Allergies aux antibiotiques Allergy to antibiotics

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Allergies aux antibiotiques Allergy to antibiotics
Revue française d’allergologie et d’immunologie clinique 44 (2004) 671–673
http://france.elsevier.com/direct/REVCLI/
JPA 2004 : ateliers de l’Anaforcal
Allergies aux antibiotiques
Allergy to antibiotics
Reçu le 16 septembre 2004 ; accepté le 23 septembre 2004
Mots clés : Allergies médicamenteuses ; Allergie aux antibiotiques ; Bêtalactamines ; Macrolides
Keywords: Drug allergies; Allergies to antibiotics; Betalactamines; Macrolides
P. Demoly (Expert universitaire)
D. Giamarchi (Expert Anaforcal)
M. Epstein (Organisateur–Animateur)
Y. El Gueddari (Rapporteur)
• cas particulier de la mucoviscidose et tests cutanés médicamenteux ;
• nouveautés dans les toxidermies médicamenteuses et les
allergies aux antibiotiques autres que les bêtalactamines.
Nous avons travaillé sur des cas cliniques répartis en
quatre groupes différents.
1. Objectifs
• Énumérer les classes d’antibiotiques pour lesquelles les
différents tests cutanés — prick-tests, intradermoréactions (IDR) et patch-tests — sont validés.
• Lister et interpréter les examens biologiques pertinents en
cas de réaction adverse aux antibiotiques.
• Citer les situations où demander un test de provocation et
interpréter son résultat.
• Lister les conseils destinés au patient et au décours du
bilan.
2. Matériel et méthodes
Vingt et un médecins ont participé à cet atelier. Ils étaient
en majorité des allergologues, hospitaliers ou de ville, dont
six exclusifs, quatre pneumoallergologues, trois pédiatres–
allergologues, deux dermatologues, deux ORL, un anesthésiste–allergologue, un pédiatre, un pneumologue, un biologiste. Ils sont venus de différentes régions de France, de
Belgique, d’Algérie et du Maroc.
Les attentes des participants s’articulaient autour du diagnostic pratique de l’allergie aux antibiotiques :
• valeur des tests biologiques (IgE) et des tests épicutanés
en termes de sensibilité, de spécificité ;
• protocoles utilisés ;
0335-7457/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.allerg.2004.09.010
3. Discussion
3.1. Exposé de l’expert universitaire
À signaler tout d’abord qu’en matière d’allergies médicamenteuses les travaux les plus importants à ce jour sont
européens, dont le groupe ENDA (European Network for
Drug Allergy) piloté par P. Demoly. Le groupe s’intéresse
actuellement aux produits de contraste iodés et à la cytométrie en flux.
Avant d’aborder les investigations, l’expert a fait un bref
exposé oral sur la question indiquant l’importance de la
clinique pour toute démarche diagnostique en cas de suspicion d’une allergie aux antibiotiques [1–4].
Quelques principes doivent être posés.
3.1.1. Le délai d’apparition des symptômes est important
La classification de Lévine (voir rapport sur les AINS)
commence à dater ; il ne faut incriminer un médicament que
dans la mesure où il est encore présent dans l’organisme.
3.1.2. Après un cas d’accident grave
Il faut contre-indiquer tous les médicaments suspects ainsi
que ceux de la même classe jusqu’à l’exploration. Le prurit
palmoplantaire est un signe de gravité
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3.1.3. Les seuls tests validés, standardisés et codifiés
concernent les bêtalactamines
Les autres familles d’antibiotiques posent des problèmes
spécifiques à chaque famille.
3.1.4. Pour toute information sur les protocoles, tests
cutanés (etc.) consulter www.sfaic.com rubrique Allergies
Médicamenteuses
Elle détaille les travaux de la commission médicaments de
la SFAIC (groupe TRAM ou groupe de travail sur l’allergie
médicamenteuse) [1–4].
Annick Barbaud (Nancy) conseille de réaliser les patchs à
30 % dans la vaseline pour tous les médicaments avec lecture
à 20 minutes, 48 heures, 72 (ou 96) h et au 7e jour.
Certains confrères sont tentés de faire des patch-tests pour
des réactions de type I. La réponse de l’expert universitaire
est très réservée : il fait signer des consentements éclairés
pour les patch-tests car les patients restent 48 heures avec
leur médicament sur la peau du dos sans surveillance. Il ne
fait rien signer pour les IDR, les patients restent à portée de
main en cas d’accident.
