OMD 2015 : Comment débloquer le potentiel des

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OMD 2015 : Comment débloquer le potentiel des
OMD 2015 : Comment débloquer le potentiel
des collectivités territoriales?
À seulement cinq ans de l’échéance de 2015 fixée pour les OMD, de nombreux pays ont
réalisé d’importants progrès quant à la réalisation des objectifs qu’ils s’étaient fixés
à l’échelle nationale. Avant 2008, un grand nombre de pays en voie de développement
ont connu une croissance économique forte, contribuant à la réduction de la pauvreté
et au renforcement des services publics. Malgré le ralentissement économique récent,
« la réduction de la pauvreté continue d’avancer… (et) dans son ensemble, le monde en
développement est sur la bonne voie pour atteindre la cible de réduction de la pauvreté
d’ici 2015 » (Rapport 2010 de l’ONU sur les OMD). Des progrès essentiels sont en train
d’être réalisés quant au nombre d’inscrits dans l’enseignement primaire, et ce même
dans les pays les plus pauvres, notamment en Afrique subsaharienne. Des progrès ont
été réalisés concernant les interventions sanitaires de base, telles que la lutte contre
le paludisme, la prévention et le traitement du VIH, ainsi que la vaccination (Rapport
2010 de l’ONU sur les OMD). La démocratisation des nouvelles technologies (comme les
téléphones portables) a également favorisé l’accès à l’information, aux marchés et aux
services pour de nombreuses personnes défavorisées dans le monde. Au cours des dix
dernières années, on a en effet pu constater que, même dans les circonstances les plus
difficiles, les OMD sont réalisables s’ils bénéficient d’un engagement constant de la part
des gouvernements et des partenaires internationaux.
Cependant, il existe des inégalités dans les avancées vers la réalisation des OMD
et d’importants écarts persistent entre les pays et en leur sein. La crise financière
récente et la récession mondiale qui en a découlé, ainsi que le changement climatique,
affectent directement les moyens de subsistance des populations pauvres et vulnérables.
Pour beaucoup d’États fragiles, de pays les moins avancés (PMA) et de pays en situation
de (post-)conflit, il existe une réelle menace d’arrêt ou d’inversion des progrès effectués
vers la réalisation des OMD. En raison de la crise économique, on estime que 50 millions
de personnes supplémentaires vont tomber dans la pauvreté d’ici fin 2010. Un tiers de la
population mondiale (soit environ 2 milliards de personnes) vivent déjà dans la pauvreté,
disposant de 2 $ ou moins par jour pour subvenir à leurs besoins (Rapport de suivi mondial
2010 de la Banque mondiale). La crise a un profond impact sur la réalisation des OMD : 1,2
million d’enfants pourraient décéder avant l’âge de cinq ans, quelque 350 000 enfants
n’achèveront pas leur scolarité au primaire et 100 millions de personnes perdront l’accès
à l’eau potable (Rapport de suivi mondial 2010 de la Banque mondiale). En outre, la crise
économique et le changement climatique affectent particulièrement les femmes, les
enfants et les groupes les plus vulnérables.
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Poursuivre les OMD grâce aux collectivités territoriales
Les avancées vers la réalisation des OMD se poursuivent, mais les inégalités sont
persistantes, voire croissantes « entre riches et pauvres, entre ceux qui vivent en milieu
rural, dans des zones reculées ou dans des taudis et les populations urbaines mieux
loties, entre ceux que désavantagent leur emplacement géographique, leur sexe, leur
âge, un handicap ou leur appartenance ethnique et les autres » (Rapport 2010 de l’ONU
sur les OMD). Les possibilités restreintes d’accéder à un emploi décent et le manque
d’accès aux services publics de base (tels que la santé et l’éducation), aux infrastructures
(tels que les équipements d’eau et d’assainissement) et aux avoirs productifs (tels que
la terre) menacent de faire perdurer la pauvreté à travers les générations. L’évaluation
internationale des OMD réalisée récemment a montré que les pays présentant les inégalités
les plus importantes sont davantage susceptibles d’être plus lents dans la réalisation des
OMD. De plus, la pauvreté (dont le seuil est fixé à 1,25 $ par jour) a tendance à être 42 %
supérieure dans ces pays par rapport à ceux présentant des écarts moindres. Les écarts de
nutrition entre les enfants issus des zones rurales et urbaines se sont accrus en Amérique
latine, aux Caraïbes et dans certaines régions d’Asie. En Asie du Sud, 60 % des enfants
des régions les plus pauvres présentaient une insuffisance pondérale, contre 25 % dans
les foyers les plus riches (Rapport 2010 de l’ONU sur les OMD). Les écarts quant à l’accès
à une éducation et à des services de santé de qualité affectent en priorité les populations
pauvres, notamment les femmes et les filles. Les trois quarts des individus n’ayant pas
accès à l’eau vivent en zone rurale (évaluation internationale du PNUD de 2010).
