mag RFOP_v4-N1_01-2009
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Génétique ■ Agnès BLOCH-ZUPAN(1,2,3) Jean-Yves SIRE(4) Canines et génétique : mythe ou réalité ! Canines and genetics: myth or reality! Résumé Summary On trouve l'origine des mammifères (et des canines) il y a plus de 300 millions d'années. La présence, la forme et la taille de cette dent varient selon les espèces animales. Ainsi, chez l'homme, la canine est considérée comme une des pierres angulaires de l’arcade dentaire. Elle est associée assez rarement au tableau clinique des anomalies dentaires dites isolées (agénésies, dent surnuméraire, formation double, dens in dente, transposition…) ou rencontrées dans les maladies génétiques (les dysplasies ectodermiques, le syndrome de Nance Horan, le syndrome oculo-faciocardio-dentaire, le syndrome otodental, la lobodontie…) et ceci, soit au titre de son partage des mécanismes moléculaires contrôlant le développement dentaire en général, soit en rapport avec des perturbations de processus de développement qui lui sont spécifiques. Mammals (and canines) origin traces 300 millions of years ago. The presence, shape and size of this tooth vary between animal species. In human, canine is considered the angular stone of the dental arch. It is rarely associated to the clinical synopsis of dental anomalies encountered either in isolation (agenesis, supernumerary tooth, double teeth, dens in dente, transposition…) or associated with other traits in genetic diseases (ectodermal dysplasias, Nance Horan syndrome, oculo-facio-cardio-dental syndrome, otodental syndrome, lobodontia…) and this is either due to modifications of the common molecular mechanisms shared during dental development or related to disturbances within specific developmental processes. (1) Faculté de Chirurgie Dentaire, Université Louis Pasteur ; Centre de référence des manifestations odontologiques des maladies rares, Service de Soins Bucco-Dentaires, Centre Hospitalier Universitaire, Strasbourg (2) IGBMC (Institut de Génétique et de Biologie Moléculaire et Cellulaire), Département Génétique et Physiologie; Inserm, U596; CNRS, UMR7104, 67400 Illkirch, France. (3) Référence de l’article : BLOCH-ZUPAN A. - SIRE J.-Y. Canines et génétique : mythe ou réalité ! Rev. Francoph. Odontol. Pediatr. 2009 ; 4 (1) : 41-46 Eastman Dental Institute, Institute of Child Health, University College London, UK. (4) Mots clés : Canine ; dent ; évolution ; génétique ; anomalies dentaires ; syndrome. Key-words: Canine; tooth; evolution; genetics; dental anomalies; syndrome. Correspondance : Docteur Agnès Bloch-Zupan - [email protected] Tél. +33 (0)3 90 24 38 87 ou 39 19 - Fax : +33 (0)3 90 24 39 00 Faculté de Chirurgie Dentaire de Strasbourg - Université Louis Pasteur - 1 place de l'Hôpital - F-67000 Strasbourg Cedex Nº1 2009 | 41 | Volume 04 Université Pierre & Marie Curie - Paris 6, UMR 7138, Equipe "Evolution et développement du squelette". Agnès Bloch-Zupan et Jean-Yves Sire — Canines et génétique : mythe ou réalité ! Les canines (ou dents de l'œil), dents monocuspidées monoradiculées, placées en arrière des incisives, sont souvent considérées chez l’homme comme les pierres angulaires de l’arcade dentaire. Leur rôle est primordial dans l'occlusion, lors des mouvements de mastication. Ce sont elles qui prennent en charge les forces dans les mouvements de latéralité ; elles doivent entraîner la désocclusion des autres dents. Destinées à déchiqueter et transpercer les aliments, elles sont par excellence des dents de préhension soutenues par un ancrage solide représenté par une racine longue. Elles sont également un témoin d’un dysmorphisme sexuel qui fait de la canine un élément d’identification entre mâles et femelles. Le mot “canine” n'est utilisé que pour les mammifères. On peut trouver une définition satisfaisante de cette dent chez C.