dossier d`accompagnement - Musée des Beaux

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dossier d`accompagnement - Musée des Beaux
DOSSIER
D’ACCOMPAGNEMENT
Plaisirs de l’eau
Plage et loisirs dans la première moitié
du 20e siècle
Points info
Il est impératif de réserver sa visite avant de venir :
[email protected] / 02 51 17 45 74
lundi et mardi de 14h à 17h,
jeudi et vendredi de 10h à 12h et de 14h à 17h
MATERNELLES (PS à GS) : visite en autonomie ou accompagnée par une médiatrice-conférencière.
Créneaux d’1 heure max.
Pour les groupes accompagnés : classe divisée en 2 groupes qui alternent. 30 min avec conférencière/ 30mn en
autonomie avec activités à faire devant une sélection de tableaux (matériel à l’accueil).
Gratuit pour les groupes en autonomie
Pour groupes accompagnés, gratuit pour les nantais, 35 € par classe pour les non-nantais, dans la limite des
créneaux disponibles en matinée les lundis et jeudis uniquement.
ELEMENTAIRES (CP-CM2) : uniquement en autonomie.
Créneaux d’1 heure
A votre disposition pour chaque élève, un CARNET DE BORD à compléter devant les œuvres, distribué à
l’accueil le jour de votre visite. Vous pouvez télécharger ce document sur le site Internet.
Gratuit, dans la limite des créneaux disponibles.
2nd DEGRÉ & SUPÉRIEUR : visite en autonomie ou accompagnée par une conférencière
Créneaux d’1 heure
Gratuit pour les groupes en autonomie
Pour groupes accompagnés : Nantais : 25 € - non nantais : 35 € par classe, dans la limite des créneaux
disponibles.
Commissariat scientifique de l’exposition : Claire Lebossé.
Médiations de l’exposition : Claire Dugast, Christel Nouviale (conférencières), Stéphanie Guillarmain
er
(réservations), Joëlle Tessier (conseillère arts visuels 1 degré), Isabelle De Rosa (enseignante chargée de
er
nd
mission 1 degré), Virginie Michel, Bruno Hérody, Anne Ribstein (enseignants chargés de mission 2 degré).
Le catalogue de l’exposition est paru (19 €).
Avertissement concernant les reproductions d’œuvres
Les visuels reproduits ici le sont à des fins pédagogiques. Aucune diffusion en dehors de la classe n’est
possible sans autorisation (contact : [email protected]), car certaines œuvres ne sont pas
libres de droit et cela engage le musée à des déclarations spécifiques et des frais attenants.
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Exposition Plaisirs de l’eau - dossier d’accompagnement – 22 février > 5 mai 2013
Service des Publics - musée des Beaux-Arts de Nantes
Introduction
Au sortir de la Première guerre mondiale, la joie de vivre des Années folles
conduit à un renouvellement des pratiques balnéaires : « l’aller à la
plage » connaît un essor remarquable dans les années 1920-1930, facilité
par le développement du réseau ferré, tandis que l’idée que le loisir doit
être accessible à tous fait progressivement son chemin.
Les artistes posent désormais leur regard sur les corps qui se dévoilent
sur le sable et s’inspirent des nombreuses activités qu’offrent les stations
balnéaires. En filigrane des paysages, scènes de genre et nus réunis ici,
une peinture d’histoire émerge, faite d’émancipation féminine et de
libération des corps. Les moyens du dessin, de l’aquarelle et de la
photographie permettent de saisir au plus près les figures et les décors
offerts par les bords de l’eau.
Déambulation parmi des œuvres des collections du musée des Beaux-arts,
complétées de quelques prêts généreux, Plaisirs de l’eau manifeste
comment, à partir d’un répertoire de sujets communs (jetée, plage,
falaise, baigneuse, cabine de bain, voilier, etc.), se construisent des
propositions artistiques singulières.
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4
2
5
1
1. Vivent les vacances !
2. Au fil de l’eau
3. Sous le soleil exactement
4. Du bain à la baignade
5. Prendre la mer
Introduction
2
Exposition Plaisirs de l’eau - dossier d’accompagnement – 22 février > 5 mai 2013
Service des Publics - musée des Beaux-Arts de Nantes
1. Vivent les vacances !
Dans la première moitié du 20e siècle, le développement des « trains de
plaisir » amène une part croissante de la population à goûter aux plaisirs
de l’eau. Outre les joies de la baignade, les activités offertes par le bord
de mer sont nombreuses : balade sur le front de mer ou dans l’arrièrepays, pêche, parties de tennis… Diffusée par les affiches et les cartes
postales, une culture visuelle de la villégiature balnéaire s’affirme, mettant
en scène les lieux et les pratiques caractéristiques de la parenthèse
enchantée des vacances à la plage.
Frederick-Arthur Bridgman
1847, Tuskegee (Alabama, Etats-Unis) – 1928, Rouen
Le Tennis à Dinard
1891
Huile sur toile
Don David, 1908
Inv. 844 - Cat. 01
Après des études d’art à New York,
Frederick Bridgman s’installe
définitivement à Paris en 1866. Il
devient élève de Jean-Léon Gérôme et
progressivement se consacre à
l’orientalisme. Considéré comme le
plus célèbre des peintres américains
dans ce genre, il connait un grand
succès de son vivant.
Le 25 avril 1879 est fondé, près du Grand Hôtel, le « Dinard Lawn Tennis club ». La
station balnéaire, fréquentée de grandes familles franco-britanniques, devient un lieu à la
mode. Le Tennis à Dinard illustre cette vie mondaine. Les couleurs froides des robes et
des tenues de sport (gris, mauves, jaunes et blancs) donnent un aspect assez neutre à la
vue prise en diagonale. La peinture est habilement composée, laissant planer le doute :
au premier plan, deux jeunes femmes élégamment vêtues, abritées sous ombrelle et
chapeaux, devisent, assises sur un banc. À droite, trois personnages semblent
s’intéresser à elles. Le sujet du tableau est-il le tennis ou le flirt mondain ? La nature
morte à gauche, chaise renversée, raquettes de tennis et balles, est un clin d’œil amusé
de l’artiste au jeu de l’amour et de l’échange. Les prouesses des joueurs se mesurent à
l’aune de leur pouvoir de séduction.
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Exposition Plaisirs de l’eau - dossier d’accompagnement – 22 février > 5 mai 2013
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Jean-Emile Laboureur
1877, Nantes – 1943, Pénestin
1. La jetée, 1922
Burin, épreuve d’artiste
Plage, 1928
Burin, épreuve d’artiste
2. Le vieux poirier, 1925
Burin, épreuve d’artiste
3. Les aquarellistes, 1922
Burin, épreuve d’artiste
Promenade à la chapelle, 1923
Burin, épreuve d’artiste
Promenade au phare, 1925
Burin, épreuve d’artiste 1/3
La petite plage, 1926
Eau-forte et burin, épreuve d’artiste
4. Le marchand de glaces, 1923
Burin, 2ème état, tirage 34/65
5. La petite pêcheuse, 1928
Gravure à l’aquatinte, à deux planches (noir et sanguine), tirage 29/68
Achat à l’artiste, 1928
Inv. 2539 ; 2593 ; 2565 ; 2538 ; 2555 ; 2570 ; 2579 ; 2552 ; 2591 - Cat. 02 à 10
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René Levrel
1900, Nantes – 1981, Le Grand-Lucé
Tennis à Saint-Jean-de-Monts
S.d.
Huile sur toile
Achat, 1976
Inv. 976.10.1.P - Cat. 11
Dès 1916, René Levrel suit les cours
d’Emmanuel Fougerat et Charles Perron à
l’Ecole des Beaux-arts de Nantes. En
1920, il s’installe à Paris où il suit
l’enseignement de l’Ecole nationale des
Beaux-arts. Suite à sa participation au
Salon des Indépendants en 1925 et à ses
premières expositions, il est lauréat du
prix Abd-El-Tif, qui lui permet de
séjourner deux ans à Alger. Poursuivant
ses recherches sur la lumière, il y
rencontre Etienne Bouchaud et Jean Launois, qui lui fait découvrir la Vendée, dès
son retour en France en 1930.
C’est à Saint-Jean-de-Monts que Levrel rencontre Yvonne Abelin, qu’il épouse en
1936. Le couple séjourne fréquemment dans la villa Les Embruns, propriété du père
d’Yvonne, sise rue des Sports, près des terrains de tennis. Le sujet séduit Levrel qui
réalise plusieurs scènes sportives. Le peintre peut y saisir les effets de la lumière
sur la couleur : les blancs sont éclatants, le soleil inonde le court. Entre ombre et
lumière, le grillage semble se dissoudre pour ne plus être qu’un filet de touches
colorées.
Claude Cahun (Lucy Schwob, dite)
1894, Nantes – 1954, Saint-Hélier (Jersey)
Le Croisic
1921
Epreuve aux sels d’argent
Achat, 2000
Inv. 2000.10.1.PH - Cat. 12
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Exposition Plaisirs de l’eau - dossier d’accompagnement – 22 février > 5 mai 2013
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Claude Cahun (Lucy Schwob, dite)
1894, Nantes – 1954, Saint-Hélier (Jersey)
Ensemble de photographies (Jersey), S.d.
Tirages photographiques
Achat, 2010
Inv. 10.2.3.PH ; 10.2.12.PH ; 10.2.15.PH ; 10.2.17.PH à
10.2.19.PH; 10.2.21.PH à 10.2.23.PH; 10.2.25.PH;
10.2.30.PH; 10.2.33.PH - Cat. 13 à 24
L’œuvre de photographe et d’écrivain développé en France
par Claude Cahun est désormais connu. Dès le milieu des
années 1910, la production de l’artiste est notamment
constituée d’autoportraits et de mises en scène théâtrales,
qui suscitent l’intérêt de Breton et lui valent d’exposer avec
les Surréalistes.
Ces photographies réalisées à Jersey, où Cahun s’installe
définitivement en 1937, n’ont jamais été exposées. Faisant
face à la baie, la maison (La Rocquaise) et son luxuriant
jardin attenant à l’église sont les décors de nouvelles
expérimentations. Si les mises en scène persistent dans
l’œuvre de Cahun, tirant notamment profit du cimetière
adjacent, l’usage d’accessoires ou de maquillage tend à
laisser place à des images en apparence plus spontanées.
Avec la complicité de sa compagne Suzanne, Claude reste
sous l’objectif de l’appareil, alors qu’elle parcourt le muret
face à la mer ou disparaît parmi les arbres du jardin. Cahun
développe un usage de la photographie par séquence, faisant
naître de brèves narrations ou saisissant successivement
différents points de vue d’un même paysage.
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Georges Fraipont (1873, ? -1912, ?)
Plages & Bains de Mer de l'Océan, c. 1900-1925
Charles Cox (?- ?)
Les Sables d'Olonne. La plus belle plage d'Europe, 1929
Maurice Perronnet (1877, ? -1950, ?)
Chemins de fer de l'Etat. Plages et Ports de l'Océan. Les Sables d'Olonne, 1928
Affiches, impression sur papier
Musée de l'Abbaye de Sainte-Croix, Les Sables d'Olonne
Inv. 968.12.2 ; 963.11.36 ; 2001.36.2 - Cat. 25 à 27
L’affiche à vocation touristique apparaît avec le développement des chemins de fer.
Peu rentables à leurs débuts, les compagnies ferroviaires doivent fidéliser de
nouveaux voyageurs. Ces images promotionnelles donnent à voir les destinations
fantasmées de ces « trains de plaisir », où le soleil brille, les jeunes femmes portent
des tenues traditionnelles et les divertissements sont pléthore.
En accord avec le vocabulaire visuel contemporain, ces affiches proposent une
réinterprétation de l’estampe en couleur, inspirée de l’Ukiyo-e japonais et du
mouvement Arts and Crafts ; elles reprennent au début du XXe siècle les traits de
l’Art nouveau (arabesques, aplats de couleur, motifs organiques) puis ceux de l’Art
déco dans les années 19 20-30. La production des artistes affichistes a également
nourri l’imaginaire des peintres, qui ne pouvaient manquer de les remarquer dans
les couloirs, salles d’attente ou buffets des gares.
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Ensemble de cartes postales
1900-1950
Phototypie sur carton
Musée d’Histoire de Nantes,
Château des Ducs de Bretagne - Cat. 28 à 32
La carte postale naît en France à la fin du XIXe siècle. Le succès est immédiat. Très
vite les cartes illustrées se multiplient : d’abord à la faveur du développement de la
chromolithographie (impression d’estampe en couleurs) puis grâce à la phototypie
(procédé qui permet l’impression de photographies). Imprimées à peu de frais, les
cartes phototypiques rencontrent l’engouement du public, désormais largement
alphabétisé, encouragé par la modicité des tarifs postaux, alors que le réseau ferré
assure une distribution efficace.
Quelle meilleure occasion d’envoyer une carte postale que de donner quelques
nouvelles à un ami ou un parent tout en lui faisant découvrir le cadre de notre
séjour ? Dans les stations balnéaires, la production de cartes postales est
importante : richesse des activités (partie de volley, concours de châteaux de sable,
partie de pêche, etc.) et spécificité des lieux (le casino, l’estacade, le club de tennis,
etc.) sont autant de sujets à immortaliser pour les adresser à des proches ou pour
se constituer une mémoire visuelle personnelle.
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Exposition Plaisirs de l’eau - dossier d’accompagnement – 22 février > 5 mai 2013
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2. Au fil de l’eau
Avec pour seule limite la ligne d’horizon, l’étendue marine inspire toujours
les artistes, fascinés par l’immensité du ciel et de la mer. Permettant de
se confronter à la démesure de l’espace, de saisir le mouvement
ininterrompu des vagues, les miroitements des eaux et les reflets sur les
flots, le paysage marin est un sujet propice aux expériences picturales.
Henri Rivière, Paul Signac et Henri Martin étudient le paysage offert à eux
pour en livrer leur vision, tandis qu’Yves Tanguy laisse la primauté à
l’imaginaire. L’infini de la mer interroge la mémoire et l’identité dans la
vidéo d’Isaac Julien.
Henri Rivière
1864, Paris – 1951, Paris
Embouchure à Trieux (Loguivy), 1906
Falaises à Belle-Île-en-Mer, Juin 1910
Falaises à Morgat, Juillet 1914
Falaises à Morgat, Septembre 1914
Aquarelles sur papier
Legs de l’artiste, 1955
Inv. 6497 à 6498 - Cat. 33 à 36
Né à Montmartre, Henri Rivière suit les enseignements d’Emile Blin, aux côtés de Signac,
et s’initie à la gravure à l’eau-forte, sur bois et à la lithographie. Illustrateur de
journaux, décorateur de théâtre, il dessine et met en scène les pièces du théâtre
d’ombres du Chat noir, pour lesquelles il réalise également des affiches.
En 1885, Rivière fait un premier séjour en Bretagne Nord, à Saint-Cast, sur les conseils
de Signac. Jusqu’en 1916, il y séjourne chaque année et explore le Finistère (Morgat), le
Morbihan (Belle-Île) et la Côte de granit rose, s’installant à Loguivy-de-la-Mer, près de
Paimpol. Les paysages bretons offrent à l’artiste un terrain d’expériences pour pratiquer
gravures et aquarelles inspirées des estampes japonaises qu’il collectionne. Optant pour
des points de vue plongeants, mettant en évidence l’immensité de la nature, Rivière
poursuit une recherche de l’harmonie, associant mer, terre et ciel dans des compositions
subtiles qui témoignent de son admiration pour Hokusai et Hiroshige.
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Paul Signac
1863, Paris – 1935, Paris
Le Phare (Antibes)
1909
Huile sur toile
Achat de la Société des Amis, 1920
Don de la Société des Amis, 1949
Inv. 949.2.2.P - Cat. 37
En 1884, Signac rencontre Seurat qui lui fait part de ses recherches sur le
divisionnisme. Fondée sur les lois optiques de Chevreul, Blanc et Rood, cette
technique propose de juxtaposer des touches de couleur distincte afin que la
synthèse des couleurs soit effectuée par l’œil. Cherchant à s’éloigner de Paris après
la mort de Seurat en 1891, Signac s’établit à Saint-Tropez, qui lui permet de
peindre la mer et les montagnes, tout en navigant sur son voilier L’Olympia.
Signac expose des toiles prenant Antibes comme sujet dès 1904. Le paysage permet une
composition solidement architecturée : le phare et son reflet dessinent un mouvement
descendant qui guide le regard du ciel à l’eau en passant par le relief montagneux. Entre
les touches bleues et roses apposées à la façon d’une mosaïque, apparaît le blanc de la
toile qui accentue la luminosité de la palette. L’œuvre est acquise en 1920 par la Société
des Amis fondée l’année précédente, témoignant de sa volonté de soutenir la création
moderne.
Ludwig Cylkow
1877 ou 1880, Varsovie (Pologne) – 1934, ? (France)
La baie d’Audierne le soir
1920
Huile sur toile
Achat à l’artiste, 1920
Inv. 1975 - Cat. 38
Après des études à l’Académie de Cracovie, Cylkow s’installe en France. Il étudie d’abord
à Paris, à l’Académie Julian. Vers 1905, il s’installe à Saint-Jean-du-Doigt, dans le
Finistère, où il peint des tableaux de mer démontée dans la tempête, de couchers de
soleil et de levers de lune sur les eaux. Le Musée des Beaux-arts est la première
institution publique à acquérir une de ses œuvres.
