Michael Fisch, Werke und Freuden. Michel Foucault

Transcription

Michael Fisch, Werke und Freuden. Michel Foucault
Francia­Recensio 2015/4
19./20. Jahrhundert – Histoire contemporaine
Michael Fisch, Werke und Freuden. Michel Foucault – eine Biografie, Bielefeld (transcript) 2011, 576 S. (Edition Moderne Postmoderne), ISBN 978­3­8376­
1900­3, EUR 19,99.
rezensiert von/compte rendu rédigé par
Christina Reimann, Berlin
Après avoir publié, en 2008, une bibliographie des ouvrages de Michel Foucault traduits en allemand, le germaniste Michael Fisch présente, en 2011, une biographie de ce même penseur. La publication des »Dits et Écrits« en 1994 permettrait, nous dit l’auteur dans la préface, de parvenir à une nouvelle interprétation de la vie et l’œuvre de Michel Foucault et montrerait qu’une biographie se doit d’être une description de l’œuvre. Le titre »Werke und Freuden« (Œuvres et joies), traduit cette priorité. Concernant la pertinence philosophique de l’interprétation proposée de Foucault, nous renvoyons aux critiques déjà parues1. Nous chercherons plutôt à évaluer dans quelle mesure Fisch réussit à contextualiser l’œuvre foucaldienne – procédé essentiel pour le genre biographique – et à rendre plus palpable pour une non­spécialiste ce penseur extrêmement complexe qui, de surcroît, représente une référence incontournable dans la discipline historique.
Pour contextualiser l’œuvre de Foucault, Fisch se sert de quatre moyens: il adopte une perspective chronologique; présente les auteurs que lisait ou fréquentait Foucault; traite de ses relations amicales, amoureuses et autres; et s’intéresse à son militantisme. Les grands chapitres du livre divisent la vie du penseur en cinq phases en s’orientant selon les grands thèmes de son œuvre: la subjectivité, l’historicité, le savoir, la déviance et la gouvernementalité.
La structure chronologique se voit, pourtant, constamment interrompue. Même si les sauts chronologiques nuisent à la cohérence du récit, ils peuvent se comprendre s’ils servent à anticiper une évolution ultérieure de la pensée foucaldienne. Leur intérêt est moins évident et le va­et­vient chronologique est réellement perturbant quand il intervient au cours de la narration d’une phase de la vie du penseur. La présentation des étapes de la vie de Foucault, de ses activités – par exemple ses voyages ou rencontres – et des fonctions qu’il a occupées se lit, quant à elle, comme une simple énumération de faits et d’événements. Au lieu d’arriver à une articulation entre la vie et l’œuvre, celles­ci paraissent comme juxtaposées. La maladresse qui caractérise le processus de contextualisation dans cette biographie est aussi illustrée par le fait que Fisch consacre de longues pages à l’histoire politique de la Tunisie et à la révolution iranienne, alors qu’il n’accorde qu’une Philipp Sarasin, recension du 30/12/2011 dans: Süddeutsche Zeitung, accessible via https://www.perlentaucher.de/buch/michael­fisch/werke­und­freuden.html; Martin Kindtner, recension dans: sehepunkte 12 (2012), http://www.sehepunkte.de
/2012/01/20570.html; Philippe Kellermann, recension du 06/03/2012 dans: Rechter Terror und »Extremismus« (15), accessible via http://www.kritisch­
lesen.de/rezension/eine­biografie­als­eigentor, toutes consultées le 19/08/2015.