-S. Tomes [1] : “La définition la plus proche est celle qui décrit la canine supérieure comme étant la première dent située en arrière de la suture entre le premaxillaire et le maxillaire, à condition qu'elle n'en soit pas trop éloignée; la canine inférieure étant la dent qui est en face de la canine supérieure” (traduit de l'anglais). Chez les nonmammaliens, certaines dents sont parfois définies comme étant caniniformes, mais cette terminologie n'est utilisée que par analogie avec la forme (dents simples et coniques (= haplodontes) des reptiles, amphibiens…). Très souvent ces dents sont nombreuses et toutes semblables (homodontes). Elles ne sont pas homologues des canines des mammifères. Chez certains mammifères, il est possible de trouver ce type de dents haplodontes et homodontes, comme par exemple chez les odontocètes (dauphins…). Dans ce cas, il s'agit d'un retour vers une condition homodonte à partir d'ancêtres chez lesquels la dentition était hétérodonte (c'est-à-dire une denture composée de dents de différentes formes aptes à remplir plusieurs fonctions, e.g., chez l'homme). On trouve l'origine des mammifères (et des canines) chez les synapsides, un groupe d'amniotes qui s'est séparé des reptiles il y a plus de 300 millions d'années. Ceux-ci, comme la plupart des reptiles, avaient conservé une dentition polyphyodonte (plusieurs générations de dents) mais ils possédaient déjà une dent caniniforme hypertrophiée qui séparait deux groupes de dents homodontes, les pré-canines et les post-canines. Les premiers mammifères se sont différenciés d'un groupe de synapsides qui vivaient à la fin du Trias, début du Jurassique (il y a environ 220 millions d'années). Ils avaient une petite taille, étaient insectivores ou omnivores et possédaient déjà une denture hétérodonte (incisives, canines et post-canines: prémolaires et molaires) [2]. Au cours de l'évolution, cette hétérodontie a été conservée et les différents types de dents ont montré Nº1 2009 un grand degré d'indépendance évolutive, ce qui suggère fortement des différences dans les mécanismes génétiques sous-jacents. Malheureusement, les modèles d'étude préférés des généticiens du développement étant des rongeurs (qui ne possèdent pas de canines), nous ne disposons pas d'information sur des différences potentielles dans les combinaisons de l'expression des divers gènes impliqués dans la mise en place des canines. Dans les systèmes hétérodontes, les canines (à ne pas confondre avec les dents dites carnassières, qui sont en général des prémolaires) ont une couronne simple et une seule racine, même si parfois deux racines étaient présentes chez les premiers mammifères. Elles sont très développées chez les carnivores, et beaucoup moins (voire parfois absentes) chez les herbivores… ou bien elles jouent un rôle différent. Leur taille et la forme de leur couronne sont fortement corrélées au régime alimentaire. Dans différents grands groupes de mammifères, certaines espèces n'ont pas de canines, mais très souvent on observe, dans les régions correspondantes, des bourgeons dentaires qui régressent avant la naissance. C'est le cas de l'ornithorynque (monotrème), du tatou et du paresseux (xénarthres) et de divers herbivores. Les marsupiaux herbivores (kangourou) n'ont pas de canines, les insectivores ont des canines (parfois peu développées). Chez le cheval, le mâle a des canines ayant la forme d'incisives, alors que, chez la jument, elles font rarement éruption (restent dans l'alvéole). Chez le bœuf, la canine est présente seulement sur la mâchoire inférieure. Chez le porc, les canines sont hypertrophiées (et à croissance continue). Les éléphants n'ont pas de canines, les rongeurs non plus. Ces pertes répétées des canines au cours de l'évolution, et indépendamment dans différentes lignées de mammifères, illustrent bien que le développement de ce type de dent est sous le contrôle de gènes (ou de combinaisons de gènes) différents comme le sont aussi les incisives et les prémolaires/molaires. Des études récentes chez la souris ont permis d'émettre l'hypothèse de l'existence d'un code (“homeobox code”) qui permettrait une partition des mâchoires en différents champs (incisives versus molaires), par l'intermédiaire de l'expression de divers gènes à homéoboite divergents comme les facteurs de transcription suivants : Dlx1, 2, 5,6 ; Msx1,2 ; Barx1, etc. et/ou de leur combinaison [3,4]. Ainsi, chez l'homme, la canine est associée au tableau clinique des anomalies dentaires rencontrées dans les maladies génétiques, soit au titre de son partage des mécanismes moléculaires contrôlant le développement dentaire en général, soit en rapport avec des perturbations de processus de développement qui lui sont spécifiques. | 42 | Volume 04 Agnès Bloch-Zupan et Jean-Yves Sire — Canines et génétique : mythe ou réalité ! Le développement dentaire suit des étapes spatiotemporelles bien définies, classiquement divisées en différents stades : lame dentaire, bourgeon, capuchon, cloche, formation radiculaire et éruption. Ces diverses étapes de l'odontogenèse sont controlées