Symboliste, le travail de Cylkow accorde une grande importance au ciel et aux nuages. Il
explique : « Le ciel, comme l'eau, d'ailleurs, est l'élément symbolique qui reflète nos
états d'âme, toute notre vie intime ; n'est-il pas un peu le miroir de ce qui se passe en
nous de plus secret, de plus indéfinissable ? » Fascinante, la toile est une « magistrale
harmonie des forces, des couleurs et des sons » et décline subtilement bleus et gris,
tendant vers le monochrome. Seul un point de lumière brille au loin.
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Exposition Plaisirs de l’eau - dossier d’accompagnement – 22 février > 5 mai 2013
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Henri Martin
1860, Toulouse – 1943, Labastide-du-Vert
Soir à Collioure
S.d.
Huile sur toile
Acquisition par le FNAC, 1927
Dépôt, 1927
Inv. 2036 - Cat. 39
Après avoir reçu le Grand Prix de l’Ecole des Beaux-arts de Toulouse, Henri Martin s’inscrit
dans l’atelier parisien de Jean-Paul Laurens, puis reçoit une bourse de voyage pour
découvrir l’Italie. Il y étudie Giotto et les primitifs italiens. Il développe alors une nouvelle
technique picturale, faite de touches courtes et parallèles, une voie personnelle qui se
démarque de l’impressionnisme et du divisionnisme existants. Fréquentant les cercles
symbolistes jusqu’en 1900, Martin reçoit de nombreuses commandes de décors, pour
l’Hôtel de Ville de Paris et la Capitole de Toulouse notamment, avant de se consacrer
entièrement au paysage.
Etabli dans le Lot, Martin découvre Collioure sur les conseils de son ami Henri Marre. Il y
achète une maison en 1923. Séduit par la richesse chromatique révélée par le soleil de la
Côte d’Azur, Martin poursuit ses recherches sur le paysage. La surface animée de la
Méditerranée est rendue par la touche courte et dynamique, tandis que la lumière
éclatante révèle un bleu turquoise d’une grande densité.
Yves Tanguy
1900, Paris – 1955, Woodbury (Etats-Unis)
Sans titre
1927
Huile sur toile
Achat avec l’aide du Fonds Régional d’Acquisition pour les Musées des Pays-de-la-Loire,
2009
Inv. 09.6.1.P - Cat. 40
Né à Paris de parents d’origine bretonne, Tanguy développe à partir de 1925 des
paysages éliminant toute allusion à des repères connus, sans aller vers l’abstraction. Ce
primat du « modèle intérieur » lui vaut l’amitié d’André Breton, qui reproduit une œuvre
de Tanguy dans La Révolution Surréaliste en 1926, et préface la première exposition
personnelle de Tanguy, qui a lieu en mai 1927.
Paysage maritime surprenant, éclairé d’une lumière diaphane caractéristique, cette
œuvre accueille d’étranges formes organiques, qui semblent dotées de personnalités
distinctes. A la suite des formes inventées par Arp, leur nature biomorphique inspire
également Miró, puis Dalí, qui emprunte beaucoup à Tanguy. Baptisées « êtres-objets »
par Breton, elles projettent de longues ombres noires, qui témoignent de leur
matérialité : elles sont solidement ancrées au sol ou bien le survolent au mépris de la
gravité. C’est sur une vaste plage qu’évoluent les figures de métamorphose : les
couleurs terreuses, bleus et gris pâle évoquent les paysages bretons, du cap Sizun ou de
Crozon.
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Isaac Julien
1960, Londres (Royaume-Uni).
Vit et travaille à Londres.
Encore (Paradise Omeros :
Redux)
2003
Vidéo
Couleur, sonorisé, 4 minutes 38
secondes
Achat, 2004
Inv. 04.3.7.V - Cat. 41
Diplômé de la Saint Martin's School of Art de Londres en 1984, où il étudie les arts
plastiques et le cinéma, Isaac Julien crée avec le soutien de Channel 4 le
« Sankofa film and video », collectif de jeunes cinéastes dont le travail examine la
construction de la perception de l’identité noire. Cette problématique se situe au cœur
du projet artistique d’Isaac julien. Il fonde en 1991 avec Marc Nash une maison de
production qui se consacre aux films des minorités et au cinéma expérimental :
« Normal Films ».
Cette vidéo est tirée du film Paradise Omeros réalisé en 2002 par Isaac Julien, épopée
d’un héros dans une île des Antilles. Cette œuvre, construite autour de la symétrie et du
miroir, se déroule dans différents lieux : bords de mer, forêt tropicale, cabaret… Les
images éblouissantes et colorées font référence à la diaspora africaine et à la recherche
de racines dans le Nouveau Monde.
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Exposition Plaisirs de l’eau - dossier d’accompagnement – 22 février > 5 mai 2013
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3. « Sous le soleil
exactement »
Des promeneurs à la toilette élégante au début du XXe siècle au
dévoilement contemporain des corps, les œuvres prenant pour sujet la
plage animée de ses visiteurs mettent en avant les transformations du
bord de mer. Si l’on peut esquisser les contours d’un genre de la peinture
de plage, en termes d’organisation de l’espace du tableau et de motifs,
chacune de ces œuvres propose une solution picturale originale, allant du
calme classicisme du Soir de Septembre de Maurice Denis à l’agitation
du souffle frais qui traverse La grande plage de Biarritz de Jacqueline
Marval.
Emile Dezaunay
1854, Nantes – 1938, Nantes
Sur la plage
S.d.
Huile sur toile
Achat, 1946
Inv. 2277 - Cat. 42
En 1875, Emile Dezaunay intègre l’Ecole des Beaux-arts de Paris, où il suit
l’enseignement du peintre nantais Delaunay et de Pierre Puvis de Chavannes. En 1886, à
l’Exposition des Beaux-arts de Nantes, il est présent aux côtés de Maxime Maufra, autre
peintre nantais, avec qui il se lie d’une profonde amitié. Admis dans les cercles
artistiques les plus novateurs, tout en préservant farouchement son indépendance,
Dezaunay expose notamment en 1892 à la Deuxième exposition des peintres
impressionnistes et symbolistes.
Suite au décès de leur fils, Dezaunay et son épouse s’installent de nouveau à Nantes en
1909. Le peintre saisit à l’aquarelle et à l’huile les scènes de plein air qu’offrent les bords
de mer de Bretagne et de Vendée. Sur la plage est emblématique de la manière
impressionniste dans laquelle Dezaunay excelle. L’impression générale de la scène est
captée par de rapides touches colorées, sans s’encombrer de détails (on ne distingue
presque pas les traits de la femme restée debout), pour mieux insister sur les gestes
importants, telle une main qui attrape nonchalamment une cheville.
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Exposition Plaisirs de l’eau - dossier d’accompagnement – 22 février > 5 mai 2013
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Maurice Denis
1870, Granville – 1943, Saint-Germain-en-Laye
Soir de septembre
1911
Huile sur toile
Achat à la Galerie Druet, 1914
Inv. 1949 - Cat. 43
En 1888, Denis participe à la création du groupe des Nabis dont l’art se libère de la
perspective, use de l’aplat coloré et du cloisonnement des formes. Dès 1898, Denis
développe une série de plages, confortée par l’achat en 1908 d’une villa à Perros-Guirec.
Réalisée en 1911 alors que son style prend un tour plus classique, le Soir de septembre
prend pour thème la famille. La composition symétrique et triangulaire place au premier
plan une scène intemporelle de maternité : Marthe, l’épouse du peintre, allaite leur fils
Dominique. Le plan intermédiaire rappelle plus librement l’époque : l’élégance des
figures féminines, qui pratiquent le tennis, nouvelle activité balnéaire, évoque les lignes
de l’Art nouveau ou la grâce des antiques. L’océan vert émeraude et le ciel orangé, tout
comme la plage bleutée, confèrent un caractère irréaliste à cette scène, où se
multiplient les membres de la famille de l’artiste. Jugée trop classique ou trop
audacieuse, l’œuvre fut reçue avec réticence par le public et les critiques. Son
acquisition provoqua la démission d’un des administrateurs du Musée.
Jacqueline Marval (Marie-Joséphine
Vallet, dite)
1866, Quaix-en-Chartreuse – 1932,
Paris
La grande plage à Biarritz
1923
Huile sur toile
Don de l’artiste, 1924
Dépôt du FNAC, 1926
Inv. 8531 ; 975.14.12.P - Cat. 44
Née près de Grenoble, Marie-Joséphine Vallet s’installe à Paris en 1895 avec le peintre
Jules Flandrin. Elle commence à peindre en 1899 et rencontre rapidement le succès,
exposant dix œuvres au Salon des Indépendants de 1901 (achetées par Ambroise
Vollard), au Salon d’Automne de 1905 (près de ses amis Van Dongen, Matisse et
Marquet) et à l’Armory Show de New York en 1913. Marval est également une
personnalité mondaine. C’est ainsi qu’elle se lie avec la famille d’industriels Menier, qui
l’invite à séjourner à Biarritz.
Présentée au Salon d’Automne de 1923, La grande plage à Biarritz rend manifeste le
talent et l’originalité de Marval. Tantôt l’artiste appose la matière au couteau et travaille
les empâtements, tantôt elle joue de la transparence de la matière, laissant apparaître
la préparation de la toile : la technique picturale contribue à l’impression de fraîcheur de
l’ensemble. Le format du tableau en fait un véritable décor : pénétrant dans l’œuvre
parmi les élégantes à ombrelles et les enfants en maillot, le regardeur se trouve à son
tour sur la promenade, presque décoiffé par un coup de vent.
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Exposition Plaisirs de l’eau - dossier d’accompagnement – 22 février > 5 mai 2013
Service des Publics - musée des Beaux-Arts de Nantes
Albert Marquet
1875, Bordeaux – 1947, Paris
L'été aux Sables d'Olonne
1933
Huile sur toile
Achat en salon, 1934
Dépôt du MAMVP au Musée de l'Abbaye de Sainte-Croix, Les Sables d'Olonne, 1989
Inv. AMVP 1408 ; D.989.2.1 - Cat. 45
Arrivé à Paris en 1890, Albert Marquet suit les cours de l’Ecole des Arts Décoratifs aux
côtés d’Henri Matisse, avec qui il entre ensuite dans l’atelier de Gustave Moreau. Il
s’intéresse aux audaces colorées des Fauves et au style graphique de Dufy, auprès de
qui il peint en Normandie en 1906. Commence alors une longue série de voyages à la
recherche d’atmosphères, de la Côte d’Azur à la Manche en passant par les rivages
d’Algérie et la lagune vénitienne.
Après un premier séjour aux Sables en 1921, Marquet s’installe en 1933 dans un hôtel
placé au milieu du Remblai. Comme à son habitude, il peint depuis la fenêtre de sa
chambre, se consacrant au théâtre des vacanciers sur le front de mer. Marquet réalise
alors 33 tableaux par temps ensoleillé ou nuageux. Utilisant les lignes parallèles de la
promenade, de la rambarde et de la mer à marée haute, il met à profit l’anse de la baie
pour définir sa composition. Le traitement en aplats contribue à l’effet décoratif de cette
scène éclairée par la lumière des bleus et des gris.
Gaston de Villers (Gaston Bernheim-Jeune, dit)
1870, Bruxelles (Belgique) – 1953, Paris
La plage à Deauville
1926
Huile sur toile
Don de l’artiste à la Société des Amis, 1926
Don de la Société des Amis, 1968
Inv. 968.9.1.P - Cat. 46
Petit-fils de Joseph Bernheim, marchand de couleurs à Besançon, fils d’Alexandre
Bernheim-Jeune, qui fonde la galerie éponyme à Paris en 1863, Gaston Bernheim-Jeune
passe toute sa vie dans le monde de l’art. Avec son père et son frère Josse, il organise
en 1901 une grande exposition Van Gogh, qui fait de la galerie familiale un des centres
de l’art moderne. Les deux frères exposent également Cézanne, Monet, Renoir,
Bonnard, Vuillard, Cross, Seurat, Van Dongen, Matisse, Modigliani, Dufy… Adoptant le
pseudonyme de Gaston de Villers, il développe à son tour une pratique artistique
(peinture, aquarelle, eau-forte), sous le regard bienveillant de son ami Sisley.
Si des œuvres de Villers sont présentes dans de nombreuses collections publiques,
l’histoire de cette œuvre est un peu particulière : en 1920, l’artiste offre un tableau de
fleurs à la Société des Amis du Musée ; en 1926, cette toile est échangée contre La
plage de Deauville. A plusieurs reprises, Villers traite du thème de la plage dans cette
station balnéaire normande, usant de couleurs douces et d’un style très graphique.
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Exposition Plaisirs de l’eau - dossier d’accompagnement – 22 février > 5 mai 2013
Service des Publics - musée des Beaux-Arts de Nantes
Willem Van Hasselt
1882, Rotterdam (Pays-Bas) – 1963, Paris
Le bassin d’Arcachon
S.d.
Huile sur toile
Achat à l’artiste, 1933
Inv. 2130 - Cat. 47
Après des études à l’Académie de peinture de Rotterdam, Van Hasselt fait ses débuts à
Londres, où il s’illustre comme dessinateur humoristique. En 1910, il s’établit à Paris.
Proche des Nabis, Vuillard, Roussel, Denis et Sérusier, Van Hasselt développe une
pratique picturale alliant délicatesse des coloris et simplicité du motif. Engagé volontaire
pour la France en 1914, il expose après guerre avec succès au Salon d’Automne, à la
Société nationale des Beaux-arts, à la galerie Druet et à la galerie des Beaux-arts. Marié
à une Bordelaise, Van Hasselt multiplie les tableaux prenant pour thème la Côte d’Argent
et le bassin d’Arcachon dans les années 1920 et 1930.
Sous l’effet de la lumière, les couleurs révèlent leur douceur : ciel de gris perlés, eaux
bleuâtres animées d’écume, promenade crayeuse menant jusqu’à la jetée de la
Chapelle. Adoptant un point de vue plongeant, la composition nous invite à contempler
la sérénité du lieu et du moment, alors que les voiles passent au loin.
Philippe Cognée
Né en 1957 à Nantes. Vit et travaille à Nantes.
Albufeira, autoportrait avec Sandrine
1996-1999
Encaustique sur toile marouflée sur bois
Collection de l’artiste - Cat. 48
Depuis le début des années 1990, le travail de Philippe Cognée contribue au renouveau
de la peinture figurative. Le réel, photographié ou enregistré, constitue le point d’appui
de sa démarche picturale. L’image réalisée est projetée sur un mur afin d’être reproduite
minutieusement sur toile à l’aide d’une peinture à la cire. La surface est ensuite
recouverte d’un film et soumise à la chaleur d’un fer à repasser. L’image se dissout pour
nous inciter à regarder la peinture plutôt que ce qu’elle figure. A l’instar de Gerhard
Richter, Cognée interroge ainsi les rapports entre l’image mécanique et la peinture.
Cognée privilégie les sujets tirés de notre environnement quotidien (containers,
supermarchés, architectures citadines, etc.). Intitulée « Albufeira » en référence à la
ville portugaise où ont été prises les photographies à l’origine de ces œuvres, la série se
réfère à une autre forme de banalité, celle des photos de vacances. Le brouillage du
motif par la fonte de la matière picturale renvoie à la transformation du souvenir par le
travail de la mémoire.
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Exposition Plaisirs de l’eau - dossier d’accompagnement – 22 février > 5 mai 2013
Service des Publics - musée des Beaux-Arts de Nantes
4. Du bain à la baignade
La figure de la baigneuse est un des sujets traditionnels de la peinture.
Alors que la nudité n’était jusqu’au XIXe siècle envisageable que dans le
cadre défini du nu mythologique et idéalisé, le début du XXe siècle prend
pour sujet des femmes ordinaires, tantôt nues sur la plage ou se drapant
dans leur serviette, tantôt vêtues d’un maillot caractéristique d’une
époque. Toutefois l’idéalisation perdure et se renouvelle avec le
développement d’une peinture néoclassique, nourrie de l’antique dès le
milieu des années 1910.
Sir Pieter Lely
1593, Tours – 1676, Paris
Diane au bain
S.D.B.M. sur une roche : P. Lely
(les deux initiales formant monogramme), 1640
Huile sur toile
Collection Cacault, achat, 1810
Inv. 425 - Cat. 49
Né Pieter van der Faes, d'une famille hollandaise établie en Westphalie, Lely a sans
doute appris le métier dans l’atelier de Pieter de Grebber. Il emménage à Londres vers
1641.
Ses premiers tableaux, comme cette Diane au bain, sont principalement des peintures
d’histoire comme des scènes mythologiques ou religieuses. Le sujet fut souvent traité
par les peintres, leur permettant, grâce au prétexte mythologique du repos de la déesse
après la chasse, de mettre en scène de jolies nymphes s’ébattant innocemment dans les
ondes.