Dans presque tous les pays, dont les PMA, les pays à faible revenu et même les pays
à revenu intermédiaire, des individus et des groupes sont exclus du développement
et de ses avantages à cause de leur situation géographique et de leur appartenance
ethnique. Il s’agit souvent de populations autochtones ou de personnes vivant dans des
zones reculées. Au Népal, par exemple, « les personnes issues des castes inférieures et des
groupes ethniques autochtones sont bien plus touchées par la pauvreté que les autres »
(Rapport de synthèse 2010 sur les OMD). En Papouasie-Nouvelle-Guinée et dans les Îles
Salomon, les communautés et individus sont souvent isolés et ne retirent pas de bénéfices
des processus de développement, qui se concentrent dans les capitales (Études de cas
par pays sur les OMD). En Namibie et au Mozambique, les habitants des campagnes ont
souvent un accès limité ou inexistant aux services de base, et au Bhoutan, la plupart des
personnes vivant en zone rurale comptent exclusivement sur l’agriculture de subsistance
pour subvenir à leurs besoins.
Il apparaît clairement que les stratégies en faveur des OMD ont bien plus de chance
de porter leurs fruits lorsque les gouvernements nationaux travaillent en étroite
collaboration avec les collectivités locales, la société civile et le secteur privé
(Évaluation internationale de 2010). Lorsqu’ils sont élaborés sur un modèle participatif, les
programmes locaux axés sur les OMD reflètent de manière plus juste les réalités, les besoins
et les demandes, permettant de viser plus efficacement les personnes et populations
exclues. Si les gouvernements nationaux et les collectivités locales travaillent de concert,
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la localisation des OMD peut rapidement produire des résultats grâce au transfert ciblé des
ressources et des investissements visant à accroître les capacités. Il est évident que, dans
des situations de conflit ou de post-conflit, les acteurs locaux et non gouvernementaux, les
initiatives communautaires et les institutions non officielles jouent un rôle essentiel dans
la distribution des services de base aux populations et dans les efforts de consolidation de
la paix (évaluation internationale de 2010 et étude de cas sur la Somalie).
Il a été prouvé que les acteurs locaux (gouvernements, collectivités, secteur privé
et organisations non gouvernementales) jouent un rôle majeur dans la réalisation
des OMD. Dans de nombreux pays, même les plus pauvres et les plus vulnérables, on a
constaté que lorsque les investissements sont faits au niveau local, les avancées vers les
OMD sont plus rapides et durables. Par exemple, un programme national de reboisement
a commencé à porter ses fruits dès lors que la propriété des terres et les responsabilités
ont été transférées aux collectivités locales (Rapport de synthèse 2010 sur les OMD).
De même, les autorités locales et les gouvernements régionaux du Pérou, d’Égypte et
du Niger sont parvenus à mettre en œuvre des programmes intégrés de nutrition et de
lutte contre la pauvreté. Au Maroc, dans certaines localités, la pauvreté a connu une
baisse allant jusqu’à 95 %, grâce à l’Initiative nationale pour le développement humain
(INDH), mise en œuvre par les municipalités locales. Au Népal, les taux d’inscription ont
considérablement augmenté dans les zones visées lorsque les responsabilités éducatives
ont été transférées à des comités élus localement. Au Somaliland et au Puntland, régions
déchirées par les conflits, les autorités locales de transition sont les seuls canaux de
distribution de services de base et de protection des populations. Le Rwanda réalise
actuellement des progrès dans le domaine de la santé maternelle et infantile grâce au
transfert des responsabilités et des financements destinés aux services de santé aux
collectivités locales. Malgré des années de conflit, le Sri Lanka est parvenu à conserver
des services de santé de base, se rapprochant ainsi de la réalisation des OMD 4 et 5, en
investissant dans du personnel médical en milieu rural. L’encadré 1 ci-dessous présente
les principales raisons d’investir dans les OMD au niveau local.
Encadré 1. Pourquoi investir dans les OMD au niveau local?
OMD 1 : Pauvreté, emploi et sécurité alimentaire. Afin de parvenir à réduire la
pauvreté, à générer des emplois et à produire de la nourriture, les efforts mis en
œuvre doivent se baser sur des réalités et initiatives locales et impliquer que les
collectivités et gouvernements locaux puissent réellement prendre en charge le
projet et y participer. Souvent, les initiatives en faveur des OMD mises en place au
niveau local sont victimes de processus interminables, sans que les donateurs ou
gouvernements centraux ne s’engagent réellement à faire progresser et maintenir
les résultats obtenus.
Continue...
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Poursuivre les OMD grâce aux collectivités territoriales
Suite
OMD 2–7 : Prestation de services d’éducation, de santé, d’eau et d’assainissement.
