réjouissant de sa réapparition. On songe parfois à La Disparition de Georges Perec, un roman entièrement composé de mots qui n’utilisent pas la lettre « e ». L’absence de cette lettre disparue, mais à laquelle on pense de la première à la dernière page, tant l’entreprise de Perec est vertigineuse, nous la rend plus présente que jamais. Au-delà de la minutie commune aux deux démarches, ce goût espiègle de la contrainte est exploité, par Perec comme par Gerner, comme un véritable révélateur du potentiel (narratif, esthétique, symbolique) des mots – pour l’un –, des mots et des images – pour l’autre. D’ailleurs, Jochen Gerner n’est-il pas lui-même membre de l’Oubapo, cette variante dessinée de l’Oulipo et de ses contraintes littéraires ? Chez lui, le support imprimé est considéré comme une matière première à remodeler, avec malice mais sans condescendance : il s’agit d’abord de se faire archéologue pour en dénicher les strates de lectures possibles et d’en extraire un sens sous-jacent, d’exploiter son potentiel narratif ou de discerner le dynamisme de sa structure graphique, ses caractéristiques plastiques ou chromatiques. Il ne s’agit donc pas à proprement parler d’une entreprise de détournement mais plutôt de dévoilement, même s’il doit plonger l’imprimé dans une pure abstraction formelle où les signes et les formes prennent la place de tout élément figuratif, et où le rythme des couleurs et la géométrie dominent leur sujet. Cette opération génère de nouvelles connections de sens, ou purement formelles, à l’intérieur même du support. Jochen Gerner occulte certaines informations pour en révéler d’autres, déjà présentes mais que nous n’avions pas perçues au premier regard, distraits que nous étions par la narration que ces documents mettent en place (dans le cas d’une bande dessinée), la douceur moelleuse d’un univers domestique agencé avec goût qu’ils nous donnent à rêver (dans le cas d’un catalogue Ikea) ou les informations historiques et géographiques qui en font leur usage premier (dans le cas d’une carte scolaire). Dans Perdre le nord, l’affiche d’Autant en emporte le vent se voit furieusement méridionalisée, les toponymes du bassin parisien et du continent nord-américain livrent leur improbable poésie, des taches de couleur remontent à la surface d’une planche de Tarzan, un répertoire de formes molles que l’on croirait échappées de l’atelier de Jean Arp flottent dans le noir d’une planche de Zig et Puce... Car cette étude patiente du support s’accompagne d’un joyeux téléscopage avec des références inattendues. Perdre le nord n’invoque donc pas seulement le mistral, Fernandel et Zorglub, mais aussi le langage plastique de Sol LeWitt, Burle Marx, Sigmar Polke ou François Morellet. Des citations visuelles qui lorgnent souvent du côté du minimalisme et de l’abstraction, mais qui sont chez Jochen Gerner avant tout des moteurs de pensée et de critique sur l’histoire des arts graphiques. « Il y a quelques mois, j’ai évoqué deux œuvres de Morellet dans une planche de bande dessinée réalisée pour la revue Arts Magazine. Il s’agit d’une rubrique mensuelle où j’ausculte une bande dessinée existante en y faisant surgir des références iconographiques réelles ou tout à fait subjectives. En observant l’album de bande dessinée La Grande Menace de Jacques Martin (1954), j’ai relevé dans des détails de cases plusieurs évocations visuelles dont “ Étude, trames superposées ” (1959) et “ L’Esprit d’escalier ” (2010) de François Morellet. Mais dans cette aventure de Guy Lefranc, je voyais également “ Isometric Projection #13 ” (1981) de Sol LeWitt ou “ The American Series ” (1998-2001) de Jugnet et Clairet. J’annule donc toute théorie de la hiérarchie des arts et je ne respecte aucune logique temporelle... » (Extrait de la partie de Ping-pong entre Jochen Gerner et Helmo, Désordres, éd. Fotokino/ B42, 2013.) L’art