glauque » ou la production de sperme infertile

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glauque » ou la production de sperme infertile
LE « GLAUQUE » OU LA PRODUCTION DE SPERME INFERTILE
Alain Giami
P.U.F. | Ethnologie française
2011/1 - Vol. 41
pages 41 à 48
ISSN 0046-2616
Article disponible en ligne à l'adresse:
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Pour citer cet article :
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Giami Alain, « Le « glauque » ou la production de sperme infertile »,
Ethnologie française, 2011/1 Vol. 41, p. 41-48. DOI : 10.3917/ethn.111.0041
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Le « glauque » ou la production de sperme infertile
Alain Giami
Inserm, U 1018, CESP, équipe Genre,
santé sexuelle et reproductive
RÉSUMÉ
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Alain Giami
Inserm, CESP Centre de recherche en Épidémiologie et Santé des Populations,
U 1018, équipe Genre, santé sexuelle et reproductive
82, rue du Général-Leclerc
94276 Le Kremlin-Bicêtre
[email protected]
Les procédures biomédicales qui permettent les procréations médicalement assistées (PMA) sont en grande
partie fondées sur le recours à la masturbation masculine
qui doit être pratiquée dans des locaux médicaux ou
hospitaliers. Il s’agit de l’une des rares prescriptions
médicales à ne pas requérir la mise en œuvre de techniques sophistiquées et à se trouver chargée d’un poids
imaginaire important du fait que le sperme ne peut être
obtenu qu’au moyen de la masturbation. Rappelons que
la masturbation est une pratique sexuelle non reproductive, associée au plaisir solitaire. Elle a été stigmatisée
tout au long de l’histoire de la civilisation occidentale et
considérée pendant longtemps comme une maladie en
soi, comme la source de toute une série de maladies
mentales et somatiques [Foucault, 1976 ; Laqueur,
2003 ; Szasz, 1976].
Le présent article décrit le contexte de la pratique
dite du « recueil de sperme » visant à la réalisation d’un
examen nécessaire à l’engagement dans une procédure
de PMA, ainsi que les réactions des hommes et des
femmes confrontés à cette procédure. Cette procédure
vise à la réalisation d’un spermogramme, examen qui
consiste en une analyse biologique de la qualité du
sperme et en l’évaluation de la quantité et de la qualité
des spermatozoïdes en mesure de féconder l’ovule de
la partenaire.
Dans le contexte des PMA, on peut distinguer les
pratiques masturbatoires qui sont effectuées par de
généreux donneurs de sperme en vue de féconder des
femmes fertiles dont le conjoint est stérile [Kirkman,
2004] ; celles qui permettent d’approvisionner des banques de sperme [Tober, 2001] ; et celles qui sont réalisées par des hommes en vue de la réalisation d’un
spermogramme. Dans ce dernier cas, ces personnes
redoutent déjà que leur sperme soit infertile, avant
même d’entrer dans les espaces réservés pour effectuer
ce geste. Ainsi, une même pratique effectuée avec des
finalités différentes engendre des sentiments radicalement différents : la fierté et la générosité des uns
contrastent avec la honte et le dégoût exprimés par les
autres, et de surcroît par leurs partenaires qui devraient
en être les bénéficiaires. C’est cette dernière situation
qui est explorée ici à partir d’une enquête réalisée dans
deux hôpitaux parisiens.
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Les procédures de procréation médicalement assistée comportent un examen biologique du sperme qui est réalisé après
masturbation (souvent à l’aide de magazines pornographiques). Une enquête ethnographique a été réalisée dans deux grands
hôpitaux parisiens et fait apparaître des réactions subjectives associant la gêne, la honte, le malaise, le dégoût, face à la pratique
de la masturbation dans des locaux et un contexte inappropriés. La confusion entre les registres médical et sexuel, l’impossibilité
de désexualiser une pratique taboue et la nature stérile du sperme seraient à l’origine du dégoût et du sentiment de « glauque »
ressentis à l’égard du sperme lorsqu’il est produit dans ce contexte médical.
Mots-clés : Masturbation. Sperme. Infertilité. Procréations médicalement assistées. Dégoût.