par des interactions épithélio-mésenchymateuses à médiation matricielle, entre l’ectoderme du premier arc branchial et des cellules ectomésenchymateuses originaires des crêtes neurales céphaliques [5-9]. Ces dernières contribuent tout d'abord à la formation du mésenchyme dentaire, puis elles se différencient pour donner différents types de cellules de la pulpe dentaire, les odontoblastes (responsables de la synthèse et du dépôt de la matrice dentinaire), les cellules formant le cément et le parodonte [10,11]. La morphogenèse dentaire, comme le développement embryonnaire en général, est sous contrôle génétique strict. Depuis quelques années, de nombreux gènes, codant pour des protéines impliquées (comme molécules de régulation ou de structure) dans l’odontogenèse ont été identifiés. Plus de 300 gènes sont à ce jour (et il s'en ajoute régulièrement à la liste) répertoriés dans une base de données, créée par Pekka Nieminen de l’Université d’Helsinki, illustrant, entre autre, leurs patrons d’expression aux différents stades du développement dentaire (http://bite-it.helsinki.fi). Le même langage de communication cellulaire est utilisé au cours du développement embryonnaire en général, et dentaire en particulier, et celui-ci a été conservé au cours de l’évolution. Il comprend les molécules « signal » et facteurs de croissance (famille des Tgfb comprenant les Bmps, les activines, la follistatine ; les Fgfs ; hedgehog (seul sonic hedgehog shh joue un rôle au cours de l’odontogenèse); et les Wnts) [12-17]. Ces molécules transmettent leur message via diverses voies de signalisation qui font intervenir différents récepteurs situés à la surface des cellules et de nombreux effecteurs relayant le signal vers le noyau. Les facteurs de transcription activés par ces signaux, modulent ensuite l’expression de divers gènes cibles conduisant à une réponse cellulaire, soit en termes de différenciation de cellules non différenciées, soit pour la mise en œuvre de synthèse de protéines. Il est intéressant de noter que la plupart des gènes répertoriés dans la base de données Finlandaise interviennent dans la communication cellulaire et que des mutations de certains de ces gènes sont connues comme étant à l’origine d’anomalies dentaires [18]. Les anomalies dentaires d'origine génétique (certaines ne le sont pas et peuvent être liées à des maladies ou des facteurs environnementaux) sont nombreuses et très hétérogènes (grande variation) ; elles peuvent être regroupées en anomalies de nombre, de forme et de taille, en anomalies de structure, en anomalies de la racine et en anomalies de Nº1 2009 l’éruption/position, en fonction du stade de l'odontogenèse (morphogenèse, différenciation) auquel intervient la molécule mutée [8,18-21]. Les anomalies de nombre par défaut regroupent les agénésies ou hypodonties (≤ 6 dents permanentes manquantes), les oligodonties et les anodonties [22] ; elles sont associées à des perturbations des mécanismes régulant le patron de la dentition ou les tout premiers stades du développement dentaire (par exemple le passage du stade de bourgeon au capuchon). L’agénésie des canines est un événement rare (0,3 % pour la canine maxillaire permanente et 0,1 % pour la canine mandibulaire) si on la compare avec la fréquence moyenne des agénésies dentaire (comme par exemple dans la population caucasienne: entre 3 et 7,5 % selon les auteurs [23]). Quelques agénésies de canines isolées en dehors de tout contexte syndromique, sont décrites dans la littérature [24,25]. L'absence de canines se trouve aussi associée au tableau clinique des dysplasies ectodermiques (fig. 1a). Ces maladies rares affectent les phanères (cheveux, ongles) et incluent dans leur tableau clinique des agénésies dentaires multiples, ou oligodonties, voire des anodonties [26-29]. Elles sont liées à des mutations de protéines impliquées dans la formation des placodes ectodermiques, qui sont des épaississements de l’épithélium dentaire au niveau des sites de formation de chaque famille de dents. De telles placodes initient le développement de tous les organes dont la formation nécessite des intéractions épithélio-mésenchymateuses [14,30] tels que les cheveux, les ongles et les glandes mammaires, salivaires, sudoripares et sébacées. Les molécules « signal » des voies de signalisation majeures citées plus haut contrôlent le développement des placodes. Des mutations dans des gènes codant pour certaines molécules de ces voies comme celles de