La palette ocre et brune, la sensualité quasi vénitienne des nus féminins se fondant dans
le paysage, trahissent l'influence du baroque néerlandais mais également du peintre
Antoine van Dyck (Anvers, 1599 – Londres, 1641), considéré comme le créateur de
l’Ecole anglaise de peinture. Il prendra d’ailleurs sa succession comme portraitiste à la
mode et peintre officiel de Charles Ier puis de Charles II.
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Exposition Plaisirs de l’eau - dossier d’accompagnement – 22 février > 5 mai 2013
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Robert Lallié
1889, Nantes – 1921, ?
La pièce d’eau d’Arnaga
1918
Huile sur toile
Don de M. et Mme Lallié, parents de l’artiste, 1928
Inv. 2060 - Cat. 50
Peu d’éléments sont connus pour éclairer la biographie de Robert Lallié, si ce n’est qu’il
est décédé prématurément et que cinq de ses œuvres ont été exposées au Salon des
Indépendants de 1921. La pièce d’eau d’Arnaga témoigne de la sensibilité de l’artiste
aux grandes tendances picturales du moment. Dès le milieu de la Première Guerre
mondiale, les artistes manifestent un intérêt nouveau pour la rigueur et l’équilibre des
compositions des maîtres anciens. Le chromatisme de la palette, le recours à la draperie
blanche, les références à l’antique et l’aspect décoratif de cette œuvre de grand format
évoquent notamment le travail de Puvis-de-Chavannes.
Le sujet même témoigne d’un goût pour les réminiscences historiques dans l’architecture
de la villégiature. Réalisée entre 1903 et 1906, Arnaga est la propriété d’Edmond
Rostand à Cambo-les-Bains, près de Biarritz. L’auteur de Cyrano de Bergerac y a
imaginé une villa de style basque, entourée de jardins à l’anglaise et d’un parterre à la
française, terminé par une pièce d’eau et une pergola. Ce sont ces éléments, évoquant
l’art des jardins du XVIIe, que Lallié a pris pour décor de cette scène intemporelle.
Marie-Paule Carpentier
1876, Paris – 1915, Paris
Sur le sable
S.d.
Huile sur toile
Don de Madeleine Carpentier, sœur de l’artiste, 1923
Inv. 2004 - Cat. 51
Sociétaire du Salon des Artistes Français dès 1896, associée au Salon de la Société
Nationale des Beaux-arts à partir de 1903, Marie-Paule Carpentier expose au Salon des
Artistes Indépendants et au Salon d’Automne en 1907, 1909 et 1910. Mises à part ces
quelques dates, on sait peu de choses sur le parcours de cette artiste. Travaillant l’huile
et l’aquarelle, Marie-Paule Carpentier a pour sujets de prédilection des vues des jardins
de Versailles et des paysages de Bretagne, en particulier la côte de Saint-Cast.
Le sujet de cette œuvre est en apparence classique : au premier plan, deux baigneuses,
une femme et une enfant, sont assises nues sur le sable. La présence de deux
personnages vêtus d’un short, l’eau au mi-mollet, perturbe toutefois l’impression
première. La pudeur des années 1920 permet difficilement d’envisager cette scène
comme réaliste. Le trouble est renforcé par le traitement coloré audacieux du paysage.
Dissimulant leur visage aux regardeurs, les baigneuses restent mystérieuses.
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André Fraye
1887, Nantes – 1963, Paris
Le maillot noir
S.d.
Huile sur toile
Acquisition de l’Etat, 1926
Dépôt du MNAM au Musée de l'Abbaye de Sainte-Croix, Les
Sables d'Olonne, 1967
Inv. LUX 1515P ; D.967.1.1 - Cat. 52
En 1909, André Fraye s’installe à Paris, où il devient l’élève d’un autre peintre né à
Nantes, Maxime Maufra. Il suit ensuite les cours de l’Académie Julian. Son amitié avec
Albert Gleizes, un des théoriciens du cubisme, a peu d’influence sur son travail. Les
critiques tendent plutôt à rapprocher son œuvre de celles de Van Dongen, Bonnard et
Marquet. Familier des ports, Fraye réalise de nombreuses aquarelles et peintures de
marines au Havre, à Honfleur, à Nice, à Marseille et en Bretagne.
Cette œuvre, acquise par l’Etat peu après son exécution, témoigne vraisemblablement
d’un séjour aux Sables d’Olonne. On sait également que Fraye a peint le port de La
Chaume, aux côtés de Launois. Scène d’intérieur, Le Maillot noir nous convie dans
l’intimité d’une maison sur le remblai. Par sa composition, l’œuvre invite le regard à
quitter la pièce sombre pour s’échapper vers la lumière du soleil au dehors. Jambe
gauche en appui sur le montant de la fenêtre, la position de la femme, qui arbore une
tenue de bains typique des années 20, renforce ce mouvement.
Charles Kvapil
1884, Anvers (Belgique) – 1958, Paris
La baigneuse
1933
Huile sur toile
Don de Mme Brillouet, 1958
Inv. 6647 - Cat. 53
A 16 ans, Kvapil s’installe à Paris, où il étudie les peintres flamands, ainsi que Courbet et
Manet. En 1923, la galerie Bernheim de Paris accueille sa première exposition
personnelle. Jusqu’en 1926, son travail se développe essentiellement autour du
paysage. Puis c’est le nu, placé dans le paysage, qui devient un motif récurrent dans son
œuvre. Le modèle dénudé est d’abord entouré de figures vêtues, avant d’être considéré
seul, dans la nature.
La baigneuse est typique de ses nus vigoureux. La figure prend une dimension
sculpturale, rendue par des volumes simples animés d’ombres et de lumière. Alors que
les yeux sombres et pleins, caractéristiques de la manière de Kvapil, ne permettent pas
de pénétrer la psychologie du personnage, la luminosité du ciel et le calme de la mer
invitent à la sérénité. Tout dans l’œuvre invite à la sensualité : la richesse de la pâte, qui
traduit par de subtiles modulations de couleur la souplesse de la chair, la geste de la
baigneuse, qui se touche la cuisse au travers de sa serviette.
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Marc Desgrandchamps
Né en 1960 à Sallanches. Vit et travaille à Lyon.
Sans titre (6)
2004
Gouache sur papier
Don de l’artiste, 2004
Musée de l'Abbaye de Sainte-Croix, Les Sables d'Olonne
Inv. 2004.35.1 - Cat. 54
Dès le début des années 1980, l’art de Marc Desgrandchamps affirme ses liens avec la
figuration, inspirée de Beckmann et de Chirico. La figure féminine occupe une place
importante dans son œuvre : aux figures en marche inspirées de la Gradiva de Wilhelm
Jensen succèdent des tableaux prenant pour sujet la plage et les baigneuses.
Si la vie quotidienne est de prime abord au cœur de ces toiles, l’étrangeté des
associations trouble le regardeur. La technique picturale de l’artiste, qui joue de l’opacité
et de la transparence pour créer de surprenantes surimpressions, contribue à instaurer
un état de suspension, à faire naître le doute : s’agit-il de la réalité, de sa déformation
dans le souvenir ou d’un rêve éveillé ? Sans titre, les œuvres de Desgrandchamps
souligne que seuls un espace et un temps indéfinis permettent de faire coexister des
odalisques tenant à la main une serviette rouge, une silhouette flottante et une paire de
jambes, dépourvue de corps.
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5. Prendre la mer
Parmi les plaisirs de l’eau, figurent les joies de la navigation. Le yachting
se développe et des voiles peuplent de plus en plus nombreuses les eaux
proches de la côte Les sensations liées à la haute mer sont toutefois bien
différentes du cabotage sur les côtes, comme le manifeste Le roulis
transatlantique de Jean-Emile Laboureur. Pour nombre de vacanciers,
prendre la mer reste du domaine de l’inaccessible : ce sont les
promenades dans le port qui laissent imaginer des voyages au long cours
en restant à quai et font rêver au mystérieux monde des marins.
Raoul Dufy
1877, Le Havre – 1953, Forcalquier
Coquillages au bord de la mer
Vers 1925
Huile sur toile
Legs de Mme Raoul Dufy, 1963
Dépôt du MNAM, 1966
Inv. AM 4214 P (43); 966.2.2.P - Cat. 55
« Dufy l’enchanteur » trouve sa voie personnelle sous le soleil de Vence en 1919. Un
grand coloriste s’affirme, réussissant la fusion de la ligne et de la couleur dans un jeu de
signes graphiques d’une grande efficacité.
Coquillages au bord de la mer rassemble certains des éléments caractéristiques de
l’approche picturale de Dufy : usage de couleurs pures, tels le rouge du coquillage ou les
touches bleues évoquant la mer, et luminosité des couleurs renforcée par des jeux de
transparence avec le blanc de la toile.
L’organisation même du tableau est révélatrice de la manière de Dufy : au lieu de
recourir à la perspective traditionnelle, l’artiste met en place à partir du milieu des
années 1920 un système de partage de l’espace du tableau en bandes horizontales, qui
fait naître l’idée d’une profondeur. La bande inférieure représente deux coquillages
emblématiques de la plage ; la partie centrale est peuplée de bateaux, figurés par de
petites annotations ; l’étroite bande supérieure présente des touches tourbillonnantes
comme autant de nuages.
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Raoul Dufy
1877, Le Havre – 1953, Forcalquier
Le port du Havre
1906
Huile sur toile
Achat de la Société des Amis à la Galerie Bernheim Jeune, 1920
Don de la Société des Amis, 1951
Inv. 6308 - Cat. 56
Après des débuts proches de l’impressionnisme, l’œuvre de Dufy se transforme suite à la
révélation du tableau de Matisse Luxe, calme et volupté au Salon des Indépendants de
1905. S’il n’expose pas, quelques mois plus tard, au Salon d’Automne de 1905, dans la
salle dite des « Fauves » par le critique Louis Vauxcelles, Dufy manifeste un intérêt
particulier pour l’usage de la couleur pure. Il prend part à l’aventure du fauvisme aux
côtés de Braque et Friesz, ses amis du Havre, Matisse, Derain, Vlaminck, Van Dongen,
Rouault.
A l’été 1906, c’est Albert Marquet qui le rejoint en Normandie. Dufy réalise une douzaine
de tableaux prenant pour sujet Le Havre et les vives couleurs des drapeaux hissés pour
la Fête nationale. Le port du Havre appartient à cette série. A la manière de Marquet,
peignant depuis sa chambre, Dufy adopte un point de vue plongeant, depuis une fenêtre
à l’étage dont le volet délimite le paysage. Le tracé des silhouettes par de rapides coups
de pinceau évoque également le style du peintre de deux ans son aîné.
Raoul Dufy
1877, Le Havre – 1953, Forcalquier
Etudes de rameur
Vers 1938-1950
Crayon sur papier vergé pur chiffon
Legs de Mme Raoul Dufy
Dépôt de la Direction des musées de France, 1979
Inv. AM 2923 D775 à AM 2923 D781 ; 979.26.12.D à 979.26.18.D Cat. 57
Fasciné par la mer depuis son enfance, Dufy s’intéresse aux régates dès sa jeunesse
havraise. Il réalise de nombreux dessins et toiles prenant pour sujet les compétitions
organisées en Grande-Bretagne à Henley et sur l’île de Wight à Cowes.
Atypiques par leurs dimensions, les sept dessins de rameurs conservés au Musée des
Beaux-arts sont des études préalables au passage à la peinture. Plusieurs d’entre eux
sont d’ailleurs figurés dans le tableau Régates à Henley, les rameurs, réalisé vers 1947
et conservé au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. Réalisant une rigoureuse
analyse anatomique, Dufy se souvient de son apprentissage académique à l’Ecole des
Beaux-arts et nous rappelle que la séduction colo rée de ces œuvres peintes s’appuie sur
une rigoureuse appréhension des volumes.
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Jean-Emile Laboureur
1877, Nantes – 1943, Pénestin
Le roulis transatlantique
1907
Huile sur toile
Achat à Mme Laboureur, 1979
Inv. 979.12.4.P - Cat. 58
Le Roulis transatlantique est une des premières œuvres de Laboureur prenant pour sujet
la mer et les navires. Entre 1903 et 1908, Laboureur effectue plusieurs séjours aux
Etats-Unis et au Canada. En juin 1907, alors que le paquebot Bretagne fait route vers Le
Havre, dans une mer agitée, Laboureur imagine ce tableau étonnant.
Les lignes obliques structurent la composition. Seule la ligne d’horizon reste parallèle
aux bords de la toile, dont le format carré accentue l’effet de balancier subi par le
bateau. Adoptant le point de vue d’un passager, Laboureur place sur le pont quatre
figures qui peinent à conserver leur équilibre. En choisissant de mettre en avant l’aspect
industriel du steamer (cheminées, bastingage, corps du bâtiment), Laboureur se
rappelle sans doute la modernité qu’il a pu expérimenter sur le sol américain, où il a
notamment pris pour sujets de gravures des ponts ferroviaires métalliques ou des
gratte-ciel démesurés. Renouvelant le genre de la marine par son angle de vue, il
adopte également un traitement novateur fait de simplification géométrique et d’aplats
de couleur. En 1912, la rencontre de Guillaume Apollinaire et de Marie Laurencin
l’incitera à poursuivre dans cette voie et à se rapprocher du cubisme.
Paul-Elie Gernez
1888, Valenciennes – 1948, Honfleur
Les attributs de la navigation
1921
Huile sur toile
Achat à l’artiste par la Société des amis, 1922
Don de la Société des Amis, 1955
Inv. 6413 - Cat. 59
Après des études à l’Ecole supérieure de Valenciennes, Paul-Elie Gernez est nommé en
1911 professeur de dessin à Honfleur, où il développe son œuvre de paysages et de
marines. Après une formation classique, l’œuvre de Gernez connait d’abord une phase
impressionniste, voire divisionniste, de dissolution du sujet sous l’effet de la lumière ;
puis l’étude de Cézanne le conduit à une recomposition de volumes. Il s’oriente ensuite
dans la voie du cubisme.
Les attributs de la navigation est manifestement empreint de cet héritage : la rigueur de
la composition, solidement architecturée, la simplification des volumes sont autant de
traits hérités du cubisme. La longue-vue comme le phare sont de parfaits cylindres.
Toutefois, la grande lisibilité du sujet témoigne de la synthèse originale proposée par
Gernez : s’il est souvent pur, le ton reste local ; la modulation des couleurs permet de
jouer du modelé pour créer une profondeur dans la composition. La préparation du
voyage invite le regard à se porter vers l’extérieur.
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Exposition Plaisirs de l’eau - dossier d’accompagnement – 22 février > 5 mai 2013
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Pierre Roy
1880, Nantes – 1950, Milan (Italie)
Adrienne pêcheuse
1919
Huile sur toile
Achat à Mme Anne-Françoise Roy, 1982
Inv. 982.14.1.P - Cat. 60
Né à Nantes, Pierre Roy, neveu de la sœur de Jules Verne, s’installe à Paris en 1899 pour
étudier l’architecture à l’Ecole des Beaux-arts. Dès 1900, il choisit la voie de la peinture.
Il fréquente les Fauves et expose dans les salons. En 1913, Guillaume Apollinaire
remarque l’œuvre présentée au Salon des Indépendants (Les Filles sauvages, conservée
au musée) et apporte son soutien à l’artiste. La même année, Roy se lie d’amitié avec
Giorgio di Chirico, dont il observe attentivement le travail. Roy applique dès lors un
traitement pictural illusionniste, allant jusqu’au trompe-l’œil, à des sujets déroutants.
Pour Adrienne pêcheuse, en 1919, il perturbe la perception de l’espace par des plans
colorés, joue des décalages d’échelle dans la représentation d’objets du quotidien (pelote
de fil, poissons), troublant même la compréhension des objets dépeints minutieusement
en mélangeant poissons et hameçons. Peinte après le décès de sa compagne Adrienne
Ridoux, l’œuvre prend une signification symbolique. Guidée par un modèle intérieur
onirique, l’œuvre retient l’attention d’André Breton et est reproduite dans le numéro 4 de
La Révolution surréaliste en juillet 1925.
Pierre Roy
1880, Nantes – 1950, Milan (Italie)
La rue du port ou Doux souvenir
1943
Huile sur toile
Achat à l’artiste, 1943
Inv. 2281 - Cat. 61
Suite à la reproduction d’Adrienne pêcheuse par André Breton dans la revue La
Révolution surréaliste en juillet 1925, Roy expose aux côtés de Arp, Chirico, Ernst, Klee,
Masson, Miró, Picasso et Man Ray en 1925 et en 1926. Si Roy conserve ses distances
avec le mouvement surréaliste, son travail unissant hyperréalisme de la représentation et
« merveilleux quotidien » (Aragon) peut être rapproché des œuvres de Dalí et de
Magritte.
La rue du port ou Doux souvenir poursuit cette association entre illusionnisme et
onirisme. Installé à Paris, Roy s’inspire de ses souvenirs nantais pour offrir une vision
métaphysique. Pendant d’une œuvre de 1941 intitulée Le Passage de la vie, l’œuvre est
une allégorie sur l’écoulement du temps.
Hasard funeste qui aurait plu aux surréalistes : la toile, qui évoque la brièveté de la vie,
intègre les collections du musée le 16 septembre 1943, jour de bombardement à Nantes,
qui vit la transformation partielle du musée en morgue.