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Alain Giami
Enquête dans deux hôpitaux parisiens : méthodologie
168 consultations auprès des 3 cliniciens ont été observées à l’aide d’une grille d’observation systématique. À l’issue de ces
consultations, et lorsque le couple répondait aux critères d’inclusion (ne pas avoir d’enfant, ne pas avoir encore eu de tentative
de fécondation in vitro), il était proposé à l’homme ou à la femme (de façon aléatoire selon les jours) de participer à l’enquête
par entretien. Il était précisé que l’entretien serait réalisé par un chercheur n’ayant pas assisté à la consultation. 16 hommes et
9 femmes ont finalement accepté de nous livrer leur témoignage. Au moment où nous les avons interrogés, la majorité de ces
hommes connaissaient le diagnostic d’infertilité ou d’hypofertilité qui avait été établi à la suite des examens de la qualité de leur
sperme. Ce point est important, dans la mesure où il permet de mieux comprendre que ces témoignages sont fondés sur la
connaissance acquise que le sperme produit dans ce contexte est infertile.
Penser le sperme
et le recueil de sperme
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Le sperme est considéré comme un liquide porteur
de vie et d’érotisme par les hommes et encore plus par
les femmes [Oliviéro, 1995]. On a donc affaire à un
fluide corporel et à une pratique fortement chargés de
significations symboliques qui ne sont pas réductibles
aux significations qui leur sont attribuées dans le cadre
de la biomédecine. Ces significations concernent
l’identité sociale, sa transmission et l’identité de genre
[Godelier, 2005 ; Héritier, 1984 ; Héritier-Augé,
1985]. Là où la biomédecine parle de « recueil de
sperme » et de « spermogramme », un des hommes
interrogés a parlé de cette expérience comme d’« une
branlette remboursée par la Sécu » (Daniel) et certaines femmes comme d’« une corvée » (Cécile) ou même comme
d’« une horreur » (Mireille). On perçoit ainsi les abîmes
qui séparent la construction symbolique traditionnelle
du sperme, la construction du recueil de sperme dans
l’univers médico-scientifique afin d’établir un diagnostic et des traitements, et l’expérience du recueil de
sperme telle qu’elle est décrite et vécue par les usagers.
L’expression de cet homme ne recouvre cependant pas
la totalité du champ de l’expérience des hommes
confrontés à l’infertilité. Ainsi, lorsque Pierre nous dit
qu’il « n’est pas vraiment un homme », on accède à un autre
registre des significations qui entourent la situation du
recueil de sperme : celui de la remise en cause de la
masculinité associée à la fertilité [Herdt, 1981 ; Moore,
2002]. Les cliniciens et les chercheurs travaillant sur les
questions d’infertilité se sont peu intéressés au « facteur
humain », au contexte et aux subjectivités à l’œuvre
dans la production du sperme [Coeffin-Driol, Giami,
2004], alors que l’on trouve une abondante littérature
technique sur l’analyse du sperme et de ses caractéristiques. L’écart entre les objectifs de la biomédecine et les
attentes des usagers suscite le malaise de ces derniers
mais aussi des professionnels. Personne ne sait comment
Ethnologie française, XLI, 2011, 1
faire et tout le monde essaie de se débrouiller au mieux.
C’est ce « bricolage » qui est étudié ici, à partir du point
de vue des usagers et sur les réactions de dégoût qu’ils
ont exprimées.
■
Les dispositifs de recueil du sperme :
une mise en scène de la masturbation
En dépit de la centralité de la pratique de la masturbation, les protocoles de « recueil » du sperme évitent
de faire allusion aux dimensions érotiques qui entourent
ce geste. La question de l’excitation sexuelle nécessaire
à la production de sperme en laboratoire est souvent
laissée dans l’ombre et peu de publications abordent ce
sujet [Tober, op. cit.]. Un rapport de l’OMS visant à présenter les pratiques et les controverses actuelles de la
reproduction assistée ne mentionne à aucun moment la
question du recueil de sperme, ni du point de vue technique, ni du point de vue éthique [WHO, 2002]. Dans
le meilleur des cas, les recommandations formulées par
des CECOS 1 ou par des centres de PMA stipulent tout
simplement que « le sperme est recueilli par masturbation au laboratoire ».
Or le dictionnaire est très précis sur ce point : la
masturbation est définie comme une « pratique
sexuelle solitaire consistant en attouchements des organes génitaux pour se procurer du plaisir, l’orgasme »
[Trésor de la langue française, TLF]. L’émission et la production de sperme n’entrent donc pas a priori dans les
objectifs assignés culturellement à la pratique de la masturbation. De plus, le TLF rappelle un sens « vieilli » du
terme lorsqu’il est usé comme une métaphore : « effort
intellectuel ou moral infécond ». Cela n’est pas sans
rappeler les théories médicales du XIXe siècle dans lesquelles la masturbation apparaissait comme la cause de
l’impuissance et de la stérilité [Garnier, 1887], et dont
on peut encore observer la prégnance dans les récits
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élaborés par les hommes impliqués dans ces situations.
