Marc Meneau - Bourgogne Aujourd`hui
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Marc Meneau - Bourgogne Aujourd`hui
Gastronomie Marc Meneau Un tournant Homme de contrastes, Marc Meneau, chef trois macarons à Saint-Père-Sous-Vézelay traverse une difficile passe financière. L’occasion de revenir sur un métier qui ne sera plus jamais comme avant et sur un grand cuisinier à un tournant de sa vie… Marc Meneau en discussion avec Jean-Pierre Colinot, vigneron à Irancy. 72 • Bourgogne Aujourd’hui 72 “ J e me lève le matin sans avoir envie de me lever et je me couche le soir sans avoir envie de me coucher.” Hautain et arrogant pour les uns, sensible et affectif pour les autres, Marc Meneau promène tous ses contrastes. Derrière cette double carapace, l’homme ne laisse rien apparaître. Il protège ses émotions, gère ses sentiments, contrôle sa révolte. Parce qu’il est un animateur de vie, un marchand de bonheur, le chef étoilé de Saint-Père puise, dans le plaisir affiché par ses clients, l’énergie nécessaire pour repartir de l’avant. Pourtant, rien ne lui a été épargné ces dernières années. Il commençait juste à savourer cette troisième étoile au Michelin, retrouvée à force de persévérance et forcément de talent qu’une nouvelle contrariété l’atteignait. Là, c’est un problème de trésorerie qui l’a amené à passer par la case “tribunal de commerce”, dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire. Un accident de parcours qui a touché autant la fierté que le portefeuille de ce cuisinier philosophe. “La cuisine a au moins fait que je suis riche de moi”, constate-t-il sans amertume. Pour autant Marc Meneau sait bien que plus rien ne sera comme avant. Parce que les grands cuisiniers chefs d’entreprises n’ont plus les moyens de supporter, seuls, le coût de leurs maisons. Parce que leurs produits de luxe se commercialisent plus difficilement dans un écrin de verdure, fût-il au pied de la basilique de Vézelay, que place de la Madeleine à Paris ou place du Casino à Monaco. “La cuisine des palaces et de certains Relais et Châteaux est déjà régie par de grands groupes financiers. Le sponsoring, le mécénat, c’est la seule façon de s’en sortir pour “Le sponsoring, le mécénat, c’est la seule façon de s’en sortir pour des établissements comme les nôtres qui appartiennent au patrimoine culinaire français.” des établissements comme les nôtres qui appartiennent au patrimoine culinaire français”, plaide Marc Meneau. Et de rappeler qu’à la Renaissance il y avait bien des mécènes pour l’art. Alors pourquoi pas, aujourd’hui, pour la grande cuisine, activité artistique par excellence ? Le chef de l’Espérance trouve aussi, dans l’évolution de la société, des explications aux difficultés rencontrées par la profession. “Il y a quinze ans, j’avais le double de clients venant d’Auxerre que d’Avallon. Aujourd’hui, c’est l’inverse, parce que bon nombre de ceux qui viennent d’Auxerre restent coucher, ce qui ne représente pas le même budget. Or, si je garde des chambres abordables, je ne vais pas les vendre à la clientèle de luxe. C’est un constat qui plombe nos entreprises. Comme la réglementation sur l’alcool. Les gens ont pris l’habitude de moins consommer. La bouteille d’eau demande le même travail au serveur que la bouteille de montrachet sans procurer la même recette.” “On se bat pour survivre ici, mais on n’est pas aidé”, constate encore Marc Meneau, ulcéré autant par le manque d’investissements dans le tourisme que par l’absence de réglementation pour les chambres d’hôtes ou les hésitations de la clientèle locale. “Nous devrions davantage être considérés comme des acteurs de la vie économique que comme des commerçants”, renchérit-il. Acteur ! C’est sans doute le qualificatif qui colle le mieux au personnage Marc Meneau, autant attaché à l’esthétisme des lieux qu’à l’excellence des produits. Sa scène à lui c’est l’Espérance où la cuisine doit être ludique et le service joyeux. “On écrit des spectacles différents chaque jour. Avec mes équipes, j’ai l’impression de faire du catéchisme en transmettant mes expériences et mes folies, sans jamais exclure la rigueur.” Acteur, animateur, mais aussi bouffon, le cuisinier se plait à rappeler qu’il se produit à Saint-Père comme quelqu’un qui a quarante ans d’apprentissage derrière lui et qui connaît quelques formules toutes simples pour remémorer les goûts oubliés. Son souci aujourd’hui, c’est bien de transmettre son patrimoine culinaire et les murs qui vont avec. Trouver des investisseurs intéressés par un lieu mythique au pied de la basilique, à condition de continuer à jouer la partition devant les convives. “Libéré ainsi des contraintes de gestion, un chef ne peut que s’épanouir”, constate Marc Meneau. Et ajouter un peu de piquant dans ses saveurs ? ■ Gérard Delorme Photographies : Lionel Georgeot Le fantasme du goût Si l'huître creuse en gelée d'eau de mer et le cromesquis fourré de foie gras restent deux belles signatures de Marc Meneau, on connaît sans doute moins l'attachement du cuisinier à tout ce qui concerne le goût. C'est avec le goût des produits qu'il va restituer une sensation, une émotion, un souvenir d'enfance. Deux exemples tout simples, que l'on trouve sur sa carte, pour illustrer cette approche gustative à remonter le temps. D'abord, le vol au vent de ris et rognons de veau que chacun d'entre nous a pu déguster lors des repas de famille sous le nom de bouchée à la reine. Et puis cet œuf de poule à la florentine, un œuf poché avec des épinards et du parmesan râpé que l'on servait autrefois comme plat de jour maigre. Autant de saveurs ancrées dans les mémoires que le chef remet au goût du jour sur sa table “3 étoiles”. Bourgogne Aujourd’hui 72 • 73