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Pierre Roy
1880, Nantes – 1950, Milan (Italie)
Coquillages à la voile
S.d.
Pastel sur papier
Don de Mme Gaëtan Rondeau à la Société des Amis du Musée, 1973
Don de la Société des Amis, 1973
Inv. 973.14.1.D - Cat. 62
Exécuté à une date inconnue (Mme Rondeau évoque 1940), Coquillages à la voile
témoigne du goût de Pierre Roy pour les mises en scène d’objets sur des arrière-plans
maritimes. Alors qu’il associe souvent des objets sans lien apparent, l’artiste présente ici
de façon illusionniste coquillages, plume, crayon et photos de plage, comme autant de
souvenirs d’un séjour au bord de la mer. La surprise naît du mode de présentation de
cette nature morte : par un jeu de trompe-l’œil, l’œuvre devient une fenêtre ouvrant sur
l’océan.
Le travail de Roy est riche d’exemples créant un trouble de la vision, une incertitude sur
le réel, en jouant du cadre dans le cadre. Présenté dès 1936 à New-York, dans
l’exposition « Fantastic Art, Dada, Surrealism » organisée au MoMA par Alfred Barr, cet
aspect de son œuvre nourrira notamment les assemblages de l’artiste américain Joseph
Cornell (1903-1972).
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Exposition Plaisirs de l’eau - dossier d’accompagnement – 22 février > 5 mai 2013
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1er degré
Arts visuels
Histoire des arts
Pistes pédagogiques
plaisirs de l’eau
Plage et loisirs dans la première moitié
du 20e siècle
Avant la visite
Questionner les élèves sur le lieu, le titre et le sens de cette exposition.
Actuellement en travaux, le musée des Beaux-arts de Nantes présente dans la chapelle de l’Oratoire
des expositions qui s’appuient sur les œuvres des collections permanentes.
Inviter les élèves à découvrir ce bâtiment classé Monument historique, daté de la seconde moitié du
XVIIe siècle : façade, architecture intérieure propre à une chapelle, sa place dans le quartier… Ce
bâtiment tenu par les Oratoriens abritait la chapelle du collège aujourd’hui disparu.
1. Travail de sensibilisation à partir du plan de l’exposition
Le parcours dans l’exposition se déroule sur différentes sections :
1. L’invitation au voyage
2. Vivent les vacances
3 Au fil de l’eau
4. Sous le soleil exactement
5. Du bain à la baignade
6. Prendre la mer : onirisme des flots et imaginaire du port
Echanger avec les élèves sur les titres donnés aux espaces et préciser certains mots : onirisme, flots,
pourquoi « sous le soleil exactement» ?
Les six œuvres suivantes permettent d’engager un questionnement sur la scénographie (document 1)
Les élèves attribuent chaque œuvre à une section donnée et justifient leurs choix.
Ils émettent des hypothèses qui seront validées, ou non, le jour de la visite.
2. Travail de sensibilisation à partir des mots-clés de l’exposition
Eau-plage-loisirs-voyage- vacances- soleil- baignade-mer-flots-port
Tirer au sort deux mots de cette liste et un outil (pinceaux, feutres, crayons de couleur, fusain, brosse,
craies..) pour représenter une scène ou un paysage sur un format carte postale.
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Document 1
Raoul Dufy
Le port du Havre
1906
Huile sur toile
79,5 x 92,5 cm
Philippe Cognée
Albufera, autoportrait avec
Sandrine
1994-96
Encaustique sur toile marouflée
sur bois
110 x 165 cm
Marc Desgrandchamps
Sans titre
2004
Gouache sur papier
150 x 110 cm
Ludwig Cylkow
La baie d'Audierne le soir
1920
Huile sur toile
73 x 100 cm
M. Perronnet
Chemins de fer de l'Etat. Plages
et Ports de l'Océan. Les Sables
d'Olonne
1928
Affiche couleur entoilée
100 x 75 cm
27
René Levrel
Tennis à Saint-Jean-de-Monts
Sans date
Huile sur toile
166,8 x 119,2 cm
Exposition Plaisirs de l’eau - dossier d’accompagnement – 22 février > 5 mai 2013
Service des Publics - musée des Beaux-Arts de Nantes
En visite autonome
1. La scénographie
→ Prendre conscience de l’accrochage particulier dans la chapelle de l’Oratoire. L’espace est
transformé par une scénographie en lien étroit avec le thème.
Questionner les élèves sur ce qu’ils perçoivent de cette mise en espace et des moyens employés
pour créer une atmosphère balnéaire.
Document 2
Cette vue offre une vision globale de l’espace de l’exposition. Les élèves peuvent repérer les
éléments de la scénographie qui invitent les visiteurs à cheminer dans l’exposition avec un
ressenti de bord de mer (une allée comme un ponton, des cimaises comme des cabines de plage…).
Le parcours conduit les visiteurs vers l’œuvre monumentale de Jacqueline Marval, la grande
plage de Biarritz, 1923 (Huile sur toile, 197 x 375 cm).
[…] Le format du tableau en fait un véritable décor : pénétrant dans l’œuvre parmi les
élégantes à ombrelles et les enfants en maillot, le regardeur se trouve à son tour sur la
promenade, presque décoiffé par un coup de vent, partageant pour un instant la vie
balnéaire des Années folles. […] Notice du Musée des Beaux-Arts de Nantes.
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Exposition Plaisirs de l’eau - dossier d’accompagnement – 22 février > 5 mai 2013
Service des Publics - musée des Beaux-Arts de Nantes
2. Arrêt sur une œuvre
Maurice Denis, Soir de septembre, 1911, Huile sur toile, 170 x 220 x 10 cm (avec cadre)
Prendre le temps de bien regarder et décrire l’œuvre de Maurice Denis.
A l’aide d’un nuancier, nommer les couleurs du tableau. S’exprimer sur les effets que produisent les
tons inhabituels employés par l’artiste.
S’intéresser à la composition de la scène, aux figures, au mouvement saisi dans l’instant comme une
photographie.
Qui est devant, derrière ? On peut faire remarquer les différents plans aux élèves et les effets de
perspective.
Les élèves peuvent faire un croquis de cette œuvre, dans son ensemble ou en choisissant une figure.
3. Chercher dans les titres des œuvres, des cartes postales, des affiches, le vocabulaire
qui évoque des activités de loisirs, des paysages, et lieux géographiques.
Des activités de loisirs
Des paysages et des lieux
géographiques
Casino, tennis, excursion, plage, promenade,
croquet, bain de mer, baigneurs, pêche, yacht,
restaurant, école de natation, volley,
aquarellistes, marchand de glaces, cyclistes,
navigation, rameurs, voile…
Embouchure, falaise, plage, promenade, port,
pointe, bois, boulevard, mer, dunes, rochers,
océan, grotte, jetée, phare, baie, bassin
(d’Arcachon), étang…
De retour en classe :
Les élèves disent ce qu’ils ont retenu comme mots et comparent avec leur propre vécu : avons-nous les
mêmes activités de bord de mer aujourd’hui ? Les paysages leur sont-ils familiers ?
Préciser certains termes géographiques à l’aide du dictionnaire: qu’est-ce qu’une embouchure, une
baie, un bassin ? Tout ce vocabulaire peut également être réinvesti dans des productions d’écrits.
Après la visite
1.
Pratique artistique en classe
La couleur : à propos de Soir de septembre de Maurice Denis
→Sortir des représentations habituelles concernant les codes de couleurs du paysage.
Tracer sur une feuille deux lignes horizontales pour délimiter terre, mer et ciel.
Tirer au sort trois couleurs et les attribuer à ces espaces.
Les élèves remarquent, qu’à ce stade de la composition, ils ont réalisé une surface peinte à caractère
abstrait.
Pour donner vie à une scène de plage, s’interroger sur les éléments qu’il faut ajouter : figures, rochers,
galets, coquillages, jeux de plage (frisbee, bateaux, planches à voile…).
Installer quelques personnages (silhouettes découpées ou dessinées) dans ce paysage pour aider à la
compréhension de l’image.
Le dessin
→Observer et identifier les caractéristiques de l’architecture balnéaire
Des villas à étages en front de mer. Mélange et irrégularité des styles fantaisistes, pittoresques…
Multiplication des ouvertures (bow- windows, terrasses, balcons…)
Mélanges des matériaux : bois, pierres, briques, verres, mosaïque…)
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Exposition Plaisirs de l’eau - dossier d’accompagnement – 22 février > 5 mai 2013
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Coller une photocopie de la carte postale sur une feuille plus longue (Cf. Doc.3).
Prolonger par le dessin la frise des maisons en reprenant des éléments du style architectural observé
sur la carte.
Document 3
PORNICHET (Loire-Inf.). Devant le Casino. Chapeau François Avant 1924 - 1924
→ Mettre l’accent sur la dimension intemporelle des scènes de plage.
Si les vêtements et les accessoires passent de mode, les activités de plage restent d’actualité :
Aller à la pêche, ramasser les coquillages, jouer avec le sable, marcher les pieds dans l’eau…Transposer
à notre époque une des scènes en utilisant les deux documents photocopiables (Docs. 3 et 4).
Redessiner les figures dans les mêmes postures avec des vêtements et des accessoires d’aujourd’hui.
Document 4
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Exposition Plaisirs de l’eau - dossier d’accompagnement – 22 février > 5 mai 2013
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PORNICHET (Loire-Inf.). Sur la Plage, partie de Crocket. Chapeau François
Avant 1920
La collection
Constituer un mur de cartes postales sur le thème de la plage et de la baignade
→S’interroger sur ce moyen de communication moins utilisé aujourd’hui, concurrencé par les outils de
communication virtuels. Comprendre l’usage, la fonction, les codes et l’esthétique de cet objet.
Collecter galets, coquillages, sables, photos de faune et flore des bords de mer et les installer dans des
boîtes pour exposer le cabinet de curiosités de la classe. Dessiner, écrire les cartels des objets.
François-Michel Regenfuss, Choix de coquillages
et de crustacés peints d'après nature, gravés en
taille-douce et illuminés de leurs vraies couleurs
1758 BNF (estampes et photographies, la mer)
Ernst Haeckel
Discoméduses, 1899.1904
BNF (estampes et photographies, la mer)
2. Production d’écrits
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Exposition Plaisirs de l’eau - dossier d’accompagnement – 22 février > 5 mai 2013
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Ecrire un texte sur une vraie carte postale ou en fabriquer une, en tenant compte des caractéristiques
de ce support (destinataire, expéditeur, adresse, place du timbre, côté image…)
Une référence littéraire à découvrir : l’album d’Anne Brouillard, Cartes postales.
3. Histoire des Arts
Comprendre et connaître
S’interroger sur la nature des objets
Préciser et identifier la nature des objets et des œuvres: qu’est-ce qu’une gravure, qu’elles sont les
caractéristiques d’une affiche, d’une carte postale, quelles différences entre dessin, peinture et
photographie ?
Noter qu’ils n’ont pas tous le même statut : les cartes postales par exemple sont des documents et non
pas des œuvres d’art.
A partir de l’œuvre de Paul Signac Le Phare (Antibes), 1909
Faire des recherches sur les néo-impressionnistes, regarder des œuvres de ces artistes pour
comprendre leur démarche et situer ce groupe d’artistes sur la frise chronologique de la classe.
Constituer des corpus d’œuvres
Littérature de jeunesse
Pénéloppe à la plage
Anne Gutman,
Georg Allensleben
Gallimard jeunesse
Cartes postales
Auteur : Anne Brouillard
Édition du Sorbier
2000
2004
Moby Dick
Herman Melville
Gallimard
Folio n° 2852
Vingt mille lieux sous les mers
Jules Verne
Gallimard
Folio n°738-739
Musique
La Mer, Claude Debussy, 1905
Sitographie
Bibliothèque Nationale de France : http://expositions.bnf.fr/lamer/feuille/indexp.htm
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Exposition Plaisirs de l’eau - dossier d’accompagnement – 22 février > 5 mai 2013
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2nd degré
Arts plastiques
« Si la société impose à chacun de garder une tenue décente, la plage s'impose tout de même
comme le lieu d'une certaine sensualité.»
Éléments pour une réflexion pédagogique
Peintures, dessins, photographies, gravures, lithographies, .... sont autant de moyens
techniques pour fabriquer et diffuser le regard des artistes de cette période d’entre-deux
guerres. Ces images s’appliquent à représenter, figurer et exalter cette période d’amusement
et de légèreté qu’évoquent les années folles à l’inconscient collectif. L’exposition permet
quelques allers-retours historiques. Ce parti pris alimente le propos de l’exposition et élargit la
vision du corps associée à celle du bain. La baignade comme source d’inspiration n’est pas
nouvelle (mythologie, orientalisme, baigneuses,...) et nourrit encore la création contemporaine
comme le démontre la présence de l’œuvre de COGNEE, Albufeira, autoportrait avec
Sandrine ainsi que la gouache sur papier de Marc DESGRANDCHAMPS.
« Plaisirs de l’eau » propose une vision éclairée et éclairante d'un espace de/en transit :
la plage. Coincée entre terre et mer, elle acquière une nouvelle dimension offrant au corps une
scène inédite. Les œuvres de la collection du Musée des Beaux-Arts dévoilent la naissance de
ce nouveau regard.
►En quoi ces représentations de la baignade témoignent d’un nouveau regard porté sur le
corps ?
►En quoi le dévoilement du corps des touristes alimentent la création artistique de
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Exposition Plaisirs de l’eau - dossier d’accompagnement – 22 février > 5 mai 2013
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l’époque ?
Un déplacement du regard
« Permettant de se confronter à la démesure de l’espace, de saisir le mouvement ininterrompu
des vagues, le miroitement des eaux et les reflets sur les flots, le paysage marin est un sujet
propice aux expériences picturales »1
Du paysage au corps. Le paysage se recompose, de nouveaux objets apparaissent (cabine,
parasols, ….) et rythment la surface de la plage. Sa planéité s’en trouve bouleversée,
chamboulée. Le mouvement des vagues n’est plus le mouvement principal, la plage s’anime
elle aussi….. (Déplacement des touristes, allers et retours dans l’eau, jeux divers,…). Le
paysage se révèle alors comme l’écrin d’un corps qui se dévoile. Celui-ci devient l’objet
d'attention principal du peintre et témoigne d’un bouleversement de la société. De ce
dénuement naît une culture du corps et toutes les orientations qui en découlent (sports,
bronzage,…). Le peintre observe et retranscrit ces mutations.
L’œuvre d’Henri RIVIERE place apparemment le paysage au centre de ses préoccupations
mais la circulation rapide de l’œil sur la toile piège le regard du spectateur à la surface de
l’eau où le peintre représente quelques bateaux aux voiles orangées dont les reflets renforcent
leurs présences. Cet espace de loisir est coincé entre un premier plan prédominant en termes
surfaces (effet accentué par les verticales des arbres) et la colline de l’arrière, elle-même
écrasée par un ciel lourdement nuageux. Le cadrage semble mettre au second plan l’activité
humaine mais il n’en n’est rien. La composition du peintre dirige et piège le regard sur cette
zone ce qui lui donne une importance inattendue et d’autant plus intense.
Henri RIVIERE
Embouchure à Trieux (Loguivy), 1906
Aquarelle sur papier
26,5 x 42 cm
1 p.27 du catalogue d'exposition
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Exposition Plaisirs de l’eau - dossier d’accompagnement – 22 février > 5 mai 2013
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Cette toile impose deux corps dénudés aux yeux
du spectateur mais le faible contraste entre la
représentation de leur chair et celle du sable
amenuit leur importance au profit des deux
petites silhouettes à l’arrière plan. Si l’œil en
perçoit difficilement les contours, leur
habillement de fait aucun doute (torse nu mais
bermuda). Cette différence de statut pose
question et réinterroge la place, le rôle et la
signification des corps nus dans le tableau.
Entre le nu académique et les activités de bord
de mer : quels échos ? Deux époques, deux
mondes co-animent l’espace de la toile.
Marie-Paule CARPENTIER
Sur le sable, 1923
Huile sur toile
150,5 x 180,5 cm
Le paysage, comme prétexte, permet une nouvelle réflexion autour de la représentation du
corps et de sa nudité profondément ancré dans le quotidien des préoccupations françaises de
l’époque. Cette étude amène un éclairage sur cette époque d'entre deux guerres.
Un éclairage sur une époque
Le caractère sociologique de cette exposition est largement développé dans le catalogue
d'exposition : « mutation de la situation de la femme, moyens de transports permettant un
accès facile aux littoraux, période d'euphorie d'après guerre ».
Claire LEBOSSE, Conservatrice du patrimoine, commissaire d'exposition, « Aller à la
plage » dans les années 20-30 : une histoire de représentation, p.12 du catalogue
d'exposition.
Agathe AOUSTIN, Doctorante en Histoire de l'art, De la Belle Époque aux Années
Folles : l'âge d'or des stations balnéaires, p.18 du catalogue d'exposition.