La stérilité constitue une perte de la virilité. Mais soulignons ici que la masturbation est associée à une pratique « inféconde ».
Des règlements intérieurs sont parfois affichés dans
les locaux affectés au recueil de sperme : ils portent
principalement sur le respect des conditions d’hygiène
et de sécurité. Dans le même ordre d’idées, la présence
du conjoint et sa participation éventuelle au recueil de
sperme sont laissées soit à la convenance et à l’arbitraire
des services, soit à la discrétion des usagers 2. Dans la
majorité des cas, le recueil de sperme est effectué de
façon solitaire, quelles que soient les stimulations
employées pour arriver à ce but, à l’exclusion de la
participation directe du personnel technique. L’excitation des hommes qui viennent produire du sperme
à l’hôpital est généralement suscitée à l’aide de magazines pornographiques qui viennent assister la pratique
de la masturbation. Cependant ce recours ne fait pas
l’unanimité parmi les équipes médicales et les règles
de « recueil du sperme » sont interprétées différemment selon les services.
Dans l’un des services que nous avons observés, le
médecin responsable était opposé à la mise à disposition
de magazines pornographiques en considérant qu’il
n’était pas du rôle du médecin de contrôler et d’imposer un modèle de stimulation sexuelle. Mais des photos
de pin-up soft étaient affichées au mur du local prévu
pour le recueil de sperme.
Le témoignage d’un homme (ayant déjà eu des
enfants) qui a effectué un recueil de sperme exploratoire dans un laboratoire privé décrit un tout autre
décor. L’homme accède à un bâtiment luxueux où il
43
est accueilli par une hôtesse qui, après avoir réglé les
problèmes de prise en charge par l’Assurance Maladie,
le conduit dans le local où va se dérouler le recueil de
sperme. Après l’avoir installé dans une pièce confortable équipée d’un lecteur de DVD sophistiqué et d’une
télécommande permettant de choisir le film porno de
son choix, l’hôtesse lui indique qu’il peut prendre tout
son temps. Une fois le produit du recueil déposé dans
le récipient à cet usage, il n’aura qu’à se préparer pour
repartir en signalant à l’hôtesse, à l’aide d’une autre
télécommande, qu’il a terminé. Ce dispositif permet
ainsi de ne pas avoir à affronter le regard des hôtesses
après avoir accompli son geste. La gêne potentielle
suscitée par la masturbation est ainsi évitée pour tous.
L’intimité est préservée et protégée de façon presque
exagérée.
Dans un autre centre, il n’existe pas de règle écrite
en dehors des quelques recommandations techniques
qui sont affichées dans la salle où se déroule le recueil
de sperme 3. Cette salle est équipée d’un lit d’hôpital,
d’un chariot avec en partie basse des flacons de recueil
du sperme emballés de façon stérile. On y découvre
aussi un lavabo avec du savon liquide et un distributeur
de papier hygiénique jetable, un fauteuil bas et profond, et une table basse avec des magazines érotiques
ou pornographiques. Chaque pièce dispose d’une
ouverture directe sur le laboratoire : une double fenêtre
coulissante avec un espace où le récipient contenant
l’éjaculat doit être déposé. Compte tenu des caractéristiques de la clientèle, un document en français et en
arabe qui décrit les modalités de la procédure est affiché
au mur.
Conditions de recueil du sperme
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
Uriner
Se laver les mains au savon
Se rincer les mains
Se laver le gland au savon
Rincer le gland à l’eau et s’essuyer à l’aide d’une compresse stérile
Se rincer avec la solution désinfectante et s’essuyer avec une compresse stérile
Effectuer le recueil de sperme dans le tube à prélèvement
Bien reboucher le tube
La dimension sexuelle du recueil de sperme est présente ici de façon explicite avec la présence des magazines pornographiques, mais elle est en même temps
dissimulée puisque le geste à accomplir pour « effectuer
le recueil de sperme dans le tube à prélèvement » n’est
pas nommé.