3.3. Tests de provocation
3.2. Investigations biologiques, tests cutanés
Elles sont à réaliser quatre à six semaines après la réaction
pour les prick-tests et IDR, six à dix semaines après la
réaction pour les patch-tests avec interdiction des bêtabloquants dans tous les cas.
3.2.1. Dosage des IgE sériques spécifiques
Quand il est positif, il ne permet pas de porter le diagnostic
d’allergie au médicament. Quand il est négatif, il ne faut pas
éliminer la responsabilité du médicament. Il faut confronter
les résultats avec l’histoire clinique. Les IgE spécifiques
reconnaissent des formes dans l’espace. Dans le cas des
bêtalactamines, elles reconnaissent schématiquement pour
un tiers le noyau bêtalactame, pour un autre tiers la chaîne
latérale et, pour le dernier tiers, la totalité de la molécule. Les
tests de libération des leucotriènes, cytométrie en flux sont
en cours d’évaluation.
3.2.2. Pricks-tests et IDR
La valeur prédictive des prick-tests est bonne pour les
pénicillines (70 %), plus variable pour les autres classes.
Dans les réactions non immédiates, ces tests ont une
meilleure sensibilité par rapport aux patchs tests, mais une
faible spécificité. Ils ne sont pas fiables pour les autres
familles, macrolides et fluoroquinolones notamment. Les
prick-tests sont réalisés au 1/10e en cas d’accident grave,
sinon en solution pure.
Ils ne doivent être réalisés que dans la mesure où ils
peuvent rendre service aux patients. Pour des classes importantes de médicaments tel que les bêtalactamines ou les
anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), dans de rares
indications pour les sulfamides (VIH) et les quinolones (infections urinaires récidivantes chez la femme). Ils sont indiqués pour confirmer ou infirmer la responsabilité d’un médicament suspect ou pour trouver une alternative dans une
même famille. Ils seront toujours réalisés en milieu hospitalier sous stricte surveillance médicale.
En général, on donne 0,1 mg–10 mg–50 mg–100 mg–
250 mg–500 mg–1000 mg ou dose thérapeutique à 30 minutes d’intervalle pour les amoxicillines.
Les habitudes diffèrent d’un centre à l’autre. À Nancy, on
teste uniquement le médicament suspect, si le bilan cutané
est positif ou négatif (prick + IDR ou patch), on passe
directement à la solution alternative par un TPO. En revanche, à Montpellier, on teste la molécule suspectée quand le
bilan cutané est négatif. En cas d’allergie prouvée au noyau
bêtalactame, on fait un TPO au cefuroxime.
En dehors des différences de structure des bêtalactames, il
existe un polymorphisme extrêmement variable d’un patient
à un autre concernant les IgE ou les récepteurs T impliqués
dans la réaction allergique aux bêtalactamines, ceci explique
les rares allergies croisées observées entre amoxicillines et
céphalosporines.
3.4. Réactions retardées
3.2.3. IDR
On commence au 1/1000e, 1/100, 1/10, puis la solution
pure (concentration proche des CMI = 20–25 mg/ml). La
règle impose de tester ces différentes concentrations les unes
après les autres à 30 minutes d’intervalle. Les IDR sont
réalisées en cas de négativité des prick-tests. Elles sont fiables pour les bêtalactamines, mais non validés pour les autres
familles d’antibiotiques. Les accidents sévères de type choc
liés aux tests cutanés sont estimés à 10 %, IDR comprises.
Beaucoup de questions à ce sujet, notamment au décours
d’un traitement par amoxicillines administrées à des enfants,
qui font des réactions de type urticaire au 3e,4e ou 5e jour du
traitement d’une angine banale. Dans ces cas, il faut tout
d’abord préciser le délai entre la dernière prise du médicament et l’apparition de l’urticaire afin de déterminer si on est
dans un mécanisme IgE-dépendant ou pas. Dans la majorité
des cas, il ne s’agit pas d’une réaction IgE dépendante, mais
plutôt une réaction adverse liée à la lutte contre l’infection.
3.2.3.1. Patchs-tests. Ils explorent les réactions retardées de
type IV : éczema, éruptions maculopapuleuses, érythème
pigmenté fixe etc. Leur sensibilité est faible, en revanche leur
spécificité est excellente dans la mesure où tous les TPO faits
après patch-tests positifs, se sont révélés positifs.