1
Lizenzhinweis: Dieser Beitrag unterliegt der Creative­Commons­Lizenz Namensnennung­Keine kommerzielle Nutzung­Keine Bearbeitung (CC­BY­NC­ND), darf also unter diesen Bedingungen elektronisch benutzt, übermittelt, ausgedruckt und zum Download bereitgestellt werden. Den Text der Lizenz erreichen Sie hier: https://creativecommons.org/licenses/by­nc­nd/4.0/
phrase à la guerre d’Algérie (p. 99). Que la situation de l’œuvre de Foucault dans la philosophie importe plus à l’auteur que son ancrage dans le contexte historique – la personne militante que fut Michel Foucault n’apparaissant qu’à la marge – se voit d’après la sous­structure des chapitres. Celle­ci suit les auteurs philosophes, littéraires, scientifiques ou autres dont la lecture ou l’amitié eut un impact sur la pensée foucaldienne. Ce travail de mise en perspective qui donne aussi une idée de la genèse de l’œuvre de Foucault représente un des points forts de cette biographie. Les analyses de la lecture faite par Foucault de Nietzsche, Heidegger et Althusser sont tout à fait éclairantes. Que la philosophie de Kant marque profondément la pensée de Foucault et qu’elle l’inspire pour reformuler les notions de »raison«, »Aufklärung/Lumières« et »critique« (p. 125) est une des remarques pertinentes de l’ouvrage. Tout aussi intéressant est le chapitre sur Jean Hyppolite, professeur et prédécesseur de Foucault au Collège de France, et qui par ses traductions de Hegel l’introduisit à la philosophie dialectique que Foucault essaiera de dépasser. La raison pour laquelle Fisch ajoute plus loin un chapitre intitulé »Georg Wilhelm Friedrich Hegel«, qui reprend certains aspects mentionnés auparavant, reste peu claire. Cette remarque comporte deux points de critique qui peuvent être généralisés. D’abord, les présentations des théories qui lui ont servi de »compagnes de routes« – de même que les exégèses de la pensée foucaldienne – manquent d’esprit de synthèse. En témoigne la description du mythe d’Œdipe s’étendant sur quatorze pages. Étonnamment, le passage est introduit par des remarques sur l’œuvre de Sigmund Freud alors qu’un chapitre intitulé »Sigmud Freud« lui succède. On y trouve le deuxième point de critique, à savoir les répétitions qui résultent de la superposition d’une structure thématique à un ordre chronologique. Ce problème est illustré par l’exemple de Jean­Paul Sartre auquel est consacré – choix tout à fait légitime – le chapitre sur l’année 1968, alors que l’opposition entre la philosophie existentialiste et le concept de subjectivité de Foucault est discuté avant et après ce chapitre. Défendant Foucault contre toute critique, Fisch insiste sur le fait que celui­ci revient constamment sur ses propres termes de sorte que sa pensée reste fluide. L’auteur dispose d’une connaissance détaillée, certainement impressionnante de cette œuvre ainsi que de la littérature secondaire. Cette connaissance lui permet de fonder son argumentation sur un éventail très large de citations et de références. Pourtant, la sélection et la conjonction des citations ne sont pas toujours très convaincantes, au point de paraître éclectiques voire arbitraires. À cela s’ajoute le fait qu’elles ne peuvent pas être repérées à l’aide de notes de bas de page; l’appareil critique se trouvant en fin de volume – qui est d’une épaisseur considérable –, suivre une référence jusqu’au bout est très peu commode. C’est ainsi que la bibliographie très riche finit par être peu utilisée, ce qui est réellement dommage parce que la force du travail de Fisch consiste en sa connaissance approfondie de la Lizenzhinweis: Dieser Beitrag unterliegt der Creative­Commons­Lizenz Namensnennung­Keine kommerzielle Nutzung­Keine Bearbeitung (CC­BY­NC­ND), darf also unter diesen Bedingungen elektronisch benutzt, übermittelt, ausgedruckt und zum Download bereitgestellt werden. Den Text der Lizenz erreichen Sie hier: https://creativecommons.org/licenses/by­nc­nd/4.0/
littérature sur Foucault.
Encore plus dérangeant pour la lecture est le fait que »Werke und Freuden« n’a apparemment pas bénéficié d’un lectorat attentif. Il en résulte de nombreuses répétitions, parfois littérales, de phrases entières ainsi que des phrases insignifiantes (p. ex. »Jean­Paul Sartre ist knapp über vierzig Jahre alt, und Georges Bataille gründet die Zeitschrift Critique.«, p. 40). Le plus problématique dans le style d’écriture généralement chaotique est l’absence de liaisons logiques et explicatives entre les paragraphes. De cette omission résulte une succession d’informations parfois disparates et fait qu’il est difficile d’entrevoir le sens que Fisch entend donner à la vie et l’œuvre de Michel Foucault.
En effet, l’auteur ne réussit pas à déduire des exégèses ponctuelles – redondantes à bien des égards – une interprétation globale. S’il est certes légitime de vouloir s’abstenir d’une telle tentative, il serait du moins nécessaire de s’en expliquer. Autrement, le texte apparaît comme dépourvu d’intention et de fil de narration. Que Fisch omette de fournir une conclusion ou un résumé de ce qu’il a développé sur 438 pages renforce l’impression que cette biographie est censée »tout dire« sur l’œuvre de Foucault sans pour autant en proposer une lecture spécifique ou une tentative d’explication.
Lizenzhinweis: Dieser Beitrag unterliegt der Creative­Commons­Lizenz Namensnennung­Keine kommerzielle Nutzung­Keine Bearbeitung (CC­BY­NC­ND), darf also unter diesen Bedingungen elektronisch benutzt, übermittelt, ausgedruckt und zum Download bereitgestellt werden. Den Text der Lizenz erreichen Sie hier: https://creativecommons.org/licenses/by­nc­nd/4.0/