Les deux services que nous avons observés contrastent au plan de la mise en scène. D’un côté, on dispose
d’un local pensé pour la réalisation de la masturbation
dans un cadre confortable. De l’autre, il s’agit d’un
espace hospitalier détourné de sa fonction médicale et
technique par la présence des magazines.
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Le « glauque » ou la production de sperme infertile
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Alain Giami
Le recueil de sperme est ainsi doté de significations
empruntées à deux registres différents : d’une part, le
registre médical qui concerne le dispositif dans son
ensemble (traitement biochimique du sperme, questions d’hygiène et d’asepsie hospitalières) et, d’autre
part, le registre sexuel renvoyant à la masturbation et
aux magazines pornographiques. La confusion de ces
registres, entretenue voire renforcée par le dispositif
médico-scientifique qui encadre l’acte, rejaillit sur les
significations données à cette expérience par les femmes et les hommes que nous avons rencontrés. C’est
le caractère inapproprié, déplacé, de la proposition et
de la pratique de la masturbation dans un espace médical qui pose problème, et ce d’autant plus que le produit qui en résulte est infertile.
■
Ce qui produit le dégoût du sperme
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Avant même que le recueil de sperme ne soit effectué et que les résultats de l’analyse ne soient connus,
la simple prescription de cet examen vaut comme diagnostic et tombe comme verdict : la fertilité de
l’homme est mise en doute dès que le médecin envisage de procéder à son évaluation. La prescription du
spermogramme constitue dans tous les cas une (mauvaise) surprise pour l’homme sur lequel commencent
à peser les soupçons de la stérilité alors qu’on n’a « rien
trouvé » – aucun indice de stérilité – chez la femme.
Ces hommes, par ailleurs mal préparés socialement et
mentalement à subir des examens médicaux ou biologiques tels que des « prélèvements » portant sur des
« sécrétions », une « radio » ou une « échographie », ne
s’attendent pas à ce qu’on leur demande de se masturber au laboratoire pour la réalisation d’un spermogramme. La déstabilisation provoquée par la mise en
doute de la fertilité est au fondement des significations
que va prendre le recueil de sperme.
Ces hommes « découvrent » progressivement que
l’examen en question consiste en la pratique de la masturbation. Certains d’entre eux se plaignent de ne pas
avoir été prévenus à l’avance du fait qu’ils allaient
devoir se masturber et mobiliser de l’excitation sexuelle
pour prélever leur sperme, chose a priori impensable
dans le contexte médical. L’expérience est vécue
comme particulièrement désagréable. Hector : « J’arrivais, il y avait ma femme, une infirmière qui passait… Je
savais pas qu’on allait me faire des prélèvements. Bon,
j’arrive. Et c’est juste on l’a découvert en sortant parce qu’on
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m’a dit : “On va te faire un… une spermogramme”… On
reste avec une ordonnance, comme ça, on va à l’hôpital… on
donne à la femme. “Ah, d’accord. Tiens, passez là et on va
prendre votre semina.” Et c’est là qu’on comprend qu’il faut
se masturber. Et là, on va dans une toilette… dans une
cabine, comme ça et… moi, j’étais complètement bloqué,
passer une heure sans pouvoir… Parce qu’on ne peut pas se
masturber comme ça. Il fallait atteindre un niveau d’excitation… Et ça, il faut le travailler, là. Il faut oublier qu’on est
dans un hôpital, qu’on est dans une cabine de toilette, qu’il
y a des gens qui passent, comme ça, par… dans tous les sens
et… boum. »
Ces hommes doivent s’adapter à une situation qu’ils
n’ont pas prévue et dans laquelle ils sont fortement
investis. L’adhésion au discours et au modèle médical
est une des postures adoptées. Jean-Pierre interprète
l’expérience du recueil de sperme dans le registre de
sa profession scientifique, qui lui permet de mettre à
distance le caractère personnel et intime de celle-ci. Il
n’a pas eu d’« état d’âme » puisque la démarche de PMA
ne comporte « aucune connotation particulière, pour moi
c’est un travail comme un autre ». Le fait de passer des
examens, insiste-t-il, « me laisse froid, sans aucune réaction
particulière », et le recueil de sperme n’a donc entraîné
« rien de particulier ». Il se place en marge du groupe des
hommes qui vivent la même expérience que lui, et
adopte le point de vue des professionnels qui observent
les patients déambuler dans le service : « Non, d’ailleurs
ça me faisait sourire de voir les gens qui tournent devant la
porte avant de rentrer, je trouve ça… […] Les gens se promènent devant la porte, n’osent pas rentrer. »
Jean-Pierre insiste sur la facilité et la rapidité avec
lesquelles il a réussi à produire le sperme, ainsi que sur
le fait que sa femme et le personnel médical ont
exprimé de la surprise à cet égard : « En dix minutes,
ça y est, je me retrouve dans le couloir et j’attends et à chaque
fois ils sont surpris de voir que j’ai terminé le prélèvement
aussi rapidement, donc je me dis que les autres ils doivent
avoir plus de mal à effectuer le prélèvement, donc… »
L’adhésion au discours et à l’idéologie de la technique médicale de laboratoire semble permettre à certains de ces hommes de « fonctionner » conformément
aux demandes de l’institution médicale en faisant abstraction de leurs états d’âme.