La mise en place et le maintien de mécanismes de distribution des services de
base définis dans les OMD, tels que les soins de santé primaires, l’éducation et
les infrastructures essentielles, constituent les responsabilités principales des
collectivités locales décentralisées. Pourtant, les collectivités locales du monde
entier sont systématiquement affectées par un manque de financements, aussi
bien de la part des gouvernements centraux que des donateurs. Les faits indiquent
que les efforts de renforcement des capacités au niveau local sont souvent ignorés,
écartés ou inadaptés aux besoins réels, entraînant des écarts et des inégalités.
OMD 3 : Autonomisation des femmes. Les femmes et les jeunes sont des vecteurs
de changement au sein de leurs foyers, communautés et quartiers. Investir dans
des initiatives visant directement les femmes, les jeunes et les enfants, comme
les soins de santé primaires, l’accès à des sources d’eau saine et aux énergies
vertes, les écoles acceptant les fillettes, et les pratiques agricoles durables
et à taille humaine, peut avoir des effets immédiats sur le bien-être de tous.
Souvent, l’autonomisation des femmes au niveau local permet un meilleur niveau
d’éducation et une meilleure alimentation des enfants, une gestion accrue des
ressources naturelles, ainsi qu’un renforcement de la responsabilisation et de la
prise en charge locales quant aux résultats en matière de développement.
OMD 7 : Lutte contre le changement climatique et la préservation de l’environ­
nement. Les efforts collectifs d’adaptation et d’atténuation visant à réduire
l’impact du changement climatique sont efficaces lorsqu’ils sont mis en œuvre
au niveau local conjointement avec les interventions axées sur les OMD. Tous
les investissements publics destinés aux OMD, qu’il s’agisse de la création
d’emplois grâce à des pratiques agricoles durables ou de la mise en place de
sources d’énergie verte dans des cliniques, écoles et foyers, peuvent grandement
contribuer aux efforts mis en œuvre en termes de protection de l’environnement
et des écosystèmes.
OMD 8 : La mise en place de capacités locales est essentielle pour garantir
l’efficacité de l’aide et le maintien des efforts appuyés par les partenaires de
développement. Un partenariat mondial se traduit par la prestation de services
de base au niveau local. La collaboration entre les gouvernements, les agents
prestataires de services, les organisations de la société civile et le secteur privé
est essentielle pour garantir le maintien des processus de développement local et
l’adhésion à ceux-ci par les différents acteurs.
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Cependant, pour réussir, les interventions locales manquent souvent de l’envergure
et du soutien nécessaires pour avoir un impact important et durable. Pour assister
à une réelle progression, il est nécessaire d’aller au-delà de la simple augmentation
du niveau de financement. Tout en fournissant davantage de ressources et en
augmentant le niveau de financement des investissements pour les services, il est
également nécessaire d’apporter une aide quant au développement des capacités
afin de renforcer le rôle des acteurs locaux et les systèmes de soutien nationaux
appropriés. Cela implique de comprendre ce qui fonctionne au niveau local et pourquoi.
Cette stratégie table également sur les avantages dont disposent les acteurs locaux quant
à la prestation des services de base et quant à l’implication des populations locales et
des groupes généralement marginalisés. Concrètement, une réelle progression peut se
traduire par (i) l’élargissement de l’étendue de l’aide, en encourageant la reproduction
d’interventions éprouvées dans des localités ayant un accès restreint ou inexistant aux
services ; (ii) l’augmentation du niveau des investissements visant la mise en œuvre
d’interventions locales et axées vers les OMD, dans une zone géographique donnée. Enfin,
une réelle progression peut permettre de fournir des éléments au dialogue politique et
aux réformes.
Le Sommet sur les OMD qui s’est tenu récemment a permis aux États participants de
réaffirmer leur engagement à renforcer leurs partenariats et à accélérer le processus de
réalisation des OMD. Le document final approuvé par l’Assemblé générale rappelle que les
leçons tirées et les politiques et approches probantes relatives à la mise en œuvre et à la
réalisation des OMD pourraient être utilisées à nouveau et améliorées afin d’accélérer les
progrès de différentes manières. Ceci pourrait être réalisé en soutenant des stratégies
participatives dirigées par les collectivités et alignées avec les priorités et stratégies de
développement nationales, et en augmentant les capacités permettant de fournir des
services de qualité de manière équitable.
Questions à débattre :
1. Quelles interventions menées au niveau local permettent de progresser vers la réalisation des OMD et quel rôle les collectivités locales ont-elles joué dans leur mise en
œuvre ?
2. Quelles relations existent entre les systèmes nationaux et locaux qui contribuent à
l’amélioration des interventions éprouvées en vue de réaliser les OMD au niveau local ?
3. Quels sont les avantages comparatifs des collectivités locales quant à leur implication dans les efforts nationaux en vue d’accélérer la réalisation des OMD et quelle est
l’étendue du rôle des collectivités locales ?
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