3.5. Autres familles d’antibiotiques
3.5.1. Macrolides
Pour les macrolides, théoriquement il n’y aurait pas d’allergies croisées, mais il y a très peu de données dans la
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littérature. Les éleveurs de volailles utilisent les macrolides,
spiramicine surtout, et certains auteurs suggèrent la possibilité d’une sensibilisation vis-à-vis de ces antibiotiques lors de
l’ingestion de viande de volaille. Selon les formes cliniques,
les tests cutanés ne sont pas fiables. On fait des TPO d’emblée avec le macrolide suspecté ou à la recherche d’une
alternative avec une autre sous classe.
3.5.2. Sulfamides
C’est une très grande famille regroupant les thiazidiques
hypoglycémiants, les diurétiques, les antibactériens classiques, antiseptiques urinaires et intestinaux. Il n’y a pas d’allergies croisées entre ces différentes familles. Quand il y a
des indications telles que les infections opportunistes chez le
sujet VIH, on propose souvent d’emblée une induction de
tolérance.
3.5.3. Quinolones
Les quinolones sont des médicaments souvent histaminolibérateurs. Ils croisent entre eux et avec les quinoléiques
(antipaludéens de synthèse). Ils sont très utilisés en pisciculture. Le TPO est proposé d’emblée en cas d’indications.
3.5.4. Antituberculeux
La rifampicine est très pourvoyeuse d’allergie, mais tous
les antituberculeux peuvent donner lieu à des réactions, le
pyrazinamide, l’isoniazide, la streptomycine, le rifina.
Lorsqu’il n’y a pas d’autre possibilité, il faut réintroduire un
à un les antibacillaires sauf la rifampicine qu’on garde en
dernier. Les plus grandes publications de protocoles d’accoutumance émanent des auteurs du Maghreb où la tuberculose
sévit encore à l’état endémique. La réintroduction doit se
faire à l’hôpital en utilisant les protocoles publiés.
3.6. Conseils aux patients
Quelques propositions :
• en cas d’accident grave, il faut tout arrêter ;
• un diagnostic précis doit être posé, distinguer une allergie
vraie d’une pseudoallergie ;
• ne pas donner systématiquement des cartes d’allergies aux
faux allergiques.
Les allergènes médicamenteux n’étant pas ubiquitaires,
on ne conseille pas de trousse d’urgence. Il faut cependant se
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rappeler que certains antibiotiques peuvent se cacher dans
nos assiettes, pénicillines pour les bovins, spiramicine pour
la viande de volaille, et quinolones pour les poissons de
pisciculture.
Un appel est adressé à tous les praticiens pour simplifier
les prescriptions car l’augmentation des accidents pseudoallergiques (aux antibiotiques en particulier et à tous les médicaments en général) est observée par les allergologues. Une
sensibilisation des patients et de l’opinion publique sur la
surconsommation des médicaments, est-elle aussi nécessaire.
4. Conclusions
Les antibiotiques constituent avec les AINS les familles de
médicaments les plus prescrits, ils représentent de ce fait la
très grande majorité des motifs de consultation pour allergie
médicamenteuse. La part de l’allergie vraie pour ces deux
familles est faible par rapport aux pseudoallergies. Elle est de
5 % pour les AINS, 10 % pour les antibiotiques.
La démarche diagnostique actuelle repose sur l’anamnèse
clinique qui sera suivie de prick-tests et éventuellement IDR
puis TPO pour les allergies de type I ; des tests épicutanés
dans les réactions retardées de type IV.
Cet atelier s’est caractérisé par une forte et intéressante
inter-activité. Les participants ont pu constater la place grandissante de ce chapitre de l’allergologie dans notre pratique
quotidienne et les limites de notre action. Les imperfections
du diagnostic biologique de l’allergie aux médicaments sont
liées à la complexité de l’épitope dans la structure du médicament et aux polymorphismes individuels dans la réaction
allergique. La maîtrise de ces deux facteurs donnera à l’avenir des moyens de diagnostic très performants.
Références
[1]
[2]
[3]
[4]
Demoly P, Bencherioua AM, Kvedariene V, et al. Diagnostic des
allergies médicamenteuses : questionnaire européen. Rev Fr Allergol
Immunol Clin 2000;40:494–9.
Demoly P, Benahmed S, Valembois M, et al. L’allergie aux macrolides : revues de la littérature. Presse Méd 2000;29:321–6.
Ponvert C. Les réactions allergiques aux médicaments anti-infectieux
courants. Rev Fr Allergol Immunol Clin 1999;6:455–67.
Demoly P, Messaad D, Sahla H, et al. Allergie aux antibiotiques. OPA
Pratique. 1999 124.

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