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■
L’usage de la pornographie
dans une enceinte médicale : un malaise
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Pour d’autres, l’opération s’avère plus compliquée.
Mouloud qui reconnaît la dimension sexuelle du « prélèvement de sperme » et éprouve des difficultés à pratiquer ce geste dans le cadre hospitalier, sur commande,
se montre encore plus gêné d’avoir eu recours à des
« documents » que, par pudeur à l’égard de l’interviewer, il ne qualifie même pas de « pornographiques ».
L’« acte de plaisir » apparaît ainsi incompatible avec le
cadre hospitalier et la finalité du « prélèvement » : « Des
fois, je prenais une demi-journée de congé, pour aller faire le
prélèvement… C’était un peu dur pour la masturbation
aussi. Même si on nous donne des documents, des livres
comme ça pour stimuler… Moi le fait de venir comme ça de
temps en temps à l’hôpital pour faire des prélèvements, ça me
dérange un peu, quoi. Je me sens pas à l’aise. Oui. Oui,
on n’est pas venu pour le plaisir. On est obligé de venir, donc
ça c’est déjà… En plus, venir comme ça, donc t’as un rendez-vous, et c’est pendant ce moment-là, par exemple, entre
une heure et une heure et demie c’est là qu’il faut avoir son
plaisir… C’est un peu difficile. »
Il se trouve en quelque sorte obligé de prendre du
plaisir alors qu’il est venu dans ces locaux pour pratiquer un examen médical, et ce plaisir prend un goût
amer. La pratique du recueil de sperme n’est pas
complètement dépouillée de ses significations érotiques et la difficulté à faire de la masturbation un acte
médical à part entière contribue au malaise de cet
homme.
■
L’intimité sexuelle exposée :
difficultés à éjaculer
Ces hommes doivent se masturber « sur commande »
et ce d’autant plus qu’il s’agit d’un contexte inapproprié dans lequel ils ont l’impression de ne pas bénéficier
de l’intimité nécessaire. Certains d’entre eux développent ainsi le fantasme d’avoir à se masturber en public,
ou au moins « au vu et au su du public » présent dans
la salle d’attente. Albert : « On est arrivé, “ben voilà, voici
la petite bouteille, vous faites ci, vous faites ça. Merci et au
revoir”, quoi. […] Il y a une salle d’attente où on peut se
retrouver à deux, trois personnes, donc déjà on se regarde un
petit peu [rires] en se disant “tiens, le mec, il vient aussi”…
On sait très bien dans quelle situation on est, on pense que
les autres personnes qui sont là le sont aussi et il y a… une
45
espèce de honte de se dire… Oui. Et toutes les personnes
qui sont là savent que vous vous avez un problème. Oui, il
y avait aussi… cet aspect un peu impersonnel aussi, qui m’est
nuisible, quoi. C’est, on est dans la salle d’attente, on y
passe les uns après les autres quoi. »
Hector a mal vécu le fait de devoir se masturber
dans une telle cabine, et de constater qu’il lui était
difficile de parvenir à éjaculer. Le malaise associé à cette
situation semble amplifié par l’attitude de la technicienne qui demande publiquement à un autre homme
de déclarer qu’il « n’a pas pu ». Hector : « J’arrive.
C’était l’hiver. Et la dame m’a dit : “Bon, il faut que vous
vous patientez ici, un peu ici parce qu’il y a un monsieur…
dans la cabine.” Dix minutes après, la porte s’ouvre et le
monsieur qui sort. “Ça y est, monsieur, vous êtes prêt ?”
“Non, j’ai pas pu.” Le monsieur qui sortait n’avait pas pu
se masturber. Oh !!! Et ça m’a fait aussi… aussi une fois.