contemporain au service de Zig et Puce ? La perte de repères est totale. Né en 1970, il a vécu et travaillé à Paris (1995-1996), New York (1996-1997), Paris (1997-2001), Lille (2001-2004). Il vit et travaille depuis à Nancy. www.jochengerner.com Expositions personnelles (sélection) — • Une partie de campagne, galerie Anne Barrault, Saint-Émilion, 2013. • Chloroforme Mazout, galerie My Monkey, Nancy, 2013. • Géologie de l’imprimé, Musée d’art et d’histoire, Bastia, 2012. • Mehr Licht !, Lux Scène nationale, Valence, 2011. • Contre-feux, Cité Internationale de la Bande Dessinée et de l’image, Angoulême, 2010. • Panoramica, galerie Anne Barrault, Paris, 2009. • Home, Mudam, Luxembourg, 2008. • Sciences plastiques, Laterna Magica, galerie de l’École Nationale des BeauxArts, Marseille, 2008. • Images d’Épinal, Musée de l’Image, Épinal, 2008. • Le Chemin des Images, Épinal, 2008. Jochen Gerner, Institut Français, Berlin, 2007. • Périscopages, galerie Lendroit, Orangerie du Thabor, Rennes, 2006. • Jochen Gerner, galerie Impressions, La Chaux-de-Fonds, Suisse, 2003. • Laboratoire de Criminalistique, Château de la Douëra, Malzéville, 1996. Bibliographie (sélection) — Livres d’images et bandes dessinées • Panorama du froid, L’Association, 2013. • Abstraction (1941-1968), L’Association, 2011. • Panorama du feu, L’Association, 2010. • Branchages, carnet de dessins téléphoniques (2002-2008), l’Association, 2009. • Grande Vitesse, L’Association, 2009. • Marseille panorama polaire, Fotokino, 2008. • Vokabelheft, Arts Factory, 2008. • Contre la Bande Dessinée, L’Association, 2008. • Le Saint Patron, L’Association, 2004. • En Ligne(s), carnet de dessins téléphoniques (1994-2002), L’Ampoule, 2003. • TNT en Amérique, L’Ampoule, 2002. • (Un Temps.), Centre Georges Pompidou, 2000 / réédition L’Association, 2001. • Politique étrangère, (scénario : Lewis Trondheim), L’Association, 2000. • Berlin (Jochenplatz), Rouergue, 2000. • Prospectus Box, (graphisme : Frédéric Rey), Rouergue, 1998. • Courts-circuits géographiques, L’Association, 1997. • Snark Park, éditions Automne 67, 1997. Éditions jeunesse • Coloriage !, Milan jeunesse, 2006, 2012. • Picto-picoti-paysage, (papier peint), The Mark on the Wall, 2012. • Atchoum !, Thierry Magnier, 2005. • www.esperenoel, (texte : Olivier Douzou), Rouergue, 1999. • Harry Staute, Rouergue, 1999. Plan d’exposition — 9 8 10 11 7 12 6 13 16 5 4 15 > 14 3 2 1 > Librairie ENTRÉE 1 — Tarzan Tarzan, encre de Chine et lavis sur support imprimé, 2012. 2 — Zig et Puce, encre de Chine et lavis sur support imprimé, 2012. 3 — Picto-picoti-paysage, (papier peint), The Mark on the Wall, 2012. 4 — L’Argent de poche, encre de Chine et lavis sur support imprimé, 2013. 5 — Série «Reward - dead or alive» encre de Chine sur support imprimé (Lucky Luke, Morris + René Goscinny, éditions Dupuis, 1969-1976), 2009. 6 — Bassin de Paris (carte politique), acrylique sur support imprimé, 2013. 7 — Amérique du Nord (politique), acrylique sur support imprimé, 2013. 8 — Mistral (Autant en emporte le vent), acrylique sur support imprimé, 2013. 9 — Coiffeur pour dames, acrylique sur support imprimé, 2013. 10 — Mazout, encre de Chine et lavis sur support imprimé (« L’Ombre du Z », Franquin, éditions Dupuis, 1960), série de 18 planches, 2012. 11 — 29 août 1914, encre de Chine, lavis et crayons de couleur sur support imprimé, 2013. 12 — 26 mars 1918, encre de Chine, lavis et crayons de couleur sur support imprimé, 2012. 13 — 25 août 1914, encre de Chine, lavis et crayons de couleur sur support imprimé, 2012. 14 — Johnny perd l’équilibre, encre de Chine sur support imprimé, série de 6 planches, 2012. 15 — Angel Audaz, encre de Chine sur support imprimé (« Le Crâne dans la valise » de F. Hidalgo et V. Mora, Mystic, 1958), 2 planches, 2009. 16 — Home, acrylique sur support imprimé (catalogue Ikea USA 2008), 2008-2009.