la voie de signalisation TNF (tumour necrosis factor)/ NF-kappaB, ou le protooncogène p63, sont responsables de l’apparition de ces dysplasies ectodermiques. Les anomalies de nombre par excès conduisant à des canines surnuméraires [31-33] sont rares. On peut citer, par exemple, le syndrome de Nance Horan (gène NHS, chr. Xp22.13, OMIM #302350, transmission semi-dominante liée à l’X) conjuguant cataracte congénitale avec microcornée, anomalies dentaires (agénésies, incisives en tournevis, canines et molaires globuleuses, dents surnuméraires, dents incluses; fig. 1b,c) et dysmorphie faciale [34-39]. Les anomalies dentaires de forme et de taille des canines sont retrouvées dans les formations doubles et dans quelques syndromes. Les formations doubles sont plus fréquentes en denture temporaire (0,2-0,7 %) qu’en denture permanente (e.g., ≤ 0,2% [23] dans une population caucasienne). | 43 | Volume 04 Agnès Bloch-Zupan et Jean-Yves Sire — Canines et génétique : mythe ou réalité ! Elles sont plus fréquentes chez les asiatiques (1,52 % en denture temporaire en Chine pour R.-B. Cheng, X. Chen & coll. [40]). Les formations doubles, généralement unilatérales, associant incisives latérales et canines sont surtout retrouvées à la mandibule. Quelques cas rares sont décrits où cette anomalie est bilatérale [41]. ■ Les dens in dente (i.e., l'invagination de l'organe de l'émail dans la papille dentaire) peuvent parfois concerner les canines temporaires ou permanentes, mandibulaires ou maxillaires, mais ceci est extrêmement rare [42-44,45,46-48] (fig. 1d). Les dents les plus souvent impliquées étant les incisives latérales permanentes (1,2 à 6,6 %) ou centrales (0,6 %). ■ Le syndrome oculo-facio-cardio-dentaire OFCD, OMIM #300166, [49-53], transmis selon le mode dominant lié à l’X, qui est létal chez le garçon, présente dans son tableau clinique des cataractes congénitales et une anomalie dentaire rare: la radiculomégalie de la canine, caractéristique de cette maladie génétique. Sont retrouvés également une dysmorphie faciale avec un visage étroit, un nez pointu à extrémité bifide, un philtrum long; une microphtalmie, une fente palatine chez 50 % des individus atteints; des anomalies cardiaques variées; des anomalies des membres et extrémités comme la syndactylie. La canine présente une dent à croissance continue et n’achève sa longue édification radiculaire qu’à l’âge adulte, allant parfois jusqu’à l’orbite. D’autres anomalies dentaires peuvent également être présentes (oligodontie, persistance de dents temporaires, dents surnuméraires, formation double, éruption retardée). Le gène BCOR, BCL6 co-repressor, (chr. Xp11.4), codant pour un répresseur transcriptionnel, est responsable de ce syndrome. ■ Le syndrome otodental [54-60] OMIM %166750, transmis selon le mode autosomique dominant, affecte l’audition, la vision et le développement dentaire. Il est la conséquence de mutations du gène codant pour FGF3 (chr. 11q13). Le phénotype dentaire est remarquable et unique; il inclut à la fois des anomalies de nombre (agénésie de prémolaires), de forme (molaires de grande taille, taurodontisme), et de structure (hypoplasies de l’émail). Les incisives sont peu ou pas touchées, mais les canines temporaires et permanentes ont des couronnes élargies, bulbeuses et malformées, avec de nombreux lobules (fig. 1e). Parmi les troubles de l’éruption/résorption, mentionnons les canines en tant que dents natales [61], la perte précoce des incisives et canines, et d’autres dents en fonction du taux d’activité résiduelle de la phosphatase alcaline dans l’hypophosphatasie [62-64]. Les troubles de l’éruption concernant les canines sont l’éruption palatine et les transpositions. Parmi les transpositions, celle, unilatérale, concernant la canine maxillaire et la première prémolaire est la plus fréquente (fig. 1f) ; Nº1 2009 Fig. 1 : Canines et anomalies dentaires de nombre (a,b,c), de forme/taille (d,e), d’éruption (f). Canines and anomalies of teeth number (a,b,c), shape/size (d,e), and eruption (f). a : Oligodontie avec l’agénésie de 21 dents permanentes 18, 16, 15, 14, 13, 12, 22, 23, 24, 25, 26, 28, 48, 46, 43, 42, 41, 31, 32, 36, 38 dont 13, 23, 43. Oligodontia with 21 permanent missing teeth 18, 16, 15, 14, 13, 12, 22, 23, 24, 25, 26, 28, 48, 46, 43, 42, 41, 31, 32, 36, 38 including 13, 23, 43. b & c : Multiples anomalies dentaires chez un fils (b) atteint du syndrome de Nance Horan et sa mère (c), hétérozygote. Notez en particulier