Mais après, j’ai pris l’habitude. »
Le dispositif mis en place par l’institution hospitalière constitue ainsi une mise en scène paradoxale du
recueil de sperme et de la masturbation. Cette mise en
scène a pour effet de dévaloriser un geste qui continue
à avoir des significations associées à l’intimité, à la
pudeur et à la sexualité, et qui semble incompatible
avec l’espace qui est proposé pour sa réalisation. Les
sentiments associés à la pratique de la masturbation
viennent par ailleurs s’associer à un sentiment
d’impuissance : « Non, j’ai pas pu. » L’institution n’est
pas en mesure de médicaliser cette pratique : d’une
part il reste un résidu de sexe – la pornographie et le
plaisir –, d’autre part elle est organisée et mise en scène
de façon maladroite, ce qui suscite la confusion dans
les esprits et s’oppose à la sérénité et à l’intimité nécessaires à sa réalisation. Les maladresses de l’institution,
en plus de provoquer un certain dégoût de soi-même,
ne facilitent pas le recueil du sperme. La masturbation
reste ainsi hors champ médical même lorsqu’elle doit
être utilisée de façon positive et utile en vue de la
réalisation des objectifs de l’examen biomédical.
■
La confirmation féminine :
l’amplification du dégoût
Aucune des femmes interrogées lors de l’enquête
n’a participé directement à la production du sperme
alors que la possibilité en a été offerte à certaines
d’entre elles. Elles nous ont donc livré leur sentiment
à partir de la façon dont elles se sont représenté la
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Le « glauque » ou la production de sperme infertile
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situation et ont réagi aux propos et aux commentaires
de leur conjoint. Ces femmes ont exprimé des réactions dysphoriques beaucoup plus intenses que celles
qui ont été exprimées par les hommes. Françoise :
« Non, et je vous avouerais que je n’y ai jamais pensé non
plus. Non, parce qu’en plus, il le décrit maintenant, enfin
maintenant qu’on en parle, il le décrit d’une façon presque
glauque donc du coup… ça me donne pas spécialement
envie… d’y aller. Non, mais le… enfin glauque, le côté, le
magazine, enfermé dans la petite pièce… »
Les femmes ne sont pas les principales consommatrices de la pornographie [Giami, de Colomby, 1997] et
certaines d’entre elles éprouvent du dégoût à son égard
[Marzano, 2003], qui peut provenir du fait que la pratique de la masturbation et la manipulation de magazines
pornographiques restent inacceptables en tant que telles, et ce même pour la « bonne cause ». Mireille : « Ah
non, je ne suis pas allée avec lui… Mais non. Mais il me l’a
pas proposé, mais je pense que s’il me le proposait, ça me…
non. C’est pas dans mes… [rires] dans mes habitudes, ça ne
me plaît pas. Oui, enfin je dirais j’ai horreur de ça. Même pour
la bonne cause. Non, il ne m’a pas proposé, mais je pense que
je refuserais. Même c’est sûr, parce que je pense que ça le gênerait
pas. Je pense, enfin vraiment, qu’il serait d’accord si je lui
proposais, moi, de venir avec lui. Apparemment il se débrouille
très bien tout seul [rires]. »
Tout ce qui tend alors à associer le médical et le
sexuel est source de malaise chez ces femmes – alors
même que celles-ci sont habituées à subir des examens
médicaux chez leurs gynécologues [Guyard, 2002] et
sont les principales demandeuses des procréations
médicalement assistées.
Francine : « Ben le premier, il l’a fait comme une corvée.
J’étais avec lui, mais je suis restée dans la salle d’attente.
Pour moi, c’était inconcevable que je sois présente au moment
où… Je ne pensais pas qu’on me proposerait d’y assister.
J’imaginais ça dans une pièce avec des journaux, des magazines ou je ne sais pas, mais certainement pas que le conjoint
soit là. Alors je l’ai accompagné à l’hôpital, il est rentré au
labo et effectivement il s’est retrouvé dans une pièce et là
l’infirmière lui a demandé s’il voulait que je sois là, pour
l’aider. Il a répondu “Non, je me débrouillerai tout seul”.
