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Le Web de l’Humanité: Libérer le travail de la subordination
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Journal l'Humanité
RUBRIQUE POLITIQUE
Article paru dans l'édition du 15 avril 2006.
QUELLE SÉCURISATION POUR L’EMPLOI ?
Libérer le travail de la subordination
Par Bernard Friot, professeur de sociologie à l’université Paris-X, IDHE
La sécurité sociale professionnelle vise à attacher les droits sociaux non plus à
l’emploi mais à la personne. Cette formule recouvre deux positions
antagonistes :
soit le droit à attacher à la personne est la garantie de retrouver un emploi :
les personnes sont des travailleurs qui ont droit à un marché du travail
performant sur lequel ils peuvent faire carrière.
soit le droit à attacher à la personne est le salaire : les personnes sont des
salariés qui ont droit à l’émancipation du travail avec un salaire à vie et une
mobilité d’emploi fondés sur une progression régulière de leur qualification.
La première conception met au coeur les institutions du marché du travail :
inclusion dans le contrat du travail du droit au reclassement et du devoir
d’accepter un emploi convenable, égalité d’accès à un service public de l’emploi
renforcé et à des indemnités améliorées, lutte contre les discriminations à
l’embauche, obligation de résultat des organismes de formation et de
reclassement, taxe sur les licenciements versée par les entreprises libérées de
responsabilité dans le reclassement. À chaque fin de contrat, le travailleur est
remis au service public de l’emploi qui mesure son degré d’éloignement de
l’emploi et paie l’organisme de reclassement au résultat. Une telle opération de
tri individualisé place d’emblée le licencié dans un déni : son collectif de travail
et sa qualification sont niés, il est posé comme manquant plus ou moins
d’employabilité.
Le silence sur le salaire et la qualification dessine en creux le modèle du
« professionnel » ainsi promu : un individu en permanence sommé de prouver
sa performance sur le marché du travail et de subordonner son travail à un
employeur (ou à un donneur d’ordres, un fournisseur, un client dont il est
captif, s’il est indépendant).
La seconde conception de la sécurité sociale professionnelle met au coeur
l’émancipation du travail. L’enjeu est de libérer le travail de la subordination
(au capital essentiellement, mais aussi vis-à-vis d’employeurs non capitalistes
comme l’État) et non pas de l’y ramener en permanence comme dans le
premier modèle. Cela passe par la poursuite de la déconnexion entre mesure
du travail subordonné et droit à ressource telle que l’a commencée le salaire à
la qualification. De même que les retraités touchent du salaire entre leur
dernier emploi et leur mort sur la base de leur qualification d’activité, les
jeunes ont le droit de toucher du salaire (et non pas une allocation tutélaire)
avant leur premier emploi : l’attribution systématique du SMIC entre 18 ans et
le premier emploi doit être la première étape de la sécurité sociale
professionnelle. La seconde réforme est le doublement des salaires
d’embauche : leur chute organisée par les mesures jeunes depuis 1977 est
certainement la donnée la plus inquiétante des dernières décennies et elle
constitue la base de la décélération de l’ensemble des salaires. Il faut se fixer
cet objectif de doublement sur plusieurs années, en organisant par un coup de
fouet à la négociation collective les effets positifs en cascade qu’il aura sur
l’ensemble de l’échelle des salaires.
Ensuite, à partir du premier emploi, l’attribution de la qualification à la
personne du salarié et non pas à son poste de travail fait que le salaire lié à
cette qualification ne peut être ni supprimé ni revu à la baisse en cas de perte
ou de changement d’emploi. Pour progresser dans leur carrière, les salariés
sont soutenus dans le passage des épreuves nécessaires à l’amélioration de
leur qualification. Ici les mesures d’activation du marché du travail peuvent
être mobilisées, dans un sens retourné puisqu’elles sont à l’appui et non au déni
de la qualification de la personne, mais la responsabilité des entreprises, et
donc des représentants des salariés, est également centrale.
Page imprimée sur http://www.humanite.fr
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