Histoire du sanctuaire
Transcription
Histoire du sanctuaire
Histoire du sanctuaire L’archéologie n’a pas encore apporté de réponse satisfaisante sur la date de création du sanctuaire. Aucune trace d’établissement néolithique n’a pour l’instant été trouvée à Dodone. Les plus anciennes traces archéologiques d’occupation (céramique, épées et couteaux de bronze) datent de l’époque mycénienne et ne sont pas antérieures au XVe siècle av. J.-C. Le culte de Zeus Dodonéen serait arrivé en Épire avec les Thesprotes à l’Helladique récent vers 1200. Mais il existait alors déjà sur le site un culte chtonien pré-hellénique d’une déesse de l’abondance et de la fertilité liée aux racines du grand chêne. Les deux divinités, le dieu ouranien du tonnerre et de l’orage, et la divinité chtonienne de la végétation forment ainsi à Dodone un couple révéré sous les noms de Zeus Naïos (littéralement « Zeus résidant ») et Dioné Naïa (la forme féminine du nom Zeus), en relation avec un chêne sacré. Bien qu’excentré par rapport à la Grèce des cités, l’oracle jouit d’une grande renommée dès le VIe siècle : il est régulièrement consulté par les Athéniens qui lui envoient une ambassade annuelle. Sophocle le mentionne dans les Trachiniennes (v. 1164 sq.) et Eschyle dans Prométhée enchaîné (v. 829 sq.). Le roi de Lydie Crésus le consulte, de même plus tard, que les spartiates Agésilas et Lysandre. Cette célébrité ne se traduit pas par un programme architectural ambitieux, contrairement à ce qui se passe pour le sanctuaire de Delphes, qui supplante progressivement Dodone comme la source principale des oracles pour les cités grecques. Au IVe siècle av. J.-C. encore, le sanctuaire semble se réduire à un modeste temple érigé auprès du Chêne sacré. L’apogée du sanctuaire correspond à celle du royaume d’Épire sous le règne de Pyrrhus qui, entre -297 et -272, reconstruit presque tous les édifices de Dodone, sur une échelle monumentale plus en rapport avec son rôle de sanctuaire national épirote : le temple de Zeus, ceux d’Héraclès et de Thémis bénéficient de ses largesses, ainsi que les édifices civiques, le bouleuterion et le prytanée. C’est aussi Pyrrhus qui fait construire le théâtre pour accueillir les concours dramatiques et musicaux accompagnant la fête des Naïa en l’honneur de la triade constituée par Zeus et ses deux parèdres, Dioné et Thémis. Inscription oraculaire sur une lamelle de plomb (Carapanos 1878, pl. XL, 1) La mort soudaine de Pyrrhus à Argos en -272 et l'affaiblissement du royaume d’Épire qui s’ensuit, pris dans l’étau constitué par ses deux puissants voisins, la Macédoine à l’est et l’Étolie au sud, entraînent le déclin du sanctuaire. En -219--218, il est pillé par les Étoliens sous le commandement de leur nouveau stratège Dorimachus qui fait détruire le temple de Zeus, mais épargne, semble-t-il, le Chêne sacré. L’historien romain Polybe est la source indirecte de cette information : il précise que les Étoliens brûlèrent le sanctuaire, sauf la Hiéra Oikia qu’ils démantelèrent. Selon l'archéologue S. Dakaris, la différence de traitement s’explique par la volonté de ne pas risquer de brûler le Chêne sacré, ce qui aurait constitué un sacrilège beaucoup plus important. Les fouilles de la Hiéra Oikia ont montré l'absence de niveau de destruction par incendie à cette époque, ce qui paraît confirmer le témoignage de Polybe. Le jeune roi de Macédoine Philippe V, allié des Épirotes, venge le sacrilège en mettant à sac la capitale fédérale étolienne Thermos l’année suivante (-218). Avec le butin pris sur les Étoliens, il fait ensuite reconstruire le sanctuaire de Dodone et y ajoute un stade pour les jeux annuels. Malgré tout, le sanctuaire ne se relève jamais tout à fait du sac étolien, d’autant plus qu’il est une nouvelle fois détruit un demi-siècle plus tard, cette fois par les Romains, lors de la Troisième guerre de Macédoine (-168--167). On retrouve ensuite mention du sanctuaire dans les sources à l’occasion de l’invasion de la Grèce par les armées de Mithridate en -88. Lorsque Octave séjourne en Épire lors de la guerre contre Marc Antoine en -31, il fait probablement reconstruire en partie le sanctuaire que le géographe contemporain Strabon décrit comme ruiné. C’est aussi à l’époque impériale que le théâtre est transformé en arène. L’empereur Hadrien visite l’oracle vers 132, de même que Pausanias, peu après. Le festival des Naïa est toujours célébré vers 240. La ruine définitive de l’oracle intervient en 391 lorsque le Chêne sacré est coupé suite aux édits de Théodose Ier interdisant les cultes païens. Ce n’est toutefois pas la fin de l’occupation du site : la construction, en partie sur les vestiges du temple d’Héraclès, d’une grande basilique chrétienne au Ve siècle témoigne de l’occupation de Dodone dans l’Antiquité tardive, de même que la mention de la ville dans la liste de Hiéroklès (VIe siècle), et la présence de plusieurs évêques de Dodone aux conciles œcuméniques, notamment celui d’Éphèse en 431.