De la minutie au rêve : l’expression d’un point de vue
artistique
« Si l’on peut esquisser les contours d’un genre de la peinture de plage (organisation de
l’espace du tableau en bandes horizontales allant de la plage au premier plan à l’horizon du
grand large ; motifs récurrents des cabines de bain, ombrelles et parasols ; densité des figures
sur la plage rendue par un traitement très graphique), chacune de ces œuvres résulte de la mise
en œuvre d’une solution picturale originale »2
2 p.33 dans le catalogue d'exposition
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Exposition Plaisirs de l’eau - dossier d’accompagnement – 22 février > 5 mai 2013
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Paul SIGNAC
Le Phare (Antibes), 1909
Huile sur toile
46 x 55 cm
La rigueur scientifique et les recherches sur « la touche divisée » de SEURAT apportent
une « alternative constructive à la dissolution des formes sous l’effet de la lumière »3. Le
paysage se crée par juxtaposition de touches de couleurs distinctes mais c’est l’œil du
spectateur qui en fera la synthèse.
Divisionnisme, Symbolisme, Surréalisme,… sont autant de mouvements artistiques
permettant au spectateur de découvrir, d’étudier un paysage à l’aune des préoccupations
artistiques de l’époque.
En voici quelques unes...
CYLKOW peint la nature en créant des analogies
entre celle-ci et nos états d'âme.
« Le ciel, comme l’eau, d’ailleurs, est l’élément
symbolique qui reflète nos états d’âme, toute notre vie
intime ; n’est-il pas un peu le miroir de ce qui se passe
en nous de plus secret, de plus indéfinissable1 ? » 4
La baie d'Audierne le soir
1920
Huile sur toile
L'angle de vue, la simplification géométrique et les aplats de couleurs
de l’œuvre de LABOUREUR apportent une vision totalement
renouvelée du genre de la marine. Une piste qu'il continuera a
explorer en se rapprochant du cubisme.
Le roulis transatlantique
1907
Huile sur toile
3 p.29 dans le catalogue d'exposition
4 p.30 dans le catalogue d'exposition
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Exposition Plaisirs de l’eau - dossier d’accompagnement – 22 février > 5 mai 2013
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Albufeira, autoportrait avec Sandrine,
L'enregistrement du réel est le départ du travail de
1996 – 1999,
Philippe COGNEE. L'image photographiée puis projetée
Encaustique sur toile marouflée sur bois, 110
et agrandie deviendra une peinture à la cire. Le travail de
x 165 cm, collection de l'artiste
l'artiste démarre par une démarche de photographe puis de
peintre. La reproduction est minutieuse et témoigne d'un
retour à la peinture figurative. La peinture fond, se
mélange sous l'effet de la chaleur du fer à repasser que
l'artiste passe sur un film plastique. Cette technique crée
des zones brillantes et lisses tandis que d'autres sont
épargnées par se lissage car la quantité de matière semble
manquer. Entre figuration et défiguration, l'image produite
fond le corps dans le paysage, l'ensemble paraît se
dissoudre. « Cognée interroge ainsi les rapports entre
l’image mécanique et la peinture. »5.
Si les dimensions des images de ce dossier sont quasiment identiques, la rencontre
sensible avec les œuvres surprendra d'abord le spectateur par la petitesse de ces images bien
qu'attendue puisqu'il s'agit de photographie et de cartes postales. Le recul adopté jusque là
pour « mieux » voir les œuvres est totalement bannit ici. Le corps des spectateurs face aux
œuvres informe sur la chose regardée.
Cabine improvisée dans une grotte, 1904-1939
Carte postale, François Chapeau Editeur
Phototypie sur carton
9 x 14 cm
Claude CAHUN regardant la mer, assise sur un
mur, Jersey, s. d.
Tirage photographique
9 x 13,9 cm ; 8 x 13 cm (hors marge)
Le bord de mer comme lieu de mise en scène. Claude CAHUN met en scène sont propre
corps et use d’accessoires et de maquillage offrant au spectateur une apparente spontanéité qui
fait d’emblée échos aux cartes postales de l’époque dont les photographies sont prises par des
anonymes (Photos de souvenirs de vacances). La mémoire individuelle devient collective6.
5 p.39 du catalogue d'exposition
6 p. 26 « En 1875, les particuliers sont autorisés à éditer et à mettre en vente leurs propres cartes postales. »
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Exposition Plaisirs de l’eau - dossier d’accompagnement – 22 février > 5 mai 2013
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Pistes pédagogiques
► COLLEGE
La peinture
« La peinture est couleur et matière. Elle intervient directement comme moyen d’expression
ou en articulation avec un tracé graphique. La couleur est substance et lumière, matérielle et
immatérielle. Elle est perçue immédiatement par le spectateur. Comme étendue et substance,
la couleur introduit à des notions d’épaisseur, d’opacité et de translucidité, de peint et de
nonpeint. Elle constitue un matériau physique par lequel on peut représenter un monde, mais
c’est aussi un milieu dans lequel des gestes et traces du peintre sont inscrites[...] »7
La pratique diversifiée des peintures présentées dans l'exposition « Plaisir de l'eau » permet
aux élèves de tous niveaux de voir ou découvrir une variété de formats, supports et
techniques. Le divisionnisme de SIGNAC, les aplats de LABOUREUR, l'application au
couteau chez MARVAL , la touche épaisse de MARQUET ou l'inverse chez Sir Pieter LELY,
la transparence chez Marc DESGRANDCHAMPS permettront à l'enseignant d'arts plastiques
de faire de la touche picturale une entrée extrêmement riche sur laquelle il saura se reposer
aisément au sein de ses cours et avec l'ensemble de ses élèves.
Le corps et sa représentation dans le paysage
Détails de tableaux de COGNEE, LABOUREUR, DEZAUNAY et MARVAL
Puisque le propos principal de l'exposition se construit autour du corps et de sa représentation
dans le paysage, les pistes pédagogiques ci-dessous en découleront également. Si le corps est
l'un des éléments essentiels des œuvres présentées, la manière de le mettre en scène varie.
C'est précisément cette variation qui apporte à l'enseignant un choix de notions qu'il
conviendra de sélectionner puis de travailler avec les élèves : cadrage, point de vue, lumière,
mise en scène, profondeur, matérialité,...
7 Programme d'arts plastiques
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En classe...
►De 5ème (œuvre, image et fiction)
Partir du quotidien de l'élève, de son environnement proche tout en s’appuyant sur
l'imaginaire pour aborder le corps dans le paysage. Quelle vison peuvent-ils avoir d'eux
mêmes dans la cour, en pleine récréation ? Au self assis les uns à côté des autres ? A la sortie
des cars ? Ce mouvement de foule que l'élève vit au quotidien s'avère être un point de départ
intéressant pour établir une réflexion autour de la représentation du corps dans un espace
familier : le collège et ses alentours. Quelle empreinte du réel se fixera sur le corps
représenté ? Quels effets ont les interventions techniques sur le sens de l'image ? Entre
imagination et esprit d'analyse, la représentation d'un paysage animé de personnages en
peinture (sans images au point de départ du travail) serait déjà l'occasion de visualiser et de
définir ce qui peut relever du corps dans le paysage pour les élèves. Au delà de l'échelle de
représentation (plan rapproché, plan américain,...) qui le définisse, les notions de point de vue,
de profondeur, de mouvement seront présentes. Le médium peinture soulèvera d'autres
questions telles que les contours, la touche, la couleur, qui, mises en relation avec les
premières interrogeront la perception que l'on peut avoir du corps quel que soit l'espace dans
lequel il s'inscrit.
L'oubli inévitable après l’observation provoque des zones de flottement dans la restitution
d'un élément observé, des zones à combler entre des éléments dont on se souvient ou dont on
a gardé la trace (détail photographique par exemple). Comment se matérialise cette « mémoire
» ? Quels effets cela produit sur l'image ?
► De 4ème (œuvre, image et réalité)
La photographie, dont l'utilisation est souvent banalisé par les élèves via l'usage du
téléphone portable, enregistre ou met en scène le réel. En 4ème, cette pratique est l'occasion
de dépasser les acquis relevant de l'échelle des plans, de la profondeur de champ pour
s'interroger sur sa perception qui sera une « source d'expression poétique, symbolique,
métaphorique, allégorique ». L'environnement quotidien comme ancrage de cette réflexion
bouleversera les frontières entre le réel, sa perception et le sens que l'image produit. La
photographie comme outil peut amener l'élève à s'en écarter dans une deuxième étape : de
l'image mécanique à l'image peinte telle que la pratique Philippe COGNEE. Le degré de
réalité dans la fabrique d'images provoque un certain nombre de questionnements. L'élève de
4ème mettra en tension l'image fabriquée, peinte et son référent pour mieux en saisir l'effet
produit. Les œuvres de l'exposition reflétant l'esprit d'une période d'entre deux guerres
permettront aux élèves de s'interroger sur les moyens mis en œuvre pour faire transparaître les
sentiments ressentis par les artistes. Quels effets l'époque, les événements contemporains de
l'artiste peuvent avoir sur sa création ? Quels impacts sur le spectateur ? Entre influence et
prise de conscience, l’œuvre témoigne d'une réalité.
►De 3ème (l'espace, l’œuvre et le spectateur)
L'élève de 3ème sera à même d'introduire une dimension sociale et/ou politique
(symbolisation, engagement de l'artiste, œuvre de commande,...) dans sa production tout en
prenant en compte sa réception par le spectateur. Les œuvres de Claude CAHUN et de
MARVAL seront un appui intéressant à utiliser avec les élèves : deux femmes artistes
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Exposition Plaisirs de l’eau - dossier d’accompagnement – 22 février > 5 mai 2013
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engagées. Le contexte historique de la période représentée à la Chapelle de l'Oratoire est bien
connue des élèves de 3ème puisqu'elle s'inscrit dans les programmes d'histoire. Des
orientations vers l'enseignement Histoire des arts sont donc possibles.
►LYCEE
►En classe de Seconde....
Enseignement facultatif : dessin et matérialité
L'observation et la ressemblance : « toute tentative d'imitation ou de représentation du réel
produit inévitablement un écart dont la valeur expressive dépend notamment des moyens
techniques employés ». Les œuvres de l'exposition apporteront aux élèves un échantillonnage
important des styles de représentation de l'époque. La simplification des formes et la
géométrisation des volumes des corps contribuent à la modernité des corps représentés par
Jean-Emile LABOUREUR.
►En classe de Première
Enseignement de spécialité :
Figuration et image : le rôle ou la place joué par le référent dans l'image
Copier est-ce créer ? (citation, réalisme, hyperréalisme,...)
René LEVREL s'interroge sur les effets de la lumière sur la couleur. Son grillage apparaît
clairement par des coups de pinceau contrastés puis se dissout dans les formes pour
disparaître enfin créant ainsi des percées inattendues vers l'arrière plan . Cette disparition de la
forme se nourrit paradoxalement d'une volonté d'imitation des effets visuels de la lumière sur
la matière et la couleur.
L'étude du processus de création de COGNEE est très pédagogique dans le sens où l'artiste
commence par représenter l'image photographiée d'une manière hyperréaliste mais c'est la
dernière étape de son travail qui lui permettra de s'écarter de cette réalité et de faire sens.
Afin de varier les techniques, les photographies de Claude CAHUN et leurs troublantes
similitudes avec les cartes postales de l'époque seront l'occasion de s'interroger sur les
particularités de cette pratique artistique.
Peut-on tout représenter ? De la faisabilité à la censure....
Se plonger dans le contexte historique de ces peintures du début du siècle dernier est
nécessaire pour que l'élève saisisse les tensions liées à ces représentations des corps. Vivant à
une époque totalement opposée où le dénuement s'emploie très souvent à des fins mercantiles,
l'élève ne peut pas prendre la mesure de l'impacte que ces images ont pu créer. Pourquoi les
corps nus ne choquent personne dans la peinture de Sir Pieter LELY du XVIIème siècle?
Comment expliquer la pudeur perceptible dans les toiles de LALLIER et CARPENTIER ?
Enseignement facultatif :
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Exposition Plaisirs de l’eau - dossier d’accompagnement – 22 février > 5 mai 2013
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− les procédés de représentations
− les codes (modèle, écarts, ressemblance)
Les confrontations permises par l'exposition permettront aisément aux enseignants d'engager
une réflexion sur ces points auprès de leurs élèves.
►En classe de Terminale
Enseignement de spécialité :
Œuvre, filiation, rupture : Comment les œuvres du passé conditionnent-elles les
productions actuelles ? Transgresser est-il enrichir ? Quelles sont les limites de la
transgression ?
L'image de la baigneuse est sans aucun doute l'entrée la plus évidente pour aborder ce point
des programmes. La pudeur des toiles de LALLIER et CARPENTIER évoquée un peu plus
haut place ces artistes dans une certaine filiation (décor néoclassique, figures drapées à la
grecque, dissimulation des visages,...) en terme de représentation et de composition des
peintures. Mais de quelle manière peut-on affirmer qu'ils participent tout de même à l'art de
leur époque ?
L’œuvre et le monde : Comment le monde peut devenir le sujet de l’œuvre ? Comment
fabriquer une opinion ? Orienter le discours ?
L'artiste sort de l'atelier et peint sur le motif depuis la seconde moitié du XIX. Il est donc aux
premières loges pour constater cette invasion des plages dans la première moitié du XX ème
siècle. Il devra, à l'avenir, les partager avec les touristes. Pendant que l'un travaille, les autres
s'amusent. Comment peindre le paysage en faisant abstraction de tous ces corps s'y
promenant ? L'observation et la représentation de ces mutations ont-elles un poids dans le
changement des mentalités ?
« Lorsque enfin je le trouvai, je vis tout d’abord que je n’avais pas affaire précisément à
un artiste, mais plutôt à un homme du monde. Entendez ici, je vous prie, le mot artiste
dans un sens très restreint, et le mot homme du monde dans un sens très étendu. Homme
du monde, c’est-à-dire homme du monde entier, homme qui comprend le monde et les
raisons mystérieuses et légitimes de tous ses usages ; artiste, c’est-à-dire spécialiste,
homme attaché à sa palette comme le serf à la glèbe. M. G. n’aime pas être appelé
artiste. N’a-t-il pas un peu raison ? Il s’intéresse au monde entier ; il veut savoir,
comprendre, apprécier tout ce qui se passe à la surface de notre sphéroïde. »
Charles BAUDELAIRE, Le peintre de la vie moderne
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Pour aller plus loin
Les fiches chaarp des chargés de mission en arts plastiques de l'académie
Le paysage motif et/ou sujet de l'oeuvre
Le paysage comme point de vue
La naissance du paysage
Les dossiers HdA du MBA de Nantes
Ces problématiques sont abordées, dans le cadre d'un projet HdA, dans un dossier portant sur le
paysage et intégrant des oeuvres majeures de la collection du musée.
Quel regard l'artiste porte-t-il sur le paysage qui l'entoure ?
Quelle place ces représentations donnent-elles de l'homme dans le paysage ?
En quoi ces représentations informent-elles sur l'homme et ses activités ?
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2nd degré
Lettres
les pistes d’activités proposées « en classe …» sont adaptables en lycée et en collège
« MER. N’a pas de fond. — Image de l’infini. — Donne de grandes pensées. »
Flaubert, Dictionnaire des idées reçues
Aller se baigner, jouer au bord de la mer, s’allonger sur le sable pour prendre un « bain de soleil » … Dans
l’imaginaire collectif occidental, la plage se décline en un réseau fécond d’images, de sensations et d’activités
agréables. Et l’association « plage – loisirs », « eau de mer– plaisirs » s’impose aujourd’hui avec une évidence
indiscutable. Mais cette familiarité même doit être interrogée pour approcher avec le plus de pertinence possible
les enjeux d’une exposition qui semble vouloir inciter le visiteur à rêver d’oisiveté estivale. Il s’agit donc, pour
l’enseignant de lettres, de répondre aux multiples sollicitations d’une « invitation au voyage », suggérée tant par
la scénographie que par la nature diversifiée des images exposées (cartes postales, affiches, photographies,
dessins et peintures …) afin d’observer attentivement, de questionner, d’analyser cette puissance de rêverie de
la plage, « réelle et représentée ». Cela concerne d’abord le sens des mots et des réalités évoquées, dans leur
dimension historique ; cette plongée étonnante dans la polysémie des mots de tous les jours met en évidence
combien la plage est un révélateur significatif d’une évolution des sensibilités, des perceptions et des valeurs
d’une société. La mise en perspective d’œuvres du début XXème avec des œuvres plus anciennes des
collections du musée conduit d’ailleurs à adopter ce regard diachronique. Mais cette exposition donne avant tout
à regarder : la plage représente un riche répertoire de motifs, de formes, de lignes, de couleurs dont les multiples
déclinaisons permettent à chacun(e) d’accéder à la singularité d’un univers esthétique … Et le spectateur,
concerné par le thème, s’interroge alors sur le processus de création, sur les choix plastiques de l’artiste.
A. Le mot et la chose. Histoires de regards. - Dénotations / connotations –
L’approche étymologique et historique permet parfois de dessiner des contours de signification inédits, voire
étonnants, qui peuvent ouvrir des angles de réflexion très éclairants. D’un côté, l’écart entre l’acception courante
–contemporaine – et celles qui l’ont précédée, et de l’autre, les mots de la même famille, enrichissent le sens,
comme si le mot se démultipliait, se chargeait d’une densité nouvelle, à charge poétique.
En amont de la visite, il s’agit, en étudiant les termes du titre de l’exposition, d’en faire apparaître la
« thèse », et de faire émerger des « horizons d’attente » chez les élèves.
