P. Michel-Didier DEHAN

Transcription

P. Michel-Didier DEHAN
www.union-sainte-cecile.org
Caecilia 1/2014 : Rencontre
© Union Sainte Cécile - Strasbourg
P. Michel-Didier DEHAN
P
. MichelDidier Dehan,
directeur des
Oeuvres Sociales
et Charitables
et président de
la Fédération de
Charité.
Caecilia : Depuis son élection, le pape
François ne cesse de marteler dans ses
interventions et par son « style » que
l’Église doit, pour être fidèle à ellemême, se soucier des pauvres et aller
vers les périphéries existentielles. Comment recevez-vous ces paroles ?
P. M.D. Dehan : Depuis les temps apostoliques, le souci des pauvres et des « périphéries existentielles » a été au cœur de la
vie de l’Église mais était souvent délégué à
des « spécialistes » et à des institutions.
Le pape François ne cesse de rappeler la
responsabilité collective des communautés ecclésiales et pas seulement celle des
individus ou des fondations, dans le soin
que nous devons avoir de tous nos frères.
Et un souci des frères qui prenne sa source
en Dieu...
« La charité est inventive à l’infini »
aimait à dire St Vincent de Paul ; pourtant
elle serait inopérante si elle n’était disposée à s’offrir bien avant même de donner à
l’autre de bonnes choses. « Ici, nous n’avons
pas besoin de gens qui aident, mais de
gens qui aiment »(1). La diaconie est bien
l’affaire de chacun et de tous ceux qui sont
capables de s’engager avec cœur, moins
par devoir que par amour.
Le Concile Vatican II parle de la liturgie comme « source et sommet » de
l’activité de l’Église. Comment articulezvous le service du frère à la célébration
de la Foi. Quel lien faites-vous ?
« La liturgie nous introduit dans la filiation du Christ par rapport à son Père et
© M.D. Dehn
Comment rendre notre Église et sa
doctrine de charité vraiment accessibles
à tous ? Comment porter aux alentours
de nos communautés Celui que nous reconnaissons comme Sauveur ? Comment
rendre compte et partager cet Amour dont
nous sommes comblés ? Sachant que la
pauvreté revêt de multiples visages, matériels, moraux, spirituels, quelle place faire
aux « pauvres » dans l’Église ?
nement d’initiatives et de réalisations présenté lors de l’assemblée diocésaine du 11
novembre à Huttenheim ; les services rendus au « nom de Jésus » par une multitude
de personnes ne sont connus souvent que
de Dieu seul.
Ces questions diversement formulées
dans la démarche Diaconia 2013… comme
nous souhaiterions pouvoir y répondre
bien mieux que par écrit…
Il faut croire qu’une Église qui ne
serait pas fidèle à sa mission de charité
trahirait son identité. Pouvez-vous nous
dire comment cette diaconie est vécue
chez nous ? N’est-elle qu’une affaire de
spécialistes ou de laïcs engagés ?
La diaconie (le service du frère) est depuis longtemps, de manières institutionnelle et associative largement, diversement
et originalement vécue en Alsace. Nous
n’en voulons pour preuve que ce foison-
P. Michel-Didier DEHAN
www.union-sainte-cecile.org
Caecilia 1/2014 : Rencontre
© Union Sainte Cécile - Strasbourg
© Xavier Schwebel Secours Catholique
LOURDES - Diaconia 2013
fonde ainsi la fraternité qui est au
cœur de la diaconie ». (2)
ces convictions que nous partageons
en réponse à votre dernière question.
Or, trop souvent, nous avons considéré les œuvres de miséricorde, on dirait aujourd’hui les activités caritatives,
comme accessoires par rapport à l’essence de la vie chrétienne que seraient
la prière et les sacrements. Leur séparation est pénalisante pour les deux car
« la diaconie ne peut se passer de cette
nourriture essentielle qu’est la liturgie,
tout comme la liturgie reste stérile si
elle ne s’épanouit pas en diaconie »(3).
La diaconie sans rapport avec l’expression liturgique de la Foi, deviendrait
ce qu’elle est pour beaucoup de nos
contemporains : solidarité, humanisme,
philanthropie, altruisme… « La Parole
sans charité sonne creux (1 Co, 13,113) et la célébration qui n’implique pas
l’exercice de la charité est fragmentaire »(4).
Quand un chrétien prend soin des
pauvres ou des frères en marge de
l’Église, il ne peut indéfiniment par pudeur ou respect humain, oublier le lien
entre Charité et Annonce s’il remarque
chez ses interlocuteurs un intérêt
pour la Foi. Un respect immodéré des
consciences ou des autres traditions
religieuses peut nous faire manquer
de considération à l’égard de Celui qui
nous envoie. Oser afficher notre identité chrétienne dans les activités diaconales est souhaitable et honnête…
D’après vous, dans un diocèse
comme le nôtre, quels sont aujourd’hui les défis les plus urgents
à relever ? Quels sont les chantiers
ouverts ou ceux à ouvrir ?
Notre archevêque dans ses orientations pastorales du 11 novembre dernier a ouvert plusieurs pistes qu’il nous
faudra suivre. Elles ne s’opposent pas à
Si le monde n’est pas forcément prêt
à recevoir l’Annonce, nos contemporains sont sensibles au témoignage
de charité de l’Église et à l’amour que
ses membres entretiennent entre eux
« voyez comme ils s’aiment ». « C’est à
l’amour que vous aurez les uns pour les
autres que l’on vous reconnaîtra pour
mes disciples »(5).
Ne serait-ce pas, à l’intérieur même
de nos diverses communautés, mouvements ecclésiaux ou lieux de service,
un chantier à ouvrir ou à étendre que
celui d’une bienveillance fraternelle et
d’une charité patiente, humble et vraie?
(1)  Mère Térésa à ses volontaires.
(2)  Vatican II, Gaudium et spes n°38.
(3)  Note théologique n°7, liturgie et diaconie.
(4)  Benoït XVI Deus Caritas est.
(5)  Jn. 13,25.