les incisives en tournevis, les cinguli hyperdéveloppés, les molaires à couronnes arrondies et racines longues et fines ainsi que les canines surnuméraires et incluses. Les anomalies retrouvées chez la mère sont beaucoup plus discrètes. Multiple dental anomalies in a son (b) with Nance Horan syndrome and his heterozygous mother (c). Notice screwdriver shape upper incisors, pronounced cinguli, rounded molars with long and thin roots as well as included supernumerary permanent canines. The mother displays milder anomalies. d : Une canine permanente maxillaire présentant un dens in dente. A permanent maxillary canine with dens in dente. e : Canine permanente globulaire et élargie (globodonte) dans le syndrome otodental. Globular enlarged permanent upper canine (globodont) in otodental syndrome. f : Transposition canine (13)/ prémolaire (14). Canine (13) versus premolar (14) transposition. | 44 | Volume 04 Agnès Bloch-Zupan et Jean-Yves Sire — Canines et génétique : mythe ou réalité ! elle est souvent associée à d’autres anomalies dentaires comme l’hypodontie, les incisives latérales riziformes, et s’explique sans doute par des causes multifactorielles à la fois génétiques et environnementales [65]. D’autres transpositions ont été décrites: canine maxillaire, incisive latérale ; canine maxillaire, première molaire ; canine maxillaire, incisive centrale; canine mandibulaire, incisive latérale [66]. Des causes locales favorisent l’éruption des canines dans des sites atypiques. Un syndrome reproduisant une morphologie de canine sur plusieurs dents dont les prémolaires tire son nom « Lobodontia » du loup dont il reproduit ainsi grossièrement la denture [56,67,68]. Œil pour œil et dent pour dent replacent la canine ou dent de l’œil au panthéon de l’agressivité et… des syndromes alliant anomalies oculaires et dentaires. La rareté des anomalies dentaires concernant le champ canine fait état d’une grande stabilité et de l’importance de cette dent chez l'homme. La forme de la canine est intimement liée à sa position sur l'arcade mais, jusqu'à présent, sa mise en place spécifique, dans le cadre général du patron de la dentition, n'a pas reçu d'explication satisfaisante par les études génétiques. Alors que nous connaissons maintenant de très nombreux gènes codant pour des protéines impliquées dans le développement dentaire, il n'y a pas de molécule, qui interviendrait à un stade précoce du développement dentaire, qui se soit révélée être un bon candidat pouvant expliquer cette spécificité, même si de nombreux indices (perte de canines au cours de l'évolution ou diverses perturbations affectant les canines lors de maladies génétiques) suggèrent une telle spécificité. Si les recherches sur la dissection précise des processus mis en jeu dans l'odontogenèse en général doivent continuer à s'appuyer sur des études expérimentales menées chez les rongeurs, d'une part, et sur l'analyse moléculaire des mutations humaines, d'autre part, il nous paraît évident que d'autres modèles animaux que les rongeurs sont nécessaires si l'on veut étudier spécifiquement la canine. Nous pouvons penser par exemple à de petits carnivores (e.g., furet), des insectivores (e.g., musaraigne) ou des marsupiaux (e.g. opossum), chez lesquels les canines sont présentes. Nous avons maintenant très facilement accès, grâce au séquençage de nombreux génomes et aux progrès important des techniques de biologie moléculaires, à tous les gènes que l'on sait être impliqués dans l'odontogenèse des rongeurs ou de l'homme. Références 1 TOMES C.-S. A Manual of Dental Anatomy, Human and Comparative. Seventh ed. Philadelphia: P. Blakiston's Son and Company, 1914. 2 ROMER A.-S., PARSONS T.-S. 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A U S E RV I C E D E S P R AT I C I E N S , C H E R C H E U R S , É T U D I A N T S E N C H I R U R G I E D E N TA I R E E T P R O F E S S I O N N E L S D E S A N T É Seule banque francophone de données bibliographiques en odontologie-stomatologie fruit de la collaboration entre l’Association Dentaire Française, le Conseil National de l’Ordre et le Service Commun de la Documentation de l’Université Lille 2. www.bibliodent.com UNIVERSITÉ LILLE 2 DROIT ET SANTÉ Service commun de la documentation - Secteur Santé http://scd.univ-lille2.fr Vous êtes les bienvenus sur notre site, vos remarques nous aideront à améliorer encore nos prestations, pour mieux servir la profession. L’équipe BIBLIODENT Nº1 2009 | 46 | Volume 04