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Exposition Plaisirs de l’eau - dossier d’accompagnement – 22 février > 5 mai 2013
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1. La plage : un lieu à définir. De quoi parle-t-on quand on parle de « plage » ?
•
De l’étendue à la plage : de la géographie au tourisme
a. [Plain] Famille d’une racine Indo-européenne. *pela- *pla- « ce qui est plat, étendu » ; apparait
avec divers élargissements dans le grec pelagos « la surface de la mer » (pelagien), et en latin
sous 3 formes –1.planus « plat, uni, à deux dimensions » et « clair, facile » d’où en bas latin
planum « plaine », planare, « aplanir »¸ plana « plane (…) »[mots de la même famille : planer,
esplanade, piano, planisphère … »] 2. Palma « paume de la main (…)» [mots de la même famille :
palmier, palmipède…»] 3. Probablement aussi plaga « chose étendue » (en particulier « filet de
chasse ») et « espace, zone ».
D’après Jacqueline Picoche, Nouveau dictionnaire étymologique du français Hachette Tchou 1974
b. Le terme actuel recouvre 2 mots distincts dont le plus ancien a été absorbé par le mot
moderne- - [Plaga] latin: « région, zone, étendue » (1290) Emploi poétique : « région du ciel ».
L’homonyme plaga, « filet de chasse que l’on tend au travers d’une route » (d’où « piège tendu »). Le sens
commun aux 2 mots est celui de « chose étendue ». Le mot a été repris en français avec le sens de
« étendue de terre », puis de « région, contrée », et confondu avec l’autre mot à partir du XVIème,
seulement employé dans quelques occurrences poétiques.
-1298 [Plaje] emprunté à l’italien piaggia (« espace plat et découvert au bord de la mer » XIVème). Du
grec ta plagia « les côtés, les flancs» (voc. militaire), de l’adjectif plagios « oblique ».
- 1456 « Un rivage en pente douce dont les navires peuvent difficilement s’approcher. » Avec
l’Encyclopédie, cela devient un terme de géographie. (1765)
Avec le romantisme (début XIXème) apparait le sens moderne : « endroit plat et bas d’un rivage où
les vagues déferlent, et qui est constitué de débris minéraux plus ou moins fins. »
- 1888 : « lieu propre aux activités balnéaires » (mer + lac et rivières).Maupassant Pierre et Jean
- Par ext. Lieu, ville où une plage est fréquentée par les baigneurs ; maisons de jeu, casinos des plages à la
mode.
- Par métonymie. Station balnéaire.
D’après Alain Rey, Dictionnaire historique de la langue française et Paul Robert, Petit Robert
•
Sens par analogie
-« plage d’un disque » (acoustique) ; Plage lumineuse. « Surface éclairée de brillance égale. » (Optique) ;
Plage d'équilibre. Surface définissant les positions d'équilibre d'un corps soumis à des forces de frottement.
(physique)
•
Sens figuré : de l’espace au temps
- période, laps de temps plus ou moins délimité / tranche horaire réservée à une émission particulière.
Ce qu’il faut retenir de l’histoire de « la plage »
1. Le terme est associé à l’idée de surface, de grande étendue visible + idée de déclivité et de « matière » + le
rôle des vagues : cela pose des questions de représentation.
2. Le sens du mot a évolué, s’est enrichi et précisé à l’époque moderne. Il a donc partie liée avec l’histoire, et
l’évolution de la société
3. Employé au sens propre et au sens figuré, le terme est porteur d’images et d’imaginaire élargi.
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2. Plaisirs et loisir(s) : à partir des connotations des termes, quelles images attendre ?
•
Du loisir aux loisirs
- de la famille du latin [licere /licitus] « être mis aux enchères, être évalué ».Constr. impersonnelle :
« il est laissé à mon appréciation », « il m’est permis » Licentia « licence / permission, puis liberté
excessive » XIIème s. infinitif « être permis de » et inf. substantivé « liberté, oisiveté » [mots de la
même famille : loisible, licencier, licenciement, licitement »]
-1140 « La possibilité de faire qqch » (cf « le loisir de ») « A loisir » = « en prenant le temps qu’il faut
sans contraintes »
-1360 « temps libre permettant de faire ce qu’on veut » (Froissart)
-1550 « homme de loisir » = « oisif » XVIIème « être de loisir » = être disponible » Emploi péjoratif :
avoir du temps à perdre en bagatelles, en choses oiseuses ».
-Vers 1530 sens moderne (sing./Pl.) « Temps dont on peut librement disposer en dehors du travail
(et des contraintes qu’il impose) »
- XIXème : après la révolution industrielle « quand les activités de la société ne sont plus réglées
par des obligations rituelles, quand le travail est détaché des autres activités ». A noter : le mode
de vie aristocratique relève de l’oisiveté qui suppose un autre rapport au travail (pas du loisir)
-Loisible : (de l’ancien verbe loisir) « laissé à libre disposition », « agréable, plaisant » (1787)
D’après Alain Rey, Dictionnaire historique de la langue française et Jacqueline Picoche, Nouveau
dictionnaire étymologique du français Hachette Tchou 1974
« Loisir » : v. liberté, délaissement, repos « temps dont on dispose pour faire commodément qqch. »
-1740 au pluriel : « occupations, distractions pendant le temps de liberté. » cf « civilisation des
loisirs. »
• [Otium / otiosus] Otium (loisir ») a donné otiosus “qui n’est pris par aucune affaire” (en
opposition avec negotium « occupation, affaire ») Au XIIème s. «oiseux » puis au XIIIème « oisif ».
v. désœuvré, inactif. « Tout citoyen oisif est un fripon. » (JJ Rousseau) 1553 Personne qui
dispose de beaucoup de loisir (cela concerne les personnes fortunées qui n’ont pas besoin d’exercer
une profession lucrative).
•
Le plaisir et les plaisirs.
Du latin [placere] « plaire, agréer. ». [mots de la même famille : déplaisir, plaisantin, Déplaisant /
complaisant + plaider, plaidoyer] Au sens moderne « état affectif fondamental, un des deux pôles de
la vie affective ; sensation ou émotion agréable liée à la satisfaction d’une tendance, d’un besoin
à l’exercice harmonieux des activités vitales. ». 1549 Par extension (et surtout au pluriel), « se dit
de tout ce qui peut apporter à l’homme une émotion ou une sensation agréable, de tout ce qui en
est la source ou l’occasion (objets ou actions). » D’après Jacqueline Picoche, Nouveau dictionnaire
étymologique du français Hachette Tchou 1974 et le Petit Robert
Ce qu’il faut retenir
4. Les connotations du mot « loisir » associent temps, liberté et inactivité - sans dimension péjorative -, à
l’opposé du mot « oisif » potentiellement porteur d’un jugement de valeur.
5. Le loisir/ les loisirs sont associés à l’affirmation du goût de l’individu.
6. Le sens du terme a évolué, introduisant une dimension historique et sociale : le(s) loisir(s) sont liés à
l’avènement d’une société moderne (cf « civilisation des loisirs).
7. Le plaisir introduit l’idée « d’agréable », à la fois comme « résultat » (état de l’individu) et comme « moyen »
de parvenir à ce résultat.
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En classe …
Il est possible d’inciter les élèves à formuler les connotations du titre : on peut les inciter plus
particulièrement à nommer les images et les sensations suggérées (espace, mouvement, grand air et lumière,
liberté..). La précision du cadrage historique conduit à l’idée de phénomène collectif (avec le rappel de ce qu’on
appelle les « Années Folles »). L’exposition associe donc un lieu, des activités –ludiques- propres à ce lieu, et,
comme un corollaire, l’affirmation du plaisir (collectif et individuel) qui en découle.
Le fait même que ceci ait conduit à une production artistique importante en fait un phénomène de
société, une tendance significative dans l’histoire culturelle des idées, révélée par des comportements collectifs.
Implicitement, le titre de l’exposition incite à penser d’une part, qu’il y a unité de thème et de tonalité, d’autre
part, à travers cette unité, que les activités liées à la mer sont épanouissantes, agréables, voire désirables pour
les individus. La représentation d’une forme d’utopie ?
3.
« Il n’y a pas de mer dans le jardin d’Eden » (Alain Corbin) – de l’évolution de la perception de la
plage et de la mer –
Dans la première moitié du XXème siècle, la mer et la plage sont liées au plaisir, au désir même :
l’individu y cherche des sensations physiques aussi bien dans l’expérience tonique des vagues que dans la
douceur caressante de l’eau ou du soleil sur la peau. La mer
n’a pas toujours été si attirante pour les individus. Ainsi, les
romains avaient un usage hédoniste de la mer, visible dans
leurs villas maritimes situées dans des lieux de villégiature
sur la côte. Mais la mer est énigmatique et ses mystères
alimentent des peurs, à toutes les époques et le Moyen-Age
a eu peur de la mer.. Horreur de l’inconnu, fascination et/ ou
émerveillement, ces sentiments paradoxaux parcourent
l’histoire des relations des hommes avec la plage et la mer (cf
exposition à la bnf). Zone-frontière fragile qui relie et accorde
deux mondes, la plage est aussi confrontée au possible
surgissement de monstres effrayants8. Les lectures et les
pratiques nouvelles du littoral s’opèrent vers 1750 ; ces changements conduisent au siècle suivant aux premières
stations balnéaires, d’abord en Angleterre, Rien n’est fixé dans les rapports entre l’homme et la mer : une
meilleure connaissance scientifique des fonds marins contribue à modifier le regard ainsi que, de façon plus
générale, l’avènement de nouvelles valeurs liées au développement industriel du XIXème siècle.
De quelle couleur est la mer ? Les difficultés rencontrées pour
déterminer les couleurs dans les textes littéraires antiques, et la tentation de
poser nos propres grilles de lecture du XXIème siècle sur ces phénomènes
passés expliquent les variations des perceptions. La mer n’a pas toujours été
bleue. « C’est la société qui fait la couleur […] pas l’artiste ou le savant ; encore
moins l’appareil biologique de l’être humain ou le spectacle de la nature. »
(Pastoureau, Bleu, Histoire d’une couleur). Les romains « voyaient » le bleu,
bien sûr, mais leur lexique n’en rendait pas compte autrement qu’en effet de
8
Aujourd’hui, une ambivalence analogue existe depuis les tsunamis tragiques : l’individu, sur la plage est
confronté à une réalité qui le dépasse et le laisse démuni.
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matière, d’éclat (et ce d’autant moins que cette couleur est celle des barbares du Nord, peints). Le lexique latin
désignant les couleurs est imprécis et instable, ce qui contribue à des approximations d’analyse. Chez les grecs,
il y a confusion dans l’usage entre le bleu, le gris et le vert. La mer, certains la voient blanche, d’autres verte, ou
encore azurée. Dans les textes bibliques, déjà, l’historien-philologue soucieux de précision doit se montrer très
vigilant : le traducteur latin traduit «riche», par le mot latin «rouge», comme pour «sale», il dit «gris» ou «noir»;
«éclatant» devient «pourpre». Les XIIe et XIIIème siècle vont promouvoir le bleu qui se charge progressivement
de valeurs mystiques, politiques pour devenir une couleur consensuelle, voire une « non-couleur » ?
En classe …
Un travail interdisciplinaire de recherche (Histoire-Géographie / sciences économiques / latin / lettres /
physique / arts plastiques ….) doit pouvoir être envisagé, dans le but de faire émerger la conscience qu’il existe
une histoire « socioculturelle », une histoire des représentations : la représentation de la mer, de la plage a
évolué. Cette activité peut se conduire d’abord à partir d’un corpus d’images : représentations depuis l’Antiquité
(Egypte, Bible, Romains) jusqu’aux œuvres exposées à la Chapelle. Un paysage, de multiples représentations.
Elle peut s’enrichir d’extraits de textes littéraires, et / ou théoriques (Corbin, Pastoureau). Par ailleurs, une
observation comparée et attentive des couleurs de la mer dans les œuvres exposées permettra d’en faire
apparaitre les nuances, le non-réalisme ; à ce titre la comparaison des tableaux de Maurice Denis, Soir de
Septembre (1911), Signac, le phare d’Antibes (1909) et Dufy, Coquillages au bord de la mer (1925) confirme les
propos de Pastoureau : le seul « spectacle de la nature » ne peut expliquer les choix plastiques de l’artiste.
B. La plage : visions de l’homme et du monde – ou comment la représentation de la plage est aussi une
représentation de la société, des rapports humains –
La seule définition de la plage comme territoire « ne suffit pas pour rendre compte de la force de
l’imaginaire, de la complexité des représentations, de la vigueur de l’attrait, qu’elle suscite dans les sociétés
humaines, ni des appropriations territoriales qu’elle engendre. »9 (Jean Rieucau)
Quelques jalons dans l’histoire de la plage aux XIXème et XXème siècle
Les aristocrates français et anglais lancent la mode des bains thérapeutiques au XIXème s., pour les 3
vertus de l’océan : « la froideur, la salinité et la turbulence ». » Ainsi le 3 août 1824, la duchesse de Berry a été
conduite à la mer et « exposée à la vague » par l’inspecteur des bains, le docteur Mourgué »10. Cette mise en
scène est emblématique de ce qui se met en place alors sur les côtes de la Manche et du sud de l’Angleterre où
la pratique hygiéniste des bains de mer contribue au développement de stations balnéaires. Aux bords de la
Manche, s’ajoute, dès le XIXème siècle, un goût pour les bords de la méditerranée, appréciés tant pour les vertus
thérapeutiques de la douceur de l’air (salutaires en hiver pour les affections respiratoires11) que pour le charme
d’un certain mode de vie ; la mode des vacances d’été sur la côte d’Azur est vraiment lancée en 1923 par un
couple de riches américains, les Murphy, à Antibes12. Ces pratiques hédonistes qui concernent d’abord
essentiellement des catégories sociales fortunées et « éclairées », s’élargissent progressivement dans l’entre-
9
http://www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=1329: la plage entre scène sociale et nature « sauvage »
Alain Corbin, Le territoire du vide : l’occident et le désir de rivage
11
Cf Forestier dans Bel –Ami de Maupassant, venu se reposer sur la côte
12
Leur histoire est mise en scène par l’écrivain Scott Fitzgerald, dans Tendre est la nuit.
10
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deux guerres. Avec les congés payés en 1936, un imaginaire collectif des bords de mer, nourri par l’usage, se
met en place, facilité par le développement des trains : la plage s’est rapprochée des villes.
Dans cet espace « entre-deux », des règles de vie se mettent en place, des « codes du vivre ensemble ». Dans
les œuvres exposées, on ne retrouve quasiment pas de paysage saisi pour lui-même : qu’elle soit discrète,
proche ou multiple et lointaine, on peut observer une présence humaine constante.
1. Le désir de plage dans l’entre-deux guerres : la mise en place de nouvelles « valeurs » - l’invention
d’un hédonisme de plein-air -.
Comment inciter un nouveau public à venir à la plage, comment créer un désir qui ne va pas de soi ?
L’étude des 3 affiches pour les « trains de plaisir » à destination de la côte atlantique permet de comprendre « en
creux », ce qui attire. On retrouve dans les 3 affiches, la mise en scène des profondeurs de l’espace : proximité
et lointain d’une destination devenue attirante. Les motifs de plaisir sont de plusieurs ordres : au premier plan,
une présence féminine, figure dynamique et traditionnelle à la fois, et dans le fond, un espace séparé en 2
couleurs complémentaires, une anse arrondie, éclairée et habitée. Les 2 autres affiches sont plus construites,
avec des clins d’œil culturels dans les couleurs et la construction : la mise en abyme de la destination –comme
un tableau- confère à celle-ci un caractère précieux, comme les jeux de lumières et de couleurs. L’étude
comparée des textes permet de voir que l’objet du désir est diversifié. Seule une affiche décline les activités
sportives proposées, les mots se chargeant d’une valeur performative tandis que les 2 autres jouent sur le
pouvoir évocateur des destinations. Ainsi le vacancier peut se laisser séduire par l’idée d’espace ouvert auquel
se confronter, d’un certain exotisme (folklore, couleurs vives, noms propres), et de la possibilité de mobilité
physique : le voyage désiré est aussi intérieur. Le bord de mer d’été est une utopie.
Comment rendre compte du charme de cette expérience nouvelle et partagée de la plage ? Les
usagers réalisent leurs propres images à envoyer (« cartes postales souvenirs »), reporters –photographes de
leurs vacances : le choix des sujets, des mises en scènes est significatif. Les artistes, face à ce nouveau monde
à peindre, rendent aussi visible la séduction des lieux par des choix singuliers. Que retenir de ces fragments de
plage et des prismes sensibles qui les ont traduits ? Les cartes postales et les œuvres des sections 2 (sans les
photographies de Claude Cahun), 4 et 5 peuvent être le corpus d’observation : on retrouve un souci récurrent de
fixer l’infixable d’une espace ouvert, mais aussi ces personnes/personnages qui n’existent que dans ces lieux, et
aussi des corps en mouvement. Domine l’idée de liberté et de lumière, bases d’un nouvel hédonisme.