Et il ne me l’a dit que quand il est ressorti. Enfin je veux
dire, si ça peut l’aider lui et si ça peut éviter que pour lui ce
soit une corvée et si ça peut éviter que ce soit un supplice, je
ferai tout ce qu’il faut pour. Mais je ne veux pas que ça le
gêne lui non plus. C’est quelqu’un de très pudique aussi,
hein. Et pourtant, on en avait plaisanté avant et il avait dit
“Si t’étais là, ce serait bien” et j’ai répondu “Mais tu…
tu… c’est même pas la peine d’y penser, ça doit pas se faire
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comme ça”. Puis en fait, ben si [rires]. […] Mais je pense
qu’il n’a pas osé dire “oui”. Peut-être parce qu’il s’est dit
“Si je dis oui, elles vont penser, enfin l’infirmière va penser
que ça devient une partie de jambes en l’air”, alors que pour
lui ça reste un examen médical. Ça reste quelque chose de
terrible. »
Francine décrit l’expérience vécue par son conjoint
comme une « corvée » et même comme un « supplice »
auquel elle n’a pas souhaité participer. Elle ne souhaite
pas être associée à ce qui est décrit comme une forme
de sexualité déviante et à laquelle elle se sent étrangère,
ni être le témoin d’un geste qui renvoie à une mise en
scène sexuelle qu’elle rejette fondamentalement.
Louise, pour sa part, ne souhaite pas détruire l’image
positive qu’elle a de la sexualité en assistant ou en
participant à des manipulations techniques qui en affaibliraient le caractère érotique : « J’ai pas envie qu’on
tombe dans quelque chose d’un peu glauque. J’ai pas envie
de le voir mettre son sperme dans un… [rires] dans un petit
tube, je trouve pas ça très glamour [rires]. De la même façon
que quand moi je vais chez le gynécologue, j’aimerais pas
qu’il soit à côté du gynécologue pendant que… pendant que
je me fais ausculter. Donc… donc c’est pour que chacun ait
encore aussi un peu de… d’intimité peut-être, de réserve par
rapport à ça. »
Le dispositif proposé pour le recueil de sperme lui
apparaît aussi comme une façon de dévaloriser la
sexualité à laquelle elle ne veut pas être associée.
Le récit féminin confirme le récit masculin, en
l’amplifiant en partie par empathie : ce sperme et la
façon de le produire provoquent malaise et dégoût en
partie en raison de la stérilité qu’il révèle et par le
mode de recueil dont il fait l’objet, aux marges du
médical et du sexuel.
■
Le glauque comme variation
du dégoût ?
Il est d’usage de considérer que le développement des
pratiques de PMA depuis le début des années 1980 a
redonné espoir aux couples confrontés au « drame de la
stérilité ». Cependant, l’enquête de terrain – qui a été
présentée ici – permet de jeter un autre regard sur cet
espoir associé à l’utilisation des technologies bio-médicales, en faisant apparaître le prix émotionnel à payer en
s’engageant dans la réalisation de ce projet. Auparavant
socialement inacceptable [Clarke, 1998], le recueil de
sperme par masturbation est devenu une pratique
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biomédicale banalisée et peut être considéré comme
l’un des symboles du dispositif médical des PMA. Or, nos
observations et nos entretiens ont fait apparaître que la
banalisation médicale et technique du recueil de sperme
et sa construction symbolique comme une simple pratique biomédicale sont (encore ?) impossibles. La médecine ne réussit pas à désacraliser la sexualité. Cette
impossibilité transparaît du côté des professionnels qui
manifestent une certaine gêne à aborder explicitement
la question de la masturbation et s’expriment avec maladresse. La masturbation reste dans ce contexte une pratique sexuelle dont on n’aime pas parler.
L’expérience des hommes, ainsi que celle des femmes qui les accompagnent dans ce parcours, fait état
des difficultés de leur confrontation à cette situation
complexe et des stratégies mises en œuvre pour y faire
face. La gêne des différents acteurs impliqués dans cette
affaire montre bien que l’érotisation de la pratique de
la masturbation continue à être bien présente et à produire des effets émotionnels et subjectifs sur l’ensemble
des protagonistes.
Suite à la déconvenue liée à la remise en cause de
leur fertilité, ces hommes sont impliqués dans une
situation dont ils ne comprennent pas tous les enjeux.
