SAVOIR et POUVOIR DANS Le CHAMP SCOLAIRe
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SAVOIR et POUVOIR DANS Le CHAMP SCOLAIRe
SAVOIR et POUVOIR DANS LE CHAMP SCOLAIRE par Alain Courbis Un déplacement du discours du maître traditionnel à celui du maître moderne s’est opéré : « Désormais, le discours contemporain du maître prend ses assises du savoir mis en position de semblant absolu »1qu’il décline en savoir « chiffré, numérique ». Une cartographie pourrait être établie des différents lieux où cette passion du chiffrage se déploie. Le champ de l’éducation et de la pédagogie ne s’en exempte nullement. De fait, la sanction des connaissances par les notes prend place dans l’univers scolaire comme véritable « rituel », au même titre que la punition indexe tout écart à la règle. En effet, dès le XVIIIe siècle, savoir et assujettissement sont intimement liés quand se met en place alors une « société de surveillance »2 et de normalisation. Dès la naissance de l’école, par le biais de l’apprentissage du savoir et de la science pédagogique qui élabore un savoir sur l’enfant, il s’agira d’opérer un « dressage » du sujet scolarisé qui se constitue selon M. Foucault selon quatre paramètres spécifiques : un « art des répartitions » de l’espace scolaire, une division du temps qui porte en elle une division des savoirs auquel l’enfant est soumis et une égale soumission au regard contrôleur du maître. Quant au binôme sanction / punition, il se trouve noué à l’examen qui, lui, hiérarchise, et il s’inscrit dans l’articulation savoir - pouvoir que Michel Foucault repère au cœur de l’acte pédagogique. Ainsi, par ce biais, se constituent, se lient et se légitiment une « certaine forme d’exercice du pouvoir » avec un « certain type de formation du savoir ».3 Dès lors, dans le système éducatif où se nouent pouvoir et fabrication des savoirs, sera dévolue au pédagogue, gardien de la norme, la responsabilité de la transmission du savoir conforme en cela à la raison pédagogique d’ « apprendre à l’ignorant ce qu’il ne sait pas »4. Subvertissant radicalement les perspectives de la pratique pédagogique ordinaire, J. Rancière5 promeut la « vertu d’ignorance » des maîtres, postulant la possibilité pour ceux-ci d’enseigner ce qu’ils ne savent pas et pour les ignorants celle d’apprendre seuls sans maître pour leur expliquer. Dans cette optique, le maître ignorant- enseignant deviendrait alors celui qui 1 Miller J.-A., « Notre sujet supposé savoir », La Lettre mensuelle, n°254, p.4. 2 Foucault M., Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975. 3 Filloux J.C., « Étude critique : Michel Foucault et l’éducation », Revue française de pédagogie n° 99, avril, mai, juin 1992, pp.115 /120. 4 Rancière J., Conférence inédite du 1/11/2004. 5 Rancière J., Le maître ignorant, Fayard, Paris, 1987. serait « cause de savoir »6 pour un autre, provocateur de savoir –pourrait-on dire- sans transmettre aucun savoir. Aussi, cette interrogation sur ce que « savoir », « enseigner », « apprendre », veulent dire porte-t-elle en germe la critique du statut du savoir normatif, objet de pouvoir « habillé en savoir », savoir prescrit voire imposé, alors que dans le même mouvement est méconnu par le maître « explicateur » le savoir singulier dont le sujet dispose. Ici, à la préoccupation du philosophe fait écho le questionnement du psychanalyste confronté aux effets symptomatiques d’un savoir scolaire à prétention universelle et qui, « connecté au signifiant- maître visant à discipliner, ennuie ». L’ennui apparaît en effet comme la réponse des sujets qui peinent à faire reconnaître par l’Autre l’irréductible du « trait subjectif », élèves à la recherche d’un savoir vivant lié à la pulsion et « branché sur l’objet qui palpite : la libido ». 6 Rancière J., idem. Retour au site