En classe …
Ces affiches publicitaires sont à aborder comme des textes argumentatifs, dans le but d’en faire
apparaître une thèse (l’image, le rêve, les sensations … à vendre) et d’en analyser l’efficacité des choix
rhétoriques vers un destinataire que l’on a identifié le plus précisément possible. On peut décliner ensuite cette
analyse en publicité audio, vidéo et transposer dans la rhétorique publicitaire de 2013. L’enjeu est de mettre en
place des éléments d’une histoire des représentations, des sensibilités.
Pour arriver à dessiner les contours de cet autre monde qu’est une plage de vacances, il est possible
d’observer à travers une « grille » d’analyse qui permettrait, par la confrontation (cadrage, lumière, couleurs,
présence des personnages dans l’espace, angle de prise de vue …), de formuler « ce qui plait » à la plage.
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Dans une autre perspective, en pendant à ces images d’émancipation, on peut faire des recherches sur
ces mouvements de protestation contre l’exposition des corps déshabillés. Des arrêtés municipaux très stricts
étaient édictés dans certaines communes pour « maitriser » la circulation des corps13.
2. Theatrum mundi : la mise en scène des regards
Sur les plages, une société se (re)constitue avec des règles qui
régissent les relations hommes / femmes, et aussi les règles entre catégories
sociales présentes. Les personnes représentées sont des « héros » anonymes
du quotidien saisis en mouvements (activités sportives) ou dans l’immobilité de
l’inaction estivale, consacrés au seul présent. Ces tableaux montrent des
histoires sans exploits. Et dans ce cadre faussement illimité qu’est une plage entre ville et mer, ou une station
balnéaire, ce qui importe, c’est d’être là, de voir et d’être vu. La plage est une scène, comme le court de tennis ou
la jetée, scène sur laquelle, des corps se posent ou bougent, plus ou moins abandonnés, ou dans la conscience
d’être « en représentation »14. Il y a toute une « grammaire » de postures attendues –que les artistes s’exercent à
saisir sur le vif- dont on pourrait dresser une typologie (en fonction des liens familiaux, des mouvements du
corps…).
Dans cette perspective, l’œuvre Grand Format de Jacqueline Marval, La grande plage à Biarritz (1923)
peut être analysée comme l’expression la plus aboutie de l’avènement de la plage comme scène. En effet, les
personnages féminins au premier plan, regardent la plage en contrebas, comme si le véritable sujet du tableau
était ce regard, mis en valeur par le choix du point de vue, du cadrage, de la lumière. Le spectateur de l’œuvre
contemple les spectatrices de la plage : mise en abyme de la scène, comme une exaltation de corps en
mouvements.
En classe …
L’idée est d’observer- analyser comment les œuvres déclinent l’idée de la scène, en étant attentifs à la
posture adoptée par le spectateur (et l’artiste) : illusion de scène saisie « sur le vif » qui ignore le regard de
celui/celle qui le capte, mise en place dans l’œuvre de plusieurs plans de regards : ainsi dans la section 4, les
artistes mettent en scène le spectacle de la mer (et des bateaux), perçu par des individus le regardant –mise en
abyme-.
Une activité d’écriture peut être mise en place (en relation avec des extraits de Proust proposés en
anthologie). Ecrire « à la manière de Proust » évoquant les jeunes filles vues de sa fenêtre, et/ou inventer des
choix d’écriture pour faire surgir par des mots les personnages/personnes de La grande plage à Biarritz.
Il est aussi possible, en mettant en perspective telle ou telle représentation
de « monstration sociale » peinte, avec des passages de Pierre et Jean de
Maupassant ou les clichés de Flaubert « moqués » dans Le dictionnaire des idées
reçues d’analyser les glissements possibles du réalisme vers une forme de
dérision : le tableau de Bridgman, Le tennis à Dinard (1891) et celui de Dezaunay
Sur la plage (avant 1938) peuvent se prêter à cet exercice de réécriture ironique
13
14
Cf article de Christophe Granger dans le catalogue de l’exposition
Cf Bridgman, Tennis à Dinard 1895
49
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d’un bord de mer qui se donne en spectacle.
Jouer la théâtralité des œuvres. Deux approches possibles. D’un côté, à partir de petites scènes comme
dans les gravures de Laboureur (Le marchand de glaces), on peut s’attacher à reconstituer physiquement à partir
des personnages des œuvres (cartes postales incluses) une typologie de postures caractéristiques de l’univers
de la plage et qui habitent aujourd’hui un imaginaire collectif. D’un autre côté, La grande plage à Biarritz peut
être l’objet d’un travail de « mise en espace » qui fera apparaître les différents plans de composition.
3. Entre nature « sauvage » et espace aménagé, le bord de mer, espace à définir ?
Le rivage est lisière, frontière, espace aux limites mouvantes à cause des marées, espace dont l’identité
semble dépendre de la terre et de la mer qu’il relie et sépare à la fois : d’où le regarder ? Dans l’exposition, rares
sont les œuvres sans traces de présence humaine ; les motifs obligés du phare, du port (avec la jetée,
l’estacade), des bateaux, se déclinent dans nombre d’œuvres, plus ou moins proches dans le cadre. La plage de
l’entre-deux guerres se veut lieu de plaisir et de légèreté. Henri Martin15, Henri Rivière et ses aquarelles
bretonnes, en proposant des paysages « sauvages » de la côte rappellent que le charme du rivage tient aussi à
la proximité de cette nature impossible à « soumettre », les rochers, les vagues. Dans le tableau de Marval,
vagues et baigneurs semblent s’accorder, réduits des couleurs mêlées. Face aux deux « paysages de mer », le
spectateur devient contemplatif d’une nature qui existe sans lui, et peut comprendre ce « désir de rivage16 » qui a
précédé l’invention de la plage.
En classe …
L’individu (l’usager, le spectateur) s’approprie la plage : la mer y apparaît docile, comme apprivoisée
dans un monde construit. Le tableau de Henri Martin apparaît presque étrange dans la mesure où il propose une
autre sorte de plaisir : quelque chose du rivage « échappe » au regard. Une réflexion sur le point de vue et le
cadrage s’impose : en quoi ces choix déterminent-ils un rapport particulier à la plage ? La lecture comparée de 3
œuvres est, à ce titre, enrichissante. L’affiche de Georges Fraipon propose un cadrage romantique (à rapprocher
de Friedrich, avec des personnages perdus dans la contemplation d’une espace de lumière ouvert ) ; à confronter
aux cadrages serrés –familiaux - des cartes postales-souvenirs, ou au choix du regard surplombant et lointain
d’un Albert Marquet (L’été aux Sables d’Olonne), qui, comme W. Van Hasselt et G. de Villers, reconstitue
clairement sur la surface peinte la ligne-frontière entre le monde construit des hommes et celui de la mer, dans
son pouvoir de fascination.
La scénographie invite d’abord à un ailleurs désirable puis, donne progressivement à vivre, par la
contemplation, des formes possibles de réalisation de ce désir -de plage-. Le spectateur du XXIème s. perçoit
ainsi les enjeux de l’invention et l’appropriation collection d’un nouveau loisir dans ce cadre historique donné ; le
recul du temps renforce l’aspect de « parenthèse enchantée » tout en donnant à voir comment notre imaginaire
contemporain de bord de mer nait alors. La plage est familière aujourd’hui, évidente : les « fondamentaux » de
son « usage » sont déjà présents.
C. La plage, un simple répertoire de motifs et de formes à assembler ou un réel défi de représentation ?
– ou comment la plage questionne l’artiste qu’elle inspire …-
15
16
Soir à Collioure
Alain Corbin op.cit.
50
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Peut-on dire que l’avènement historique des bains de mer a inventé un nouveau « genre » de peinture
qui déplace les classifications traditionnelles ? En « allant à la plage » dans les années1920- 1930, l’artiste se
lance le double défi de saisir un espace « naturel » ouvert, sans contours, et en même temps de traduire
l’avènement de « nouveaux corps », plus légers et abandonnés. L’invention de la plage est indissociable de la
« création d’images », images d’artistes et images d’individus dont la première légitimité est d’être « usager » des
lieux. Les œuvres sont des captations d’une réalité inédite et exaltante que l’on « s’approprie » ainsi ; elles sont
aussi des créations singulières qui font vivre au spectateur de 2013 une expérience sensible stimulante. Il est
pertinent de chercher à comprendre cette expérience : quels effets produits ? Quelles caractéristiques plastiques
à l’origine de ces effets ?
L’exposition proposée à la Chapelle de l’Oratoire conduit à interroger le processus de création et de
réception d’une œuvre d’art.
1. Le corps est un motif – du nu à la nudité –
La plage rend visible des corps libres –libérés- mobiles, naturellement éclairés, dans un espace qui les
dépasse, les confronte, les englobe, les met en scène …Les corps féminins ont des lignes, des couleurs, des
courbes … Devant le corps exposé de Diane au bain17, le spectateur est voyeur –protégé- ; il voit ce qu’il ne
devrait pas voir ; devant les corps exposés/exhibés sur la plage, le spectateur apprécie en esthète les variations
formelles, le graphisme des corps de Jacqueline Marval et des gravures de Laboureur, mais la sensualité du
corps sculptural de la Baigneuse de Kvapil, comme celle des mystérieuses baigneuses nues Sur la plage de M.P. Carpentier est troublante, comme l’androgyne Claude Cahun, face à l’objectif. En classe … un travail de
comparaison, d’observation de la « grammaire » d’une galerie d corps est à conduire. Qu’est-ce qui produit la
sensation de présence d’un corps ? Est- cela que recherchent les artistes attirés par la plage ?
2. La plage est un paysage « élémentaire », d’eau, de soleil
et de vent
La plage est le lieu du mouvant, de l’insaisissable ; le
temps des vacances ne dure pas, pas plus que la sensation dense et douce du soleil et de la brise sur la peau.
Peindre la plage est un défi au temps. Des réponses plastiques sont trouvées (à analyser) dans le choix du
support, du format et de la technique (de la photographie en noir et blanc à la juxtaposition de touches de
couleurs …) et aussi dans la construction (cadrage, point de vue, profondeur de champ lignes directrices …). La
plage est un paysage dans lequel le spectateur peut se perdre –ou pas -.
En classe … [le site de la bnf consacré à l’exposition sur la mer propose de nombreux travaux d’écriture
transposables à l’exposition de la Chapelle].
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Peter Lely, 1640
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Exposition Plaisirs de l’eau - dossier d’accompagnement – 22 février > 5 mai 2013
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Pour répondre, par écrit, au défi de saisir ce qui échappe, dans l’euphorie (remémorée, imaginée …)
du temps de la plage, on peut donner comme consigne l’écriture d’une « phrase-paysage » au format carte
postale. Ainsi Julien Gracq écrit :
« mince lisière de maisons, qui tourne le dos à la terre, cet arc parfait rangé
autour de grandes vagues et où l'on ne peut s'empêcher d'imaginer la mer forcément plus sonore – ce brouhaha
oscillant des marées qui tantôt fait fourmiller la plage et tantôt la vide »
Il est aussi intéressant de rédiger de petites narrations à partir des images en noir et blanc construites à
Jersey par Claude Cahun pour « répondre » à l’intention de leur auteur. Le support video choisi par Isaac Julien
pour créer un univers flamboyant, peut conduire à l’invention d’une écriture narrative ou poétique suggestive.
3. La plage est un rêve
« Représenter la plage » passe aussi par d’autres voies que celle de la référence à un paysage précis,
un lieu (cf les nombreux noms propres), une expérience - approche qui donne par ailleurs aux œuvres
présentées un indéniable intérêt « documentaire » -. Les « motifs » obligés évoqués ci-dessus, nourrissent aussi
l’imagination créatrice d’artistes dont la démarche est d’abord plus « intérieure ». On sait la valeur accordée au
rêve, à sa force de vérité, par les artistes surréalistes. Yves Tanguy et Pierre Roy installent dans leurs toiles,
chacun à sa manière, cette surréalité dont la logique d’organisation relève d’une autre cohérence que rationnelle.
On retrouve là des motifs associés à la mer. La présence de 3 œuvres de Pierre Roy permet d’en approcher un
peu la cohérence stylistique, en particulier la recherche sur les illusions de perception. La plage y est
métonymique, fragmentée, suggérée, nécessitant de la part du spectateur, une construction mentale ou un
simple abandon à l’évidence d’un univers onirique qui se donne comme tel.
En classe … des « cadavres exquis » ou d’autres jeux d’écriture surréalistes qui font la part belle au
rêve et au hasard peuvent être une manière de lancer ou de prolonger la visite de la plage exposée.
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Quelques références bibliographiques et sitographiques pour préciser et enrichir la réflexion
Textes littéraires –librement évoqués, sans aucun souci d’exhaustivité « Et la brise du soir, en mourant sur la plage,
Me rapportait tes chants prolongés sur les flots, » Lamartine
-
Balzac, Un drame au bord de la mer (1834) in Etudes philosophiques La comédie humaine
Baudelaire
Italo Calvino, Palomar « le sein nu » Ecriture légère et « distante » d’une scène de séduction sur la plage –
Albert Camus, L’étranger (Le récit du meurtre sur la plage accablée de soleil). Noces Une approche sensible
de la plage « sous le soleil exactement ».
Colette, Le blé en herbe (1923)
Scoot Firzgerald, Tendre est la nuit (1934) « l’invention de la côte d’Azur en 1923 »
http://voyages.liberation.fr/grandes-destinations/l-039-invention-de-la-cote-d-039-azur
Flaubert et la mer, petite anthologie d’extraits : http://bludimare.pagesperso-orange.fr/flaubert.htm
Julien Gracq, Un beau ténébreux (1945)
Hemingway, Le vieil homme et la mer (1952) – le récit d’une pêche extraordinaire, d’une confrontation entre
un homme et un espadon –
Victor Hugo, Les travailleurs de la mer
Maylis de Kerangal, Corniche Kennedy (2008) – Marseille ; ou comment des adolescents se confrontent à
l’horizon de la mer-.
Maupassant, Pierre et Jean (1888) « En mer » ; « Première neige »
Michelet, La Mer (1861)
Marcel Proust, À l'ombre des jeunes filles en fleurs
Quelques essais, textes théoriques, sites stimulants
-
-
Catalogue de l’exposition
http://www.cabourg.net/spip.php?rubrique45 Cabourg et Proust
Alain Corbin, Le territoire du vide L’occident et le désir de rivage 1750 – 1840 (1988)
Pastoureau, Bleu. Histoire d’une couleur Le Seuil 2000
http://www.histoire-image.org/site/etude_comp/etude_comp_detail.php?i=296 : les plaisirs de la plage au
XIXème siècle
http://www.culture.gouv.fr/documentation/joconde/fr/decouvrir/zoom/zoom-vague.htm : la vague. Evolution
des perceptions.
http://expositions.bnf.fr/lamer/index.htm : dossier présenté sur le thème de la mer à la bnf à l’occasion de
l’exposition « la mer, terreur et fascination ». Un atelier d’écriture au long cours y a été mené par François
Bon : « écrire la mer ». Cet atelier est tout à fait transposable en classe.
http://www.cnrtl.fr/definition/Plage# : Centre national de ressources textuelles et lexicales (définitions)
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Esquisse d’anthologie : écrire la plage
-
Gustave Flaubert, Voyage aux Pyrénées et en Corse (Extraits)
« La mer »
La mer était calme, le soleil, donnant dessus, éclairait son azur qui paraissait plus limpide encore;
ses rayons faisaient tout autour des rochers à fleur comme des couronnes de diamant qui les auraient
entourés; elles brillaient plus vives et plus scintillantes que les étoiles. La mer a un parfum plus suave que
les roses, nous la humions avec délices; nous aspirions en nous le soleil, la brise marine, la vue de
l'horizon, l'odeur des myrtes, car il est des jours heureux où l'âme aussi est ouverte au soleil comme la
campagne et, comme elle, embaume de fleurs cachées que la suprême beauté y fait éclore. On se pénètre
de rayons, d'air pur, de pensées suaves et intraduisibles; tout en vous palpite de joie et bat des ailes avec les
éléments, on s'y attache, on respire avec eux, l'essence de la nature animée semble passée en vous dans un
hymen exquis, vous souriez au bruit du vent qui fait remuer la cime des arbres, au murmure du flot sur la
grève; vous courez sur les mers avec la brise, quelque chose d'éthéré, de grand, de tendre plane dans la
lumière même du soleil et se perd dans une immensité radieuse comme les vapeurs rosées du matin qui
remontent vers le ciel.
« La mer tyrrhénienne »
Enfin nous parvînmes, vers le soir, sur le plateau. Nous voyions à nos côtés toutes les vallées et toutes
les montagnes qui s'abaissaient en descendant vers la mer; les ondulations des coteaux avaient des couleurs
diversement nuancées suivant qu'ils étaient couverts de maquis, de châtaigniers, de pins, de chênes-lièges
ou de prairies; en face de nous et dans un horizon de plus de trente lieues, s'étendait la mer Tyrrhénienne,
comprenant l'île d'Elbe, Sainte-Christine, les îles Caprera, un coin de la Sardaigne; à nos pieds s'étendait la
plaine d'Aléria, immense et blanche comme une vue de l'Orient, où allaient se rendre toutes les vallées qui
partaient en divergeant du centre où nous étions; et là, en face, au fond de cette mer bleue où les rayons de
soleil tracent sur les flots de grandes lignes qui scintillent, c'est la Romagne, c'est l'Italie ! On ne saurait dire
ce qui se passe en vous à de pareils spectacles; je suis resté une demi-heure sans remuer, et regardant
comme un idiot la grande ligne blanche qui s'étendait à l'horizon.