Des sentiments de gêne, de honte, d’humiliation ou
de malaise ont été exprimés par les hommes en réaction
au fait d’avoir à se masturber dans un cagibi approvisionné en revues pornographiques pour produire du
sperme. Des sentiments de dégoût et d’horreur ont été
exprimés par certaines des femmes à l’évocation de
scènes auxquelles ni elles ni leurs conjoints n’ont souhaité qu’elles assistent, comme pour se préserver d’une
expérience traumatique qui viendrait en rajouter au
Notes
1. Les CECOS (centres d’études et de
conservation des œufs et du sperme humain)
assurent la mission de recueil, cryopréservation
drame de l’infertilité. L’expression de ces sentiments
puissants, et notamment le dégoût exprimé à l’égard
de la masturbation et de la production de sperme infertile, représente la face cachée de l’espoir suscité par le
succès – relatif – des techniques de PMA.
C’est le sentiment de « glauque » qui s’est imposé
aux hommes et surtout aux femmes que nous avons
rencontrés lors de leur parcours de PMA. « Glauque » a
été le terme le plus fréquemment employé pour désigner l’ensemble de cette situation et notamment le
cadre dans lequel se déroule le « recueil de sperme ».
Le terme de « glauque » est défini dans le dictionnaire
Le Petit Robert comme « ce qui est d’un vert blanchâtre
ou bleuâtre comme l’eau de mer [sens utilisé au
XIXe siècle – certainement oublié aujourd’hui] » et dans
un deuxième sens comme ce « qui donne une impression de tristesse et de misère : lugubre, sordide. / Familier : pénible, sinistre ».
Ce terme qui associe, dans les différentes strates de sa
définition, un liquide de couleur blanchâtre qui pourrait
faire penser au sperme et des sentiments dysphoriques
très forts nous a semblé condenser les sentiments exprimés dans cette situation. Il permet ainsi d’affiner la perception du dégoût suscité chez les hommes et les
femmes par cette expérience médico-sexuelle.
La médicalisation du recueil de sperme qui aurait
pu permettre à la biomédecine de dés-érotiser l’activité
sexuelle et la masturbation dans le but de l’accomplissement d’une procréation par voie non sexuelle s’avère
difficile. En établissant que le sperme produit par la
masturbation est infécond, l’institution bio-médicale a
généré du dégoût envers une substance valorisée dans
la majorité des cultures. ■
de gamètes, embryons et tissus gonadiques à
des fins de préservation de la fertilité.
2. Dans un travail anthropologique réalisé
en Californie dans des banques de sperme,
Diane Tolber a décrit en détail les différents
contextes de production du sperme et les significations qui s’y rattachent [Tolber, 2001].
Références bibliographiques
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of California Press.
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3. C’est le terme officiellement retenu
dans le Guide de bonnes pratiques cliniques et biologiques en assistance médicale à la procréation,
rédigé par la Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du
diagnostic prénatal (CNMBRDP) et publié au
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Le « glauque » ou la production de sperme infertile
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ABSTRACT
The “Murky” and the Production of Sperm in Infertility Treatment
Biological evaluation of sperm is a central part of the process of Assisted Reproductive Technologies (ART). This test known as
sperm provision is performed through masturbation. An ethnographic study was carried in two major French hospitals and showed
that shame, discomfort, strain and disgust were often associated with the practice of masturbation in a place and context considered
as inappropriate. The confusion between the medical and the sexual domains, the impossibility of de-sexualizing a practice still
considered as taboo, and the infertile nature of sperm could be at the source of the disgust toward sperm when manipulated in a
medical context.
Keywords : Masturbation. Sperm provision. Assisted Reproductive Technologies. Disgust.
ZUSAMMENFASSUNG
Das Widerwärtige oder die Produktion unfruchtbarer Spermien
Das Verfahren der künstlichen Befruchtung setzt eine Untersuchung des Spermas voraus, das (meist unter Zuhilfenahme von
Pornozeitschriften) durch Masturbation gewonnen wird. Eine in zwei großen Pariser Krankenhäusern durchgeführte ethnographische
Studie zeigt, dass die Masturbation in einem solchen Rahmen und Kontext bei den Befragten vor allem Schamgefühle, Unwohlsein
und Ekel hervorruft. Ursache für die Gefühle des Ekels und der Widerwärtigkeit des eigenen Spermas sind vor allem die Vermischung
von Medizin und Sexualität, die Unmöglichkeit die tabuisierte Praktik der Masturbation nicht zu sexualisieren sowie die Sterilität
des Spermas in dem gegebenen medizinischen Rahmen.
Stichwörter : Masturbation. Sperma. Unfruchtbarkeit. Künstliche Fortpflanzung. Ekel.
Ethnologie française, XLI, 2011, 1
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