« Dialogue romantique entre Emma et Léon », Madame Bovary
« Avez-vous du moins quelques Promenades dans les environs ? continuait madame Bovary
parlant au jeune homme.
— Oh ! fort peu, répondit-il. Il y a un endroit que l’on nomme la Pâture, sur le haut de la côte, à
la lisière de la forêt. Quelquefois, le dimanche, je vais là, et j’y reste avec un livre, à regarder le
soleil couchant.
— Je ne trouve rien d’admirable comme les soleils couchants, reprit-elle, mais au bord de la mer,
surtout.
— Oh ! j’adore la mer, dit M. Léon.
— Et puis ne vous semble-t-il pas, répliqua madame Bovary, que l’esprit vogue plus librement sur
cette étendue sans limites, dont la contemplation vous élève l’âme et donne des idées d’infini,
d’idéal ?
— Il en est de même des paysages de montagnes, reprit Léon. J’ai un cousin qui a voyagé en
Suisse l’année dernière, et qui me disait qu’on ne peut se figurer la poésie des lacs, le charme des
cascades, l’effet gigantesque des glaciers. »
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Exposition Plaisirs de l’eau - dossier d’accompagnement – 22 février > 5 mai 2013
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-
Julien Gracq, Un beau ténébreux (1945)
Ce matin promenade à pied à Kérantec. Les abords de la jetée du petit port très déserts, la plage
qui s'étend à gauche toute vide, bordée de dunes couvertes de joncs desséchés. Il y avait gros temps
au large, un ciel bas et gris, de fortes lames plombées qui cataractaient sur la plage. Mais entre les
jetées étonnait le silence de ces hautes ondulations contre les parois de pierre : de grosses langues
pressées et rudes, mais agiles, inquiétantes, sautaient brusques comme une langue de fourmilier
lorsque, sans crier gare, elles atteignaient le niveau de la digue et éclataient à l'air libre en gerbe glacée.
Accoudé à ma fenêtre, cet après-midi, je prenais pour la première fois conscience de ce qu'il y a
d'extraordinairement théâtral dans le décor de cette plage. Cette mince lisière de maisons, qui tourne
le dos à la terre, cet arc parfait rangé autour de grandes vagues et où l'on ne peut s'empêcher
d'imaginer la mer forcément plus sonore – ce brouhaha oscillant des marées qui tantôt fait fourmiller
la plage et tantôt la vide. Et puis il y a cette optique particulière : comme au théâtre, tout est fait pour
que de chaque point on puisse voir partout autour.
Vers le soir, je suis parti pour une promenade au-delà du phare de la Torche. Le phare passé,
soudain toute vie cesse, et s'étend un grand arc de plage bordé de dunes, un paysage complètement
nu, d'un vide oppressant, tout tressaillant du tonnerre des grands rouleaux de vague sur le sable
désœuvré. Sous le ciel gris, entre les vagues marines et les vagues de sable, c'était comme une
chaussée de plain-pied au péril de la mer, le cercle enchanté d'un atoll, un instantané, sous une
lumière de soufre, le passage de la Mer Rouge.
-
Maupassant, Pierre et Jean (1888) « La plage de Trouville » (extraits du chapitre V)
« De loin, elle avait l’air d’un long jardin plein de fleurs éclatantes. Sur la grande dune de sable jaune,
depuis la jetée jusqu’aux Roches Noires, les ombrelles de toutes les couleurs, les chapeaux de toutes
les formes, les toilettes de toutes les nuances, par groupes devant les cabines, par lignes le long du
flot ou dispersées ça et là, ressemblaient vraiment à des bouquets énormes dans une prairie
démesurée. » (p.104)
« La coquetterie enfin étalée sur cette plage lui apparaissaient soudain comme une immense
floraison de la perversité féminine. » (105)
« Cette vaste plage n’était donc qu’une halle d’amour où les unes se vendaient, les autres se
donnaient, celles-ci marchandaient leurs caresses et celles-là se promenaient seulement. » (105)
« La mer montait, chassant peu à peu vers la ville les premières lignes des baigneurs. On voyait les
groupes se lever vivement et fuir, en emportant leurs sièges, devant le flot jaune qui s’en venait
frangé d’une petite dentelle d’écume. […] c’était maintenant une coulée continue, épaisse et lente, de
foule élégante, formant deux courants contraires qui se coudoyaient et se mêlaient. » (106)
Marcel Proust, À l'ombre des jeunes filles en fleurs
Dans un tableau pris de Balbec par une torride journée d'été un rentrant de la mer semblait enfermé
dans des murailles de granit rose, n'être pas la mer, laquelle commençait plus loin. La continuité de l'océan
n'était suggérée que par des mouettes qui, tournoyant sur ce qui semblait au spectateur de la pierre,
humaient au contraire l'humidité du flot. D'autres lois se dégageaient de cette même toile comme, au pied
des immenses falaises, la grâce lilliputienne des voiles blanches sur le miroir bleu où elles semblaient des
papillons endormis, et certains contrastes entre la profondeur des ombres et la pâleur de la lumière. (…)
Le lendemain matin, après qu’un domestique fut venu m’éveiller et m’apporter de l’eau chaude, quelle
joie, pensant déjà au plaisir du déjeuner et de la promenade, de voir dans la fenêtre et dans toutes les
vitrines des bibliothèques, comme dans les hublots d’une cabine de navire, la mer nue, sans ombrages et
pourtant à l’ombre sur une moitié de son étendue que délimitait une ligne mince et mobile, et de suivre
des yeux les flots qui s’élançaient l’un après l’autre comme des sauteurs sur un tremplin !… Je retournais
près de la fenêtre jeter encore un regard sur ce vaste cirque éblouissant et montagneux et sur les sommets
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neigeux de ses vagues en pierre d’émeraude ça et là polie et translucide, lesquelles avec une placide
violence et un froncement léonin laissaient s’accomplir et dévaler l’écroulement de leurs pentes auxquelles
le soleil ajoutait un sourire sans visage. Fenêtre à laquelle je devais ensuite me mettre chaque matin comme
au carreau d’une diligence dans laquelle on a dormi, pour voir si pendant la nuit s’est rapprochée ou
éloignée une chaîne désirée - ici ces collines de la mer qui avant de revenir vers nous en dansant, peuvent
reculer si loin que souvent ce n’était qu’après une longue plaine sablonneuse que j’apercevais à une grande
distance leurs premières ondulations, dans un lointain transparent, vaporeux et bleuâtre comme ces
glaciers qu’on voit au fond des tableaux des primitifs toscans. D’autres fois c’était tout près de moi que le
soleil riait sur ces flots d’un vert aussi tendre que celui que conserve aux prairies alpestres moins l’humidité
du sol que la liquide mobilité de la lumière.
Quand le matin, le soleil venait de derrière l’hôtel, découvrant devant moi les grèves illuminées
jusqu’aux premiers contreforts de la mer, il semblait m’en montrer un autre versant et m’engager à
poursuivre, sur la route tournante de ses rayons, un voyage immobile et varié à travers les plus beaux sites
du paysage accidenté des heures. Et dès ce premier matin le soleil me désignait au loin d’un doigt souriant
ces cimes bleues de la mer qui n’ont de nom sur aucune carte géographique, jusqu’à ce qu’étourdi de sa
sublime promenade à la surface retentissante et chaotique de leurs crêtes et de leurs avalanches, il vînt se
mettre à l’abri du vent dans ma chambre.
-
Pierre Loti, Le livre du chagrin et de la pitié
« À la fin de septembre, nous sommes au Croisic, sur le port encombré de barques de pêche. Devant
nous, l'eau marine a ce bleu plus intense qu'elle prend toujours dans les endroits où, sous l'influence de
certains courants, elle est salée et chaude. Et là-bas, au-delà des premières bandes bleues, un vieux chalet à
donjon, blanchi de frais, se dresse complètement isolé, sur des sables qui paraissent être une île ; ce chalet
est Pen-Bron ; mais jamais hôpital n'eut moins l'air d'en être un ; on a même grand-peine à se figurer que
cette gaie habitation de plein vent puisse renfermer tant de pauvres choses sinistres, tant de variétés
excessives et rares d'un mal horrible. »
-
Francis Ponge, Le parti pris des choses (1942) « Bords de mer »
La mer jusqu'à l'approche de ses limites est une chose simple qui se répète flot par flot. Mais les
choses les plus simples dans la nature ne s'abordent pas sans y mettre beaucoup de formes, faire beaucoup
de façons, les choses les plus épaisses sans subir quelque amenuisement. C'est pourquoi l'homme, et par
rancune aussi contre leur immensité qui l'assomme, se précipite aux bords ou à l'intersection des grandes
choses pour les définir. Car la raison au sein de l'uniforme dangereusement ballotte et se raréfie : un esprit
en mal de notions doit d'abord s'approvisionner d'apparences.
Tandis que l'air même tracassé soit par les variations de sa température ou par un tragique besoin
d'influence et d'informations par lui-même sur chaque chose ne feuillette pourtant et corne que
superficiellement le volumineux tome marin, l'autre élément plus stable qui nous supporte y plonge
obliquement jusqu'à leur garde rocheuse de larges couteaux terreux qui séjournent dans l'épaisseur. Parfois
à la rencontre d'un muscle énergique une lame ressort peu à peu : c'est ce qu'on appelle une plage.
Dépaysée à l'air libre, mais repoussée par les profondeurs quoique jusqu'à un certain point
familiarisée avec elles, cette portion de l'étendue s'allonge entre les deux plus ou moins fauve et stérile, et
ne supporte ordinairement qu'un trésor de débris inlassablement polis et ramassés par le destructeur.
Un concert élémentaire, par sa discrétion plus délicieux et sujet à réflexion, est accordé là depuis
l'éternité pour personne : depuis sa formation par l'opération sur une platitude sans bornes de l'esprit
d'insistance qui souffle parfois des cieux, le flot venu de loin sans heurts et sans reproche enfin pour la
première fois trouve à qui parler. Mais une seule et brève parole est confiée aux cailloux et aux coquillages,
qui s'en montrent assez remués, et il expire en la proférant ; et tous ceux qui suivent expireront aussi en
proférant la pareille, parfois par temps à peine un peu plus fort clamée. Chacun par-dessus l'autre parvenu
à l'orchestre se hausse un peu le col, se découvre, et se nomme à qui il fut adressé. Mille homonymes
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seigneurs ainsi sont admis le même jour à la présentation par la mer prolixe et prolifique en offres labiales
à chacun de ses bords.
Aussi bien sur votre forum, ô galets, n'est-ce pas, pour une harangue grossière, quelque paysan du
Danube qui vient se faire entendre : mais le Danube lui-même, mêlé à tous les autres fleuves du monde
après avoir perdu leur sens et leur prétention, et profondément réservés dans une désillusion amère
seulement au goût de qui aurait à conscience d'en apprécier par absorption la qualité la plus secrète, la
saveur.
C'est en effet, après l'anarchie des fleuves, à leur relâchement dans le profond et copieusement
habité lieu commun de la matière liquide, que l'on a donné le nom de mer. Voilà pourquoi à ses propres
bords celle-ci semblera toujours absente : profitant de l'éloignement réciproque qui leur interdit de
communiquer entre eux sinon à travers elle ou par des grands détours, elle laisse sans doute croire à
chacun d'eux qu'elle se dirige spécialement vers lui. En réalité, polie avec tout le monde, et plus que polie :
capable pour chacun d'eux de tous les emportements, de toutes les convictions successives, elle garde au
fond de sa cuvette à demeure son infinie possession de courants. Elle ne sort jamais de ses bornes qu'un
peu, met elle-même un frein à la fureur des flots, et comme la méduse qu'elle abandonne aux pêcheurs pour
image réduite ou échantillon d'elle-même, fait seulement une révérence extatique par tous ses bords.
Ainsi en est-il de l'antique robe de Neptune, cet amoncellement pseudo-organique de voiles sur
les trois quarts du monde uniment répandus. Ni par l'aveugle poignard des roches, ni par la plus creusante
tempête tournant des paquets de feuilles à la fois, ni par l’œil attentif de l'homme employé avec peine et
d'ailleurs sans contrôle dans un milieu interdit aux orifices débouchés des autres sens et qu'un bras plongé
pour saisir trouble plus encore, ce livre au fond n'a été lu.
-
Raymond Roussel, "À vue" (…)
Je tiens le porte-plume assez horizontal
Avec trois doigts par son armature en métal
Qui me donne au contact une impression fraîche ;
Mon œil gauche fermé complètement m'empêche
De me préoccuper ailleurs, d'être distrait
Par un autre spectacle, par un autre attrait
Survenant au dehors et vus par la fenêtre
Entr'ouverte devant moi.
2
Sur la plage, un enfant est près du bord ; il lance
Avec rapidité, presque avec violence
Un mauvais bout de bois venant d'on ne sait d'où ;
Un chien que le plaisir, l'attente rendent fou,
Devançant son jouet, part et se précipite
Vers la mer ; justement le morceau de bois quitte
A l'instant même la main droite de l'enfant ;
C'est un mince fragment de planche qui se fend
Dans un bout ; refermée étroitement, la fente
Se courbe [...]
Dans les airs, des mouettes
Dessinent sur le ciel ou sur l'eau leurs silhouettes ;
Une, modeste en son essor, vole très bas
Restant presque sur place et ne s'élançant pas ;
Plus haut, une autre avec les ailes immobiles
Plane, semblant tracer des courbes inutiles,
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Uniquement pour son plaisir, par simple jeu,
Comme cherchant à faire effet sur le ciel bleu ;
Une, plus délurée, ardente et plus petite
Bat des ailes de tout son pouvoir, fort et vite
Et monte en droite ligne, ayant l'intention
De continuer très haut son ascension.
3
A gauche un jeune couple
Examine la mer ; l'homme de son bras droit
Tient la femme par la taille ; son second doigt
S'écarte largement des autres, se sépare,
Se détachant beaucoup sur l'étoffe qu'il barre ;
Les deux amoureux sont calmes, contemplatifs,
[...] Devant eux, plus à gauche, une vague déferle
Et recouvre les pas aux trois quarts effacés
De deux enfants jouant ensemble, déchaussés,
Sur la surface du sable enfonçant, humide ;
[...] En l'air un cerf-volant marche à souhait ; il plane
En oscillant, instable, inquiet et campé
Vers le silence, assez haut ; il est découpé
En forme de ballon sans passagers, et flotte
Soutenu par le vent rapide qui le frotte ;
[...] Au loin, perdu parmi les vagues, un pêcheur
Est tout seul dans sa barque ; à son mât une voile
Flotte, abîmée et sans éclat, en grosse toile ;
Le bateau toujours en mouvement penche un peu,
L'arrière se trouvant soulevé par la crête
D'une vague déjà fugace, déjà prête
A suivre sans obstacle et sans bruit son chemin.
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Crédits photographiques
© Château des Ducs de Bretagne - Musée d’Histoire de Nantes : p. 8, p.37 (1)
© Paris, Réunion des musées nationaux - Photographie : G. Blot : p. 22 (1), p. 24, p. 25, p.27
© Les Sables d’Olonne, Musée de l’abbaye de Saint-Croix - Photographie : J. Boulissière : p. 7, p.19 (1), p. 27
© Les Sables d’Olonne, Musée de l’abbaye de Saint-Croix - Photographie : H. Maertens : p. 15 (1), p. 20, p.27
© Ville de Nantes - Musée des Beaux-Arts - Photographie : P. Betton : p. 4, p.51
© Ville de Nantes - Musée des Beaux-Arts - Photographie : C. Clos : p.3, p.6, p. 9, p.10 (1), p.11, p. 12, p.13, p.14 (1), p.18,
p.21, p.23 (1), p.29, p.34, p.35 (2), p.36 (1 et 3), p.37 (2), p.38, p.43, p.51
© Ville de Nantes - Musée des Beaux-Arts - Photographie : A. Guillard : p.5, p. 10 (2), p.14 (2), p.15 (2), p.16 (1), p.17, p.19 (2),
p.22 (2), p.23 (2), p. 27, p.28, p.33, p.36 (2), p.38, p.51
© Ville de Nantes - Musée des Beaux-Arts - Photographie : T. Richard : p. 22 (2)
© Philippe Cognée : p.16 (2), p.27, p.37, p.38
© Isaac Julien
© Marc Desgrandchamps
© ADAGP, Paris, 2013
Tous droits réservés
Table des matières
Point info
p.1
Introduction
Section 1. Vivent les vacances !
Section 2. Au fil de l’eau
Section 3. Sous le soleil exactement
Section 4. Du bain à la baignade
Section 5. Prendre la mer
p.2
p.3
p.9
p.13
p.17
p.21
Pistes pédagogiques 1er degré arts visuels – histoire des arts
Pistes pédagogiques 2nd degré arts plastiques
Pistes pédagogiques 2nd degré arts lettres
p.26
p.33
p.43
Crédits photographiques
p.59
59
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